Sainte Rita de Cascia

Veuve, reli­gieuse Augustine (1381–1457).
Fête le 22 mai.

Ce n’est pas sans motif que sainte Rita est appe­lée la « patronne des causes déses­pé­rées ». Depuis sa nais­sance mira­cu­leuse, qui défiait toutes les pré­vi­sions humaines, jus­qu’à sa sainte mort, sa vie ne ces­sa d’être mar­quée par les plus extra­or­di­naires inter­ven­tions de la Providence. Elle-​même, du haut du ciel, s’est mon­trée par­ti­cu­liè­re­ment secou­rable à ceux qui l’invoquaient dans les situa­tions les plus inextricables.

Un premier miracle : la naissance de Rita.

Le vil­lage de Roccaporena dépend de la com­mune de Cascia, dans l’Ombrie, la poé­tique patrie de saint François d’Assise et de sainte Claire ; il appar­tient au dio­cèse actuel de Norcia, incor­po­ré jus­qu’en 1821 à celui de Spolète. Là vivaient, vers le milieu du xive siècle, deux époux chré­tiens ser­vant Dieu dans la sim­pli­ci­té de leur cœur. Ce qui les fai­sait sur­tour aimer de leurs conci­toyens, c’était le zèle qu’ils met­taient à main­te­nir la concorde autour d’eux. Ils déployaient en cette bonne œuvre une telle ardeur et un tel dés­in­té­res­se­ment qu’on les avait sur­nom­més « les paci­fi­ca­teurs du Christ ».

Cependant, Dieu avait éprou­vé ces fidèles ser­vi­teurs ; il ne leur avait point accor­dé le bon­heur d’engendrer et d’élever des enfants pour le Christ. Les années s’étaient suc­cé­dé, l’épouse avait vu ses che­veux blan­chir ; Dieu vou­lait la rendre digne, par une longue tris­tesse patiem­ment sup­por­tée, de rece­voir un don précieux.

Quand il jugea le moment favo­rable, il lui accor­da une enfant qui devait être une fleur de sain­te­té. C’était vers l’an 1381.

Etonnée de cette faveur sin­gu­lière, la future mère alla aus­si­tôt épan­cher toute sa recon­nais­sance aux pieds de Notre-​Seigneur. Un ange lui appa­rut et lui pré­dit que son enfant serait un jour illustre dans l’Eglise. Il deman­da aus­si qu’elle fût appe­lée Marguerite. Le nom de Rita [1], sous lequel, d’ailleurs, elle figure au Martyrologe romain, n’est que la forme popu­laire du nom impo­sé par l’ange.

Son enfance fut mar­quée par un nou­veau pro­dige : pen­dant qu’elle était encore au ber­ceau on vit de blanches abeilles se repo­ser sur sa poitrine.

Un mariage plein d’épreuves et tragiquement brisé.

L’enfant se sen­tait atti­rée d’une manière par­ti­cu­lière à vouer son âme et son corps au Seigneur en lui consa­crant sa vir­gi­ni­té. Mais Dieu pré­fé­ra la faire pas­ser par le creu­set d’un dur mariage, pour la puri­fier au milieu des épreuves et opé­rer par son inter­mé­diaire le salut de plu­sieurs âmes.

Les parents de Rita, sen­tant leur fin appro­cher et crai­gnant de lais­ser leur chère enfant expo­sée seule à tous les dan­gers d’un monde cor­rom­pu, réso­lurent de l’engager dans les liens d’un mariage honnête.

Dieu per­mit que leur choix tom­bât sur un jeune homme issu d’une famille noble et dis­tin­guée, mais d’une humeur bru­tale. Rita sup­porta si patiem­ment toutes les rudesses de son mari que, pen­dant les dix-​huit années qu’elle vécut avec lui, jamais elle ne lui don­na l’occasion de se plaindre.

Mais la conquête de cette âme ché­rie lui coû­ta bien des peines et des labeurs. Pour arri­ver à adou­cir ce cœur de pierre, elle offrit sou­vent à Dieu larmes et prières, y joi­gnant de nom­breuses pénitences.

