Saint Euperge

Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dit à ses dis­ciples : « On ver­ra le Fils de l’homme venant dans les nuées avec une grande puis­sance et une grande gloire ; alors aus­si il enver­ra ses anges, et il ras­sem­ble­ra ses élus, des quatre vents, de l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel. » Depuis Adam repen­ti jusqu’au der­nier élu, la somme des élus est consi­dé­rable : ain­si l’exprime saint Jean dans l’Apocalypse : « Je vis quatre anges qui étaient aux quatre coins de la terre, et qui rete­naient les quatre vents de la terre… après cela je vis une grande troupe que per­sonne ne pou­vait comp­ter de toutes les nations, de toutes les tri­bus, de tous les peuples et de toutes les langues, qui étaient debout devant le trône et devant l’Agneau, revê­tus de robes blanches ; et des palmes étaient en leurs mains. » Saint Ambroise et saint Bède y voient la foule des bien­heu­reux de tous les temps ; non pas qu’un nombre pré­cis ne la com­pose, mais qu’aucun homme ne sau­rait aus­si­tôt la dénom­brer rien qu’en la voyant. Ce n’est qu’à par­tir du Jugement der­nier que les élus connaî­tront com­bien ils sont, et com­men­ce­ront à mieux se connaître.

La foi fut conser­vée par un petit nombre jusqu’à Abram, auquel néan­moins Dieu pro­mit une des­cen­dance fidèle en ces termes : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu peux. Et il ajou­ta : Ainsi sera ta pos­té­ri­té. » Aussi Dieu lui dira-​t-​il : « Tu ne t’appelleras plus Abram, mais tu t’appelleras Abraham, parce que je t’ai éta­bli père de beau­coup de nations ». De fait, Abraham signi­fie « père d’une mul­ti­tude ». Saint Paul écrit à son pro­pos : « D’un seul homme (et déjà éteint) sont sor­tis des des­cen­dants sem­blables en mul­ti­tude aux astres du ciel et au sable innom­brable qui est au bord de la mer. Tous ceux-​ci sont morts dans la foi. » Saint Paul, s’adressant à ses com­pa­triotes, entend les Israélites fidèles, défunts au long de l’antiquité, mais, comme il vient d’être rap­por­té, Dieu l’entendait aus­si des fidèles de beau­coup de nations, aus­si ajouta-​t-​il à Abraham : « je mul­ti­plie­rai ta pos­té­ri­té comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le rivage de la mer… Et seront bénies en ta pos­té­ri­té[1] toutes les nations de la terre, parce que tu as obéi à ma voix. »[2]

Le Nouveau Testament don­na lieu à une pro­pa­ga­tion plus pres­ti­gieuse encore d’une foi d’autant plus enri­chie. Depuis 1170, les papes se réservent les pro­cès en cano­ni­sa­tion par les­quels l’Eglise scrute la sain­te­té de la vie ou du tré­pas des ser­vi­teurs de Dieu ; mais pour l’époque anté­rieure, Elle conserve avec véné­ra­tion les cata­logues de saints rédi­gés par d’anciens ecclé­sias­tiques dignes de foi, tel le Martyrologe de saint Jérôme. L’Eglise ne peut iden­ti­fier tous ses mar­tyrs lors des gigan­tesques per­sé­cu­tions. Jésus-​Christ révé­la à sainte Brigitte que s’il fal­lait fêter tous les mar­tyrs de la seule cité de Rome, il fau­drait en fêter sept mille chaque jour de l’année, soit plus de deux mil­lions et demi de saints… Ainsi le Martyrologe Romain cite-​t-​il, sans pou­voir don­ner de noms, au 1er mars d’abord 260 mar­tyrs sous l’empereur Claude au temps de l’Apôtre saint Pierre, ou au 9 juillet saint Zénon et 10203 autres for­çats chré­tiens ayant construit les Thermes de Dioclétien, lequel les fit massacrer.

A for­tio­ri, quand bien même l’Eglise conserve des noms de saints, l’injure des temps a pu l’empêcher de connaître la vie de cha­cun en par­ti­cu­lier. Ainsi l’Eglise de Fréjus, qui ne connaît plus avec cer­ti­tude la liste com­plète de ses pre­miers évêques, honorait-​elle encore entre le XIIIe et le XVIe siècle, au 14 mars, saint Euperge, nom­mé tan­tôt comme évêque, tan­tôt comme simple confes­seur, selon les livres litur­giques fré­jus­siens. On peut sup­po­ser que l’absence de tout autre indice et l’équivoque quant au sta­tut hagio­gra­phique (évêque ou non), ont déci­dé les évêques de Fréjus d’abandonner ce culte public, afin que cette dévo­tion ne soit pas décriée pour leur mal­heur par les pro­tes­tants et les scep­tiques, les­quels depuis se sont mul­ti­pliés, tant « large est la porte et spa­cieuse la voie qui conduit à la per­di­tion » (Matthieu VII 13).

Abbé Laurent Serres-Ponthieu

Notes de bas de page
  1. C’est-à-dire en Jésus-​Christ, fils de la Vierge Marie, de la race d’Abraham.[]
  2. Verset repris dans la litur­gie qua­dra­gé­si­male.[]