Bulletin du Tiers-Ordre séculier pour les pays de langue française
Editorial de Monsieur l’abbé Louis-Paul Dubroeucq,
aumônier des tertiaires de langue française
Cher frère, Chère sœur,
Celui qui désire la perfection, aspire à l’amitié de Notre-Seigneur, et donc à lui être uni : « Ayez en vous, dit saint Paul, le même sentiment dont était animé Jésus-Christ. » Ce sentiment l’Apôtre nous le révèle : « il s’est anéanti lui-même, en prenant la forme d’un esclave,… il s’est humilié lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, la mort de la Croix. » Celui qui veut se sanctifier doit donc suivre Jésus dans son humilité. L’amitié invite à l’imitation, à la ressemblance. Or Jésus nous dit comment lui ressembler, ce qui lui plait de voir en nous : « Apprenez de moi, que je suis doux et humble de cœur. » Quelle amitié serait possible entre le Sauveur si humble et si doux et l’âme orgueilleuse, susceptible, vaniteuse, rude et revêche ?
Saint Vincent de Paul remarquait, dans les visites qu’il faisait des maisons religieuses, que la vertu pour laquelle ces âmes consacrées avaient le plus d’estime et d’attrait, était la vertu d’humilité. « tant il est vrai dit-il que chacun trouve cette vertu belle et aimable. D’où vient donc qu’il y en a si peu qui l’embrassent, et encore moins qui la possèdent ? C’est qu’on se contente de la considérer ; on ne s’applique pas à l’acquérir. » Ce désir est stérile car on reste très éloigné de vouloir les humiliations, en raison des souffrances qu’elles entraînent : ainsi quand on est en faute, on s’excuse ; on ne s’efforce pas de se faire auprès du prochain petit, modeste, condescendant. On ne s’applique pas à être insensible aux manques d’égard, aux critiques, aux reproches, à tout ce qui blesse notre amour propre. On demande à Dieu l’humilité, mais on n’est pas dans la disposition d’accepter de bon cœur tout ce que l’humiliation a d’amer pour la nature.
L’âme fidèle, au contraire, touchée des humiliations de Jésus, désire les partager ; aussi s’efforce-t-elle avec générosité et persévérance, à imiter son humilité, acceptant de se considérer comme « la balayure du monde » et à être traitée comme telle. Les prières qu’elle fait alors pour obtenir cette vertu sont exaucées. Le jour vient où elle n’est plus ébranlée, comme autrefois par les jugements des hommes, leur bons ou mauvais procédés ; éclairée par Dieu, elle saisit le néant des honneurs et de la gloire, l’inanité de l’estime des hommes, le peu d’importance de leurs amabilités ou de leurs froideurs. En son cœur, également, s’est opéré un détachement d’elle-même, une indifférence à être bien ou mal jugée, à être traitée avec ou sans égards, détachement qu’elle n’eût pas pu acquérir par elle-même. C’est un effet du don de science, qui accorde à l’âme ces sentiments d’humilité. En effet, le don de science, d’après saint Thomas, fait juger sainement des choses humaines et en général des créatures ; il fait comprendre le peu de valeur de cette gloire que les hommes recherchent tant. En se regardant plus à fond, l’âme reconnaît qu’elle a reçu du Saint-Esprit d’autres lumières qui l’ont beaucoup aidée à comprendre la vanité des jugements humains, à se détacher du désir de la gloire et des honneurs. Ces lumières sont plus précieuses, car elles lui ont fait découvrir en elle une misère profonde et son néant de créature. Elle avait commencé à servir Dieu avec plus de fidélité à l’entrée de la voie illuminative, voyant mieux ses défauts. A présent elle se voit comme un composé de misères et de faiblesses.