Tous ces moyens sur­na­tu­rels influèrent sur le mari de Rita et le conver­tirent. Cependant, ses habi­tudes vio­lentes lui avaient sus­ci­té par­mi ses conci­toyens de nom­breux enne­mis. Sa conver­sion ne put faire chan­ger leurs sen­ti­ments à son égard ; ils lui ten­dirent une embus­cade où le mal­heu­reux succomba.

La pieuse veuve, frap­pée dans son affec­tion la plus chère, sut accep­ter for­te­ment la volon­té de Dieu ; elle pleu­ra amè­re­ment son mari, mais eut le cou­rage de par­don­ner géné­reu­se­ment aux assas­sins. Elle s’efforça aus­si d’inspirer à ses deux fils ado­les­cents, son unique conso­la­tion, l’oubli du meurtre qui leur avait enle­vé leur père. Mais ses efforts furent vains ; son amour mater­nel trem­blait en sen­tant aug­men­ter chaque jour dans le cœur de ces enfants le désir de la vengeance.

Quand elle s’aperçut que le mal deve­nait tou­jours plus mena­çant, elle arma son âme de cette force sur­na­tu­relle que donne aux Saints le véri­table amour de leurs proches : elle se jeta à genoux, sup­pliant le Seigneur d’enlever ses enfants à la vie avant qu’ils eussent eu le temps de souiller leur âme par le meurtre des assas­sins de leur père. Sa prière fut exau­cée, et ce double deuil vint s’ajouter à celui qui l’avait frap­pée peu auparavant.

Sainte Rita entre miraculeusement au couvent.

Rita, depuis long­temps déjà morte au monde, s’adressa aus­si­tôt aux reli­gieuses Augustines de Cascia, leur deman­dant à être admise dans le monas­tère. Mais cette grâce lui fut refu­sée, parce qu’on n’y rece­vait que des vierges.

Rentrée dans sa mai­son, elle pleu­ra et pria avec plus de fer­veur que jamais, et ses larmes tou­chèrent le cœur de Dieu, qui lui envoya le secours de trois Saints envers qui elle avait une dévo­tion par­ti­cu­lière : saint Jean-​Baptiste, saint Augustin, patron des moniales de Cascia, et saint Nicolas de Tolentino, reli­gieux du même Ordre.

Tout à coup, elle enten­dit heur­ter à sa porte, et une voix, en laquelle une intui­tion sur­na­tu­relle lui fit recon­naître celle du saint Précurseur, l’appela par son nom : « Rita ! Rita ! »

Elle com­prit aus­si­tôt que sa prière avait été enten­due, et, sans tar­der, se leva, ouvrit la porte, recon­nut ses chers pro­tec­teurs qui tous trois sem­blaient attendre, et elle se dis­po­sa à les suivre.

Les Saints la saluèrent comme l’épouse du Christ, puis la condui­sirent par des che­mins incon­nus jusqu’à la porte du monas­tère où on n’avait pas vou­lu la rece­voir. Ils l’y firent entrer, mal­gré la pré­sence des ver­rous et des barres de fer, après quoi ils disparurent.

Bientôt après les reli­gieuses sor­tirent de Matines. Pour retour­ner à leurs cel­lules elles devaient pas­ser par l’endroit où l’humble veuve était res­tée muette d’admiration devant cette suite de prodiges.

Les pre­mières qui arri­vèrent vers elle, et. qui étaient les plus jeunes de la com­mu­nau­té, entre­voyant, à la lumière bla­farde d’une lampe, une forme humaine dont on ne dis­tin­guait que la moi­tié du visage, furent sai­sies de frayeur. Elles s’arrêtèrent tout court, et déjà leurs genoux com­men­çaient à trem­bler, leur visage à pâlir en pré­sence de ce qu’elles croyaient un fan­tôme ; par bon­heur les autres reli­gieuses, arri­vant suc­ces­si­ve­ment, for­mèrent un groupe plus capable de résis­ter à la crainte.

D’ailleurs, Rita elle-​même était si éton­née de tout ce qui s’était pas­sé, qu’elle avait per­du l’usage de la parole et ne savait en quels termes les rassurer.

