Saint Frédéric

Saint Frédéric

Evêque d’Utrecht et mar­tyr (790?-838).

Fête le 18 juillet.

Ce que nous savons de la vie de saint Frédéric est tiré en grande par­tie d’une bio­gra­phie publiée par les Bollandistes, à la date du 18 juillet. Il s’y trouve des détails cri­ti­quables, ou même erro­nés, mais le fait que les Bollandistes l’ont insé­rée dans la col­lec­tion des Acta Sanctorum prouve qu’elle n’est pas sans valeur. Il est per­mis de ne pas attri­buer une réa­li­té his­to­rique aux dis­cours qu’elle contient, dis­cours qui sont un amal­game de textes tirés de l’Ecriture. Il n’y a pas lieu non plus d’insister sur la cause des reproches adres­sés par saint Frédéric à Louis le Débonnaire ; d’après cer­tains bio­graphes, Judith, épouse de l’empereur, aurait été sa nièce, ce qui est plus que dou­teux. La conduite légère de Judith et son ambi­tion suf­fisent à légi­ti­mer l’intervention de l’évêque d’Utrecht.

Premières années.

Frédéric, qui appar­te­nait, croit-​on, à une noble famille, naquit vers l’an 790, en Frise. En ses pre­mières années, il mena une vie pieuse et recueillie ; il aimait aller à l’é­glise ; il écou­tait atten­ti­ve­ment ce qu’on y lisait ou chan­tait, et, de retour à la mai­son, il répé­tait ce qu’il avait enten­du. Aussi, sa mère, toute heu­reuse, lui chercha-​t-​elle des maîtres pour l’instruire ; elle confia d’abord son fils à des moines puis à l’évêque d’Utrecht, nom­mé Ricfrid.

Celui-​ci s’appliqua avec une ardeur d’autant plus grande à for­mer l’âme de l’enfant et à l’instruire que, grâce à une véri­table révéla­tion, il savait que Frédéric lui suc­cé­de­rait. L’étudiant, de son côté, par sa pié­té, ses ver­tus et son assi­dui­té dans le tra­vail, don­nait toute satis­fac­tion à son maître.

Lorsque le temps en fut venu, l’évêque d’Utrecht confé­ra à Fré­déric les dif­fé­rents ordres et enfin la prê­trise. Bientôt, le jeune clerc, par son ardeur pour le bien des âmes et par­ti­cu­liè­re­ment pour la pré­di­ca­tion, se fit connaître au loin, mal­gré sa pro­fonde humilité.

L’épiscopat.

Ricfrid mou­rut entre 824 et 828. A cette époque, lorsqu’un siège épis­co­pal était vacant, cler­gé et fidèles se réunis­saient pour choi­sir le futur évêque, et le Pape, ou son délé­gué, ordi­nai­re­ment le métro­politain, don­nait à l’élu l’institution cano­nique. Cette manière de faire était ren­due néces­saire par la len­teur et les dif­fi­cul­tés des communications.

Au ixe siècle, le dio­cèse d’Utrecht, fon­dé en 696 par saint Willibrord, com­pre­nait à peu près le ter­ri­toire actuel de la Hollande ; son évêque était suf­fra­gant de l’archevêque de Cologne.

Lorsque Frédéric en fut élu évêque, l’empire avait à sa tête Louis le Pieux ou le Débonnaire, fils et suc­ces­seur de Charlemagne. On sait que Louis par­ta­gea une pre­mière fois ses Etats entre ses trois fils, Lothaire, Pépin et Louis, au grand mécon­ten­te­ment de son neveu, Bernard, déjà roi d’Italie, qui se trou­vait dépos­sé­dé de son royaume. Plus tard, l’empereur, deve­nu veuf, épou­sa Judith de Bavière, femme aux mœurs légères et sans scru­pules, qui lui don­na un fils, Charles, sur­nom­mé « le Chauve ». Mais pour doter ce fils, Judith obtint de Louis qu’il annu­lât le pre­mier par­tage de l’empire et qu’il en fît un nou­veau. Les trois frères aînés, dont la part était ain­si dimi­nuée, se sou­le­vèrent contre leur père. De là des luttes conti­nuelles entre l’empereur et ses fils, et la haine de ceux-​ci contre Judith. La vie de l’Eglise allait en subir une répercussion.

