Lettre n° 80 de Mgr Bernard Fellay aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de mars 2013

Chers Amis et Bienfaiteurs,

oilà bien long­temps que cette lettre aurait dû vous par­ve­nir, et c’est avec joie, en ce temps pas­cal, que nous vou­drions faire le point et expo­ser quelques réflexions sur la situa­tion de l’Eglise.

Comme vous le savez, la Fraternité s’est trou­vée dans une posi­tion déli­cate durant une grande par­tie de l’an­née 2012, suite à la der­nière approche de Benoît XVI pour essayer de nor­ma­li­ser notre situa­tion. Les dif­fi­cul­tés venaient, d’une part, des exi­gences qui accom­pa­gnaient la pro­po­si­tion romaine – aux­quelles nous ne pou­vions et ne pou­vons tou­jours pas sous­crire –, et d’autre part, d’un manque de clar­té de la part du Saint-​Siège qui ne per­met­tait pas de connaître exac­te­ment la volon­té du Saint-​Père, ni ce qu’il était dis­po­sé à nous concé­der. Le trouble cau­sé par ces incer­ti­tudes s’est dis­si­pé à par­tir du 13 juin 2012, avec une confir­ma­tion nette, le 30 du même mois, par une lettre de Benoît XVI lui-​même qui expri­mait clai­re­ment et sans ambi­guï­té les condi­tions que l’on nous impo­sait pour une nor­ma­li­sa­tion canonique.

Ces condi­tions sont d’ordre doc­tri­nal ; elles portent sur l’ac­cep­ta­tion totale du concile Vatican II et de la messe de Paul VI. Aussi, comme l’a écrit Mgr Augustine Di Noia, vice-​président de la Commission Ecclesia Dei, dans une lettre adres­sée aux membres de la Fraternité Saint-​Pie X à la fin de l’an­née der­nière, sur le plan doc­tri­nal, nous sommes tou­jours au point de départ tel qu’il se posait dans les années 70. Nous ne pou­vons mal­heu­reu­se­ment que sous­crire à ce constat des auto­ri­tés romaines, et recon­naître l’ac­tua­li­té de l’a­na­lyse Mgr Marcel Lefebvre, , fon­da­teur de notre Fraternité, qui n’a pas varié dans les décen­nies qui ont sui­vi le Concile, jus­qu’à sa mort. Sa per­cep­tion très juste, à la fois théo­lo­gique et pra­tique, vaut encore aujourd’­hui, cin­quante ans après le début du Concile.

Nous aime­rions rap­pe­ler cette ana­lyse que la Fraternité Saint-​Pie X a tou­jours faite sienne et qui demeure le fil conduc­teur de sa posi­tion doc­tri­nale et de son action : tout en recon­nais­sant que la crise qui secoue l’Eglise a aus­si des causes exté­rieures, c’est bien le Concile lui-​même qui est l’agent prin­ci­pal de son auto-destruction.

Dès la fin du Concile Mgr Lefebvre a expo­sé, dans une lettre au car­di­nal Alfredo Ottaviani du 20 décembre 1966, les dégâts cau­sés par le Concile pour toute l’Eglise. Je la citais déjà dans la Lettre aux Amis et Bienfaiteurs n°68, du 29 sep­tembre 2005. Il est utile d’en relire aujourd’hui quelques extraits.

« Alors que le Concile se pré­pa­rait à être une nuée lumi­neuse dans le monde d’aujourd’hui si l’on avait uti­li­sé les sché­mas pré­pa­rés dans les­quels on trou­vait une pro­fes­sion solen­nelle de doc­trine sûre au regard des pro­blèmes modernes, on peut et on doit mal­heu­reu­se­ment affirmer :

« Que, d’une manière à peu près géné­rale, lorsque le Concile a inno­vé, il a ébran­lé la cer­ti­tude de véri­tés ensei­gnées par le Magistère authen­tique de l’Eglise comme appar­te­nant défi­ni­ti­ve­ment au tré­sor de la Tradition.

