Sainte Nennok ou Candide

Sainte Nennok ou Candide

Vierge en Bretagne (+ 620)

Fête le 4 juin.

Cette gra­cieuse et aimable Sainte est actuel­le­ment peu connue en dehors du pays Vannetais, où elle vécut à Plœmeur, près de Lorient, depuis son arri­vée en Bretagne, au vie siècle. Son nom, avec les variantes que lui attri­bue une ancienne édi­tion du car­tu­laire de Quimperlé : Nennec, Melec, Nudec, Ninnoch, se retrouve dans la déno­mi­na­tion de plu­sieurs vil­lages du Morbihan (Lannelec, Nomelec, Kermanec, etc.) et même dans le Finistère (Lannenoc, Lenninoch et autres), signe cer­tain de l’étendue de son culte. Peut-​être aus­si doit-​on, comme nous l’expliquerons plus loin, le déga­ger de celui de sainte Candide, hono­rée dans les loca­li­tés cor­nouaillaises de Tourc’h et de Scaër, loca­li­tés qui ont pu être visi­tées jadis par sainte Nennok ou ses filles.

Naissance miraculeuse et jeunesse de sainte Nennok.

Le prince Brokan, père de Nennok, régnait au vie siècle sur un petit État de la Grande-​Bretagne du Nord limi­trophe de l’Ecosse vers le Strat-​Cluydi. Il était parent du roi bre­ton saint Gunthiern, fon­da­teur, après sa retraite hors du monde, de l’abbaye d’Anaurot (Quimperlé), en Bretagne conti­nen­tale. De sa femme, Menedux, éga­le­ment de lignée royale, de la race de Jules-​César, ajoutent les Bollandistes, Brokan avait eu qua­torze enfants, tous reli­gieux en dif­fé­rents monas­tères. Les deux époux res­taient donc, jeunes encore, pri­vés d’un héri­tier direct pour la suc­ces­sion de leur État. Ils réso­lurent, en cette occur­rence, de faire vio­lence au ciel et d’obtenir, par le jeûne et la prière, le fils ou la fille qui, à leur mort, conti­nue­rait leur lignage.

Afin de se conci­lier plus sûre­ment les faveurs divines, Brokan se reti­ra dans une de ses demeures proches de la ville, y appe­la des reli­gieux dont, pen­dant toute une qua­ran­taine, il par­ta­gea la vie, la sur­pas­sant même par ses effrayantes aus­té­ri­tés. Tant de prières et de sacri­fices furent enfin exau­cés. Brokan reçut d’un ange l’avertissement d’avoir à retour­ner près de Menedux qui, le temps venu, lui don­ne­rait une fille du nom de Nennok. Et, en effet, après neuf mois, naquit la petite Nennok. Elle fut bap­ti­sée par le grand Colomba ou Kolomkill, Abbé d’Iona, venu, dit le P. Albert le Grand, visi­ter Brokan « pour quelques affaires d’importance ».

Lorsque Menedux eut ache­vé d’allaiter sa fille, elle la confia à ses par­rain et mar­raine, eux aus­si nobles sei­gneurs, parents de Brokan : Gurlehentel, appe­lé encore Ilfin, et sa femme Guen-​Argant, qui vivaient dans la pra­tique de la plus grande pié­té. Ils y for­mèrent leur filleule. Nennok demeu­ra près d’eux jusqu’à l’âge de 15 ans, et devint, sous leur direc­tion, la jeune fille accom­plie que l’on nous dépeint « d’humeur douce, humble, modeste, obéis­sante, adon­née à l’oraison », à la lec­ture des Saints Livres et uti­li­sant les heures de loi­sir dans des tra­vaux à l’aiguille. Assidue à entendre la messe, elle se plai­sait, nous est-​il dit, à visi­ter les églises, à assis­ter aux prédications.

Sainte Nennok repousse une alliance princière.

