Réflexions au sujet du projet de loi « confortant les principes de la République »

Ce pro­jet de loi est pré­cé­dé d’un expo­sé des motifs. La loi contient 51 articles.

L’exposé des motifs

Cet expo­sé com­mence par l’affirmation : « La République est notre bien com­mun ». La forme de la socié­té (la République) devient la fin de la socié­té. La République n’a donc plus pour fin la vie ver­tueuse des citoyens, qui est le bien com­mun de la socié­té poli­tique, mais sa propre conser­va­tion. Il s’agit là d’une inver­sion des valeurs.

Nous pou­vons lire éga­le­ment que « la République demande une adhé­sion de tous les citoyens qui en com­posent le corps ». Ainsi, les citoyens doivent non seule­ment res­pec­ter la loi mais obli­ga­toi­re­ment par­ta­ger l’idéologie répu­bli­caine fon­dée sur les Droits de l’homme, ils n’ont plus la liber­té de dési­rer pour la France une autre forme de gou­ver­ne­ment. Ici, la République se pré­sente comme une reli­gion qui réclame l’adhésion et la foi de tous.

Le texte pointe les adver­saires de cet una­ni­misme répu­bli­cain : l’ « entrisme com­mu­nau­taire » qui « gan­grène len­te­ment les fon­de­ments de notre socié­té dans cer­tains ter­ri­toires » et qui est pour l’essentiel « d’inspiration isla­miste ». Le crime de cette volon­té de sépa­ra­tisme est bien iden­ti­fié : « faire pré­va­loir des normes reli­gieuses sur la loi com­mune que nous nous sommes libre­ment don­née ». Celui donc qui pré­tend qu’une loi divine ou une loi natu­relle pré­vaut sur la loi civile du moment est cou­pable de divi­ser la nation. On ne voit pas très bien en réa­li­té le lien entre la volon­té de sépa­ra­tisme, source de divi­sion, et l’affirmation que la loi divine, la loi éter­nelle non écrite défen­due par Antigone, pré­vaut sur la loi civile du moment. Comme le dit l’Ecriture Sainte : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes » (Actes V, 29).

Cette loi pré­tend donc lut­ter contre les « sépa­ra­tismes » dont celui de l’ « isla­misme radi­cal » mais en réa­li­té vise à impo­ser à tous l’idéologie répu­bli­caine et à limi­ter les liber­tés de ceux qui la refu­se­raient. Cette clé de lec­ture seule per­met de rendre compte de l’ensemble des dis­po­si­tions prévues.

On peut voir là une dérive tota­li­taire de la République qui limite la liber­té d’action de ceux qui ne par­ta­ge­raient pas les valeurs de la République, en par­ti­cu­lier sur la ques­tion de la volon­té géné­rale qui pré­tend n’être sou­mise à aucune norme supérieure.

La racine pro­fonde et der­nière des maux que nous déplo­rons dans la socié­té moderne est la néga­tion et le rejet d’une règle de mora­li­té uni­ver­selle, soit dans la vie indi­vi­duelle, soit dans la vie sociale et les rela­tions inter­na­tio­nales : c’est-à-dire la mécon­nais­sance et l’oubli de la loi natu­relle elle-même.

Pie XII, Summi Pontificatus (20 octobre 1939)

Les dispositions de la loi

Il ne s’agit pas là d’un exa­men exhaus­tif des 51 articles de loi, mais de quelques remarques sur les dis­po­si­tions qui nous concernent plus directement.

Le renforcement du contrôle de l’Etat sur la vie associative et les écoles

L’Etat pré­voit d’imposer un « contrat d’engagement répu­bli­cain », dont le texte n’est pas don­né, aux asso­cia­tions qui demandent des sub­ven­tions (article 6). Certaines asso­cia­tions « asser­men­tées » pour reprendre un terme révo­lu­tion­naire, pour­ront béné­fi­cier des aides publiques tan­dis que les « non-​jureuses » s’en ver­ront pri­vées. Elles sont encore tolé­rées pour l’instant.

« Toute asso­cia­tion qui sol­li­cite l’octroi d’une sub­ven­tion […] s’engage par un contrat d’engagement répu­bli­cain à res­pec­ter les prin­cipes de liber­té, d’égalité, notam­ment entre les femmes et les hommes, de fra­ter­ni­té, de res­pect de la digni­té de la per­sonne humaine et de sau­ve­garde de l’ordre public ».

Ce contrat devra éga­le­ment être signé par toute nou­velle asso­cia­tion deman­dant un agré­ment de l’Etat.

