Saint Jean-​François Régis

Saint Jean-François Régis évangélisant les campagnes. Chapelle saint Claude de la Colombière, Saône-et-Loire © Godong

Jésuite, apôtre du Vivarais et du Velay (1597–1640)

Fête le 16 juin.

Parmi les nom­breux Saints que la Compagnie de Jésus a don­nés à l’Eglise, Jean-​François Régis est un des plus illustres. Sa voie fut assez dif­fé­rente de celle des reli­gieux de son Ordre ; cer­tains traits d’audace de sa car­rière, qui sont aus­si racon­tés d’autres Saints, pour­raient nous cho­quer, mais, dans les cir­cons­tances de temps et de lieux où Dieu le pla­ça, il eut une mis­sion par­ti­cu­lière à rem­plir ; il devait s’en acquit­ter avec un zèle admi­rable, une par­faite abné­ga­tion et une obéis­sance sans limites.

Jean-​François Régis naquit le 31 jan­vier 1597 à Fontcouverte, dio­cèse actuel de Carcassonne. Ses parents étaient gens de petite noblesse, pos­sé­dant une situa­tion aisée, et jouis­sant de la considéra­tion. Sa famille se dis­tin­gua par sa fidé­li­té à la foi catho­lique dans ce pays bou­le­ver­sé par les luttes contre les hugue­nots, et lui-​même per­dit un frère au dio­cèse de Villemur, au dio­cèse actuel de Toulouse.

Premières années.

Dès sa plus tendre enfance, il connut les dou­ceurs de la pié­té et de l’amour de Dieu. A Page de cinq ans, il fut si vive­ment frap­pé en envi­sa­geant les peines de l’enfer qu’il expri­mait à sa mère avec ter­reur la pen­sée de la dam­na­tion. Il ne pre­nait pas de goût aux amu­sements des enfants de son âge, pré­fé­rant les choses sérieuses et ne s’occupant que d’exercices de pié­té. Souvent, il se ren­fer­mait dans une cha­pelle, et là, se lais­sant aller aux dou­ceurs de la contem­pla­tion, il s’oubliait dans la pré­sence de Notre-Seigneur.

Ses parents lui avaient don­né un pré­cep­teur à l’humeur brusque et cha­grine ; l’enfant timide et modeste eut beau­coup à souf­frir de cette direc­tion, mais le jour où le maître sut trou­ver le che­min du cœur de l’enfant, celui-​ci fit de rapides progrès.

Bientôt, les Jésuites ayant ouvert des classes à Béziers, il leur fut confié vers 1611, et sa pié­té ne fit que se déve­lop­per de plus en plus. Il avait une tendre dévo­tion pour la Sainte Vierge et fut promp­tement reçu dans une de ces pieuses asso­cia­tions éri­gées dans les col­lèges reli­gieux, et des­ti­nés à hono­rer la Mère du Sauveur. Il avait une grande confiance en son ange gar­dien, à qui il se crut tou­jours rede­vable d’avoir échap­pé à un grand péril.

La vocation.

Sa voca­tion se révé­la de bonne heure, dans la douce et salu­taire influence qu’il sut prendre sur ses com­pa­gnons d’études, dis­per­sés par petits groupes, selon la cou­tume, en des mai­sons par­ti­cu­lières où ils pre­naient pen­sion. Dans les pre­miers moments, quelques rail­leurs tour­naient en ridi­cule ses pra­tiques reli­gieuses ; bien­tôt, ils recon­nurent la puis­sance de sa ver­tu, et loin de s’éloigner de leur pieux com­pa­gnon, ils s’en rap­pro­chèrent si bien que Jean-​François gagna leurs âmes. Pour les cinq ou six éco­liers avec qui il habi­tait, il com­po­sa une règle écrite, où les heures d’études étaient fixées, les conver­sa­tions inutiles inter­dites ; on lisait un livre de pié­té pen­dant les repas, on fai­sait l’examen de conscience le soir, et le dimanche tous rece­vaient la sainte Communion.