De retour à la cour de Brokan, son père, Nennok ne tar­da pas à y être remar­quée pour son charme et sa rare beau­té, ren­dus plus atti­rants par la ver­tu aimable de la gra­cieuse enfant. Sa répu­ta­tion dépas­sa vite les limites de la petite cour et la fit deman­der en mariage par un prince scot. Celui-​ci vint, accom­pa­gné de ses prin­ci­paux sei­gneurs, prier le père de Nennok de lui accor­der la main de la jeune fille. Brokan, qui s’était assu­ré de l’établissement avan­ta­geux que serait, pour elle et pour son peuple, l’alliance de ce prince, se mon­tra très dis­po­sé à y consen­tir. Cependant il vou­lut aupa­ra­vant consul­ter l’intéressée. Il ne lui cacha pas son vif désir de lui voir agréer cette union, non seule­ment en vue de son bon­heur per­son­nel, mais encore pour le bien de ses propres sujets. Or, depuis long­temps, Nennok n’avait au cœur qu’un amour : celui du Christ. Ayant donc « quelque peu pen­sé à part soi », comme le dit Albert le Grand, elle répon­dit à Brokan :

Mon père, je ne doute aucu­ne­ment du prince qui me recherche, ni de l’honneur que votre mai­son rece­vrait de son alliance, non plus que du pro­fit et uti­li­té qui pour­rait résul­ter de ce mariage pour les deux pro­vinces ; mais je ne puis me résoudre à faus­ser la foi que j’ai pro­mise à Jésus-​Christ, mon doux Epoux, ni dédai­gner ses chastes embras­se­ments pour l’amour d’un homme ter­restre et mor­tel ; en un mot, mon père, j’ai fait vœu de n’avoir jamais d’autre époux que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ et je ne crois pas que le refus que je fais de ce prince doive offen­ser l’obéissance que je vous dois, si vous consi­dé­rez le mérite et la qua­li­té de celui dont l’amour m’a puis­sam­ment prévenue.

On conçoit la décep­tion de Brokan à la réponse de sa fille, cette enfant sur laquelle il avait fon­dé tant de légi­times espé­rances et que Dieu lui avait don­née, semblait-​il, afin de lui per­mettre d’assurer sa pos­té­ri­té. Si Nennok était pieuse, sage et bonne, sa vie jusque-​là n’avait, en aucune façon, dif­fé­ré de celle d’autres jeunes filles de son âge et de sa condi­tion. Rien n’avait donc per­mis de lui sup­po­ser une telle réso­lu­tion. Aussi le père n’accepta-t-il pas tout de suite sa défaite. Comptant sur l’éloquence per­sua­sive de l’amour mater­nel, il char­gea sa femme Menedux de faire reve­nir Nennok sur sa déci­sion. D’ailleurs, la mère sou­hai­tait ce résul­tat, au moins autant que son époux. Elle ne négli­gea donc rien pour flé­chir la volon­té de sa fille. Mais prières, larmes, menaces même, vinrent se bri­ser contre la réso­lu­tion arrê­tée et moti­vée de la jeune prin­cesse. Désespérant de l’amener à leurs dési­rs, les parents de Nennok congé­dièrent le pré­ten­dant, sans cher­cher davan­tage à contra­rier chez leur fille une voca­tion aus­si manifeste.

Sainte Nennok surprend le consentement de son père.

La vie reprit donc son cours pour Nennok et ses parents, à la dif­fé­rence tou­te­fois que la jeune fille, n’ayant plus à dis­si­mu­ler ses sen­ti­ments, se livra tout entière au ser­vice de Dieu. Il res­sort, en effet, des récits de ses bio­graphes que, dès ce moment, aban­don­nant les somp­tueuses parures, elle entra réso­lu­ment dans la voie de l’oraison, du jeûne et des péni­tences cor­po­relles. Bien qu’attristés de ce nou­veau genre de vie, Brokan et Menedux ne s’y oppo­sèrent point, heu­reux de conser­ver près d’eux, à ce prix, leur fille bien-​aimée. Ils ne se dou­taient pas, Nennok peut-​être non plus, que l’heure de la sépa­ra­tion approchait.

