Accepter d’être simple

Le Christ et ses disciples saint Pierre, saint Jacques et saint Jean. Crédit : Julian Kumar / Godong

Seigneur, donnez-​nous un maître pour que nous Vous trou­vions… Le pro­blème n’est pas d’avoir un maître mais d’avoir l’âme d’un disciple.

Jean, le Baptiste, était dans le désert, bap­ti­sant et prê­chant le bap­tême de péni­tence pour la rémis­sion des péchés. Toute la Judée et tous ceux de Jérusalem venaient à lui.

Pourtant, il ne fai­sait pas de miracles, comme bien­tôt le Christ. 

Vêtu de poils de cha­meau, avec une cein­ture de cuir à ses reins, il se nour­ris­sait de sau­te­relles et miel sauvage. 

Sa mor­ti­fi­ca­tion héroïque pou­vait expli­quer en par­tie la popu­la­ri­té dont il jouis­sait : tout cela était bien éloi­gné du mau­vais exemple des prêtres en place. Et puis, il y avait dans l’air une grande inquié­tude, comme le tra­dui­ront les qui es-​tu qui lui seront posés. Israël gémis­sait, humi­lié sous le joug de Rome. On comp­tait sur le Messie, sur le retour d’Élie pour un réta­blis­se­ment poli­tique.

Pourtant, le sou­ve­nir appli­qué au bap­tiste et rap­por­té dans saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, de la pro­phé­tie d’Isaïe vieille de 700 ans, était plus que le signe de l’attente d’un réta­blis­se­ment poli­tique ou d’une réforme reli­gieuse. C’était le rap­pel de la pos­si­bi­li­té de l’intervention divine dans le temps… Voix de celui qui crie dans le désert. Préparez la voie au Seigneur – ren­dez droits ses sen­tiers. A Zacharie, n’avait-il été pas dit que son Fils mar­che­rait devant le Messie, selon l’esprit et la ver­tu d’Élie ? Plus qu’un énième réfor­ma­teur, au désert, Jean-​Baptiste ouvrait la voix à l’intrusion divine par la per­sonne du Fils éter­nel dans l’histoire humaine et sur­tout dans la vie de cha­cun d’entre nous.

Qu’êtes vous allés cher­cher dans le désert ?

La foule n’y avait trou­vé qu’une pré­di­ca­tion rude, certes, mais simple sur la cha­ri­té… que celui qui a deux tuniques par­tage avec celui qui n’en a pas et que celui qui a de quoi man­ger fasse de même. Aux publi­cains, ces col­lec­teurs d’impôts à la solde de l’envahisseur, plu­tôt que de les blâ­mer, il leur disait de ne pas voler : N’exigez rien de plus que ce que ce qui vous a été fixé… être juste, comme il le dira aus­si aux sol­dats… ne dénon­cez pas faus­se­ment et conten­tez vous de votre paye. La sim­pli­ci­té de ses conseils tran­chait fran­che­ment avec la rudesse de son appa­rence : ils étaient pour lui les seuls capables de pré­pa­rer les âmes à celui qui vient. Accepter d’être simple, c’est s’ouvrir à Dieu.

Seigneur, donnez-​nous un maître pour que nous Vous trou­vions… Il ne suf­fit pas d’avoir une bible sur son bureau pour savoir lire les saintes écri­tures… car tout le monde sait lire, mais peu savent entendre la voix de Dieu. Il ne suf­fit pas de savoir ce qu’est l’oraison pour être une âme d’oraison… un habi­tué de ce dia­logue intime avec Dieu connaît les secrets divins pour que l’oraison ne se ter­mine pas en un mono­logue insi­pide. Le débu­tant dans la vie spi­ri­tuelle sou­vent se heurte à une série de portes fer­mées. Pourquoi ? Il manque de sim­pli­ci­té… un malade se cacherait-​il à celui qui va le soi­gner ? Il lui faut trou­ver cette nudi­té de l’âme en com­pre­nant que c’est lui-​même qui s’est fer­mé ces portes ; sinon, d’échecs en échecs, il s’épuisera avant de s’abandonner à la rou­tine. Et il ne le com­pren­dra pas sans l’aide d’un autre qui a l’expérience des méandres de l’âme et de la sim­pli­ci­té de Dieu. Le père spi­ri­tuel est là pour le cor­ri­ger et l’encourager avant de dis­pa­raître. Il ne le rem­pla­ce­ra pas dans ce tra­vail qu’il doit faire en lui mais il lui fera décou­vrir la vie inté­rieure, cette habi­tude de la grâce comme une inti­mi­té divine.

En fait, le pro­blème n’est pas d’avoir un maître, le pro­blème est d’avoir l’âme d’un dis­ciple. La foule avait trou­vé son maître dans ce désert. Pourtant, le jour sui­vant, le Christ pas­sa. D’une seule into­na­tion, voi­ci l’agneau de Dieu, le Baptiste avait dési­gné le Christ. Et seuls André et Jean le quit­tèrent pour suivre Jésus. Pour eux, la mis­sion du Baptiste était accom­plie, ils avaient été de vrais dis­ciples : le pré­cur­seur les avait déta­chés d’eux-mêmes et de lui, et ces deux-​là avaient trou­vé sans le savoir la sim­pli­ci­té qui plait à Dieu.

Savoir être dis­ciple, c’est apprendre à ne plus deman­der ce que l’on veut ou ce que l’on s’imagine. C’est apprendre à écou­ter et à recon­naître. C’est apprendre à ne plus vou­loir chan­ger le mono­tone devoir quo­ti­dien, et éton­nam­ment, c’est savoir ris­quer sa vie. Car c’est apprendre à renou­ve­ler en soi, d’esprit et de cœur, la fer­veur que l’on accorde à ce que Dieu veut de nous à chaque ins­tant. Un tel dis­ciple com­pren­dra ce que son maître entend dans ses silences, et ce jour-​là, il sau­ra le remer­cier pour la doci­li­té qu’il lui a apprise. Sans vrai­ment le quit­ter, il sau­ra enfin se défaire de lui… car, nous n’avons qu’un seul Maître.