Le devoir de s’aimer soi-même

Contre la haine de soi : parole d’un curé qui ne s’ex­cuse pas d’être catholique !

Oui ! Chacun a le devoir de s’aimer soi-​même. Assurément ce n’est pas l’égoïsme qui est recom­man­dable mais c’est l’attachement à soi-​même selon l’ordre natu­rel et la volon­té de Dieu ; le soin que l’on doit prendre de sa vie, de sa san­té et de son salut éternel.

L’Évangile lui-​même donne pour modèle et mesure de l’amour du pro­chain, l’amour que l’on doit avoir pour soi-​même. Cet amour de soi est tel­le­ment nor­mal et natu­rel qu’il n’était pas néces­saire jadis d’y insis­ter sauf en ce qui concerne le salut de l’âme.

Mais à l’heure actuelle la per­ver­sion des esprits est telle que le maso­chisme, la haine de soi-​même devient une coquet­te­rie. Gaiement on se sui­cide par vertu.

Combien de Français ne s’aiment plus Français, com­bien de catho­liques ne s’aiment plus catho­liques, com­bien de gens aujourd’hui sont mal dans leur peau et refusent leur propre iden­ti­té. Ce ne sont que prêtres qui rêvent d’être laïcs, femmes qui ambi­tionnent de faire métier d’homme, gou­ver­nants qui pré­tendent obéir à ceux qu’ils ont mis­sion de gou­ver­ner, évêques qui rou­gissent de devoir être chefs…

Un pape, m’a‑t-on dit, aurait implo­ré les schis­ma­tiques de lui par­don­ner d’être pape. On voit des catho­liques pous­ser l’amour qu’ils portent aux pro­tes­tants jusqu’à la haine de leurs frères catho­liques, des occi­den­taux par­ler du Tiers-​monde en termes de guerre contre l’Occident, des bour­geois pré­tendre ser­vir les pro­lé­taires en leur fai­sant vomir la bour­geoi­sie, des caté­chistes refu­sant d’enseigner, se tor­tu­rer la cer­velle pour se faire enseigne par leurs élèves, des parents hon­teux d’avoir des enfants, et des croyants se don­nant mis­sion de faire l’éloge de l’athéisme.

Quiconque ouvre la bouche aujourd’hui doit d’abord affir­mer que la véri­té est déte­nue sans doute par un autre. Il ne s’agit plus de chan­ter qu’on est chré­tien et qu’on s’en fait gloire.

Étrange mala­die que cette auto­des­truc­tion, cette culpa­bi­li­sa­tion, ce maso­chisme universel.

On s’en veut à soi-​même d’être Français, d’être catho­lique, d’être sûr de quelque chose, bref de ne pas être mort de faim puisqu’il y en a d’autres qui le sont.

Cette mala­die de l’esprit, qui cor­rompt le juge­ment atteint sur­tout les intel­lec­tuels. D’où vient-​elle ? C’est une mode qui a, peut-​être, son ori­gine dans un secret orgueil. Cela s’apparente au réflexe de l’enfant gâté qui, après une humi­lia­tion, boude et veut atti­rer sur lui en hur­lant du mal qu’il s’est, soi-​disant, fait à lui-même.

C’est le joueur, vexé d’avoir raté son coup, qui ensuite accu­mule les maladresses.

C’est l’ambition déçue qui se retourne en hargne contre lui-même.

Il faut aimer son pro­chain comme soi-​même. Comment le fera-​t-​on si on ne s’aime plus soi-même ? 

Source : Abbé Philippe Sulmont, Curé… mais catho­lique, p.269–270, Téqui, 1984. Image : Drapeau Français /​French Flag | Cyril Plapied | Flickr, license CC BY-​NC-​SA 2.0

Curé de Domqueur † 2010

L’abbé Philippe Sulmont (1921–2010), second d’une famille de qua­torze enfants, ancien sémi­na­riste des Carmes, fut pro­fes­seur de col­lège, puis de sémi­naire, aumô­nier d’un pen­sion­nat de filles, puis enfin curé durant 37 ans de Domqueur et de six paroisses avoi­si­nantes entre Amiens et Abbeville.