Un pieux évêque irlan­dais, confon­du par­fois à tort avec saint Germain d’Auxerre et cité comme tel par les Bollandistes, séjour­na, sur ces entre­faites, à la cour de Brokan. Ses paroles embra­sèrent le cœur de la vierge d’un si grand amour pour Dieu, quelle réso­lut de lui sacri­fier jusqu’à l’affection de ses parents et son atta­che­ment pour son pays. L’évêque lui parla-​t-​il des pieuses recluses qui, dans l’Armorique loin­taine, vivaient en quelque soli­tude, à l’abri des monas­tères, ou bien le sou­ve­nir de son parent Gunthiern, éta­bli sur le conti­nent, éveilla-​t-​il en elle l’idée de tra­ver­ser la mer à son tour P Quoi qu’il en soit, sa réso­lu­tion fut prise et nous avons pu consta­ter déjà ce que valait la volon­té de cette fille des Celtes.

Cependant il lui fal­lait, pour l’exécution de son pro­jet, le consen­te­ment de son père. Dieu allait le lui ména­ger. Vers ce temps, en effet, Brokan s’apprêtait à fêter l’anniversaire de nais­sance de la jeune prin­cesse, qui tom­bait le 1er jan­vier. Il déci­da de réunir à cette occa­sion toutes les nota­bi­li­tés civiles et reli­gieuses de ses États en un grand ban­quet. Nennok y parut revê­tue de ses riches parures, et si belle qu’à son entrée un mur­mure admi­ra­tif cou­rut dans l’assistance. Elle n’y prit pas garde, mais len­te­ment, se diri­geant vers son père, elle s’agenouilla devant lui, le sup­pliant de consen­tir à ce qu’elle allait lui deman­der. Brokan, qui ne se dou­tait de rien et qui était au contraire agréa­ble­ment sur­pris de voir sa fille ain­si parée, la rele­va affec­tueu­se­ment, lui fai­sant mille pro­messes au sujet de ce qu’elle dési­rait obte­nir de lui. Alors Nennok, devant tous les convives atten­tifs, par­la ainsi :

Je vous ai décla­ré il y a long­temps, dit-​elle à son père, que je me dési­rais consa­crer à Dieu ; c’est pour­quoi je vous demande la per­mis­sion de pas­ser la mer et d’aller en Bretagne-​Armorique, afin d’y pas­ser le reste de ma vie au ser­vice de Dieu et d’y prier Dieu pour vous et pour tout votre État.

Grande fut la dou­leur de Brokan à cette nou­velle décla­ra­tion. C’était, lui semblait-​il, la perte totale de son enfant ché­rie. Avec sa femme Menedux il essaya, une fois encore, d’amener Nennok à renon­cer à cet exil, lui assu­rant près d’eux toute liber­té dans la vie péni­tente qu’elle dési­rait mener. Enfin, ne vou­lant pas s’opposer plus long­temps à ses des­seins et aux vues de Dieu sur sa fille, ain­si que le lui repré­sen­tait l’évêque irlan­dais, il s’occupa lui-​même d’organiser le départ.

Sainte Nennok demande à son père la per­mis­sion de le quit­ter pour s’at­ta­cher à Jésus-Christ.

Départ de sainte Nennok.

A lire ce que rap­portent de ce départ les hagio­graphes, on peut conclure, avec M. de La Borderie, que si Nennok « allait à la recherche de la soli­tude, elle n’y allait pas soli­tai­re­ment ». Il est par­lé, en effet, de nom­breux pas­sa­gers por­tés sur plu­sieurs navires, de reli­gieux, de prêtres, dont deux évêques ; Morhèdre et Gurgalon, enfin de laïcs de l’un et l’autre sexe. Accablés de dou­leur, le père et la mère de Nennok, quelque peu conso­lés cepen­dant par la pré­sence du par­rain et de la mar­raine de leur fille au milieu des par­tants, lui don­nèrent, tout en larmes, leur béné­dic­tion. Alors, met­tant à la voile, la pieuse expé­di­tion cin­gla vers les côtes de Bretagne-Armorique.

