Bulletin du Tiers-Ordre séculier pour les pays de langue française
Editorial de Monsieur l’abbé Louis-Paul Dubroeucq,
aumônier des tertiaires de langue française
Cher frère, Chère sœur,
Il est une vertu chère à Notre-Seigneur, en laquelle toute âme chrétienne doit s’efforcer de grandir dès le plus jeune âge : la vertu d’obéissance. L’Évangile en souligne l’importance en retenant de l’enfance de Jésus principalement cette vertu : « Et il leur était soumis » [Lc 2,51]. L’Apôtre la met encore en évidence, comme étant la cause de Sa glorification : « Le Christ s’est fait obéissant pour nous jusqu’à la mort, et à la mort de la Croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté, et lui a donné un nom au-dessus de tout nom. »[Phil. 2, 8–9].
Pourquoi une telle importance est-elle donnée à cette vertu ? Parce qu’elle « unit l’homme à Dieu en le soumettant à la volonté divine, manifestée par Dieu lui-même ou ses représentants. » [R.P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, Je veux voir Dieu, Éd. du Carmel, 1998, p.620–621]. Aussi, est-elle « la seule vertu qui donne entrée dans l’âme à toutes les autres, et qui puisse les conserver. » [saint Grégoire le Grand, Moralium in Job, lib.XXXV, c.12]. La vertu d’obéissance se rattache à la vertu cardinale de justice, par laquelle nous rendons à Dieu ce qui lui est dû. Dépendant de Dieu, notre Maître souverain, nous nous soumettons à sa volonté qui est soit signifiée par sa Loi et par la règle que nous avons promis de suivre ainsi que par les directives données par l’autorité en place, soit de bon plaisir, à savoir, manifestée par les événements et circonstances de la vie. Nous considérerons surtout ici l’obéissance comme soumission à la volonté de Dieu signifiée. En tant que tertiaires, nous promettons à la profession, de suivre la règle avec la plus grande perfection jusqu’à notre mort et nous faisons vœu d’obéissance aux supérieurs. Le vœu d’obéissance se distingue de la vertu d’obéissance. Le vœu fixe le tertiaire dans un état de vie spécial ; seul il oblige sous peine de péché et la règle nous dit dans quelles circonstances (n°35). La vertu d’obéissance consiste dans le respect des obligations prises en conformité avec l’état embrassé. « Ces obligations sont soit exprimées par la règle, soit commandées par le Supérieur qui interprète la règle ou rend explicite ce qui n’est pas exprimé avec suffisamment de précision dans la règle, ou ordonne quelque chose en rapport avec ce qui est contenu dans la règle » [Rev. Fr. Kevin, ocd, Way of Perfection for the Laity, Éd. Browne and Nolan, Dublin, 1945, p.63. Cet ouvrage est un commentaire de la Règle.] Celui qui fait une promesse à Dieu, doit s’efforcer de la tenir. La promesse d’observer la règle parfaitement suppose qu’on la connaît bien et qu’on la relit de temps à autre, qu’on en demande l’explication des passages qui ne sont pas assez explicites. C’est pourquoi le contact avec le directeur doit être maintenu, mensuel au moins pendant le noviciat, plus espacé après la profession (Règle n°24). Concrètement l’obéissance se manifeste entre autres par l’assistance régulière aux réunions et à la retraite annuelle. Des empêchements majeurs dont il faut informer le Directeur peuvent seuls en dispenser. La Règle demande aussi aux tertiaires « une humble soumission à leur confesseur dans les choses qui regardent leur avancement spirituel. » (Règle n°36). Puissent ces quelques pages de notre bulletin vous aider à mieux vivre votre vie de tertiaire en approfondissant une vertu, l’obéissance, dont notre Mère sainte Thérèse affirme « qu’il n’y a pas de chemin qui conduise plus rapidement […] au sommet de la perfection. » [Fondations, ch.5, 10, in Thérèse d’Avila. Œuvres complètes, Éd. du Cerf, Paris, 1995, p. 465].
Dans la vie consacrée par les vœux de religion, cette vertu est déterminante pour atteindre la perfection. Car où se trouve la consommation de la sainteté ? Dans la fusion de la volonté de l’homme avec la volonté de Dieu. Or cette fusion s’obtient par l’obéissance. Le bienheureux Dom Marmion écrivait : « J’avais tout ce qu’il fallait dans le sacerdoce pour ma sanctification, à l’exception d’un seul bien : celui de l’obéissance. C’est la raison pour laquelle j’ai quitté ma patrie, renoncé à ma liberté et à tout…Je me suis fait moine pour obéir…Parce que Dieu m’a révélé la beauté et la grandeur de l’obéissance… » [R. Thibaut, Un Maître de la vie spirituelle, Dom C. Marmion, Abbaye de Maredsous, 1929, p. 40).