Peu à peu cepen­dant elle se remit de sa frayeur et expli­qua par quel miracle elle se trou­vait dans le cloître. La prieure était si ravie qu’elle ne son­gea plus à invo­quer les défenses des Constitutions, et la joie de toutes les reli­gieuses fut d’autant plus vive que l’effroi avait été plus grand. A la fin, la com­mu­nau­té s’assembla en Chapitre, et déci­da sur-​le-​champ que la sainte veuve serait reçue non­obs­tant sa qua­li­té : « Il est bien juste, disaient-​elles, que nous obéis­sions à la volon­té de Dieu si clai­re­ment mani­fes­tée, et que nos Constitutions cèdent en un cas où les portes de notre couvent n’ont pu faire de résistance. »

A peine admise, la novice se mit au tra­vail pour acqué­rir la per­fec­tion qu’elle était venue cher­cher : son corps était réduit en ser­vi­tude par de fré­quentes fla­gel­la­tions, par le port conti­nuel d’un cilice et la pré­sence d’épines cou­sues en sa robe et qui la tor­tu­raient à chaque mou­ve­ment. Elle jeû­nait tous les jours au pain et à l’eau, et pas­sait la plus grande par­tie de la nuit dans la veille et la prière. Elle avait cou­tume de consa­crer à la médi­ta­tion de la Passion du Sauveur le temps qui s’écoulait depuis minuit jusqu’au lever du soleil ; les dou­leurs du divin Maître l’affectaient tel­le­ment que plu­sieurs fois ses com­pagnes la trou­vèrent sans connaissance.

Sainte Rita reçoit au front une plaie miraculeuse.

Un jour, après avoir enten­du un ser­mon d’un célèbre Franciscain, saint Jacques de la Marche, elle se mit en prière avec une fer­veur extra­or­di­naire et deman­da à Notre-​Seigneur de la faire parti­ciper aux tour­ments qu’il endu­ra pour nous sau­ver. Pendant qu’elle savou­rait dans ce col­loque sacré tout ce qu’il est pos­sible à l’âme humaine de sup­por­ter en fait de dou­ceurs célestes, elle se sen­tit tout à coup pres­ser la tête d’une guir­lande d’épines très piquante. Elle vit ensuite jaillir du Crucifix devant lequel elle était à genoux un rayon de lumière qui lui mar­qua de sa pointe le milieu du front. Immédiatement après, comme si ce rayon n’avait fait qu’indiquer un point de mire, une épine se déta­cha de la cou­ronne du Crucifix et s’élança à l’endroit du front mar­qué par le rayon ; elle y fit une plaie que Rita por­ta tout le reste de sa vie, et qui se voit encore main­te­nant sur sa tête, res­tée intacte comme le reste du corps.

Cette bles­sure très pro­fonde et très dou­lou­reuse sou­mit à une rude épreuve l’humilité de la patiente, car il s’en exha­lait une odeur fétide, rebu­tante, et on en voyait constam­ment sor­tir des vers, que Rita, dans sa sim­pli­ci­té, appe­lait ordi­nai­re­ment « ses petits anges ».

Il lui fal­lut dès lors renon­cer com­plè­te­ment a la vie com­mune, par crainte d’incommoder ses Sœurs. Cette cir­cons­tance lui per­mit de s’adonner encore davan­tage à la prière et à la pénitence.

Dieu fait un double miracle pour lui permettre d’aller à Rome.

En ce temps, Nicolas V sié­geait sur le trône pon­ti­fi­cal. L’Eglise Romaine sor­tie triom­phante du grand schisme d’Occident, se deman­dait si des maux nou­veaux et plus graves encore n’allaient pas fondre sur elle. Jamais la menace des Turcs n’avait été plus redou­table. Un grand Jubilé publié en 1450 fut la pre­mière arme oppo­sée à l’Islam.

Des chré­tiens de tous les pays du monde accou­rurent à Rome afin de gagner cette indul­gence extra­or­di­naire. La prieure des Augustines de Cascia réso­lut de ne point perdre une si belle occa­sion : elle décla­ra qu’elle se ren­drait au tom­beau du Prince des apôtres avec quelques autres reli­gieuses. Rita pres­sa vai­ne­ment sa supé­rieure de consen­tir à l’y lais­ser allée ; mais la prieure refu­sa d’acquiescer à cette demande à cause de la bles­sure que Rita avait au front, cette plaie, qui ren­dait son visage dif­forme, ris­quant, sans par­ler de la mau­vaise odeur, de lui atti­rer des rebuf­fades et le mépris.

