Dieu n’est pas un justicier implacable mais un Père, aimant donner son pardon au pécheur repentant et pénitent.
Quand l’esprit s’arrête à méditer sur le péché, sur l’offense infinie qu’il inflige à la majesté divine, l’homme se sent pousser à faire pénitence, et même durant toute sa vie, car la vie est trop courte pour réparer une offense infinie. Les auteurs de spiritualité, d’ailleurs, invitent à ne jamais se lasser de faire pénitence. Ce point est si important que le P. Faber, après avoir longtemps réfléchi sur la cause pour laquelle tant d’âmes font si peu de progrès, en vint à la conclusion que cette cause était « l’absence d’une douleur constante excitée par le souvenir du péché « .
Comment pratiquer la vertu de Pénitence ?
Pour pratiquer la pénitence d’une façon plus parfaite, il faut s’unir à Jésus pénitent, et lui demander de vivre en nous avec son esprit d’hostie ; puis s’associer à ses sentiments et à ses œuvres de pénitence. Toute la liturgie du Carême entraîne le catholique vers cette perspective d’union au Christ des douleurs. D’un point de vue pratique, voici quelques moyens piochés dans le livre du Père Tancquerey sur la théologie ascétique et mystique.
a) C’est tout d’abord le souvenir habituel et douloureux de ses péchés. Il ne convient pas sans doute de les repasser en détail dans son esprit – ce qui pourrait troubler l’imagination et créer de nouvelles tentations. Mais il faut chercher à s’en souvenir dans leur globalité, et surtout à entretenir à leur égard des sentiments de contrition et d’humiliation.
b) Ce souvenir douloureux est accompagné d’un sentiment de confusion perpétuelle. Cette confusion, nous pouvons la porter devant Dieu, comme Jésus-Christ a porté devant son Père la honte de nos offenses, surtout au jardin de l’agonie et au Calvaire. Nous la portons devant les hommes, honteux de nous voir chargés de crimes dans l’assemblée des saints. Nous la portons devant nous-mêmes, ne pouvant nous souffrir ni nous supporter dans notre honte, disant sincèrement avec le publicain : » O Dieu, ayez pitié de moi qui suis un pécheur ».
c) De là naît une crainte salutaire du péché, une horreur profonde pour toutes les occasions qui peuvent y conduire. Car, malgré sa bonne volonté, l’homme demeure exposé à la tentation et aux rechutes. Il acquiert ainsi la défiance de soi : » ne nous laissez pas succomber à la tentation « . Cette défiance fait prévoir les occasions dangereuses où nous pourrions succomber, les moyens positifs d’assurer notre persévérance, et nous rend vigilants pour écarter les moindres imprudences. Mais elle évite aussi le découragement : plus nous avons conscience de notre impuissance, et plus nous mettons notre confiance en Dieu, convaincus de l’efficacité de sa grâce à nous rendre victorieux.
Après cette première phase dans l’esprit et le cœur, la vertu de Pénitence s’explicite dans des actes externes à l’homme.
Les œuvres de pénitence, si pénibles soient-elles, paraissent faciles à celui dont l’esprit est habité par cette pensée : je suis un échappé de l’enfer, un échappé du purgatoire, et, sans la miséricorde divine, je subirai le châtiment trop bien mérité.
Les œuvres de pénitence principales sont :
- L’acceptation d’abord résignée, puis cordiale et joyeuse de toutes les croix que la Providence veut bien nous envoyer. Le concile de Trente enseigne que c’est une grande preuve de l’amour de Dieu pour nous que de vouloir bien agréer, comme satisfaction pour nos péchés, la patience avec laquelle nous acceptons tous les maux temporels qu’il nous inflige (épreuves physiques ou morales, intempéries des saisons, étreintes de la maladie, revers de fortune, insuccès, humiliations…). Ainsi donc, acceptons toutes ces souffrances avec une douce résignation, persuadés que nous les méritons à cause de nos péchés, et que la patience au milieu des épreuves est un des meilleurs moyens d’expiation.
- A cette patience, nous joindrons l’accomplissement fidèle des devoirs d’état en esprit de pénitence et de réparation. Le sacrifice le plus agréable à Dieu est celui de l’obéissance, « L’obéissance vaut mieux que le sacrifice ». Or le devoir d’état est pour nous l’expression manifeste de la volonté de Dieu. L’accomplir aussi parfaitement que possible, c’est donc offrir à Dieu le sacrifice le plus parfait, l’holocauste perpétuel, puisque ce devoir nous saisit depuis le matin jusqu’au soir. Que d’occasions se présentent aux pères et mères de famille d’offrir à Dieu des sacrifices nombreux et austères qui servent grandement à purifier leur âme ! Le tout, c’est d’accomplir ces devoirs chrétiennement, vaillamment, pour Dieu, en esprit de réparation et de pénitence.
- Il est aussi d’autres œuvres spécialement recommandées par la Sainte Ecriture, comme le jeûne et l’aumône. L’Eglise a institué le jeûne du Carême, des Vigiles et des Quatre-Temps pour donner aux fidèles l’occasion d’expier leurs fautes. Beaucoup de péchés viennent en effet directement ou indirectement de la sensualité, des excès dans le boire et le manger, et rien n’est plus efficace pour les réparer que la privation de nourriture, qui va à la racine du mal en mortifiant l’amour du plaisir sensuel. Quant à l’aumône, elle est une œuvre de charité et une privation : à ce double titre, elle a une grande efficacité pour racheter nos péchés : » l’aumône couvre la multitude des péchés ». Ce que nous disons de l’aumône corporelle s’applique à plus forte raison à l’aumône spirituelle.
- Enfin restent les privations et mortifications volontaires que nous nous imposons en expiation de nos fautes, en particulier celles qui vont à la source du mal, en châtiant et disciplinant les facultés qui ont contribué à nous les faire commettre.
La Pénitence, considérée sous cet angle, offre une certaine beauté attirante. Le regain d’amour qu’elle fait naître, d’abord dans l’âme du pécheur repentant, permet d’aller jusqu’à poser des actes difficiles à la nature. Dieu n’est plus regardé comme un justicier implacable mais comme un père, aimant donner son pardon.
Source : La Sainte Ampoule n° 285 – mars 2025