« Qu’il s’agisse de la trans­mis­sion de la juri­dic­tion des évêques, des deux sources de la Révélation, de l’inspiration scrip­tu­raire, de la néces­si­té de la grâce pour la jus­ti­fi­ca­tion, de la néces­si­té du bap­tême catho­lique, de la vie de la grâce chez les héré­tiques, schis­ma­tiques et païens, des fins du mariage, de la liber­té reli­gieuse, des fins der­nières, etc. Sur ces points fon­da­men­taux, la doc­trine tra­di­tion­nelle était claire et ensei­gnée una­ni­me­ment dans les uni­ver­si­tés catho­liques. Or, de nom­breux textes du Concile sur ces véri­tés per­mettent désor­mais d’en douter.

« Les consé­quences en ont été rapi­de­ment tirées et appli­quées dans la vie de l’Eglise :

« – Les doutes sur la néces­si­té de l’Eglise et des sacre­ments entraînent la dis­pa­ri­tion des voca­tions sacerdotales

« – Les doutes sur la néces­si­té et la nature de la ‘conver­sion’ de toute âme entraînent la dis­pa­ri­tion des voca­tions reli­gieuses, la ruine de la spi­ri­tua­li­té tra­di­tion­nelle dans les novi­ciats, l’inutilité des missions.

« – Les doutes sur la légi­ti­mi­té de l’autorité et l’exigence de l’obéissance pro­vo­qués par l’exaltation de la digni­té humaine, de l’autonomie de la conscience, de la liber­té, ébranlent toutes les socié­tés en com­men­çant par l’Eglise, les socié­tés reli­gieuses, les dio­cèses, la socié­té civile, la famille.

« L’orgueil a pour suite nor­male toutes les concu­pis­cences des yeux et de la chair. C’est peut-​être une des consta­ta­tions les plus affreuses de notre époque de voir à quelle déchéance morale sont par­ve­nues la plu­part des publi­ca­tions catho­liques. On y parle sans aucune rete­nue de la sexua­li­té, de la limite des nais­sances par tous les moyens, de la légi­ti­mi­té du divorce, de l’éducation mixte, du flirt, des bals comme moyens néces­saires de l’éducation chré­tienne, du céli­bat des prêtres, etc.

« – Les doutes sur la néces­si­té de la grâce pour être sau­vé pro­voquent la més­es­time du bap­tême désor­mais remis à plus tard, l’abandon du sacre­ment de péni­tence. Il s’agit d’ailleurs sur­tout d’une atti­tude des prêtres et non des fidèles. Il en est de même pour la pré­sence réelle : ce sont des prêtres qui agissent comme s’ils ne croyaient plus, en cachant la Sainte Réserve, en sup­pri­mant toutes les marques de res­pect envers le Saint-​Sacrement, et toutes les céré­mo­nies en son honneur.

« – Les doutes sur la néces­si­té de l’Eglise source unique de salut, sur l’Eglise catho­lique seule vraie reli­gion, pro­ve­nant des décla­ra­tions sur l’œcuménisme et la liber­té reli­gieuse, détruisent l’autorité du Magistère de l’Eglise. En effet, Rome n’est plus la Magistra Veritatis unique et nécessaire.

« Il faut donc, accu­lé par les faits, conclure que le Concile a favo­ri­sé d’une manière incon­ce­vable la dif­fu­sion des erreurs libé­rales. La foi, la morale, la dis­ci­pline ecclé­sias­tique sont ébran­lées dans leurs fon­de­ments, selon les pré­dic­tions de tous les papes.

« La des­truc­tion de l’Eglise avance à pas rapides. Par une auto­ri­té exa­gé­rée don­née aux confé­rences épis­co­pales, le sou­ve­rain pon­tife s’est ren­du impuis­sant. En une seule année, que d’exemples dou­lou­reux ! Cependant le Successeur de Pierre et lui seul peut sau­ver l’Eglise.