Le pieux jeune homme fut à ce moment, semble-​t-​il, éprou­vé par une mala­die grave. Ayant recou­vré la san­té, il son­gea à se don­ner à Dieu d’une manière plus entière et fit une retraite pour connaître sa voca­tion. Il se sen­tit pres­sé d’entrer dans la Compagnie de Jésus. Son confes­seur l’ayant enga­gé à suivre son ins­pi­ra­tion, Jean-​François entra au novi­ciat de Toulouse le 8 décembre 1616.

Le noviciat.

Dès les pre­miers jours, il se fît admi­rer des plus fer­vents. Rien ne venant plus trou­bler son désir d’une union constante avec Notre-​Seigneur, il n’abandonnait pas la pen­sée de sa pré­sence. Il s’ap­pliqua à pra­ti­quer tout par­ti­cu­liè­re­ment l’humilité, la haine de lui-​même, le mépris du monde et le plai­sir de pro­cu­rer la gloire de Dieu, une très grande cha­ri­té envers le prochain.

Les plus bas emplois étaient ceux qu’il ché­ris­sait davan­tage ; rien ne lui parais­sait plus agréable que de balayer la mai­son et de ser­vir à table. Son occu­pa­tion pré­fé­rée était cer­tai­ne­ment le ser­vice des malades.

Il aimait aller dans les hôpi­taux, exer­cer sa cha­ri­té envers les pauvres infirmes, choi­sis­sant les plus rebu­tants, car il savait consi­dérer Jésus-​Christ lui-​même dans la per­sonne de ceux qui souffrent. Il trai­tait son corps très dure­ment, tout en usant de ména­ge­ments et de dou­ceur pour les autres ; aus­si, ses com­pa­gnons disaient-​ils qu’il était son propre persécuteur.

Après deux ans de novi­ciat, Jean-​François fut envoyé à Cahors, où il pro­non­ça ses pre­miers vœux, puis à Billom, où il fut profes­seur de gram­maire, et de là à Tournon pour étu­dier la phi­lo­so­phie. Le goût des études n’affaiblit en rien sa pié­té et son goût pour l’oraison.

Premier apostolat.

Pendant son séjour à Tournon, il com­men­ça à évan­gé­li­ser les pauvres et les ser­vi­teurs de la ville. Cette pré­di­ca­tion aux petits et aux faibles conve­nait à sa nature humble et dévouée. Le dimanche, il accom­pa­gnait un reli­gieux prêtre du col­lège et par­cou­rait les vil­lages et les bourgs d’alentour ; il se fai­sait pré­cé­der d’une clo­chette ; il réunis­sait les enfants, leur fai­sait le caté­chisme et leur appre­nait à aimer le Sauveur Jésus. Puis, ayant de même pré­pa­ré les chré­tiens plus ou moins délais­sés, il les ame­nait au Père qui enten­dait leur confession.

Son goût pour l’apostolat ache­va de se mon­trer d’une façon défi­nitive dans la sanc­ti­fi­ca­tion du bourg d’Andance, où son sou­ve­nir est res­té très vivace. Là, il opé­ra des mer­veilles ; l’ivrognerie, les jure­ments, l’impiété, y régnaient en maîtres ; à la place, le Fr. Régis éta­blit la pra­tique des sacre­ments, la récep­tion fré­quente et le culte de l’Eucharistie, il eut la gloire et le bon­heur d’y ins­ti­tuer une confré­rie du Saint-​Sacrement, comme avant lui d’autres Jésuites avaient fait dans la région ; il était alors âgé seule­ment de vingt-​deux ans.

Cependant, l’heure des grands tra­vaux n’était pas encore venue, et ses supé­rieurs jugèrent à pro­pos, en 1625, de l’envoyer dans la ville du Puy ensei­gner les belles-lettres.

L’enseignement.

