Abbé Pierre-​Marie Berthe (FSSPX), Les dissensions ecclésiales, un défi pour l’Église catholique

918 pages – 45€

Présentation

Selon le magis­tère de l’Église catho­lique, l’unité ecclé­siale est fon­dée sur la foi, le culte et la com­mu­nion hié­rar­chique avec l’évêque de Rome. Depuis l’origine du chris­tia­nisme, cette uni­té est confron­tée à des que­relles doc­tri­nales et dis­ci­pli­naires. Tantôt ces crises prennent la forme de contro­verses et de dis­sen­ti­ments internes à l’Église romaine. Tantôt elles abou­tissent à de véri­tables dis­si­dences impli­quant des rup­tures ins­ti­tu­tion­nelles. Contredisant l’appel à l’unité for­mu­lé par le Christ dans sa prière sacer­do­tale, ces dis­sen­sions ne peuvent lais­ser aucun chré­tien indif­fé­rent. Elles consti­tuent autant de défis à rele­ver pour les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques, les théo­lo­giens et les cano­nistes, ain­si que pour le peuple des baptisés.

Aujourd’hui, l’unité de l’Église se heurte à deux sortes de dif­fi­cul­tés. D’une part, les catho­liques peinent de plus en plus à par­ler d’une seule voix sur des thé­ma­tiques essen­tielles, comme la litur­gie, l’ecclésiologie et la morale conju­gale. D’autre part, l’œcuménisme tarde à res­tau­rer l’unité par­faite entre bap­ti­sés. Si les rela­tions entre com­mu­nau­tés chré­tiennes sont deve­nues plus fra­ter­nelles, le fos­sé doc­tri­nal et dis­ci­pli­naire qui les sépare reste entier. Ces deux pro­blé­ma­tiques méritent d’être abor­dées conjoin­te­ment, car l’unité entre catho­liques est le pré­lude indis­pen­sable à toute récon­ci­lia­tion entre chré­tiens. Le point de vue adop­té ici est celui de l’Église catholique.

Pour envi­sa­ger sérieu­se­ment le pré­sent et l’avenir, il est ins­truc­tif d’interroger le pas­sé. C’est pour­quoi cet ouvrage expose quelles réponses doc­tri­nales, cano­niques et pas­to­rales ont sus­ci­té les diverses crises, contro­verses et oppo­si­tions qui ont accom­pa­gné la vie de l’Église. Le plan est chro­no­lo­gique et com­porte quatre par­ties. La pre­mière a pour cadre l’Antiquité. La seconde traite du Moyen Âge. La troi­sième va de la Réforme à la fin du pon­ti­fi­cat de Pie XII. La qua­trième com­mence avec le concile Vatican II et rejoint l’actualité. Au terme de ce par­cours, des réflexions conclu­sives envi­sagent les moyens de pro­mou­voir l’unité au sein de l’Église catho­lique, mais aus­si avec les diverses com­mu­nau­tés chrétiennes.

La pre­mière par­tie montre que l’unité est mal­me­née dès le début du chris­tia­nisme. Aux contro­verses doc­tri­nales et dis­ci­pli­naires s’ajoutent des riva­li­tés et des luttes intes­tines au sein des com­mu­nau­tés. Prenant acte de ces divi­sions, l’écriture et les écrits apos­to­liques affirment que l’unité est don de Dieu, mais aus­si réa­li­sa­tion des hommes (cha­pitre I). L’Église dénonce avec auto­ri­té les dis­cours qui s’écartent de la règle de foi (150–250). Tandis que la pre­mière lit­té­ra­ture chré­tienne réfute les héré­sies, des ren­contres infor­melles entre clercs per­mettent des confron­ta­tions théo­lo­giques fécondes (cha­pitre II). La crise dona­tiste (311–411) qui secoue l’Église d’Afrique conduit à cher­cher des solu­tions poli­tiques et doc­tri­nales pour res­tau­rer l’unité autour d’une posi­tion ecclé­sio­lo­gique et sacra­men­telle cohé­rente (cha­pitre III). Face à l’arianisme qui divise l’Église, les évêques se réunissent en concile, notam­ment à Nicée (325) et à Constantinople (381). L’élaboration d’une pro­fes­sion de foi enga­geant toute l’Église réclame une réflexion appro­fon­die sur le choix des mots qui ne sau­rait être dic­tée par le pou­voir poli­tique (cha­pitre IV). Alors que les voix dis­cor­dantes se mul­ti­plient dans l’Église (380–430), la jus­tice doit être exer­cée avec mesure pour ne pas ajou­ter de la confu­sion au trouble (cha­pitre V). Le nes­to­ria­nisme et le mono­phy­sisme favo­risent le déve­lop­pe­ment de la doc­trine chris­to­lo­gique (431–451). Les Pères réunis à éphèse puis à Chalcédoine cla­ri­fient des notions théo­lo­giques déli­cates (cha­pitre VI). Lorsque l’Empire romain laisse la place à des royaumes bar­bares où l’arianisme resur­git, le suc­ces­seur de Pierre se pré­sente comme le garant le plus sûr de l’unité ecclé­siale (451–604). L’orthodoxie et la pri­mau­té de l’évêque de Rome pro­tègent l’unité de foi et de gou­ver­ne­ment dans l’Église (cha­pitre VII).