« Que le Saint-​Père s’entoure de vigou­reux défen­seurs de la foi, qu’il les désigne dans les dio­cèses impor­tants. Qu’il daigne par des docu­ments impor­tants pro­cla­mer la véri­té, pour­suivre l’erreur, sans crainte des contra­dic­tions, sans crainte des schismes, sans crainte de remettre en cause les dis­po­si­tions pas­to­rales du Concile.

« Daigne le Saint-​Père : encou­ra­ger les évêques à redres­ser la foi et les mœurs indi­vi­duel­le­ment, cha­cun dans leurs dio­cèses res­pec­tifs, comme il convient à tout bon pas­teur ; sou­te­nir les évêques cou­ra­geux, les inci­ter à réfor­mer leurs sémi­naires, à y res­tau­rer les études selon saint Thomas ; encou­ra­ger les supé­rieurs géné­raux à main­te­nir dans les novi­ciats et les com­mu­nau­tés les prin­cipes fon­da­men­taux de toute ascèse chré­tienne, sur­tout l’obéissance ; encou­ra­ger le déve­lop­pe­ment des écoles catho­liques, la presse de saine doc­trine, les asso­cia­tions de familles chré­tiennes ; enfin répri­man­der les fau­teurs d’erreurs et les réduire au silence. Les allo­cu­tions des mer­cre­dis ne peuvent rem­pla­cer les ency­cliques, les man­de­ments, les lettres aux évêques.

« Sans doute suis-​je bien témé­raire de m’exprimer de cette manière ! Mais c’est d’un amour ardent que je com­pose ces lignes, amour de la gloire de Dieu, amour de Jésus, amour de Marie, de son Eglise, du Successeur de Pierre, évêque de Rome, Vicaire de Jésus-Christ. »

Le 21 novembre 1974, après la visite apos­to­lique du sémi­naire d’Ecône, Mgr Lefebvre a jugé néces­saire de résu­mer sa posi­tion dans la célèbre décla­ra­tion qui aura pour consé­quence, quelques mois plus tard, l’injuste sup­pres­sion cano­nique de la Fraternité Saint-​Pie X, que notre fon­da­teur et ses suc­ces­seurs ont tou­jours tenue pour nulle. Ce texte capi­tal s’ouvrait sur cette pro­fes­sion de foi qui est celle de tous les membres de la Fraternité :

« Nous adhé­rons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catho­lique, gar­dienne de la Foi catho­lique et des tra­di­tions néces­saires au main­tien de cette foi, à la Rome éter­nelle, maî­tresse de sagesse et de vérité.

« Nous refu­sons par contre et avons tou­jours refu­sé de suivre la Rome de ten­dance néo-​moderniste et néo-​protestante qui s’est mani­fes­tée clai­re­ment dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues.

« Toutes ces réformes, en effet, ont contri­bué et contri­buent encore à la démo­li­tion de l’Eglise, à la ruine du Sacerdoce, à l’anéantissement du Sacrifice et des sacre­ments, à la dis­pa­ri­tion de la vie reli­gieuse, à un ensei­gne­ment natu­ra­liste et teil­har­dien dans les uni­ver­si­tés, les sémi­naires, la caté­chèse, ensei­gne­ment issu du libé­ra­lisme et du pro­tes­tan­tisme condam­nés maintes fois par le magis­tère solen­nel de l’Eglise.

Et cette décla­ra­tion s’achevait sur ces lignes :

« La seule atti­tude de fidé­li­té à l’Eglise et à la doc­trine catho­lique, pour notre salut, est le refus caté­go­rique d’ac­cep­ta­tion de la Réforme.