Au Puy, comme pré­cé­dem­ment à Cahors, Jean-​François Régis son­gea non seule­ment à ins­truire ses élèves, mais encore à les diri­ger dans le bien. Il pré­pa­rait ses classes avec le plus grand soin et ne trou­vait pas de moyen plus sûr de pro­fes­ser avec fruit que d’aller prier avant l’heure de la classe devant le Saint Sacrement ; on remar­qua que, mal­gré le grand froid, par esprit de mor­ti­fi­ca­tion, il ne cachait même pas ses mains dans ses manches. Il gué­rit l’un de ses élèves malade en fai­sant sur lui le signe de la croix et en lui recom­man­dant d’être désor­mais plus fervent dans le ser­vice de Dieu. Les jours de fête, il cou­rait exer­cer son zèle apos­to­lique près des gens des campagnes.

Professeur à Auch en 1627, le P. Régis fut envoyé l’année sui­vante à Toulouse pour y étu­dier la théo­lo­gie. La nuit il se levait pour aller à la cha­pelle ; on en aver­tit le supé­rieur qui, comme ins­pi­ré, répondit :

– Ne trou­blez pas les entre­tiens de cet ange avec son Dieu ; je suis bien trom­pé si on ne célèbre pas sa fête quelque jour dans l’Eglise.

Ordination.

Au com­men­ce­ment de 1630, Jean-​François reçut l’ordre de se pré­pa­rer à la prê­trise ; un com­bat s’éleva alors dans son cœur ; le zèle pour la gloire de Dieu et le désir de gagner des âmes lui fai­saient dési­rer cet hon­neur, tan­dis que son humi­li­té le rem­plis­sait d’une sainte frayeur. Ses hési­ta­tions tom­bèrent et il deman­da même, contrai­re­ment à l’usage, que son ordi­na­tion fût avan­cée d’un an, ce qui lui enle­vait pour tou­jours le droit d’être, à pro­pre­ment par­ler, un reli­gieux pro­fès, sans tou­te­fois, pour cela, ces­ser d’appar­tenir à la Compagnie de Jésus ; ce sacri­fice fut accep­té, et le P. Jean-​François Régis fut ordon­né prêtre à la Trinité de 1631. Il se pré­pa­ra à sa pre­mière messe par le jeûne, les prières et les mortifications.

Apostolat des pauvres.

Quelques mois plus tard, le jeune prêtre dut faire un voyage à Fontcouverte, lieu de sa nais­sance. Il y allait pour affaire de famille, mais les choses de Dieu l’occupèrent bien plus que les inté­rêts de ce monde.

Voici com­ment il pas­sait son temps : le matin, il fai­sait le caté­chisme aux enfants, puis il prê­chait, il enten­dait ensuite les con­fessions, et, vers la nuit, il fai­sait une nou­velle ins­truc­tion. Dans le milieu du jour, il s’occupait de la visite des pauvres, men­diait pour eux chez les riches et por­tait ensuite ses aumônes aux vieil­lards et aux malades.

Il gar­de­ra ce pro­gramme en beau­coup d’endroits où le condui­ra sa car­rière de missionnaire.

Un jour qu’il tra­ver­sait les rues, por­tant sur ses épaules une paillasse, il fut hué par des sol­dats. Le P. Régis fut com­blé de joie en se voyant assi­mi­lé à son divin Maître, et comme lui inju­rié. Ses frères crurent devoir lui faire des obser­va­tions sur sa conduite si éloi­gnée des maximes du monde, et qui ne pou­vait être admise que par ceux qui com­prennent la folie de la croix :

– Exercez, lui dirent-​ils, les œuvres de misé­ri­corde, mais faites-​le sans nous cou­vrir de confu­sion et de ridicule.

– Ce n’est pas en s’humiliant, répon­dit Jean-​François, que les ministres de l’Evangile perdent leur carac­tère ; et pour­vu que Dieu ne soit pas offen­sé, qu’importent les juge­ments des hommes !

En effet, cette cha­ri­té sans bornes lui conci­liait les cœurs, et il eut la conso­la­tion de rame­ner beau­coup d’âmes à Dieu, lais­sant dans le pays, écri­vait son pro­vin­cial, une grande odeur de sainteté.

