La célébration des Quarante-​Heures et la dévotion au Saint-Sacrement

Cette prière a lieu les dimanche, lun­di et mar­di pré­cé­dant le Mercredi des Cendres.

Instituée au XVIe siècle, la prière des Quarante-​Heures consti­tue la pre­mière ado­ra­tion conti­nue devant le Saint Sacrement expo­sé. Cette prière s’é­tale pen­dant qua­rante heures, en mémoire des qua­rante heures sépa­rant la mort sur la Croix de la Résurrection de Notre-​Seigneur. Développée à la suite du concile de Trente, la prière des Quarante-​Heures est d’une part étroi­te­ment liée au culte du Saint-​Sacrement, et a d’autre part pour fina­li­té de répondre à la néga­tion eucha­ris­tique sou­te­nue par les protestants((Cf. Bernard Dompnier, « Un aspect de la dévo­tion eucha­ris­tique dans la France du XVIIe siècle : les prières des Quarante-​Heures », Revue d’his­toire de l’Église de France, n° 178, 1981)). Les ori­gines des Quarante-​Heures remontent à Milan, dans les années 1520, où des prières expia­toires sont adres­sées à Dieu devant le Saint-​Sacrement expo­sé, dans un contexte de guerre et de cala­mi­tés publiques.

En 1537, un rite solen­nel est ins­ti­tué et des indul­gences sont concé­dées aux fidèles. Le « fon­da­teur » de cette dévo­tion est le père capu­cin Joseph de Ferno, lors du carême qu’il prêche à Milan cette année-​là. En 1550, les prières des Quarante-​Heures sont intro­duites à Rome par saint Philippe Néri. Clément VIII en codi­fie la pra­tique en 1592. Voulant rendre plus intenses les sup­pli­ca­tions des chré­tiens dans une situa­tion qu’il juge grave, le pape invite alors à prier pour la rédemp­tion du royaume de France déchi­ré par les guerres de reli­gions, pour la vic­toire de la chré­tien­té contre les Turcs, et pour l’unité de l’Église.

En 1593, saint François de Sales déve­loppe cette pra­tique dans son dio­cèse occu­pé par les cal­vi­nistes. À proxi­mi­té immé­diate de Genève, il orga­nise les Quarante-​Heures à Annemasse, vou­lant ain­si obte­nir des conver­sions par sa pré­di­ca­tion à laquelle vien­draient assis­ter les pro­tes­tants de Genève. L’année sui­vante, l’évêque les fait prê­cher à deux reprises à Thonon. Grégoire XV offi­cia­lise cette dévo­tion majeure de la Contre-​Réforme pour l’Église de France : par le bref Sacri apos­to­la­tus minis­te­rio, le pape exhorte arche­vêques et évêques à orga­ni­ser les prières des Quarante-​Heures pour « le suc­cès des entre­prises royales contre les héré­tiques du royaume, l’extirpation des héré­sies et l’exaltation et la paix de notre Sainte Mère l’Église. » Il accorde alors une indul­gence plé­nière aux fidèles qui, après s’être confes­sés et avoir com­mu­nié, prient à ces inten­tions au cours des céré­mo­nies orga­ni­sées. Temps de dévo­tion et de conver­sion, les Quarante-​Heures voient les fidèles s’empresser au confes­sion­nal, affluence ren­for­cée par les indul­gences qui sont octroyées.

À l’époque, la célé­bra­tion des Quarante-​Heures ne demeure pas stric­te­ment atta­chée à l’une ou l’autre des fêtes de l’année litur­gique. Bien sou­vent, elle est ins­ti­tuée loca­le­ment pour faire face à une cala­mi­té publique, ou accom­pagne une mis­sion prê­chée par des pères jésuites ou capu­cins. Dans l’esprit du concile de Trente, par ailleurs, cher­chant à affir­mer la force de l’Église romaine et à contrer l’influence pro­tes­tante, les Quarante-​Heures ont pour objec­tif d’aviver la pié­té catho­lique et d’inviter les fidèles à pro­cla­mer leur foi. Mais cette dévo­tion est éga­le­ment orga­ni­sée pour implo­rer le par­don des offenses com­mises contre Dieu pen­dant le temps du car­na­val. En pres­cri­vant ces prières, le cler­gé vise ain­si à écar­ter les fidèles de la par­ti­ci­pa­tion aux réjouis­sances immo­rales. En 1640, saint Jean-​François Régis affronte ain­si masques et tam­bours qui viennent défi­ler devant l’église du col­lège du Puy.

Vincent Ossadzow

Source : Extrait de l’ar­ticle « La célé­bra­tion des Quarante-​Heures et la dévo­tion au Saint-​Sacrement à Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet » paru dans le Chardonnet n°355