L’obéissance nous délivre de deux esclavages : celui de la volonté propre et celui du jugement propre. De la volonté propre qui n’est pas en conformité avec la volonté de Dieu, de la volonté qui par orgueil, s’égare en ne suivant pas les inspirations de la grâce. La volonté propre est source de tout péché. Elle corrompt les meilleures actions. Aussi saint Bernard n’hésite-t-il pas à dire que sans la volonté propre, l’enfer n’existerait plus. En se soumettant à la volonté d’un autre ou à une règle, par amour pour Dieu, l’âme se libère ainsi du premier esclavage.
L’obéissance nous délivre aussi de l’attachement à notre jugement propre, c’est-à-dire du jugement trop subjectif, non conforme au jugement de Dieu. Ce jugement propre est la source de la singularité dans la conduite et de l’entêtement qui empêche la réalisation du bien. « Le jugement propre, dit le R.P. Garrigou Lagrange, porte souvent au jugement téméraire qui est un manque à la justice et à la charité… » (in Les trois âges de la vie intérieure, t.2, Éd. du Cerf, 1948, p. 201).
« L’obéissance, écrit Dom Romain Banquet, remplit toutes les conditions requises pour la guérison du péché, et pour l’achèvement de la conformité qui doit régner entre notre âme et les exigences divines… La grande merveille que produit l’obéissance est que la volonté, mue par la grâce de Dieu, reçoit tout d’abord la force de sortir du péché, et qu’ensuite, à mesure qu’elle se conforme à la conduite de la volonté divine, elle cesse d’avoir la faiblesse de l’humanité, elle emprunte l’éclat de la divinité. » [Entretiens sur la vie intérieure, Éd. de l’Abbaye d’En-Calcat, 1945, p. 90.] « L’obéissance est la pierre de touche à l’aide de laquelle on reconnaît la valeur de la vie intérieure chez une âme qui prétend la posséder…L’obéissance, c’est Dieu en nous, et nous en Dieu », dit encore Dom Romain Banquet [op. cit., p. 88–89. ].
Ainsi la vertu d’obéissance nous guérit-elle du péché et nous unit-elle à Dieu. Dans son ouvrage Je veux voir Dieu, le R. P. Marie-Eugène consacre à cette vertu tout un chapitre [op. cit., Quatrième partie, chapitre huitième, p. 620–636], dont je vous recommande la lecture. Il y commente le passage de l’Ecclésiatique, 1, 5 : « La source de la Sagesse, c’est le Verbe dans les profondeurs des Cieux ; elle entre dans le monde par les lois éternelles. » « La loi, dit-il, est plus qu’une manifestation du Verbe, elle est sa demeure ici-bas. Incomparable dignité de la loi, temple matériel qui abrite la Sagesse, qui la manifeste et la donne. C’est cette dignité et cette richesse divine de la loi qui font la valeur et la richesse de l’obéissance. […] A travers l’écorce ou plutôt le voile de l’ordre reçu ou de la loi, l’obéissance cherche Dieu et communie véritablement à Lui. » [op. cit.,p 624]. La loi, c’est sans doute la loi divine, c’est aussi la Règle que nous avons promis de suivre. « C’est dans la loi et dans les ordres des supérieurs que la Sagesse a placé la lumière pratique qui nous indique la volonté de Dieu. […] Tous vos commandements nous apportent la vérité ; votre parole est le flambeau qui éclaire mes pas, la lumière qui brille sur ma route, [chante le psalmiste.] » [R.P. Marie-Eugène, op. cit., p. 626, référence au Ps. 118, v. 86, 105].La Sagesse divine communique aussi la force pour agir conformément aux lumières données. « L’homme obéissant, est-il écrit, remportera des victoires. » [Prov. 21,28].
Outre la communion eucharistique et la communion à Dieu dans l’oraison, une autre communion de tous les instants nous est ainsi offerte, celle que réalise l’obéissance surnaturelle à travers le voile que sont la loi et le supérieur. Cette communion à Dieu, à sa volonté, est le chemin rapide pour parvenir à la perfection dont nous parlait sainte Thérèse d’Avila.
Que la Reine du Carmel, la Vierge fidèle, qui ne cessa de conformer sa volonté à celle de Dieu nous obtienne de son divin Fils cette même grâce. Qu’à tout instant nous puissions dire comme Elle : Fiat mihi secundum verbum tuum !
† Je vous bénis.
Abbé L.-P. Dubrœucq †
Retraite du Lundi 9.01 12h au Samedi 14.01 13h au Prieuré de Gastines, 49380 Faye d’Anjou Retraites mixtes (hommes et dames),ouvertes principalement aux tertiaires du carmel mais aussi aux personnes intéressées par la spiritualité du carmel Inscriptions auprès de Mr l’abbé Dubroeucq au prieuré de Gastines tél : 02 41 74 12 78 Comme l’indique l’ordo de 2012,des messes sont célébrées au Mans |