Ces suc­cès si conso­lants déci­dèrent ses supé­rieurs à lui confier exclu­si­ve­ment la mis­sion de l’apostolat. Il débu­ta en mai 1632, dans la ville de Montpellier, très éprou­vée par les guerres civiles de reli­gion au cours du règne de Louis XIII, et il y fit de nom­breuses con­versions, non par de brillants ser­mons, mais par son exemple et l’explication du catéchisme.

Il avait pour les pauvres une véri­table pré­fé­rence ; sou­vent il res­tait dans son confes­sion­nal jusqu’au soir, sans prendre de nour­ri­ture, afin d’entendre les confes­sions des mal­heu­reux, disant : « Les gens de qua­li­té ne man­que­ront pas de confes­seurs ; les pauvres, cette por­tion la plus aban­don­née du trou­peau de Jésus-​Christ, tel doit être mon par­tage. » Il ne se conten­tait pas de leur don­ner de bonnes paroles, il les secou­rait, comme nous l’a­vons déjà vu faire ailleurs, des aumônes qu’il recueillait.

Dans cette ville aus­si, il s’exerça à la conver­sion des made­leines, qui, à l’exemple de leur sainte Patronne, vou­laient arro­ser de leurs larmes les pieds du Sauveur et renon­cer à leurs péchés. Il excel­le­ra dans cette tâche, ne recu­lant pour cela devant aucun dan­ger, pas même celui de se cou­vrir de ridi­cule ou de honte.

Missions dans le midi de la France parmi les protestants.

En 1633, Mgr de la Baume de La Suze, évêque de Viviers, qui avait deman­dé un mis­sion­naire Jésuite pour l’accompagner à tra­vers son dio­cèse, se vit don­ner le P. Régis ; le pays avait beau­coup souf­fert des luttes de reli­gion, et le sou­ve­nir des deux Jésuites mar­ty­ri­sés en 1593, les bien­heu­reux Jacques Salés et Guillaume Saultemouche, n’était pas près de dis­pa­raître. Il est vrai que déjà des reli­gieux de divers Ordres avaient effi­ca­ce­ment tra­vaillé au relè­ve­ment reli­gieux de la région. Il res­tait, hélas ! beau­coup à faire, et ce n’était pas trop de l’activité apos­to­lique et de l’humilité du P. Régis pour pré­pa­rer le pas­sage de l’évêque par des pré­di­ca­tions mul­ti­pliées, des confes­sions sans nombre, qui repré­sen­taient de très nom­breux retours à Dieu et à la vie chré­tienne. A Uzer, un excellent catho­lique, Jean de Chalendar de La Motte, ména­gea une entre­vue entre le mis­sion­naire et une dame noble, pro­tes­tante obs­ti­née, de mœurs pures et très influente ; l’abjuration de cette per­sonne fut un suc­cès pour la cause catholique.

En 1634, le P. Régis deman­da à son Supérieur géné­ral la faveur de par­tir comme mis­sion­naire pour le Canada ; mais l’obéissance le main­tint à son poste. La région des Routières où il fut bien­tôt envoyé avec un com­pa­gnon, le P. Broquin, était le coin du Vivarais qui avait le plus besoin de la pré­sence d’un apôtre ; les crimes de toutes sortes y étaient fré­quents ; la vie d’un homme y était tenue pour peu de chose. Or, les mis­sions qu’y don­nèrent les deux reli­gieux, en lut­tant contre le vent, la neige, la glace, dans des condi­tions par­fois héroïques, accom­plirent des mer­veilles : après trois siècles. Le Cheylard, en par­ti­cu­lier, est res­té l’un des points de France les plus fervents.

Les catéchismes du Puy.