La pieuse moniale ne se décou­ra­gea pas ; elle se mit en prière avec fer­veur et sup­plia la divine Bonté de lever cet obs­tacle et de rendre sa bles­sure invi­sible et sans odeur seule­ment pen­dant le temps du pèle­ri­nage à Rome. Cette demande, à peine for­mu­lée, fut exau­cée sur-​le-​champ. La plaie dis­pa­rut, mais la dou­leur cui­sante dont elle était la source sub­sis­ta, et ain­si Rita put satis­faire sa dévo­tion, goû­ter à Rome les plus grandes délices spi­ri­tuelles, sans perdre le pro­fit de sa par­ti­ci­pa­tion mys­té­rieuse aux tour­ments du Sauveur.

Dans le voyage quelle eut à faire pour arri­ver à la Ville Eternelle, elle mon­tra clai­re­ment com­bien elle avait à cœur de conser­ver la ver­tu de pauvreté.

Chacune des reli­gieuses pèle­rines avait reçu, au sor­tir du couvent, une petite somme d’argent afin de pour­voir à sa sub­sis­tance. Au pre­mier fleuve qu’elle ren­con­tra, Rita jeta ce pécule à l’eau. Ses Sœurs lui repro­chant cette impru­dence, elle leur répon­dit qu’elle n’aurait pu sup­por­ter plus long­temps cette charge inutile ; elle avait, sui­vant le conseil du Psalmiste, confié à Dieu le soin de pour­voir à son entre­tien, et elle ne vou­lait point faire injure à la divine Providence en amas­sant des provisions.

Sainte Rita jette sa bourse dans l’eau

Après le retour des pèle­rines au monas­tère, Rita vit ces­ser le pro­dige qui lui avait per­mis d’aller à Rome, et sa plaie repa­rut par un nou­veau miracle. De nou­veau, elle dut s’éloigner de la com­pagnie de ses Sœurs. Elle pro­fi­ta joyeu­se­ment de sa retraite for­cée pour s’adonner avec une éner­gie nou­velle à la prière et à la péni­tence ; elle n’avait aucune pitié pour son corps et vou­lait à tout prix répri­mer l’orgueil de la chair.

L’Epoux divin bien­tôt la jugea suf­fi­sam­ment puri­fiée, et lui envoya la mala­die, mes­sa­gère divine de l’heure de la déli­vrance pour ceux qui savent com­prendre son langage.

Miracle des roses et des figues.

Rita tres­saillit de joie à la pen­sée qu’elle pour­rait bien­tôt sor­tir de la pri­son du corps pour jouir enfin de la liber­té et de l’éternelle vie d’amour. Cependant, elle dut attendre quatre années le moment mar­qué par Dieu.

Plusieurs miracles mani­fes­tèrent com­bien ses dési­rs enflam­més plai­saient au Tout-Puissant.

Une de ses parentes vint la voir : Rita la remer­cia de cette visite cha­ri­table, mais la pria de mon­trer davan­tage sa bon­té, en lui appor­tant quelques roses du jar­din qui lui avait jadis appar­te­nu à Roccaporena. On était en plein hiver, au mois de jan­vier ; la gelée avait depuis long­temps gla­cé la sève des rosiers. L’entourage crut que la fièvre fai­sait déli­rer la reli­gieuse, et sa parente ne se sou­cia nul­le­ment de cher­cher des fleurs qu’elle croyait introu­vables. Cependant, en pas­sant près du jar­din de Roccaporena, elle y jeta les yeux et ne fut pas peu sur­prise d’y voir deux char­mantes roses, qui venaient de s’épanouir, iso­lées de toute autre végé­ta­tion. Frappée du pro­dige, elle entra, cueillit res­pec­tueu­se­ment les fleurs et les por­ta au monas­tère de Cascia. Rita les prit, en aspi­ra le doux par­fum et les offrit aux autres Sœurs tout éton­nées de voir ain­si la Divinité se plier au caprice de ses élus, et chan­ger pour les satis­faire la marche ordi­naire des saisons.