La deuxième par­tie évoque des héré­sies et des schismes qui ont entraî­né des réponses fortes de la part des auto­ri­tés. Du Ve au XVe siècle, la prio­ri­té de l’Église est la reduc­tio ad unum. A Rome et à Constantinople, les conflits qui se suc­cèdent obligent à trou­ver accords, com­pro­mis et solu­tions de paix (604–843). La théo­lo­gie et la diplo­ma­tie œuvrent à récon­ci­lier les points de vue adverses et ceux qui les défendent (cha­pitre I). Les ten­sions récur­rentes qui tra­versent le monde chré­tien poussent l’Occident et l’Orient à cher­cher les condi­tions de la paix (843‑1054). L’ordre de la chré­tien­té réclame fidé­li­té à la véri­té et res­pect de l’autorité (cha­pitre II). La lutte achar­née contre l’hérésie sus­cite des réponses éner­giques dans le champ de la doc­trine, de la pas­to­rale et de la jus­tice (1054–1274). Le magis­tère, la pré­di­ca­tion et l’encadrement parois­sial, tout comme l’usage par­fois de la vio­lence, confortent l’unité de l’Église (cha­pitre III). La crainte récur­rente d’un schisme (1054–1274) entraîne des mesures cir­cons­tan­cielles et des réformes struc­tu­relles (cha­pitre IV). Les motifs de dis­corde doc­tri­nale et dis­ci­pli­naire entre Grecs et Latins, tou­jours plus nom­breux, ne freinent pas les démarches de récon­ci­lia­tion entre Rome et Constantinople (1054–1439). Les conciles réunis dans cette pers­pec­tive esquissent un che­min étroit d’unité pré­ser­vant le modèle cultu­rel orien­tal et les exi­gences romaines en matière d’ecclésiologie (cha­pitre V). Confrontées à la contes­ta­tion (1270–1450), les auto­ri­tés assou­plissent leurs vues et admettent que coexistent dans l’Église des manières diverses de dire et de vivre la foi (cha­pitre VI). Alors qu’un schisme sans pré­cé­dent menace la papau­té (1378–1449), seules des lois déro­geant aux règles ordi­naires du gou­ver­ne­ment ecclé­sias­tique per­mettent de réta­blir l’unité sur le siège de Pierre, au sein du Sacré Collège et dans les Églises natio­nales (cha­pitre VII).

La troi­sième par­tie com­mence avec la Réforme et s’achève avec le pon­ti­fi­cat de Pie XII (1939–1958). Durant cette longue période, les divi­sions sti­mulent la dyna­mique de recon­quête catho­lique. Le drame de la Réforme (1450–1563) accé­lère le mou­ve­ment de réforme in capite et in mem­bris dans l’Église. L’œuvre du concile de Trente consti­tue un pro­gramme de Contre-​Réforme fédé­ra­teur (cha­pitre I). Alors que catho­liques et pro­tes­tants échouent à trou­ver une solu­tion à la divi­sion confes­sion­nelle (1563–1648), l’Église célèbre sa catho­li­ci­té et dénonce les héré­tiques, ce qui ne l’empêche pas de cher­cher avec eux un modus viven­di accep­table (cha­pitre II). La diver­si­té des expres­sions de la foi et des opi­nions théo­lo­giques favo­rise la vie intel­lec­tuelle (1648–1789). Aux contro­verses qui agitent les milieux catho­liques s’ajoutent des dis­cus­sions entre confes­sions chré­tiennes (cha­pitre III). Désorientés par la Révolution et les muta­tions cultu­relles qu’elle entraîne, les catho­liques hésitent sur la stra­té­gie à suivre (1789–1878). Les pon­tifes adoptent une atti­tude défen­sive qui fait polé­mique (cha­pitre IV). Dans un monde divi­sé où l’unité chré­tienne est de moins en moins per­cep­tible, Léon XIII adresse un appel pres­sant à la récon­ci­lia­tion (1878–1903). Le pape exhorte les catho­liques à la cohé­sion, tan­dis qu’il invite les chré­tiens non catho­liques, sur­tout les Orientaux, à reve­nir à Rome (cha­pitre V). Pie X et Pie XI défendent le dépôt de la foi face aux erreurs du moder­nisme et de l’indifférentisme (1903–1939). Les pon­tifes romains sou­lignent les droits impres­crip­tibles de la véri­té révé­lée (cha­pitre VI). Face aux ten­sions internes à l’Église et aux hési­ta­tions que sus­cite le mou­ve­ment œcu­mé­nique, Pie XII pro­pose une voie moyenne entre tra­di­tion et ouver­ture (1939–1958). Le pape tente de réunir les catho­liques au-​delà de leurs diver­gences, tout en accom­plis­sant des gestes forts envers les chré­tiens non catho­liques (cha­pitre VII).