Plusieurs années de la vie du P. Régis vont s’écouler ensuite au Puy, où riches et pauvres, souf­frant de l’ignorance reli­gieuse, avaient oublié le droit che­min. Ce qu’il fal­lait à cette popu­la­tion, comme l’avait très bien com­pris l’évêque, Just de Cerres, c’était l’enseignement du caté­chisme. Or, qui mieux que le P. Régis pou­vait en assu­mer la tâche ? Chaque dimanche, de 4 à 5 000 per­sonnes venaient entendre ses ins­truc­tions, simples, ima­gées, vivantes, pré­sentées avec beau­coup de la faconde méri­dio­nale ; pas de recours à la mytho­lo­gie ou à l’antiquité, mais une élo­quence popu­laire qui péné­trait toutes les intel­li­gences et tous les cœurs.

Ces suc­cès du pré­di­ca­teur impor­tu­nèrent un ora­teur de renom, qui crut devoir le dénon­cer au supé­rieur pro­vin­cial ; celui-​ci, de pas­sage au Puy, tint à se rendre compte par lui-​même ; par deux fois il alla entendre le cours de reli­gion du P. Régis et ne put s’empêcher de pleu­rer : l’épreuve tour­nait ain­si à l’avantage de ce mer­veilleux catéchiste.

Au sur­plus, qu’on ne s’imagine pas cet apôtre pas­sant dans les rues fer­mant les yeux et les oreilles ; ayant enten­du un homme mas­qué blas­phé­mer dans la rue, il alla le souf­fle­ter ; il mit de la boue dans la bouche d’une femme qui avait com­mis le même péché ; le pre­mier s’agenouilla aus­si­tôt sous la béné­dic­tion du Père ; la seconde s’en alla tête basse : car tel était le pres­tige de sa sainteté.

Mais aus­si, quelles mor­ti­fi­ca­tions il impo­sait à son corps pour tenir son âme plus près de Dieu et ache­ter les conver­sions ! Sa disci­pline était un ins­tru­ment de « car­nage », et mal­gré sa vie rude et son ori­gine méri­dio­nale, il ne buvait jamais de vin, offrant à Dieu ce sacri­fice héroïque, vu les cir­cons­tances, afin d’obtenir une chas­teté par­faite, sans aucun trouble. Cette grâce lui fut accor­dée, comme elle le fut à saint Thomas d’Aquin et à sainte Thérèse.

Les luttes contre le liber­ti­nage lui valurent des moque­ries, des insultes, des menaces de mort ; il ne recu­la jamais. Plus d’une jeune fille lui dut la conser­va­tion de sa ver­tu ; de mainte femme tom­bée il fît une péni­tente, grâce à une mai­son de refuge qu’il avait fondée.

Des hommes contra­riés dans leurs pas­sions impures pro­je­tèrent de le tuer : il allait au-​devant d’eux et les inci­tait lui-​même à renon­cer à leur secret des­sein et à chan­ger de vie. En effet, il lisait par­fois dans les consciences, annon­çait l’avenir ; c’est ain­si qu’il pré­dit aux den­tel­lières du Puy, qui devaient plus tard le prendre pour Patron, que leur indus­trie, mena­cée par des ordon­nances, se déve­lop­pe­rait au contraire avec la pro­tec­tion royale : il en fut bien­tôt ainsi.

Un liber­tin tire son épée pour frap­per le Saint.

Dernière maladie et mort.

La der­nière par­tie de sa vie se pas­sa dans les mis­sions d’hiver ; seuls les lec­teurs qui connaissent la rigueur des hivers mon­ta­gnards peuvent com­prendre les dif­fi­cul­tés et les souf­frances que sup­por­ta le mis­sion­naire. Il devait d’ailleurs mou­rir au champ d’honneur, pen­dant une mis­sion qu’il don­nait à La Louvesc, au moment de Noël 1640. Avant de s’y rendre, ayant le pres­sen­ti­ment de sa fin pro­chaine, il alla au Puy, mit ordre à ses affaires de conscience, régla quelques dettes contrac­tées pour les pauvres et gagna son poste de tra­vail. En route, par un temps affreux, il s’égara pen­dant la nuit, et, mal­gré une pneu­mo­nie qui s’était décla­rée, eut le cou­rage de se rendre à La Louvesc, celui de prê­cher cinq ou six fois et de confes­ser pen­dant trois jours entiers. Le soir du len­de­main de Noël, il tom­ba en défaillance, fut por­té à la cure où il confes­sa encore. Mais les méde­cins jugèrent son état désespéré.

