Né le 26 mars 1748 à Amettes en Artois, et mort le 16 avril 1783 à Rome.
Premier[1] français du XVIIIème siècle canonisé, Benoît-Joseph Labre, né le 26 mars 1748 à Amettes en Artois, est baptisé le lendemain par un oncle prêtre.
Un autre oncle lui inculque la vertu et la mortification. Un jour de marché, sa mère l’emmène ; Benoît entend sa mère lésiner sur les prix, et l’avise de traiter simplement, « de crainte, dit-il, que le marchand ne gagnât pas autant qu’il était juste, ou ne prît occasion de mentir ». Aux écoliers, il dit : « On commence à voler du fil, puis des aiguilles, puis des ciseaux, enfin l’argent, ensuite on va en enfer ! ».
Ses parents le confient à l’oncle qui l’avait baptisé, pour le préparer à la prêtrise. L’évêque de Boulogne le confirme. Benoît fait des aumônes aux pauvres qui frappent au presbytère. Dans sa quinzième année, il aspire à la vie cloîtrée. Un prêtre de passage ayant loué la Grande-Trappe, Benoît fixe son choix sur cette abbaye cistercienne du Perche. En 1766, la peste atteint le village d’Erin ; le curé et son filleul secourent les moribonds. François Labre décède de la peste en septembre, après avoir permis à son filleul d’entrer à la Trappe.
Benoît distribue l’héritage aux pauvres, et ses parents le confient en décembre à cet oncle prêtre[2] qui lui avait insufflé l’ascétisme. Il suggère à Benoît de viser plutôt la Chartreuse ; les parents acquiescent. Un autre oncle prêtre l’introduit à la chartreuse de Neuville-sous-Montreuil où le prieur renvoie Benoît pour réviser la rhétorique et le chant. Ses parents le confient à l’abbé Adrien Dufour jusqu’à l’automne 1767 quand il est pris à l’essai à la chartreuse de Neuville d’où il sort, quelques semaines après, accablé par l’ambiance claustrale ! Fin 1767, Benoît frappe à la Grande-Trappe où, jugé trop frêle, s’en revient en Artois… Benoît voit « les âmes descendre vers les abîmes, aussi nombreuses, aussi pressées que les flocons de neige parmi les brouillards de l’hiver ». Ce souci l’engage à rejoindre la Grande-Trappe, voire Septfonts, dans le Bourbonnais. Sa mère lui presse de rester et d’être le parrain du quinzième enfant qui allait naître, Benoît étant l’aîné. Il cède. L’été 1769, il consulte l’évêque de Boulogne qui approuve la préférence des parents pour la chartreuse de Neuville. Le 16 août, Benoît quitte sa famille pour Neuville. Le 2 octobre, jugé inapte, il ressort et se dirige vers la Grande-Trappe où encore il est refusé. Du Perche il s’oriente vers Septfonts.
Au bord de la Loire, un vigneron le reçoit. En remerciement, Benoît trace un signe de croix sur les ceps dépouillés ; cette vigne, dit-on, devint la plus féconde et les gelées cessèrent de lui nuire. Le 30 octobre, Benoît-Joseph entre à Septfonts. Le 11 novembre, revêtu de l’habit trappiste, il reçoit le nom de Frère Urbain. Fin avril 1770, le Père-Abbé décide de placer Benoît, fiévreux et scrupuleux, dans l’hospice voisin et ne plus l’admettre à l’abbaye. Le 2 juillet, un peu guéri, muni d’un certificat louant ce cénobite exact, Benoît-Joseph s’en va errant dans le Bourbonnais, ayant en sa besace Bible et livres spirituels. A Paray-le-Monial, une visitandine le voyant si épuisé, le mène à l’hospice. Rétabli, il lui vient l’idée de pérégriner à Rome. En route, un directeur de séminaire approuve son projet. Blessé par un premier caillou, lancé par un enfant cruel, il se réjouit d’être méprisé avec le Christ. A Dardilly, le grand-père du Curé d’Ars le reçoit. De sanctuaire en sanctuaire, il atteint Assise, Lorette, puis Rome où il demeure quelques mois.
Pèlerin à la petite barbe blonde, il vagabonde en quête de couvent. D’abord, il enlevait la vermine avec soin, plus tard il la garde par mortification. En juin 1771, orage à Fabriano, une veuve le recueille et l’invite à visiter une malade voisine à qui il dit une chose qu’elle seule savait. Parti de là, la veuve trouva un mari, et une fille qui l’avait consulté devint capucine. A Bari, il chante les Litanies de la Vierge pour recueillir de l’argent et l’offrir aux prisonniers. On lui lance une pierre qui lui blesse la cheville. Début 1772, Naples… A Cossignano, un curé le reçoit, Benoît-Joseph craint de propager les dégoûtants insectes qu’il traîne avec lui et d’incommoder ses ouailles, et préfère aller à l’hospice local. Benoît plaide en faveur des Jésuites expulsés.