« C’est pour­quoi sans aucune rébel­lion, aucune amer­tume, aucun res­sen­ti­ment nous pour­sui­vons notre œuvre de for­ma­tion sacer­do­tale sous l’é­toile du magis­tère de tou­jours, per­sua­dés que nous ne pou­vons rendre un ser­vice plus grand à la sainte Eglise catho­lique, au sou­ve­rain pon­tife et aux géné­ra­tions futures. »

En 1983, rap­pe­lant le sens du com­bat pour la Tradition, Mgr Lefebvre adres­sait un mani­feste épis­co­pal à Jean-​Paul II, co-​signé par Mgr Antonio de Castro Mayer, où il dénon­çait, une fois de plus, les ravages cau­sés par les réformes post-​conciliaires et l’esprit néfaste qui s’est répan­du par­tout. Il sou­li­gnait, en par­ti­cu­lier, les points sui­vants au sujet du faux œcu­mé­nisme, de la col­lé­gia­li­té, de la liber­té reli­gieuse, du pou­voir du pape et de la nou­velle messe :

- Le faux œcu­mé­nisme :

« Cet œcu­mé­nisme est éga­le­ment contraire aux ensei­gne­ments de Pie XI dans l’en­cy­clique Mortalium ani­mos : sur ce point il est oppor­tun d’ex­po­ser et de repous­ser une cer­taine opi­nion fausse qui est à la racine de ce pro­blème et de ce mou­ve­ment com­plexe par le moyen duquel les non-​catholiques s’ef­forcent de réa­li­ser une union des églises chré­tiennes. Ceux qui adhèrent à cette opi­nion citent constam­ment ces paroles du Christ : ‘Qu’ils soient un… et que n’existe qu’un seul trou­peau et qu’un seul pas­teur’ (Jn 17,21 et 10,16) et pré­tendent que par ces paroles le Christ exprime un désir ou une prière qui n’a jamais été réa­li­sée. Ils pré­tendent de fait que l’u­ni­té de foi et de gou­ver­ne­ment, qui est une des notes de la véri­table Eglise du Christ, pra­ti­que­ment jus­qu’au­jourd’­hui n’a jamais exis­té et aujourd’­hui n’existe pas.

« Cet œcu­mé­nisme, condam­né par la morale et le droit catho­liques, en arrive à per­mettre de rece­voir les sacre­ments de péni­tence, d’eu­cha­ris­tie et d’extrême-​onction de ‘ministres non-​catholiques’ (Canon 844 N.C.) et favo­rise ‘l’hos­pi­ta­li­té œcu­mé­nique’ en auto­ri­sant les ministres catho­liques à don­ner le sacre­ment de l’eu­cha­ris­tie à des non-catholiques. »

- La col­lé­gia­li­té :

« La doc­trine déjà sug­gé­rée par le docu­ment Lumen gen­tium du concile Vatican II sera reprise expli­ci­te­ment par le nou­veau Droit Canon (Can. 336) ; doc­trine selon laquelle le col­lège des évêques joint au pape jouit éga­le­ment du pou­voir suprême dans l’Eglise et cela d’une manière habi­tuelle et constante.

« Cette doc­trine du double pou­voir suprême est contraire à l’en­sei­gne­ment et à la pra­tique du magis­tère de l’Eglise, spé­cia­le­ment dans le concile Vatican I (Dz. 3055), et dans l’en­cy­clique de Léon XIII Satis cogni­tum. Seul le pape a ce pou­voir suprême qu’il com­mu­nique dans la mesure où il le juge oppor­tun et dans des cir­cons­tances extraordinaires.

« A cette grave erreur se rat­tache l’o­rien­ta­tion démo­cra­tique de l’Eglise, les pou­voirs rési­dant dans le ‘peuple de Dieu’ tel qu’il est défi­ni dans le nou­veau Droit. Cette erreur jan­sé­niste est condam­née par la Bulle Auctorem Fidei de Pie VI (Dz. 2602). »

- La liber­té reli­gieuse :

« La décla­ra­tion Dignitatis huma­nae du concile Vatican II affirme l’exis­tence d’un faux droit natu­rel de l’homme en matière reli­gieuse, contrai­re­ment aux ensei­gne­ments pon­ti­fi­caux, qui nient for­mel­le­ment un pareil blasphème.

