Cette prière a lieu les dimanche, lundi et mardi précédant le Mercredi des Cendres.
Instituée au XVIe siècle, la prière des Quarante-Heures constitue la première adoration continue devant le Saint Sacrement exposé. Cette prière s’étale pendant quarante heures, en mémoire des quarante heures séparant la mort sur la Croix de la Résurrection de Notre-Seigneur. Développée à la suite du concile de Trente, la prière des Quarante-Heures est d’une part étroitement liée au culte du Saint-Sacrement, et a d’autre part pour finalité de répondre à la négation eucharistique soutenue par les protestants[1]. Les origines des Quarante-Heures remontent à Milan, dans les années 1520, où des prières expiatoires sont adressées à Dieu devant le Saint-Sacrement exposé, dans un contexte de guerre et de calamités publiques.
En 1537, un rite solennel est institué et des indulgences sont concédées aux fidèles. Le « fondateur » de cette dévotion est le père capucin Joseph de Ferno, lors du carême qu’il prêche à Milan cette année-là. En 1550, les prières des Quarante-Heures sont introduites à Rome par saint Philippe Néri. Clément VIII en codifie la pratique en 1592. Voulant rendre plus intenses les supplications des chrétiens dans une situation qu’il juge grave, le pape invite alors à prier pour la rédemption du royaume de France déchiré par les guerres de religions, pour la victoire de la chrétienté contre les Turcs, et pour l’unité de l’Église.
En 1593, saint François de Sales développe cette pratique dans son diocèse occupé par les calvinistes. À proximité immédiate de Genève, il organise les Quarante-Heures à Annemasse, voulant ainsi obtenir des conversions par sa prédication à laquelle viendraient assister les protestants de Genève. L’année suivante, l’évêque les fait prêcher à deux reprises à Thonon. Grégoire XV officialise cette dévotion majeure de la Contre-Réforme pour l’Église de France : par le bref Sacri apostolatus ministerio, le pape exhorte archevêques et évêques à organiser les prières des Quarante-Heures pour « le succès des entreprises royales contre les hérétiques du royaume, l’extirpation des hérésies et l’exaltation et la paix de notre Sainte Mère l’Église. » Il accorde alors une indulgence plénière aux fidèles qui, après s’être confessés et avoir communié, prient à ces intentions au cours des cérémonies organisées. Temps de dévotion et de conversion, les Quarante-Heures voient les fidèles s’empresser au confessionnal, affluence renforcée par les indulgences qui sont octroyées.
À l’époque, la célébration des Quarante-Heures ne demeure pas strictement attachée à l’une ou l’autre des fêtes de l’année liturgique. Bien souvent, elle est instituée localement pour faire face à une calamité publique, ou accompagne une mission prêchée par des pères jésuites ou capucins. Dans l’esprit du concile de Trente, par ailleurs, cherchant à affirmer la force de l’Église romaine et à contrer l’influence protestante, les Quarante-Heures ont pour objectif d’aviver la piété catholique et d’inviter les fidèles à proclamer leur foi. Mais cette dévotion est également organisée pour implorer le pardon des offenses commises contre Dieu pendant le temps du carnaval. En prescrivant ces prières, le clergé vise ainsi à écarter les fidèles de la participation aux réjouissances immorales. En 1640, saint Jean-François Régis affronte ainsi masques et tambours qui viennent défiler devant l’église du collège du Puy.
Vincent Ossadzow
Source : Extrait de l’article « La célébration des Quarante-Heures et la dévotion au Saint-Sacrement à Saint-Nicolas-du-Chardonnet » paru dans le Chardonnet n°355
- Cf. Bernard Dompnier, « Un aspect de la dévotion eucharistique dans la France du XVIIe siècle : les prières des Quarante-Heures », Revue d’histoire de l’Église de France, n° 178, 1981[↩]