Fin 1772, au hameau des Bellon, près d’Artigues, un soir d’hiver, revenant de la Sainte-Baume, s’enfonçant dans la neige qui tombait à lourds flocons, harassé, s’appuyant sur son coudrier, le chemineau déguenillé frappe aux portes, personne ne répond, le froid glacial traverse ses vêtements usés. Un chien de berger accourt, lèche le nez du pèlerin, repart vers la bastide de son maître, gratte la porte… Estienne Bellon le reçoit. Réchauffé et nourri au pauvre foyer des Bellon, Benoît, avant de repartir au petit jour, dit au père : « Jete confère le don de guérir. Ce don passera à l’aîné de tes descendants mâles jusqu’à la 7ème génération. » Depuis lors, les rebouteux Bellon faisaient merveille de père en fils. Etienne Bellon, 7ème descendant, décède en 1959 sans héritier ! Le Jeudi-saint 1773 à Moulins, il invite 12 mendiants chez un hôte et leur montre des croûtes de pain et deux sous de pois, les élève, et ils se multiplient. Il guérit son hôte malade. Soupçonné de vol de vase sacré par le vicaire, Benoît s’enfuit. Près de St-Bertrand-de-Comminges, il secourt un homme blessé qu’il soigne tant qu’il peut mais des cavaliers en ronde le prirent pour l’agresseur et le mirent au cachot ; l’agressé ira prouver l’innocence de son sauveteur… Montserrat, Saragosse, Burgos, Santiago, Bilbao, La Louvesc, Carpentras, Arles, Aix. Marseille où il prédit à ses hôtes le nombre de prêtres et de religieux qui sortirent de leur postérité. L’Isle-sur-Sorgues, Valréas. Roué de coups par des brigands sur une montagne provençale. Vers des jeunes provençales qui se moquent de lui, Benoît se tourne d’un air grave, annonçant à la plus folâtre qu’elle entrerait au couvent (ce qu’elle fera). Selon une tradition, Benoît servit comme manœuvre dans un village provençal. Les provençales voyant un enfant aux habits déchirés disaient : « Tu sembles le pauvre Labre ».
Un soir, Benoît sort de la cathédrale de Fréjus, répandant une odeur fétide, épuisé, les jambes bandées de linges. Le barbier de la place l’aperçut, le porta dans ses bras, le fit asseoir, et, chirurgien de son état, selon l’usage d’alors, visita les plaies du mendiant. Il les lava, en nettoya la pourriture et les pansa. Sans se soucier des insectes qui pullulaient, il lui proposa de lui faire la barbe. En retour, Benoît promet de prier pour sa famille lui assurant que la bénédiction de Dieu affluerait sur ses entreprises. En effet, sa famille se trouva bientôt des plus opulentes de la cité, recevant des mandats honorables. Le barbier trouvait au souvenir du saint une consolation fortifiante, ressentant une confiance chaque jour plus grande dans les mérites puissants de son pauvre hôte. Aussi, quand, quelques mois après la mort de Benoît-Joseph, un membre de la famille vint à tomber malade et que les médecins eurent déclaré leur impuissance, le barbier n’hésita pas à recourir à son ami du ciel. Ce ne fut pas en vain. Un ex-voto placé dans une église de Fréjus rappelle cette guérison survenue en 1785.
En bord de Saône, un enfant se noie ; Benoît ne sait nager, se jette à l’eau, sauve l’enfant, et fut pour une fois lavé !
Besançon, St-Claude, Einsiedeln ; Constance en 1774 ; Lucerne, Coblence en 1775, Mariastein ; incarcéré un temps à Soleure ; souvent il remue la claquette parmi les pèlerins des sanctuaires afin que les soucieux de propreté s’éloignent.
En 1777, fixé à Rome, il n’en sort que pour gagner Lorette. Surnommé le « Pauvre du Colisée », où la nuit, il priait les bras étendus. Il communiait chaque semaine aux messes les plus matinales. Souvent en extase dans des églises, on le vit transfiguré un matin, à la Madone-des-Monts. … Bilocation, une nuit de Noël, on le vit prier à la Madone-des-Monts, tandis qu’il dormait dans l’Hospice évangélique aux portes verrouillées. Il chassait des églises les chiens sentant moins mauvais que lui, leurs propriétaires le rossaient… Quand il passait le Corso, on le vilipendait, on le lapidait. Il lisait dans les âmes : « Mon fils, chassez cette pensée », « Ma fille, vous subissez à présent une tentation grave ; Dieu ne vous abandonnera pas. ». Il prophétisa la Révolution : « je vois un grand feu qui traverse mon pays ». Il prodiguait des conseils : « Si l’on offense Dieu, c’est qu’on ne connaît pas sa bonté… Qui connaît Dieu ne pèche pas », « Dieu ne nous éprouve que parce qu’il nous aime ; il lui plaît que nous nous abandonnions sur son cœur paternel. », Un confesseur lui dit : « Que feriez-vous si un ange vous annonçait votre réprobation » – « J’aurais confiance ». « La jeunesse est mauvaise, il faut bien la mater », disait-il à ceux qui lui reprochaient ses mortifications.
Les jambes enflées, il loge en 1779 à l’hospice de l’abbé Mancini auquel, le vendredi de la Passion 1783, il déclare qu’il était libéré des tentations. Le mercredi-saint 16 avril, il se traîne à la Madone-des-Monts, assiste à la messe, et au sortir, s’effondre. Zaccarelli, son ami boucher, le porte dans sa boutique ; un prêtre lui demande s’il avait communié, il répond : « Peu ». Il avait communié l’avant-veille. Il reçoit l’Extrême-Onction. Tandis que les cloches de Rome sonnent une dernière fois avant le Triduum, il trépasse. La frêle dépouille fut portée à ND-des-Monts, où l’afflux fut tel pour vénérer ce corps non-corrompu et flexible, qu’il ne put y avoir de messe à Pâques… On l’ensevelit devant l’ancienne image de la Madone. Bientôt les miracles : 63 au 3 mai : incurables, muets, aveugles, paralysés, hydropiques. Jean Thayer, pasteur protestant à Boston, voyageur ému par ces scènes, abjure sa secte le 25 mai. En juillet, 136 miracles.
Béatifié le 20 mai 1860, Benoît-Joseph est canonisé le 8 décembre 1883.
Abbé Laurent Serres-Ponthieu