Bulletin du Tiers-Ordre séculier pour les pays de langue française
Editorial de Monsieur l’abbé Louis-Paul Dubroeucq,
aumônier des tertiaires de langue française
Cher frère, Chère sœur,
Dans le discours après la Cène, au ch. 17, l’évangéliste saint Jean nous livre l’émouvante prière de Jésus pour ses prêtres : la prière sacerdotale. Jésus vient de consacrer ses apôtres et de leur résumer les enseignements de sa divine sagesse. Dans une longue supplique — la plus longue que nous ayons de Lui — il adresse pour ses prêtres à son Père la prière la plus vive et la plus ardente. Retenons tout spécialement de celle-ci les paroles que la messe votive pour la persévérance des vocations sacerdotales a reprises dans le chant de communion et qui résument la prière du Sauveur : « Sanctifiez-les dans la vérité » (Jn 17,17).
« Sanctifiez-les dans la vérité » ! Saint Thomas d’Aquin donne trois sens à cette prière : Sanctifiez-les, rendez-les parfaits, faites-les saints, faites qu’en eux resplendisse ma lumière divine. Et dans la vérité, c’est-à-dire, en Moi, votre Fils même qui suis la vérité ; c’est pourquoi il ajoute : « votre Parole — c’est le Verbe — est vérité ». Rendez-les participants de ma perfection et de ma sainteté. La participation à la perfection et à la sainteté de Jésus doit sanctifier le prêtre au point de rendre visibles en lui cette perfection et cette sainteté divines. Dans le sermon sur la montagne, le Christ donnait à ses disciples l’idéal à poursuivre : la perfection du Père (Mt 5,48). Ici il prie son Père d’accorder à ses prêtres cette éminente sainteté. Or le Père exauce toujours son Fils (Jn 11,42). La confiance dans l’efficacité de la prière de Jésus est la première condition pour arriver à ce but sublime : « si vous pouvez croire, tout est possible à celui qui croit » (Mc 9,22). Il faut, au prêtre, une foi vive et agissante qui l’unisse toujours plus intimement à Jésus. L’union avec Lui est la condition indispensable pour produire des fruits de sainteté : « comme le sarment ne peut fructifier s’il ne reste uni au cep, ainsi vous non plus si vous ne restez uni à Moi » (Jn 15,4) et il ajoute comme s’il nous en priait : « restez en Moi, restez dans mon amour » (Jn 15,9). Pour le prêtre, point de sainteté possible s’il ne reste à tout moment uni à Jésus-Christ. Aussi, pour les âmes sacerdotales, prions le Père, avec son Fils et par Lui : faites-les saints dans la vérité, en Vous qui êtes « la voie, la vérité et la vie ».
« Sanctifiez-les », c’est-à-dire, infusez en eux le Saint-Esprit ;et alors « en vérité » signifie dans la connaissance de la vérité de la foi et de vos commandements. Pour saint Paul, nous sommes sanctifiés par la foi et la connaissance de la vérité (Rm 3,22). La descente du Saint-Esprit sur les apôtres le jour de la Pentecôte est la réponse du Père à cette prière de Jésus. Dans le Discours après la Cène, la puissance du Saint-Esprit est annoncée comme une lumière divine éclairant tout l’enseignement de Jésus et une force céleste faisant exécuter tous ses préceptes. C’est le prêtre surtout qui a besoin de cette lumière intime de l’Esprit-Saint ; elle l’éclaire dans la connaissance de la vérité, base de toute sainteté, connaissance non seulement théorique, mais surtout pratique, expérimentale qui ne s’obtient que par l’action mystérieuse du Saint-Esprit, lumière des cœurs qui instruit dans l’oraison. Sachons demander au divin Paraclet, pour les prêtres, cette lumière divine : « O lux beatissima, reple cordis intima tuorum fidelium. » (séquence messe de la Pentecôte) Sans Lui on ne peut rien donner qui ait une vraie valeur devant Dieu : « sine tuo numine nihil est in homine, nihil est innoxium » (ibid.). L’union avec Jésus et en Jésus, condition indispensable de la sainteté, n’est possible que par la vertu du Saint-Esprit, sève mystérieuse qui unit les sarments au cep et entre eux. « Sanctifiez-les dans la vérité ! » Répétons souvent cette prière divine. Elle est la prière sacerdotale par excellence. Par elle nous invoquons sans cesse l’Esprit sanctificateur pour les prêtres, nous unissant à la prière sacerdotale du Souverain Prêtre.
« Sanctifiez-les dans la vérité » peut enfin, d’après saint Thomas, être pris dans le sens d’une consécration puisque dans l’Ancien Testament tout ce qui servait au culte était dit sanctifié. Ainsi le mot sanctification équivaudrait à consécration et Jésus demanderait que ses prêtres soient consacrés et entièrement destinés au service divin. Par cette grâce de sanctification les prêtres deviennent inaptes à tout usage profane, ils sont exclusivement à Dieu. Cette consécration envahit pour ainsi dire tout l’être du prêtre, toute sa vie, faisant de lui un être absolument sacré. C’est la raison pour laquelle l’Eglise, fidèle interprète du Christ, a établi et maintenu la loi du célibat ecclésiastique, et qu’elle veut pour ses prêtres un habit qui le distingue des fidèles. L’Eglise veut libérer le prêtre de tout lien susceptible d’entraver son dévouement exclusif au service de Dieu. « Sanctifiez-les dans la vérité » ! Redisons souvent cette prière pour les ministres du Seigneur, afin qu’ils se rappellent qu’ils appartiennent exclusivement à Dieu, qu’ils lui sont consacrés et qu’ils vivent comme des consacrés.
Cette prière sacerdotale de Notre-Seigneur se prolonge dans l’Eglise, grâce à des âmes généreuses : le carmel a été spécialement choisi pour cette mission ; sainte Thérèse d’Avila, puis sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, la bienheureuse Elisabeth de la Trinité et bien d’autres membres de cet ordre, se sont consacrés à soutenir le sacerdoce catholique de leurs prières et de leur vie de sacrifices. Des textes que vous trouverez dans ce bulletin illustreront cette union du carmel à la prière de Jésus pour ses prêtres. D’autres citations émanant d’âmes « sacerdotales » s’y ajouteront.
Que l’exemple de ces saintes âmes vous encourage à les imiter et à prolonger, vous aussi, cette prière si profonde de Notre
Sauveur pour ceux qu’il a choisis afin de le faire revivre ici-bas pour la sanctification des âmes.
Daigne le Cœur immaculé de Marie nous obtenir ce zèle ardent qui animait tout spécialement la Réformatrice du Carmel et sa digne émule, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face ; celle-ci déclarait hautement son intention personnelle dans l’examen canonique qui précéda sa Profession : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres ».
† Je vous bénis.
Abbé L.-P. Dubroeucq †
Récollections à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, Paris : Retraites carmélitaines : - Du 22 au 27 août 2011 à l’Etoile du Matin, 57230 Eguelshardt |