« Ainsi Pie IX dans son ency­clique Quanta Cura et dans le Syllabus, Léon XIII dans ses ency­cliques Libertas praes­tan­tis­si­mumet Immortale Dei, Pie XII dans son allo­cu­tion Ci Riesce aux juristes catho­liques ita­liens, nient que la rai­son et la révé­la­tion fondent un pareil droit.

« Vatican II croit et pro­fesse, d’une manière uni­ver­selle, que ‘la Vérité ne peut s’im­po­ser que par la force propre de la Vérité’, ce qui s’op­pose for­mel­le­ment aux ensei­gne­ments de Pie VI contre les jan­sé­nistes du concile de Pistoie (Dz. 2604). Le Concile en arrive à cette absur­di­té d’af­fir­mer le droit de ne pas adhé­rer et de ne pas suivre la Vérité, d’o­bli­ger les gou­ver­ne­ments civils de ne plus faire de dis­cri­mi­na­tion pour des motifs reli­gieux, éta­blis­sant l’é­ga­li­té juri­dique entre les fausses et la vraie religion. (…)

« Les consé­quences de la recon­nais­sance par le Concile de ce faux droit de l’homme ruinent les fon­de­ments du règne social de Notre-​Seigneur, ébranlent l’au­to­ri­té et le pou­voir de l’Eglise dans sa mis­sion de faire régner Notre-​Seigneur dans les esprits et dans les cœurs, en menant le com­bat contre les forces sata­niques qui sub­juguent les âmes. L’esprit mis­sion­naire sera accu­sé de pro­sé­ly­tisme exagéré.

« La neu­tra­li­té des Etats en matière reli­gieuse est inju­rieuse pour Notre-​Seigneur et son Eglise, lors­qu’il s’a­git d’Etats à majo­ri­té catholique. »

- Le pou­voir du pape :

« Certes le pou­voir du pape dans l’Eglise est un pou­voir suprême, mais il ne peut être abso­lu et sans limites, étant don­né qu’il est subor­don­né au pou­voir divin, qui s’ex­prime dans la Tradition, la sainte Ecriture et les défi­ni­tions déjà pro­mul­guées par le magis­tère ecclé­sias­tique (Dz. 3116).

« Le pou­voir du pape est subor­don­né et limi­té par la fin pour laquelle son pou­voir lui a été don­né. Cette fin est clai­re­ment défi­nie par le pape Pie IX dans la Constitution Pastor aeter­nus du concile Vatican I (Dz. 3070). Ce serait un abus de pou­voir into­lé­rable de modi­fier la consti­tu­tion de l’Eglise et de pré­tendre en appe­ler au droit humain contre le droit divin, comme dans la liber­té reli­gieuse, comme dans l’hos­pi­ta­li­té eucha­ris­tique auto­ri­sée par le nou­veau Droit, comme dans l’af­fir­ma­tion des deux pou­voirs suprêmes dans l’Eglise.

« Il est clair que dans ces cas et autres sem­blables, c’est un devoir pour tout clerc et fidèle catho­lique de résis­ter et de refu­ser l’o­béis­sance. L’obéissance aveugle est un contre-​sens et nul n’est exempt de res­pon­sa­bi­li­té pour avoir obéi aux hommes plu­tôt qu’à Dieu (Dz. 3115) ; et cette résis­tance doit être publique si le mal est public et est un objet de scan­dale pour les âmes (Somme théo­lo­gique, II, II, 33, 4).

« Ce sont là des prin­cipes élé­men­taires de morale, qui règlent les rap­ports des sujets avec toutes les auto­ri­tés légitimes.

