Vendredi Saint – La joie sur la croix

En ce ven­dre­di saint se réa­lise la parole de Jésus- Christ : « Quand j’au­rai été éle­vé de terre, j’at­ti­re­rai tous les hommes à moi », et saint Jean pré­ci­sait : « pour mar­quer de quelle mort il devait mou­rir » (Jn 12, 32–33), sur une croix dres­sée au som­met du Golgotha. Le Sauveur nous attire, mais nous laissons-​nous faire ? Sa croix nous semble-​t-​elle atti­rante ? Ne sommes-​nous pas plu­tôt enclins à résis­ter et à nous cabrer devant cette attraction-là ?

Comme le disait saint Paul, la croix demeure un scan­dale et une folie (1 Cor 1, 23), mais pas seule­ment pour les juifs et pour les païens. Dans une socié­té où le confort consu­mé­riste pous­sé jus­qu’à l’hé­bé­tude consti­tue un hori­zon indé­pas­sable, le sacri­fice de la croix est deve­nu incom­pré­hen­sible. La mala­die et la souf­france n’ont pas de sens ; elles sont lit­té­ra­le­ment insen­sées, mora­le­ment absurdes. Certes, on peut encore admi­rer les ves­tiges de la foi de nos aïeux qui éri­gèrent des cal­vaires à l’en­trée des villes et des vil­lages, mais nous les regar­dons et pas­sons notre che­min, sans même nous signer.

Le ven­dre­di saint est un jour de recueille­ment salu­taire au milieu de l’é­par­pille­ment quo­ti­dien, de l’a­gi­ta­tion sou­vent déri­soire. Dans le silence, écou­tons ce contem­pla­tif, Dom Augustin Guillerand : « Nous serons émer­veillés un jour – là-​haut – quand nous ver­rons ce que la souf­france devient dans les âmes cou­ra­geuses, qui savent l’ac­cep­ter et la por­ter par amour. Elle est la plus pro­fonde source de la vraie paix. (…) C’est le che­min de la joie ; tout comme la mort (la mor­ti­fi­ca­tion, la mort à soi) est le che­min de la vie : Qui aura per­du sa vie… la trou­ve­ra. Nous sommes de petites semences jetées en terre pour y mou­rir et ensuite refleu­rir en Dieu. » (Voix car­tu­sienne, Parole et Silence éd., p. 7–8)

Transformer le che­min de croix en che­min de joie, c’est l’ef­fet de la grâce du ven­dre­di saint, où nous contem­plons le sacri­fice de notre misé­ri­cor­dieux Sauveur. Mais Dom Guillerand nous pré­vient : « Trouver la joie dans la peine et la vie dans la mort, voi­là le secret remède… Nous ne le trou­ve­rons pas dans nos codex. » (Ibid. p. 12)

ABBÉ ALain LORANS, prêtre de la Fraternité Saint-​Pie X

Source : Présent n° 8328 du 3 avril 2015