La qua­trième période englobe les décen­nies qui vont du concile Vatican II (1962–1965) à aujourd’hui. Alors que la sépa­ra­tion ins­ti­tu­tion­nelle entre confes­sions chré­tiennes reste une réa­li­té, les ten­sions et les oppo­si­tions s’amplifient au sein du monde catho­lique. Désormais, la pro­mo­tion de l’unité passe par le dia­logue et la pas­to­rale. Pour don­ner un nou­veau souffle à l’Église, le concile Vatican II lance un aggior­na­men­to ambi­tieux mais ris­qué qui invite les chré­tiens à tour­ner la page des divi­sions pas­sées (cha­pitre I). Dans le sillage du concile, le magis­tère offre des déve­lop­pe­ments pro­blé­ma­tiques sur l’œcuménisme qui obligent à mener une réflexion ecclé­sio­lo­gique et soté­rio­lo­gique appro­fon­die (cha­pitre II). En outre, les normes qui encadrent les rela­tions entre catho­liques et chré­tiens non catho­liques sont assou­plies. Cette révi­sion de la loi mérite une ana­lyse minu­tieuse et cri­tique (cha­pitre III). Le magis­tère réagit aux dis­cours qui blessent la véri­té. Il pré­cise les limites d’un espace de dia­logue intra-​ecclésial conci­liant les exi­gences de l’unité de foi et celles de la liber­té de recherche du théo­lo­gien (cha­pitre IV). Le motu pro­prio Anglicanorum coe­ti­bus qui ins­taure des ordi­na­riats per­son­nels pour accueillir les angli­cans sou­hai­tant deve­nir catho­liques pro­pose une voie cano­nique inté­res­sante pour conci­lier uni­té et diver­si­té dans l’Église (cha­pitre V). Les cri­tiques véhé­mentes des groupes tra­di­tio­na­listes ne res­tent pas sans réponse. Les auto­ri­tés romaines adoptent à l’encontre de la Fraternité Saint-​Pie X une atti­tude d’exclusion, avant d’entamer avec elle un che­min d’intégration par étapes (cha­pitre VI). Les ques­tions agi­tées lors des synodes sur la famille (2014–2015) et la récep­tion de l’exhortation Amoris lae­ti­tia (2016) mani­festent les limites d’une pas­to­rale qui contourne la doc­trine en pra­tique (cha­pitre VII).

A la lumière de l’histoire ancienne ou récente, cet ouvrage offre en conclu­sion quelques réflexions pour pro­mou­voir l’unité dans le contexte ecclé­sial actuel. Trois niveaux d’action sont à dis­tin­guer. D’abord, il importe de ren­for­cer la cohé­sion de l’Église catho­lique, afin d’éviter de nou­velles rup­tures. Plusieurs démarches condi­tionnent le main­tien de l’unité : l’annonce et la trans­mis­sion de la foi, un exer­cice équi­li­bré de la fonc­tion magis­té­rielle, l’expérience concrète de com­mu­nion, la réforme spi­ri­tuelle, le res­pect du droit. En outre, il convient d’apporter des réponses satis­fai­santes aux situa­tions conflic­tuelles qui se ren­contrent dans l’Église. Si des che­mins de récon­ci­lia­tion existent pour résoudre une dis­sen­sion, ils ont leurs exi­gences : exa­mi­ner les situa­tions avec dis­cer­ne­ment, orga­ni­ser échanges et média­tions, défendre la véri­té, appro­fon­dir les ques­tions contro­ver­sées, cher­cher l’intégration. Enfin, il est indis­pen­sable de réorien­ter le dia­logue œcu­mé­nique vers la recherche de l’unité dans la foi, le culte et le gou­ver­ne­ment. Pour être fruc­tueuses, les rela­tions entre confes­sions chré­tiennes doivent inté­grer quatre élé­ments : un regard lucide sur la situa­tion pré­sente et pas­sée du monde chré­tien, une parole exi­geante qui cherche à expli­quer et convaincre, une légis­la­tion cohé­rente dont les normes expriment et sus­citent le désir d’unité, des pro­po­si­tions cano­niques qui donnent une forme concrète à l’unité recherchée.

