Quelques mois avant sa passion, devant des pharisiens qui ne veulent pas de lui, Notre Seigneur nous donne la parabole de l’enfant prodigue et y livre, avant de mourir, son secret, le plus important : celui du Père, de son Père.
La parabole ne nous parle-t-elle que du repentir du fils perdu ? N’est-ce pas plutôt l’attitude du père qui nous dévoile l’attitude de Dieu ? Dès qu’il aperçoit son fils au loin, le père accourt, il l’attend depuis si longtemps, et sans laisser le fils terminer son discours, il l’embrasse longuement.
Il aurait été difficile d’exprimer en termes humains le mystérieux retournement divin. Voilà pourquoi le Christ procède par une parabole. Comment aurions-nous réagi à la place du père ? La colère, l’humiliation d’une leçon de morale ? Le fils s’y attendait. Et la justice ? Ne devrait-il pas racheter ce qu’il a dilapidé pour retrouver son rang ? Non. Le père est tellement subjugué par la joie et la miséricorde, qu’il paraît ne plus se posséder.
Sans cette parabole, aurions-nous pu savoir que face au pécheur notre Père du Ciel est comme plus malheureux que lui. Le prodigue ôte un malheur dont souffre depuis si longtemps intimement le Père ; le père est dans la joie, il est soulagé. L’autre fils, celui qui est resté fidèle mettra du temps à le comprendre. C’est pourtant toute la révélation chrétienne. En donnant son pardon, le Père peut en quelque sorte enfin être Père.
Dans les yeux de Jésus, au matin de sa trahison, Pierre comprend que sa faute ne date pas du petit matin : il se rend compte qu’il ne s’est pas livré à l’amour de Dieu. Dans sa généreuse volonté, il a empêché la présence totale de Dieu en Lui, il a empêché Dieu d’être père. C’est l’expérience terrible du péché qui le fait devenir fils. Le regard miséricordieux du Christ fera le reste.
Marie-Madeleine savait bien elle-aussi qu’elle vivait mal. Sa détresse est telle qu’elle bravera le mépris de tous ces hommes lors de ce dîner. En découvrant le Christ, elle découvre le Fils, elle reconnaît le Père et elle voit le vrai visage de son péché.
Pater, peccavi… oui, Seigneur, je suis pécheur, contre vous seul j’ai péché… mais cela a beaucoup moins d’importance que la découverte de votre amour. Dans les larmes de Marie Madeleine, la joie l’emporte sur l’amertume. Cela les pharisiens ne pourront le comprendre ; il leur faudrait reconnaître plus que leur péché, ils n’ont pas besoin de Dieu.
Abbé Vincent Bétin
Source : L’Aigle de Lyon n°369