L’émigration dont Nennok était en quelque sorte le chef, et dont Ilfin, son par­rain, prit la direc­tion, n’était pas de celles qui fuyaient au hasard devant le bar­bare enva­his­seur. Il ne semble pas que les États de Brokan aient eu à souf­frir de l’invasion au moment où s’effectuait cet exode. On avait donc eu loi­sir de l’organiser et d’en fixer le but. Or, la Bretagne du Nord, ayant vrai­sem­bla­ble­ment des pre­mières souf­fert des inva­sions, avait aus­si émi­gré des pre­mières. Mais au lieu de débar­quer sur la côte la plus pro­chaine du conti­nent armo­ri­cain, les émi­grants, peut-​être avec le sou­ci d’une plus grande sécu­ri­té, avaient contour­né la pénin­sule et étaient venus abor­der sur la côte vannetaise.

Tel fut, au com­men­ce­ment du vie siècle, le cas de la bande diri­gée par Waroc. Ce chef don­na son nom au pays de Vannes sur lequel il exer­ça sa domi­na­tion durant une cin­quan­taine d’années. Le Bro-​Weroc (Bro-​Erec) reçut donc la flot­tille por­tant Nennok et ses com­pa­gnons. Brokan lui-​même avait dû en déci­der ain­si, sachant que les arri­vants trou­ve­raient là de leurs com­pa­triotes éta­blis, entre autres son parent saint Gunthiern, fixé d’abord à Groix. Après une heu­reuse tra­ver­sée, l’ancre fut jetée dans une baie inté­rieure située au sud-​est de l’embouchure de la Laïta, à Poul-​Ilfin, du nom du par­rain de Nennok, lieu deve­nu aujourd’hui l’étang de Lan-Nennok.

Le monastère de sainte Nennok.

Si les pre­miers émi­grants s’arrogeaient d’office la pro­prié­té du sol désert où ils débar­quaient, il n’en était plus de même après le par­tage des terres entre leurs dif­fé­rents chefs. Waroc II avait, ici, suc­cé­dé à son père ; vers lui furent donc délé­gués les deux évêques Morhèdre et Gurgalon, en vue d’obtenir l’autorisation de fon­der un monas­tère au lieu de leur débar­que­ment. Cette auto­ri­sa­tion leur fut aus­si­tôt accor­dée. Au milieu des bois qui enser­raient alors Plœmeur, pays des grandes chasses au cerf du comte Waroc, s’éleva bien­tôt le monas­tère, Lan-​Nennok, du nom de la vierge royale.

Mais que fut ce monas­tère ? Monastère d’hommes, construit par les soins de Nennok, « une église et plu­sieurs huttes pour les ser­vi­teurs du Christ » ? Monastère de femmes pour elle et sa suite ? Un monas­tère double ? Voilà ce que n’éclaircit pas l’historien du xiie siècle Gurhedin, moine de l’abbaye de Quimperlé, dont, avec Albert le Grand, nous pre­nons le récit tiré lui-​même d’une ver­sion plus ancienne. Gurhedin, qui a sui­vi la jeune prin­cesse pas à pas depuis sa nais­sance, qui a même annon­cé cet évé­ne­ment, aban­donne en quelque sorte son héroïne à cette soli­tude quelle est venue cher­cher au-​delà des mers. Il se conten­te­ra, sans entrer dans le détail de ses ver­tus et de ses miracles, de nous van­ter « la bien­fai­sante influence de la princesse-​vierge qui, toute sa vie, ne ces­sa de pro­cu­rer en abon­dance grains et fruits par les cam­pagnes, du pois­son dans les filets des pêcheurs, la joie et la pros­pé­ri­té à tous les habi­tants ». Il est cer­tain que si Nennok dis­po­sait ain­si des faveurs célestes, cette vie même, déga­gée par une ferme volon­té de toute attache ter­restre, devait se par­ta­ger entre l’oraison, la péni­tence, l’exercice de la cha­ri­té. C’est bien ce qu’en déduit Albert le Grand lorsqu’il nous dit qu’ « en ce lieu la bonne Sainte vécut le reste de ses jours, fai­sant une aus­tère péni­tence, illus­trée de grands miracles, car par ses prières elle ren­dit la vue aux aveugles, l’ouïe aux sourds, la parole aux muets, fît mar­cher droit les boi­teux, net­toya les lépreux, ren­dit la san­té aux para­ly­tiques, même res­sus­ci­ta les morts ».