Ainsi l’Etat qui pré­lève des impôts sup­por­tés par tous les citoyens, sans dis­tinc­tion de reli­gion ou d’idées poli­tiques, ne le redis­tri­bue­ra qu’aux asso­cia­tions que se sou­mettent à son idéo­lo­gie. Il y a là une injus­tice comme celle que subissent les écoles indé­pen­dantes que l’Etat ne finance pas alors qu’il reçoit des impôts des parents qui en font le choix pour leurs enfants. En réa­li­té, l’Etat ne devrait pré­le­ver des impôts que pour assu­rer ses tâches réga­liennes et lais­ser les citoyens s’organiser pour finan­cer les asso­cia­tions et les œuvres qui cor­res­pondent à des besoins réels de la population.

L’Etat a dans un pre­mier temps confis­qué toutes les œuvres ali­men­tées par la cha­ri­té (édu­ca­tion, san­té, culture…), contrai­gnant tous les citoyens à les finan­cer, pour, dans un deuxième temps, n’accorder son aide qu’à ceux qui font allé­geance à l’idéologie des Droits de l’homme.

Le contrôle sur les écoles libres ne se relâche pas, sans doute pour évi­ter que des écoles indé­pen­dantes ne soient ten­tées de s’unir à l’Etat par contrat sans res­pec­ter tout ce que pré­voit cette mise sous tutelle de l’école. L’article 24 pré­voit pour les écoles sous-​contrat que « La pas­sa­tion du contrat est subor­don­née à la véri­fi­ca­tion de la capa­ci­té de l’établissement à dis­pen­ser un ensei­gne­ment conforme aux pro­grammes de l’enseignement public » (article 24).

Les dis­po­si­tions répres­sives contre les écoles indé­pen­dantes (hors-​contrat) sont ren­for­cées. En cas de man­que­ments rele­vés au cours d’une ins­pec­tion, le direc­teur qui ne fait pas ce qui lui est deman­dé pour­ra subir une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de 15 000 euros. Si des classes ou l’établissement font l’objet d’une mesure de fer­me­ture non res­pec­tée, les peines sont alors d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (article 23).

L’administration fis­cale contrô­le­ra plus atten­ti­ve­ment si les asso­cia­tions qui délivrent des reçus fis­caux à leurs dona­teurs ont un objet qui leur per­met d’agir ain­si. De plus, ces asso­cia­tions devront tous les ans indi­quer le mon­tant glo­bal des dons reçus ain­si que le nombre de docu­ments rédi­gés pour que les bien­fai­teurs puissent réduire le mon­tant de leur impôt sur le revenu.

De l’obligation d’instruction à l’obligation de scolarisation dans un établissement

Alors que les parents pou­vaient faire le choix de sco­la­ri­ser leurs enfants à domi­cile, soit en dis­pen­sant eux-​mêmes les cours, soit en recou­rant à un orga­nisme de cours par cor­res­pon­dance, ils devront main­te­nant, hor­mis dans quelques cas très enca­drés (pro­blème de san­té, pra­tique inten­sive d’un sport, gens du voyage), les ins­crire dans un éta­blis­se­ment scolaire.

L’âge de l’instruction obli­ga­toire a été bais­sé de 6 à 3 ans au début du man­dat de M. Macron. Il faut main­te­nant dès 3 ans arra­cher l’enfant à sa famille pour le mettre dans une école. Cette mesure s’oppose au droit des parents de choi­sir pour leurs enfants l’instruction qu’ils jugent la plus adap­tée. Sous pré­texte de quelques cas de carence d’instruction, tous les petits de trois ans vont devoir quit­ter le foyer fami­lial pour com­men­cer un temps inter­mi­nable de sco­la­ri­té obligatoire.

Dans l’exposé des motifs, nous lisons : « Au cœur de la pro­messe répu­bli­caine, l’école est le lieu des appren­tis­sages fon­da­men­taux et de la socia­bi­li­té, où les enfants font l’expérience des valeurs répu­bli­caines ». Au nom de la liber­té, il n’est plus pos­sible aux parents d’instruire eux-​mêmes leurs enfants. Cessez de prê­cher la Liberté et laissez-​nous nos libertés !

La famille est la cel­lule de base de la socié­té : c’est elle qui dans les jeunes années, de manière presque exclu­sive, donne à l’enfant les bases de la socia­bi­li­té. La socié­té n’est pas un agré­gat d’individus mais un regrou­pe­ment de familles et de socié­tés intermédiaires.

Cette dis­po­si­tion, qui pro­longe les lois liber­ti­cides de Jules Ferry au 19e siècle, mani­feste un nou­veau glis­se­ment vers le tota­li­ta­risme. Tous les régimes tota­li­taires ont réduit les liber­tés sco­laires dans le but de for­ger le « nou­vel homme » dont l’Etat avait besoin. Si nous n’avons pas atteint le niveau des régimes com­mu­nistes sur ce point, nous avons lar­ge­ment dépas­sé celui du régime national-socialiste.