Si ce livre apporte une contri­bu­tion ori­gi­nale à la réflexion sur l’unité ecclé­siale, il ne pro­pose ni des solu­tions faciles ni des réformes aven­tu­reuses. L’unité au sein de l’Église exige fidé­li­té à la Parole de Dieu et conti­nui­té objec­tive avec la tra­di­tion. Elle réclame des bap­ti­sés une foi forte enra­ci­née dans la cha­ri­té qui n’élude pas le mys­tère de la croix.

Sommaire

Introduction

1re par­tie. Les dis­ciples de Jésus en quête d’unité (Ier-​VIe siècle) : des choix déci­sifs pour l’avenir
Chap. I. Les textes fon­da­teurs du chris­tia­nisme : l’unité, don de Dieu et œuvre des hommes
Chap. II. Le rejet de l’hérésie et des com­por­te­ments déviants (150–250) : écrit et oralité
Chap. III. Le règle­ment de la crise dona­tiste (311–411) : recherche théo­lo­gique et solu­tion politique
Chap. IV. Le com­bat contre l’arianisme (325–381) : confes­sion et concep­tua­li­sa­tion de la foi
Chap. V. Des voix dis­cor­dantes réduites au silence (380–430) : dis­cer­ne­ment et modération
Chap. VI. Les étapes d’un accord chris­to­lo­gique (431–451) : équi­libre doc­tri­nal et labeur conciliaire
Chap. VII. L’affirmation de l’unité autour de Rome (451–604) : ortho­doxie et primauté
Conclusion de la pre­mière partie

2e par­tie. La prio­ri­té de la chré­tien­té médié­vale (VIe-​XVe siècle) : la reduc­tio ad unum 
Chap. I. Accords, sanc­tions et com­pro­mis en faveur de l’unité (604–843) : doc­trine et diplomatie
Chap. II. Le com­bat pour la paix au sein de la chré­tien­té (843‑1054) : véri­té et auto­ri­té hiérarchique
Chap. III. La lutte contre les héré­sies (1054–1274) : pré­di­ca­tion, pas­to­rale et répression
Chap. IV. Le refus du schisme (1054–1274) : mesures cir­cons­tan­cielles et réformes structurelles
Chap. V. L’espoir d’une récon­ci­lia­tion entre Grecs et Latins (1054–1439) : foi, culture et romanité
Chap. VI. L’Église romaine face à la cri­tique et à la contes­ta­tion (1270–1450) : uni­té et diversité
Chap. VII. Crise et divi­sion au som­met de l’Église (1378–1449) : des solu­tions d’exception
Conclusion de la deuxième partie

3e par­tie. La dyna­mique tri­den­tine (XVIe-​XXe siècle) : défense de la foi et recon­quête catholique 
Chap. I. Contestations et Réforme (1450–1563) : une crise sti­mu­lante pour l’institution catholique
Chap. II. La divi­sion confes­sion­nelle (1563–1648) : une rup­ture assu­mée dans la foi
Chap. III. La diver­si­té des expres­sions de la foi (1648–1789) : l’apprentissage du dialogue
Chap. IV. L’unité catho­lique face à la moder­ni­té (1789–1878) : la stra­té­gie défen­sive de l’Église
Chap. V. Les inflexions du pon­ti­fi­cat de Léon XIII (1878–1903) : l’appel pres­sant à l’unité
Chap. VI. La bataille des idées dans l’Église de Pie X à Pie XI (1903–1939) : le pri­mat de la vérité
Chap. VII. Unité catho­lique et chré­tienne au temps de Pie XII (1939–1958) : tra­di­tion et modernité
Conclusion de la troi­sième partie

4e par­tie. Un nou­veau regard sur l’unité dans l’Église : com­mu­nion et dialogue 
Chap. I. Vatican II, un concile pas­to­ral au ser­vice de l’unité : réforme et recherche d’unanimité
Chap. II. Principes et fon­de­ments de l’œcuménisme depuis Vatican II : véri­té, uni­té et salut
Chap. III. La pra­tique de l’œcuménisme depuis Vatican II : les signes de la com­mu­nion imparfaite
Chap. IV. Critique théo­lo­gique, opi­nions libres et dis­sen­ti­ment : la liber­té de parole dans l’Église
Chap. V. Les ordi­na­riats per­son­nels pour les angli­cans : un nou­veau che­min pour l’unité ecclésiale
Chap. VI. Rome et la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X : exclure et intégrer
Chap. VII. Les synodes sur la famille et l’exhortation Amoris lae­ti­tia : doc­trine, loi et pastorale
Conclusion de la qua­trième partie

Considérations conclu­sives. Promouvoir l’unité aujourd’hui

Sources et bibliographie

Index des noms de personnes 

Table des matières