La biche de sainte Nennok.

Certains auteurs, tel M. de La Borderie, arguant de la répu­gnance des moines bre­tons de cette époque pour le voi­si­nage des monas­tères de femmes, ne pensent pas que Nennok en construi­sit un pour elle et ses com­pagnes près de celui quelle édi­fia pour son par­rain Ilfin, monas­tère auquel cepen­dant elle don­na son nom. M. de La Borderie dit même for­mel­le­ment qu’elle ne por­ta jamais le titre d’abbesse. Tout au plus, d’après lui, fut-​elle de ces petits groupes de trois ou quatre reli­gieuses dis­sé­mi­nées çà et là dans les forêts, aux alen­tours des monas­tères d’hommes, mais sans rela­tions avec eux. Soit en groupe, soit iso­lé­ment (c’est alors la recluse), cha­cune de ces femmes, si elle se trou­vait à proxi­mi­té de quelque église, en entre­te­nait le linge, s’occupait de l’autel, balayait les dalles.

M. le cha­noine Thomas, anno­ta­teur d’Albert le Grand, ne le pense pas ain­si. Il juge, au contraire, que « la gloire de sainte Nennok est pré­ci­sé­ment d’avoir fon­dé le pre­mier monas­tère connu pour des reli­gieuses dans notre Armorique ». D’autre part, les Bollandistes sont affir­ma­tifs sur l’existence du monas­tère double dans le récit de l’épisode de la biche, seul fait pré­cis rap­por­té par Gurhedin rela­ti­ve­ment au séjour de Nennok en Armorique. Poursuivie par la meute du prince Waroc, la bête allait être « for­cée », lorsque, pas­sant devant Lan-​Nennok, elle trou­va entr’ouverte la porte de l’abbaye. Les reli­gieuses étaient au chœur, vaquant à l’Office que réci­taient, disent les Bollandistes, les « psal­mo­diants, tant évêques qu’Abbés, moines et chœurs des vierges ». Il s’agissait donc d’une église com­mune. L’abbesse était assise en sa cathèdre « à la corne de l’autel » quand à ses pieds vint s’abattre la biche aux abois. Ce fut là, qu’entré à son tour, le prince la décou­vrit toute trem­blante, blot­tie dans l’ample man­teau de l’abbesse. Waroc res­pec­ta le « droit d’asile » et demeu­ra quelque temps au monas­tère pour s’édifier de la pié­té et de la ver­tu de Nennok. Là les Bollandistes (et aus­si Albert le Grand) placent le texte d’un acte de dona­tion de Waroc en faveur du monas­tère, que les études cri­tiques de M. de La Borderie ont recon­nu apo­cryphe en rai­son des termes employés.

Dans l’imagination popu­laire, la biche de Lan-​Nennok n’est pas morte. Elle court tou­jours les cam­pagnes par les nuits claires, buvant aux fon­taines rus­tiques. Si elle y est sur­prise, elle s’enfuit en cou­rant, sans tou­cher terre, et, brus­que­ment, s’évanouit dans un rayon de lune. Les fian­cés super­sti­tieux redoutent son appa­ri­tion, car, disent-​ils, c’est un signe que Nennok veut que la jeune fille reste vierge et que le mariage ne doit pas avoir lieu.

Mort de sainte Nennok. – Son culte : « Sainte Candide ».

Nennok dut pas­ser une tren­taine d’années dans la soli­tude qu’elle s’était choi­sie, ce qui, au dire de M. de La Borderie, place sa mort vers 620, et non, ain­si que le sup­posent les Bollandistes, au siècle suivant.

