Sermon de Mgr Lefebvre – Fête du Christ-​Roi – 28 octobre 1979

Mes bien cher amis,
Mes bien chers frères,

Dans sa magni­fique ency­clique Quas pri­mas du pape Pie XI ins­tau­rant la fête du Christ-​Roi, le pape explique pour­quoi Notre Seigneur Jésus-​Christ est vrai­ment roi et il en donne deux rai­sons pro­fondes, deux rai­sons par­ti­cu­lières. Sans doute il y a toutes les preuves scrip­tu­raires. Vous venez de lire l’Évangile, de l’entendre, dans lequel Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même se pro­clame roi et de nom­breux pas­sages des psaumes et du Nouveau Testament expriment la même qua­li­té de Notre Seigneur Jésus- Christ : Il est Roi !

Mais le pape Pie XI prend soin d’approfondir les rai­sons de cette royau­té. La pre­mière est ce que l’Église appelle l’union hypo­sta­tique, l’union de la Personne divine avec la nature humaine. Notre Seigneur est Roi parce qu’il est Dieu. Et en effet, il n’y a pas deux per­sonnes en Notre Seigneur Jésus- Christ ; il n’y a pas une per­sonne humaine et une per­sonne divine ; il n’y a qu’une seule Personne : la Personne divine qui a assu­mé direc­te­ment, sans pas­ser par l’intermédiaire d’une per­sonne humaine, une âme humaine et un corps humain. Par consé­quent, lorsque l’on parle de Jésus-​Christ, nous disons la Personne de Jésus-Christ.

Or cette Personne de Jésus-​Christ est une Personne divine. Certes Jésus-​Christ est Dieu et homme puisqu’Il a assu­mé une âme humaine et un corps humain.

Ainsi, l’âme humaine de Notre Seigneur Jésus-​Christ et son corps sont deve­nus tel­le­ment unis inti­me­ment à Dieu, que l’on ne peut pas les sépa­rer et de telle sorte que c’est la Personne de Notre Seigneur Jésus-​Christ tout entière qui est divi­ni­sée, qui est divine et qui divi­nise son âme et son corps.

Et par consé­quent, Notre Seigneur Jésus-​Christ tel qu’il se pré­sen­tait sur les routes de Palestine, tel qu’il s’est pré­sen­té même à Bethléem comme Enfant, Notre Seigneur Jésus-​Christ est Roi. Non seule­ment. Il a le carac­tère de la royau­té, mais l’Église nous enseigne que par cette union de Dieu à la nature humaine, à l’âme et au corps humain que Notre Seigneur Jésus-​Christ a assu­més, Notre Seigneur est essen­tiel­le­ment, par nature, le Sauveur, le Prêtre et le Roi. Essentiellement.

Il ne peut pas ne pas être le Sauveur, parce qu’Il est le seul à pou­voir dire qu’il est Dieu. Il est le seul à pou­voir dire qu’Il est le Prêtre, le Pontife, Celui qui fait vrai­ment le lien entre le Ciel et la terre. Il est le seul aus­si à pou­voir dire qu’il est le Roi. Et s’il n’est pas roi selon ce monde pour un ter­ri­toire don­né et même seule­ment pour la terre, pour les hommes, en effet Notre Seigneur est Roi, non seule­ment de la terre, mais Il est le Roi du Ciel.

Voilà la pre­mière rai­son pro­fonde de la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et cela nous devons en être convain­cus, afin de voir en Notre Seigneur Jésus-​Christ notre Roi, notre Roi à nous per­son­nel­le­ment. Notre Seigneur Jésus-​Christ est notre Roi.

Mais Il l’est aus­si pour une seconde rai­son et c’est encore le pape Pie XI qui l’explique très bien. Notre Seigneur Jésus-​Christ est Roi par conquête. Par quelle conquête ? Parce que Notre Seigneur Jésus-​Christ nous a conquis tous par son Sang, par sa Croix, par le Calvaire : Regnavit a ligno deus : « Dieu a régné par le bois », c’est-à-dire par la Croix. En effet, Notre Seigneur Jésus-​Christ a conquis, par un droit, un droit strict, toutes les âmes, quelles qu’elles soient. Toutes les âmes qui seront créées par Dieu et qui vivront un seul ins­tant ici-​bas sur cette terre, elles sont de droit, les sujets de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Parce qu’il les a conquises par son Sang ; Il doit les rache­ter ; Il veut les rache­ter ; Il désire les rache­ter toutes et y appli­quer son Sang, son divin Sang, afin de rache­ter les âmes et de les por­ter à Dieu et de les conduire à Dieu.

Oui, Notre Seigneur Jésus-​Christ, par son Sang et par sa Croix, est de droit aus­si notre Roi. Et c’est pour­quoi dans les pre­miers siècles après la Paix de Constantin, lorsque les chré­tiens ont pu pré­sen­ter la Croix offi­ciel­le­ment dans leurs églises, dans leurs temples, dans leurs lieux de réunion, ils repré­sen­taient habi­tuel­le­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ comme Roi, cou­ron­né, cou­ron­né de la cou­ronne des rois. Car le Christ est bien notre Roi et Il l’est bien par la Croix.