Le mis­sion­naire reçut le Viatique et les der­niers sacre­ments avec une grande fer­veur ; il ne trou­vait de sou­la­ge­ment à ses souf­frances que dans la vue du Crucifix. Le 31 décembre, il dit à son com­pa­gnon : « Ah ! mon Frère, je vois Notre-​Seigneur et Notre-​Dame qui m’ouvrent le para­dis ! » Puis il s’écria : « In manus tuas… Seigneur, je remets mon âme entre vos mains. » Ce furent ses der­nières paroles.

On le pro­cla­ma saint d’une voix com­mune ; la terre de son tom­beau fut enle­vée plu­sieurs fois comme une relique pré­cieuse. Les gens de La Louvesc, ayant appris que le corps du Père serait trans­porté à Tournon ou au Puy, l’enfoncèrent dans la terre et mirent au-​dessus des barres de fer croi­sées. Trente-​six ans après sa mort, les démarches offi­cielles furent faites en vue de sa béa­ti­fi­ca­tion, qui eut lieu sous le pon­ti­fi­cat de Clément XI, le 8 mai 1716 ; enfin, il fut cano­ni­sé sous celui de Clément XII, le 8 mai 1737.

Assez fré­quem­ment on entend dire qu’au moment de sa mort, saint Jean-​François Régis n’appartenait plus à la Compagnie de Jésus, ou qu’il était sur le point d’en être rayé ; c’est là une méchan­ce­té lan­cée, vers 1716, par les revues jan­sé­nistes et que l’histoire dément, avec preuves à l’appui.

Son culte.

Sous la Révolution, les reliques du Saint furent mises en lieu sûr, rem­pla­cées à l’église par une caisse d’ossements. Elles reprirent leur place en 1802. Une magni­fique basi­lique, construite à La Louvesc par l’ar­chi­tecte Bossan, de 1865 à 1871, voit accou­rir chaque année des mil­liers de pèlerins.

Une asso­cia­tion pieuse, des­ti­née à régu­la­ri­ser les unions illégi­times, a été pla­cée sous l’invocation de saint Jean-​François Régis. Ce grand Saint, qui ren­dit la san­té à un pieux magis­trat, M. Gossin, vice-​président du tri­bu­nal de la Seine, lui ins­pi­ra cette bonne pen­sée et per­pé­tua ain­si, au-​delà du tom­beau, le bien qu’il ne ces­sa de faire pen­dant son pèle­ri­nage sur la terre.

Encore sous les aus­pices du zélé mis­sion­naire ont pris nais­sance le double Institut des Sœurs de Saint-​Régis et des Dames du Cénacle, et celui des Sœurs de la Présentation de Bourg-​Saint-​Andéol ; la Vén. Mère Duchesne, qui pro­pa­gea en Amérique l’Institut des Dames du Sacré-​Cœur, lui dut sa voca­tion, et c’est à lui que recou­rut le futur saint Jean-​Baptiste Vianney, inca­pable d’avancer dans ses études, et qui devait par la suite, tout en adap­tant sa vie aux cir­constances et aux néces­si­tés de son minis­tère, le prendre pour modèle.

A. D.

Sources consul­tées. – Les Petits Bollandistes. – Joseph Vianet, Saint François Régis (Collection Les Saints). – R. P. Daubenton, S. J., Vie de saint Jean-​François Régis (1855). – R. P. Frédéric de Curley, S. J., Saint Jean-​François Régis (1893). – Abbé Blancard, curé de Fontcouverte, Saint François Régis, sa vie, ses miracles (1916). – (V. S. B. P., nos 227 et 644.)