La Révolution, qui détrui­sit le prieu­ré de Bénédictins édi­fié vers le xie siècle sur l’emplacement du monas­tère de sainte Nennok, por­ta un coup fatal au culte de la Sainte que, de Plœmeur, on venait prier en la cha­pelle du prieu­ré. Les mères l’invoquaient spé­cia­le­ment pour la gué­ri­son des mala­dies de leurs enfants. Elle avait là sa sta­tue, vêtue de la longue robe flot­tante des reli­gieuses, tenant en mains les insignes abba­tiaux, et ayant un cerf à ses pieds. Aujourd’hui la dévo­tion à sainte Nennok se borne à don­ner par­fois son nom aux fillettes. Quant à son image elle est en bonne place dans l’église parois­siale de Plœmeur, où une sta­tue sem­blant dater du xviie siècle la repré­sente en abbesse. En abbesse éga­le­ment, cette autre sta­tue de la vieille cha­pelle Sainte-​Anne, à l’entrée du bourg de Plœmeur, datant, comme la cha­pelle elle-​même, du xvie siècle. Un vitrail récent de la cha­pelle Saint-​Mathieu, non loin de Lannenec, a fait repa­raître la vision de sainte Nennok, comme la fresque du pour­tour du chœur de la métro­pole de Rennes, où la Sainte figure en tête des vierges dans la pro­ces­sion des prin­ci­paux Saints bre­tons. Cette ico­no­gra­phie, jointe aux textes de cer­tains actes conser­vés aux archives de la Loire-​Inférieure, actes qui, au xvie siècle, font inter­ve­nir la fête de sainte Nennok pour la fixa­tion de droits à exer­cer, est bien signi­fi­ca­tive du culte de la sainte prin­cesse. De plus, la foire annuelle tenue près de Lannenec, le 4 juin, est sans doute un ves­tige d’une fête reli­gieuse qui, mal­heu­reu­se­ment, n’existe plus.

A Tourc’h, aux envi­rons de Rosporden, et à Scaër, on honore une « sainte Candide » (Candida ou Blanche). Il convient de se rap­pe­ler que si, au bap­tême, Nennok reçut ce der­nier nom, celui-​là même qu’avait indi­qué l’ange, ses par­rain et mar­raine y ajou­tèrent celui de Guengustl, dont la signi­fi­ca­tion est « Blanche vouée ». Près du hameau de Locunduff-en-Tourc’h est une petite cha­pelle dédiée à « sainte Candide », où une jolie sta­tue de pierre du xve siècle la repré­sente vêtue en abbesse et en por­tant les attri­buts. M. le cha­noine Leclanche, auteur d’une Vie manus­crite, remarque très judi­cieu­se­ment que ces attri­buts ne peuvent aucu­ne­ment conve­nir à l’une des seize Saintes du nom de Candide, mais s’appliquent au contraire fort bien à sainte Nennok ou Guengustl. L’église de Scaër, rebâ­tie en 1875, abrite éga­le­ment une sta­tue de « sainte Candide », patronne du lieu, sta­tue datant des xvie ou xviie siècles. A trois cents mètres du bourg on trouve « la fon­taine de Sainte-​Candide, très véné­rée et remar­quable pour l’abondance de ses eaux », dit l’annotateur d’Albert Le Grand. Cette eau est renom­mée pour gué­rir les fièvres et mala­dies de lan­gueur des petits enfants, ce qui cor­res­pond bien à la dévo­tion des mères venant jadis deman­der la gué­ri­son de leurs enfants en la cha­pelle du prieu­ré de Lan-​Nennok. Enfin, de l’autre côté de la Manche, en Conwall, sainte Candide est hono­rée sous le nom de Wencu.

De reliques, point. On sup­pose qu’elles ont péri avec le monas­tère, lors des inva­sions nor­mandes. Cette absence de reliques a peut-​être contri­bué à lais­ser dans l’ombre le culte de sainte Nennok. M. le cha­noine Le Mené, dans son Histoire du dio­cèse de Vannes, n’en déplore pas moins l’omission de la fête du 4 juin au Propre diocésain.

M. Le Berre.

Sources consul­tées. – Albert Le Grand, O. P., Vie des Saints de Bretagne – Armorique (Quimper, 1901). – A. de La Borderie, Histoire de Bretagne (Rennes, 1906). – Cartulaire de Quimperlé. – G. H. Dobble et L. Kerririou, Les Saints bretons.