Alors nous devons nous deman­der, en consé­quence de ces prin­cipes, de cette nature de Notre Seigneur Jésus-​Christ Roi et de cette conquête que Jésus a faite de nos cœurs et de nos âmes – par sa mort sur la Croix –, nous devons nous deman­der si vrai­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ est en pra­tique, quo­ti­dien­ne­ment, dans toutes nos actions, dans toutes nos pen­sées, est-​Il vrai­ment notre Roi ?

Et alors, le pape Pie XI pour­suit dans son ency­clique la manière dont Notre Seigneur Jésus- Christ doit être Roi pour nous. Il doit être le Roi de nos intel­li­gences. Oui, de nos pen­sées, parce qu’il est la Vérité. Jésus-​Christ est la Vérité parce qu’il est Dieu. Alors est-​ce que vrai­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ est le roi de nos pen­sées ? Est-​ce qu’Il est vrai­ment Celui qui oriente toutes nos pen­sées, nos réflexions, notre vie intel­lec­tuelle, la vie de notre foi ? Est-​ce que vrai­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ est Celui qui est la lumière de nos intelligences ?

Et Notre Seigneur Jésus-​Christ est encore le Roi de nos volon­tés. Il est la Loi. Si les tables de la Loi se trou­vaient dans l’Arche d’Alliance, dans l’Ancien Testament, elles repré­sen­taient pré­ci­sé­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ qui est aujourd’hui dans nos tabernacles.

Mais avec quelle supé­rio­ri­té aujourd’hui ! Nous avons aujourd’hui la Loi dans nos taber­nacles, dans nos arches d’alliance. Ce ne sont plus des prières froides, c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui- même. Celui qui est la Loi. Le Verbe de Dieu est la Loi par qui tout a été fait, en qui toutes choses ont été créées. Et Il est la Loi non seule­ment des âmes, des esprits, des volon­tés, mais Il est la Loi de toute la nature.

Toutes les lois que nous décou­vrons dans la nature viennent de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; viennent du Verbe de Dieu. Et lorsque l’on pense que toutes la créa­ture suit les lois de Dieu, que ce soit les lois phy­siques, les lois chi­miques, les lois de la nature, nature végé­ta­tive, de la nature sen­sible, de la nature ani­male, ces lois sont sui­vies impec­ca­ble­ment. Et nous, nous qui devons pré­ci­sé­ment suivre la loi de Dieu, qui est ins­crite dans nos cœurs, d’une manière intel­li­gente et d’une manière libre, nous devrions jus­te­ment, à cause de notre liber­té nous atta­cher à cette loi qui est le che­min de notre bon­heur, le che­min de la vie éternelle.

Les hommes se sont détour­nés de la loi. Alors Notre Seigneur Jésus-​Christ doit être, doit rede­ve­nir le Roi de nos volon­tés. Et nous devons confor­mer nos volon­tés à sa loi, à sa loi d’amour, à sa loi de cha­ri­té, à ces deux com­man­de­ments qu’il a don­nés et qui Lui-​même a dit, ren­ferment tous les com­man­de­ments : « Aimer Dieu, aimer son pro­chain ». Ce n’est qu’un seul et même com­man­de­ment. C’est Lui qui l’a dit. Alors est-​ce que vrai­ment, nous confor­mons nos volon­tés à la loi de Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Est-​ce que Jésus est le Roi de nos volontés ?

Enfin, Jésus doit être – c’est encore le pape Pie XI qui le dit – doit être le Roi de nos cœurs.

Est-​ce que nos cœurs sont vrai­ment atta­chés à Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Est-​ce que nous avons conscience que Notre Seigneur Jésus-​Christ est tout pour nous ? Omnia in omni­bus, Jésus-​Christ est tout et Il est en toutes choses. Il est Celui… in ipso omnia constant, dit saint Paul. En Lui tout est sou­te­nu ; en Lui nous vivons ; en Lui nous sommes ; en Lui nous nous mou­vons. C’est ce que dit saint Paul dans son dis­cours à l’Aréopage : In ipso vivi­mus, In ipso move­mur, In ipso sumus. En Lui nous sommes. Il tient tout dans sa main.

Alors nous devons nous deman­der ce que devaient pen­ser la très Sainte Vierge et saint Joseph. Je pense que c’est là un exemple admi­rable pour nous. Si nous vou­lons vrai­ment que Jésus-​Christ soit vrai­ment notre Roi, essayons de nous ima­gi­ner ce que devait être Nazareth : Jésus, Marie, Joseph.