Mais Rita n’était point encore satis­faite. Elle deman­da aus­si à sa parente d’aller cueillir des fruits là même où Dieu avait fait pous­ser des fleurs. La visi­teuse cou­rut au jar­din, y trou­va un figuier por­tant des fruits mûrs dont elle cueillit quelques-​uns pour aller les offrir à Rita, qui les man­gea avec une visible satisfaction.

On ne peut s’empêcher, à cette occa­sion, de pen­ser à saint François d’Assise savou­rant le gâteau de Frère Jacqueline. L’esprit des Saints, on le voit, n’a rien de la rigueur jan­sé­niste qui voit le mal en tout.

Sa mort. — Une guérison.

Ces faveurs célestes n’étaient que l’i­mage et le pré­lude d’autres plus grandes et plus magni­fiques. Jésus-​Christ vint avec sa divine Mère pour annon­cer à Rita que bien­tôt la cou­ronne d’épines serait rem­pla­cée sur sa tête par une cou­ronne de gloire. Cette nou­velle sus­ci­ta une grande allé­gresse dans cette âme pri­vi­lé­giée ; elle vou­lut se puri­fier davan­tage et deman­da les sacre­ments de l’Eglise. Peu après, elle entrait dans la vie éter­nelle. C’était le 22 mai 1457.

Au moment où Rita expi­ra, la cloche du couvent, mise en mou­vement par la main des anges, s’ébranla pour annon­cer au peuple l’entrée au ciel de la ser­vante de Dieu. En même temps, une lumière extra­or­di­naire enva­hit la cel­lule où gisait son corps inani­mé et trans­fi­gu­ré d’où s’exhalait une odeur céleste.

La plaie du front, naguère d’un aspect si repous­sant, s’était muée en un dia­mant pré­cieux, qui sem­blait jeter des flammes.

Le len­de­main de la mort, 23 mai, on expo­sa le corps de Rita dans l’église du couvent. Tous les habi­tants de la ville et des alen­tours accou­rurent pour véné­rer la reli­gieuse dont ils connais­saient les ver­tus héroïques. Une parente de la défunte, qui avait un bras des­sé­ché, y vint elle aus­si. N’écoutant que son affec­tion, elle se jeta en pleu­rant sur le corps de sa cou­sine. Aussitôt, elle sen­tit la vie cir­cu­ler à nou­veau dans son bras para­ly­sé ; ses cris joyeux de recon­naissance divul­guèrent aus­si­tôt le miracle.

Messagère de paix, même après sa mort.

Ce corps saint fut dans le cours des siècles l’instrument de nom­breux miracles ; l’un des plus écla­tants arri­va peu de temps après la béa­ti­fi­ca­tion, qui eut lieu le 16 juillet 1628, en la basi­lique Vaticane, sous le pon­ti­fi­cat d’Urbain VIII.

Le jour où l’on célé­brait, à Cascia, les fêtes solen­nelles usi­tées en cette cir­cons­tance, les saintes reliques furent expo­sées à la véné­ra­tion d’une foule immense accou­rue de tous les points de l’Italie. Or, au moment où le cler­gé allait se mettre en pro­ces­sion, il s’éleva une dis­cus­sion assez vive entre les clercs sécu­liers et les reli­gieux pour savoir à qui serait don­né le pre­mier rang, quand on vit sou­dain la Bienheureuse ouvrir les yeux et don­ner toutes les marques de la vie.

Le cri répé­té de « Miracle ! Miracle ! » apai­sa, en un ins­tant, la querelle.

Le culte dont fut l’objet la bien­heu­reuse Rita attes­tait à la fois la dévo­tion popu­laire et l’estime en laquelle l’Eglise tenait ses ver­tus : sans attendre la cano­ni­sa­tion, il fut per­mis de lui dédier une église à Rome même. Vers la fin de son pro­cès, le 27 mars 1900, Léon XIII accep­ta que dans la même séance on pro­cé­dât à deux for­ma­li­tés très impor­tantes et tou­jours espa­cées, l’approbation des miracles et la déci­sion sur le décret de tuto. Cette faveur tout à fait inusi­tée était, a‑t-​on dit, un nou­veau miracle de la future Sainte, qui devait être et fut en effet cano­ni­sée le 24 mai 1900, jour de l’Ascen­sion, en même temps que saint Jean-​Baptiste de La Salle.