De plus les dons d’intelligence et de sagesse lui ont donné une très haute idée de Dieu et de ce qui Lui est dû ; aussi est-elle confuse d’avoir si peu fait pour Lui, et elle est loin de se complaire dans le bien qu’elle accomplit. D’autant qu’elle voit toute la laideur de ses moindres fautes qui offensent un Père si bon ; c’est pourquoi elle se reproche de simples négligences, comprenant qu’avec plus de fidélité elle aurait atteint un plus haut degré de vertu. En même temps Dieu a mis dans sa volonté cette disposition que saint François de Sales appelle l’amour de son abjection ; elle se réjouit de se savoir si misérable, qu’elle ne peut se glorifier en rien, heureuse de rendre à Dieu toute la gloire dans les œuvres qu’elle accomplit. Elle-même aime à être comptée pour rien. C’est le don d’humilité qui commence à lui être communiqué. « Notre-Seigneur Lui-même, dit sainte Thérèse, met en nous l’humilité, et bien autrement que nos pauvres réflexions ne pourraient le faire. Quelle comparaison, en effet, entre nos réflexions et cette humilité vraie, accompagnée de lumière, que Dieu Lui-même enseigne à l’âme et qui la fait rentrer dans le néant. »
Laissons, bien chers tertiaires, Notre-Seigneur nous former à cette belle vertu par l’action si efficace du Saint-Esprit. La croissance de la vertu d’humilité entraîne l’augmentation des grâces, car Dieu se communique davantage à l’âme qui s’abaisse.
Pour acquérir la vertu d’humilité saint Thomas d’Aquin nous indique deux moyens : d’abord la grâce de Dieu ; ensuite, les efforts constants à réprimer, en premier lieu, les défauts extérieurs contraires à l’humilité, et pour extirper, en second lieu, la racine plus ou moins cachée de l’orgueil .
En laissant cette vertu croître en nous, nous plairons à Dieu qui regarde les humbles . Or, pour Dieu, regarder une âme, c’est l’aimer, c’est la combler de ses faveurs . Les humbles, outre qu’ils sont privilégiés de la grâce, obtiennent également par cette vertu de base, le développement de toutes les autres vertus, spécialement la charité.
Saint Vincent de Paul écrivait : « J’ai pensé et repensé plusieurs fois aux moyens les plus propres pour acquérir et conserver l’union et la charité avec Dieu et avec le prochain ; mais je n’en ai point trouvé de meilleur ni de plus efficace que la sainte humilité, de s’abaisser toujours au-dessous de tous les autres, ne juger mal de personne, et s’estimer le moindre et le pire de tous. Car c’est l’amour propre et l’orgueil qui nous aveugle, et qui nous porte à soutenir nos sentiments contre ceux de notre prochain. »
Daigne la bienheureuse Vierge Marie nous obtenir cette grâce ! Avec elle aimons à redire et à méditer son cantique, le Magnificat où elle chante les bienfaits de l’humilité.
† Je vous bénis.
Abbé L.-P. Dubrœucq †
Notes
Phil., 2, 5.
Phil., 2, 5–6. .
Vie de saint Vincent de Paul, Abelly, l. III, ch.XXII.
2a 2ae, qu. 9, art. 2, ad c.
Vie, ch. XV.
2a 2ae, qu. 161, art. 6, ad 2m.
Ps. 137, v.6.
St Jean de la Croix, Cantique spirituel, 19e str.
Maximes et pratiques extraites de sa vie, ses lettres et ses conférences, par M. l’abbé Maynard, p. 122, Ed. Bray et Retaux, 1885.
Retraite du Lundi 9.01 12h au Samedi 14.01 13h au Prieuré de Gastines, 49380 Faye d’Anjou Retraites mixtes (hommes et dames),ouvertes principalement aux tertiaires du carmel mais aussi aux personnes intéressées par la spiritualité du carmel Inscriptions auprès de Mr l’abbé Dubroeucq au prieuré de Gastines tél : 02 41 74 12 78 Comme l’indique l’ordo de 2011,des messes sont célébrées au Mans |