Que devait pen­ser Marie de Jésus ? Que devait pen­ser Joseph de Jésus ? Il est incroyable… c’est un grand mys­tère, un mys­tère inson­dable de la bon­té, de la cha­ri­té de Dieu, de pen­ser qu’Il a per­mis à deux créa­tures choi­sies par Lui, de vivre avec Lui. Pour saint Joseph pen­dant trente ans, pour la très Sainte Vierge pen­dant trente-​trois ans, vivre dans l’intimité de Jésus, dans l’intimité de Celui qui est Dieu ; de Celui sans lequel ni Marie, ni Joseph ne pou­vaient par­ler, ne pou­vaient pen­ser, ne pou­vaient vivre.

Marie por­tant Jésus dans ses bras, por­tait Dieu dans ses bras. Comme le dit si sou­vent l’Évangile : Ce n’est pas Jésus qu’elle por­tait, mais c’est Jésus qui la por­tait. Car Jésus était beau­coup plus grand qu’elle, puisqu’il était son Dieu.

Pensons à ce que pou­vait avoir dans son esprit, dans sa volon­té, dans son cœur, la très Sainte Vierge Marie, vivant avec Jésus, le voyant agir, le voyant avec ses petits cama­rades, le voyant tra­vailler avec saint Joseph. Eh bien, nous aus­si, nous avons la joie de vivre avec Notre Seigneur.

Si sous la frêle enve­loppe de son corps, la très Sainte Vierge Marie ado­rait le Dieu vivant – car elle le savait –, elle savait que c’était le Dieu vivant qu’elle avait dans sa mai­son ; elle le savait par l’annonce de l’ange et Joseph le savait par­fai­te­ment aussi.

Eh bien, nous, nous savons que nous avons dans nos taber­nacles aus­si, sous la frêle enve­loppe de l’Eucharistie, Jésus vivant. Jésus est là. Non seule­ment nous L’avons dans nos taber­nacles, mais nous L’avons d’une manière encore, – je dirai – plus intime que la très Sainte Vierge Marie et que saint Joseph ; lorsque Notre Seigneur se donne Lui-​même en nour­ri­ture à nous-​mêmes. Songeons que vrai­ment, dans nos corps, dans nos cœurs, nous por­tons Jésus ; nous por­tons le Dieu qui nous porte. Car sans Lui aus­si, nous ne pour­rions ni vivre, ni exis­ter ; ni dire une seule parole ; ni pen­ser une seule idée.

Alors ce Dieu, nous Le por­tons en nous, dans l’Eucharistie. Demandons à Notre Seigneur Jésus-​Christ, lorsque nous Le rece­vons en nous, qu’Il soit notre Roi. Il a le droit d’être notre Roi. Qu’Il nous donne, les pen­sées de la très Sainte Vierge Marie et de saint Joseph, qu’Il nous donne la volon­té sou­mise à Sa Loi, de la très Sainte Vierge Marie et de saint Joseph. Qu’il nous donne les cœurs de Marie et de Joseph vis-​à-​vis de Lui. Ces créa­tures qu’il a choi­sies de toute éter­ni­té pour être ses gar­diens, pour être celles qui ont vécu avec Lui.

Demandons-​leur, deman­dons à Marie et à Joseph de nous aider à vivre sous le doux royaume de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Car nous savons et nous espé­rons qu’un jour nous serons dans ce royaume et que nous Le ver­rons dans sa splen­deur, dans sa gloire.

Comme nous le disons si sou­vent, lorsque nous réci­tons l’Angélus : ut per pas­sio­nem et cru­cem, ad resur­re­ció­nis glo­riam per­ve­niam.

Pour que par sa Passion et par sa Croix nous par­ve­nions à la gloire de sa Résurrection.

Eh bien, que nous aus­si, nous devons pas­ser main­te­nant par la Passion et par la Croix de Jésus sur la terre. Un jour nous par­vien­drons à la gloire de sa Résurrection. Cette gloire qui illu­mine le Ciel, qui est le Ciel, Car Dieu est le Ciel. Car Notre Seigneur Jésus-​Christ est le Ciel. En Lui nous vivrons avec la grâce de Dieu, par la grâce de Dieu, si nous l’avons déjà comme Roi ici-​bas, alors nous L’aurons comme Roi de gloire pen­dant toute l’éternité.

Demandons à la très Sainte Vierge Marie et à saint Joseph aujourd’hui, non seule­ment pour nous, mais aus­si pour nos familles, pour tous ceux qui nous entourent ; pour que ceux-​là viennent à la lumière de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui Le connaissent mal, qui ne lui obéissent pas, qui s’éloignent de Lui ; ayons pitié de toutes ces âmes qui ne connaissent pas le Roi d’amour et de gloire en qui nous avons le bon­heur de croire, que nous avons le bon­heur d’aimer.

Demandons à Notre Seigneur Jésus-​Christ, à Marie et à Joseph, de conver­tir toutes ces âmes à Jésus-Christ.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.