Prodiges permanents.

Mais un pro­dige plus grand est la conser­va­tion du corps lui-​même qui s’est main­te­nue jus­qu a nos jours ; quatre siècles n’ont pu cor­rompre cette chair puri­fiée par la péni­tence et une vie toute céleste. Tout le monde peut le voir, dans l’église du couvent de Cascia, en son beau reli­quaire de cris­tal. Après tant d’an­nées, ses membres conservent encore la sou­plesse que donne la vie. Les traits du visage ont gar­dé leur expres­sion ; la Sainte semble endor­mie ou plon­gée dans l’extase. Plus d’une fois, et récem­ment encore, en 1926, le saint corps a modi­fié de lui-​même son atti­tude : les pieds et les mains se sont légè­re­ment sou­le­vés, et le visage, incli­né vers les sup­pliants, s’est tour­né vers le ciel ; en 1927, la main gauche se sou­le­va par trois fois en rap­pro­chant ses doigts.

Ce pro­dige, qui s’est déjà pro­duit dans le pas­sé, fut tou­jours con­sidéré comme l’annonce de grandes grâces. Ajoutons que de ses reliques se dégage un doux par­fum. Il en est par­fois de même dans sa chambre trans­for­mée en chapelle.

Dans le jar­din du cloître on voit encore le rosier mira­cu­leux. Il ne fleu­rit pas tou­jours, mais chaque fois qu’il donne ses fleurs splen­dides, c’est au temps des frimas.

Dans ce même jar­din pros­père aus­si une treille, dont les Sœurs pré­lèvent chaque année de beaux rai­sins pour la table du Pape. Son ori­gine est pareille­ment mira­cu­leuse. Pour éprou­ver l’obéissance de sainte Rita, sa prieure lui com­man­da d’arroser des sar­ments des­ti­nés au feu et des­sé­chés depuis long­temps. Rita exé­cu­ta les ordres reçus, et le bois mort revint à la vie et à la fécon­di­té. La vigne mira­cu­leuse compte actuel­le­ment cinq cents ans d’existence et elle n’a jamais été taillée.

Plus tou­chant encore est le pro­dige des abeilles. On peut voir dans un mur de l’ancien cloître quelques petits trous assez pro­fonds, dans les­quels un cer­tain nombre de blanches abeilles vivent dune manière véri­ta­ble­ment pro­di­gieuse. Chaque année, durant la semaine de la Passion, elles sortent de leur retraite et volent uni­que­ment dans la par­tie antique du couvent, sans jamais aller dans le jar­din. Après la fête de sainte Rita, elles rentrent dans leurs trous, qu’elles bouchent elles-​mêmes avec une sorte de cire. Quelquefois, elles se laissent prendre, et on constate qu’elles exhalent une odeur suave d’un carac­tère très spé­cial. « Elles ne mangent pas et elles ne se mul­ti­plient pas », déclarent les habi­tants du monas­tère. Quoi qu’il en soit de ce fait, sur lequel un contrôle scien­ti­fique serait dési­rable, il reste cer­tain qu’elles sortent et rentrent aux dates indiquées.

Ceux qui trou­ve­raient ces détails trop incroyables n’ont qu’à s’adresser au R. Père aumô­nier du couvent des Augustines de Cascia (Ombrie), de qui nous les tenons nous-​même. Après les pro­diges qui rem­plirent la vie de la Sainte, on n’a plus le droit de s’étonner de ces merveilles.

A. R. B.

Sources consul­tées. — Les Petits Bollandistes. — (F. S. B. P., nos 224 et 1058.)

Source de l’ar­ticle : Un Saint pour chaque jour du mois, Mai, La Bonne Presse, 1932

Notes de bas de page
  1. Note de LPL : Nous avons chan­gé le nom de Rite employé dans l’ar­ticle d’o­ri­gine par celui de Rita, aujourd’­hui plus connu.[]