Faudra-​t-​il que nos familles achètent des cara­vanes pour conti­nuer à ins­truire leurs enfants… à la maison ?

L’éducation est néces­sai­re­ment l’œuvre de l’homme en socié­té, non de l’homme iso­lé. Or, il y a trois socié­tés néces­saires, éta­blies par Dieu, à la fois dis­tinctes et har­mo­nieu­se­ment unies entre elles, au sein des­quelles l’homme vient au monde. Deux sont d’ordre natu­rel : la famille et la socié­té civile ; la troi­sième, l’Eglise, est d’ordre sur­na­tu­rel. En pre­mier lieu, la famille, ins­ti­tuée immé­dia­te­ment par Dieu pour sa fin propre, qui est la pro­créa­tion et l’éducation des enfants. Elle a pour cette rai­son une prio­ri­té de nature et, par suite, une prio­ri­té de droits, par rap­port à la socié­té civile.

Pie XI, ency­clique Divini illius Magistri (31 décembre 1929)

L’éducation de l’homme com­mence au ber­ceau, et la pre­mière école, que rien ne peut rem­pla­cer, est celle du foyer domestique.

Pie XII (5 août 1951)

Le renforcement de la censure

La loi pré­voit des mesures pour lut­ter contre « les dis­cours de haine et les conte­nus illicites »

En soi, il est nor­mal que l’autorité publique exerce une cen­sure sur les publi­ca­tions de toutes sortes afin de pro­mou­voir le bien com­mun qui est la vie ver­tueuse des citoyens. Mais notre République qui pro­clame « le droit au blas­phème » (Discours du Président Macron au Panthéon le 4 sep­tembre 2020), qui ne fait rien pour lut­ter contre le fléau de la por­no­gra­phie, mul­ti­plie les lois pour res­treindre la liber­té d’expression et sup­pri­mer tout débat sur de nom­breuses ques­tions his­to­riques, poli­tiques, morales et religieuses.

Ces dis­po­si­tions concernent les réseaux sociaux et les sites sur Internet. Même sans loi, la cen­sure des four­nis­seurs d’accès est déjà telle que tout dis­cours poli­ti­que­ment incor­rect n’a que peu de chances d’être consul­té. Cette loi, sen­sée lut­ter contre l’islamisme radi­cal, va de fait être uti­li­sée contre ceux qui alertent sur le dan­ger de l’islamisation de la France, comme en son temps Mgr Lefebvre avait été condam­né par la République pour des pro­pos jugés dis­cri­mi­na­toires envers les musulmans.

L’article 39 pré­voit d’aggraver les peines pré­vues lorsque ces délits d’opinion seront com­mis à l’intérieur ou aux abords d’un lieu de culte. Il s’agit bien sûr de lut­ter contre cer­tains pré­di­ca­teurs musul­mans, mais qu’en sera-​t-​il pour un prêtre qui rap­pelle l’enseignement de l’Eglise sur l’avortement, la contra­cep­tion, les crimes contre-​nature ou le règne du Christ-​Roi ? Citer l’Ecriture Sainte nous conduira-​t-​il en pri­son. Peut-​être qu’un jour l’Etat nous four­ni­ra des pré­di­ca­tions répu­bli­caines pour tous les dimanches de l’année ?

Conclusion

Ce pro­jet de loi ren­force la main­mise de l’Etat répu­bli­cain sur la socié­té. Il vise à créer dans l’avenir un délit d’anti-républicanisme, à impo­ser comme un article de foi à pro­fes­ser par tous la pré­émi­nence abso­lue de la loi civile sur la loi divine. Pour l’instant, le ser­ment… euh, par­don ! le contrat d’engagement répu­bli­cain n’est obli­ga­toire que pour les asso­cia­tions spor­tives, celles qui demandent des sub­ven­tions ou un agrément.

L’Etat sup­prime en une phrase la pos­si­bi­li­té de faire l’école à la mai­son et impose la fré­quen­ta­tion d’un éta­blis­se­ment sco­laire dès l’âge de trois ans, ceci afin d’arracher l’enfant aux « déter­mi­nismes » de la famille, selon l’expression de l’ancien ministre de l’Education Nationale Vincent Peillon.

Ce pro­jet de loi est clai­re­ment d’inspiration maçon­nique : il faut lut­ter contre lui de toutes nos forces.

Parce Domine, parce popu­lo tuo ! [1]

Abbé Ludovic Girod

Image : Wikipedia

Notes de bas de page
  1. Note de LPL : « Épargnez, Seigneur, épar­gnez votre peuple » (Antienne du Carême).[]