« Cette résis­tance trouve d’ailleurs une confir­ma­tion dans le fait que désor­mais ceux-​là sont péna­li­sés qui s’en tiennent fer­me­ment à la Tradition et à la foi catho­lique, et que ceux qui pro­fessent des doc­trines hété­ro­doxes ou accom­plissent de véri­tables sacri­lèges ne sont nul­le­ment inquié­tés. C’est la logique de l’a­bus de pouvoir. »

- La nou­velle messe :

« Contrairement aux ensei­gne­ments du concile de Trente dans sa XXIIe ses­sion, contrai­re­ment à l’en­cy­clique Mediator Deide Pie XII, on a exa­gé­ré la place des fidèles dans la par­ti­ci­pa­tion à la messe et dimi­nué la place du prêtre deve­nu simple pré­sident. On a exa­gé­ré la place de la litur­gie de la parole et dimi­nué la place du sacri­fice pro­pi­tia­toire. On a exal­té le repas com­mu­nau­taire et on l’a laï­ci­sé, aux dépens du res­pect et de la foi en la pré­sence réelle par la transsubstantiation.

« En sup­pri­mant la langue sacrée, on a plu­ra­li­sé à l’in­fi­ni les rites en les pro­fa­nant par des apports mon­dains ou païens et on a répan­du de fausses tra­duc­tions, aux dépens de la vraie foi et de la vraie pié­té des fidèles. »

En 1986, à pro­pos de la ren­contre inter­re­li­gieuse d’Assise, qui consti­tuait un scan­dale inouï dans l’Eglise catho­lique, et sur­tout une vio­la­tion du pre­mier de tous les com­man­de­ments – « un seul Dieu tu ado­re­ras » – où l’on vit le Vicaire du Christ invi­ter les repré­sen­tants de toutes les reli­gions à invo­quer leurs faux dieux, Mgr Lefebvre pro­tes­ta avec véhé­mence. Il dira même avoir vu dans cet évé­ne­ment insup­por­table pour tout cœur catho­lique l’un des signes qu’il avait deman­dés au Ciel, avant de pou­voir pro­cé­der à un sacre épiscopal.

Dans la Lettre aux Amis et Bienfaiteurs n°40 du 2 février 1991, M. l’abbé Franz Schmidberger, 2e Supérieur géné­ral de la Fraternité Saint-​Pie X, reprit l’ensemble de la ques­tion et redit la posi­tion catho­lique dans un petit com­pen­dium des erreurs contem­po­raines oppo­sées à la foi. Et nous avons deman­dé à quelques confrères de résu­mer en une sorte de vade­me­cum l’ensemble de ces points dans divers ouvrages publiés depuis, dont le remar­quable Catéchisme de la crise de l’Eglise de M. l’abbé Matthias Gaudron (Edition Rex Regum).

Aujourd’hui, dans la même ligne, nous ne pou­vons que répé­ter ce que Mgr Lefebvre et M. l’abbé Schmidberger à sa suite ont affir­mé. Toutes les erreurs qu’ils ont dénon­cées, nous les dénon­çons. Nous sup­plions le Ciel et les auto­ri­tés de l’Eglise, en par­ti­cu­lier le nou­veau sou­ve­rain pon­tife, le pape François, Vicaire du Christ, suc­ces­seur de Pierre, de ne pas lais­ser les âmes se perdre parce qu’elles ne reçoivent plus la saine doc­trine, le dépôt révé­lé, la foi, sans laquelle nul ne peut être sau­vé, nul ne peut plaire à Dieu.

A quoi sert-​il de se dévouer pour les hommes si on leur cache l’essentiel, le but et le sens de leur vie, et la gra­vi­té du péché qui les en détourne ? La cha­ri­té pour les pauvres, les plus dému­nis, les infirmes, les malades, a tou­jours été un vrai sou­ci pour l’Eglise, et il ne faut pas s’en dis­pen­ser, mais si cela se réduit à de la pure phi­lan­thro­pie et à de l’anthropocentrisme, alors l’Eglise ne rem­plit plus sa mis­sion, elle ne conduit plus les âmes à Dieu, ce qui ne peut se faire réel­le­ment que par les moyens sur­na­tu­rels, la foi, l’espérance, la cha­ri­té, la grâce. Et donc par la dénon­cia­tion de tout ce qui s’y oppose : les erreurs contre la foi et contre la morale. Car si, faute de cette dénon­cia­tion, les hommes pèchent, ils se damnent pour l’éternité. La rai­son d’être de l’Eglise est de les sau­ver et de leur faire évi­ter le mal­heur de leur perte éternelle.