Louis le Débonnaire, ayant appris la mort de l’évêque Ricfrid, man­da aux élec­teurs de lui don­ner pour suc­ces­seur Frédéric, dont il avait enten­du par­ler, et d’amener ensuite ce pré­lat au palais impé­rial. Cet ordre répon­dait trop bien au désir des habi­tants pour n’être pas obéi tout de suite. Il y eut une véri­table lutte entre l’humi­lité de l’élu, qui se jugeait inca­pable d’occuper un tel poste, et le désir hau­te­ment expri­mé par les élec­teurs ; il sem­blait que rien ne pût faire accep­ter à Frédéric un far­deau qu’il trou­vait trop lourd.

L’empereur lui fit l’accueil le plus favo­rable : « Serviteur de Dieu, dit-​il, je me réjouis beau­coup que vous soyez venu. » Et, après avoir don­né à Frédéric l’accolade, le prince le fit asseoir à ses côtés. Il deman­da ensuite aux grands de sa cour qui étaient pré­sents leur avis sur l’évêque qu’il conve­nait de nom­mer à Utrecht. D’une voix una­nime tous dési­gnèrent Frédéric. Alors celui-​ci, se jetant aux genoux du sou­ve­rain, le sup­plia de ne pas lui impo­ser ce far­deau, mais de faire choix d’un prêtre plus digne. Ces ins­tances furent inutiles, et le ser­vi­teur de Dieu dut enfin accep­ter l’épiscopat. La céré­mo­nie du sacre se fit en pré­sence même de l’empereur et elle fut sui­vie d’un repas où le pré­lat fut à l’honneur auprès de son souverain.

Avant de retour­ner dans son dio­cèse, l’é­vêque d’Utrecht eut une nou­velle audience. Louis le Débonnaire lui recom­man­da de veiller au bien des âmes, et spé­cia­le­ment de faire ses efforts pour amé­lio­rer les mœurs fort dis­so­lues de l’île de Walacrie, aujourd’hui Walcheren ; Frédéric, se fai­sant l’écho des rumeurs qui cou­raient, à tort ou à rai­son, sur les mœurs de l’impératrice Judith, lui par­la avec une cou­ra­geuse fer­me­té. Pareil dis­cours, écou­té hum­blement par l’empereur, ne pou­vait qu’irriter l’impératrice lorsque celle-​ci en aurait connaissance.

Zèle épiscopal.

Après ces évé­ne­ments, Frédéric revint à Utrecht où il fut reçu avec les plus grandes marques de res­pect et au milieu des manifes­tations de la joie la plus vive.

Les pre­miers temps de son épis­co­pat furent consa­crés à la ville d’Utrecht. Il prê­chait, s’efforçant de rame­ner la paix par­mi son peuple et de faire dis­pa­raître les der­nières traces du paga­nisme. Accueillant pour tous, géné­reux envers les pauvres, hos­pi­ta­lier pour les voya­geurs, dévoué dans la visite des malades, il s’adonnait à la prière et aux exer­cices de pié­té, et mor­ti­fiait son corps.

Mais cette vie déjà si par­faite ne lui suf­fi­sait pas. Il vou­lut encore par­cou­rir son vaste ter­ri­toire, et il com­men­ça par cette île de Walacrie que l’empereur avait recom­man­dée à ses soins.

Quand il par­vint en cette île, sa pre­mière visite fut pour l’église. La par­tie saine de la popu­la­tion vint l’y saluer et lui rendre les hon­neurs qui lui étaient dus. Mais les mau­vais chré­tiens se mon­trèrent hos­tiles. Pour les atti­rer, le saint pon­tife fit annon­cer un synode, mena­çant même de l’excommunication ceux qui refuse­raient d’y venir. Peine inutile, les cou­pables s’abstinrent.

Alors, Frédéric, s’adressant à ceux qui étaient là, des vieillards pour la plu­part, les sup­plia d’user de toute leur influence en vue d’amener leurs conci­toyens. Les fidèles firent ce que l’évêque leur avait deman­dé ; de son côté, le pré­lat sup­pliait Dieu d’attendrir le cœur des cou­pables. Sa prière fut exau­cée. Beaucoup de per­sonnes qui avaient ces­sé de suivre la voie droite vinrent rece­voir les conseils de leur évêque. Bientôt, les cou­pables ren­trèrent en eux-​mêmes, et pro­mirent avec ser­ment de s’amender.

Bientôt, le pon­tife quit­ta de nou­veau la ville épis­co­pale pour par­courir son dio­cèse, prê­chant, encou­ra­geant, rele­vant les églises, don­nant par­tout les marques du zèle le plus grand.

