Pater, peccavi…

Full title: The Magdalen Weeping Artist: Workshop of Master of the Magdalen Legend Date made: about 1525 Source: http://www.nationalgalleryimages.co.uk/ Contact: picture.library@nationalgallery.co.uk Copyright © The National Gallery, London

Quelques mois avant sa pas­sion, devant des pha­ri­siens qui ne veulent pas de lui, Notre Seigneur nous donne la para­bole de l’enfant pro­digue et y livre, avant de mou­rir, son secret, le plus impor­tant : celui du Père, de son Père.

La para­bole ne nous parle-​t-​elle que du repen­tir du fils per­du ? N’est-​ce pas plu­tôt l’at­ti­tude du père qui nous dévoile l’at­ti­tude de Dieu ? Dès qu’il aper­çoit son fils au loin, le père accourt, il l’at­tend depuis si long­temps, et sans lais­ser le fils ter­mi­ner son dis­cours, il l’embrasse longuement. 

Il aurait été dif­fi­cile d’exprimer en termes humains le mys­té­rieux retour­ne­ment divin. Voilà pour­quoi le Christ pro­cède par une para­bole. Comment aurions-​nous réagi à la place du père ? La colère, l’humiliation d’une leçon de morale ? Le fils s’y atten­dait. Et la jus­tice ? Ne devrait-​il pas rache­ter ce qu’il a dila­pi­dé pour retrou­ver son rang ? Non. Le père est tel­le­ment sub­ju­gué par la joie et la misé­ri­corde, qu’il paraît ne plus se posséder. 

Sans cette para­bole, aurions-​nous pu savoir que face au pécheur notre Père du Ciel est comme plus mal­heu­reux que lui. Le pro­digue ôte un mal­heur dont souffre depuis si long­temps inti­me­ment le Père ; le père est dans la joie, il est sou­la­gé. L’autre fils, celui qui est res­té fidèle met­tra du temps à le com­prendre. C’est pour­tant toute la révé­la­tion chré­tienne. En don­nant son par­don, le Père peut en quelque sorte enfin être Père. 

Dans les yeux de Jésus, au matin de sa tra­hi­son, Pierre com­prend que sa faute ne date pas du petit matin : il se rend compte qu’il ne s’est pas livré à l’amour de Dieu. Dans sa géné­reuse volon­té, il a empê­ché la pré­sence totale de Dieu en Lui, il a empê­ché Dieu d’être père. C’est l’ex­pé­rience ter­rible du péché qui le fait deve­nir fils. Le regard misé­ri­cor­dieux du Christ fera le reste.

Marie-​Madeleine savait bien elle-​aussi qu’elle vivait mal. Sa détresse est telle qu’elle bra­ve­ra le mépris de tous ces hommes lors de ce dîner. En décou­vrant le Christ, elle découvre le Fils, elle recon­naît le Père et elle voit le vrai visage de son péché. 

Pater, pec­ca­vi… oui, Seigneur, je suis pécheur, contre vous seul j’ai péché… mais cela a beau­coup moins d’importance que la décou­verte de votre amour. Dans les larmes de Marie Madeleine, la joie l’emporte sur l’amertume. Cela les pha­ri­siens ne pour­ront le com­prendre ; il leur fau­drait recon­naître plus que leur péché, ils n’ont pas besoin de Dieu.

Abbé Vincent Bétin

Source : L’Aigle de Lyon n°369