Bien évi­dem­ment, cela ne sau­rait plaire au monde, qui se retourne alors contre l’Eglise, sou­vent avec vio­lence, comme nous le montre l’histoire.

Nous voi­ci donc à Pâques 2013, et la situa­tion de l’Eglise reste qua­si inchan­gée. Les paroles de Mgr Lefebvre prennent un accent pro­phé­tique. Tout s’est réa­li­sé, et tout conti­nue pour le plus grand mal­heur des âmes qui n’entendent plus de leurs pas­teurs le mes­sage du salut.

Sans nous lais­ser trou­bler, soit par la durée de cette crise ter­rible, soit par le nombre de pré­lats, d’évêques qui pour­suivent l’auto-destruction de l’Eglise, comme le recon­nais­sait Paul VI, nous conti­nuons, dans la mesure de nos moyens, à pro­cla­mer que l’Eglise ne peut chan­ger ni ses dogmes, ni sa morale. Car l’on ne touche pas à ses véné­rables ins­ti­tu­tions sans pro­vo­quer un véri­table désastre. Si cer­taines modi­fi­ca­tions acci­den­telles por­tant sur la forme exté­rieure doivent être faites – comme cela se pro­duit dans toutes les ins­ti­tu­tions humaines –, elles ne peuvent en aucun cas être faites en oppo­si­tion aux prin­cipes qui ont gui­dé l’Eglise dans tous les siècles précédents.

La consé­cra­tion à saint Joseph, déci­dée au Chapitre géné­ral de juillet 2012, inter­vient juste à ce moment déci­sif. Pourquoi saint Joseph ? Parce qu’il est le patron de l’Eglise catho­lique. Il conti­nue à avoir pour le Corps mys­tique le rôle que Dieu le Père lui avait confié auprès de son Divin Fils. Le Christ étant le chef de l’Eglise, tête du Corps mys­tique, il en découle que celui qui avait la charge de pro­té­ger le Messie, Fils de Dieu fait homme, voit sa mis­sion s’étendre à tout le Corps mystique.

De même que son rôle fut très dis­cret et en grande par­tie caché – tout en étant par­fai­te­ment effi­cace –, ain­si ce rôle pro­tec­teur – tout aus­si effi­cace sur l’Eglise –, s’effectue-t-il aujourd’hui dans une grande dis­cré­tion. Ce n’est qu’au fil des siècles que se mani­fes­ta de façon de plus en plus claire la dévo­tion à saint Joseph. Un des plus grands saints, un des plus dis­crets. A la suite de Pie IX, qui le décla­ra patron de toute l’Eglise, à la suite de Léon XIII qui confir­ma ce rôle et intro­dui­sit la magni­fique Prière à saint Joseph, patron de l’Eglise uni­ver­selle – que nous réci­tons tous les jours dans la Fraternité –, à la suite de saint Pie X, qui avait une dévo­tion toute spé­ciale à saint Joseph, dont il por­tait le nom, nous vou­lons faire nôtres, en ce moment dra­ma­tique de l’histoire de l’Eglise, cette dévo­tion et ce patronage.

Chers Amis et Bienfaiteurs de la Fraternité Saint-​Pie X, je vous bénis de tout cœur, en vous expri­mant ma gra­ti­tude pour vos prières et votre géné­ro­si­té en faveur de l’œuvre de res­tau­ra­tion de l’Eglise entre­prise par Mgr Lefebvre. Et plus encore, je demande à saint Joseph de vous obte­nir les grâces divines dont vos familles ont besoin pour demeu­rer fidèles à la Tradition catholique.

+Bernard Fellay, Supérieur général

Source : DICI

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.