Dieu, d’ailleurs, lui envoya du secours. La paroisse d’Orschot était gou­ver­née par saint Odulphe, qui ins­trui­sait le peuple et l’é­di­fiait par ses exemples ; or, ce prêtre eut une vision : un ange lui don­na ordre d’aller à Utrecht et de s’y mettre à la dis­po­si­tion du pré­lat ; saint Odulphe obéit avec empressement.

A cette époque, de graves erreurs tou­chant le mys­tère de la Sainte Trinité avaient cours en Frise. L’évêque d’Utrecht s’y ren­dit pour prê­cher les héré­tiques et les conver­tir. Mais son zèle n’obte­nant pas les résul­tats dési­rés, il fit appel à saint Odulphe, qui le rejoi­gnit dans la ville de Staveren, aujourd’hui Stavoren. Les pré­dications de Frédéric et de l’ancien curé d’Orschot rame­nèrent beau­coup de bre­bis au bercail.

Pour rendre durables ces retours à la véri­té, Frédéric rédi­gea une pro­fes­sion de foi qui résume l’enseignement catho­lique sur la Sainte Trinité, et ordon­na de réci­ter trois fois par jour une prière en l’hon­neur des trois Personnes divines. Enfin, il repar­tit pour Utrecht, lais­sant Odulphe à la tête de l’Eglise de Frise. Celui-​ci conti­nua d’y faire beau­coup de bien ; son nom est ins­crit par­mi les Saints, à la date du 12 juin.

Le Concile de Mayence.

Une fois au moins Frédéric sor­tit de son dio­cèse pour se rencon­trer avec les autres membres de l’épiscopat de la région. Voici en quelles circonstances.

En 828, l’empereur Louis deman­da aux évêques de pres­crire un jeûne de trois jours et annon­ça son inten­tion de réunir bien­tôt une assem­blée géné­rale du cler­gé. De nou­velles attaques des Nor­mands et des Bulgares l’empêchèrent de réa­li­ser ce pro­jet. Cepen­dant, au cours de l’hiver 828–829, Louis put réunir un cer­tain nombre d’évêques et de laïcs émi­nents. Là, on déci­da un jeûne de trois jours pour la semaine de la Pentecôte de 829, et en même temps, non plus une assem­blée géné­rale du cler­gé, mais quatre assem­blées dis­tinctes, à cha­cune des­quelles assis­te­raient plu­sieurs arche­vêques avec leurs suf­fra­gants. Ces réunions eurent lieu, en effet, à Mayence, à Paris, à Lyon et à Toulouse ; elles s’occupèrent des réformes à intro­duire dans la vie des laïques et des clercs.

Suffragant de Cologne, Frédéric assis­ta à l’assemblée qui se tint en juin 829, dans le monas­tère Saint-​Alban, à Mayence, sous la pré­si­dence d’Otgar, arche­vêque de ce dio­cèse. Il y avait là les arche­vêques de Mayence, de Cologne, de Trêves, de Besançon et de Salzbourg, avec leurs suf­fra­gants, et quelques autres digni­taires ecclé­sias­tiques, par­mi les­quels le célèbre Rhaban-​Maur, abbé de Fulda.

Nous n’avons plus les textes de ce synode de Mayence, mais nous savons que sur un point au moins il se trou­va d’accord avec les trois autres synodes :

Comme chaque ville a son évêque, chaque église doit avoir son prêtre. Beaucoup de prêtres se chargent cha­cun de plu­sieurs églises. Qu’il n’en soit plus ain­si lorsqu’une église a des reve­nus. Si l’église n’a pas de reve­nus, l’évêque déci­de­ra ce qu’il y a à faire.

La mort de saint Frédéric est décidée.

Plusieurs années pas­sèrent, lais­sant l’empereur Louis le Débon­naire tou­jours en dif­fi­cul­tés avec ses fils, tan­dis que Judith res­tait en butte à leur haine. On accu­sait l’impératrice d’avoir une conduite répré­hen­sible ; peut-​être à l’instigation de Lothaire et de ses frères, on accu­sa Louis d’être son com­plice, en rai­son des liens de paren­té exis­tant entre eux. Les évêques avaient fait entrer Judith dans un monas­tère, mais elle en était sor­tie. De nou­veaux reproches furent adres­sés à l’empereur ; il y répon­dit par la vio­lence ; c’est ain­si qu’il fit arrê­ter Ebbon, arche­vêque de Reims, et qu’il cher­cha à faire dépo­ser ce pré­lat par les autres évêques. Ensuite, il alla habi­ter sur les bords du Rhin, où il ne se refu­sa aucune jouissance.

Frédéric, tou­jours cou­ra­geux pour com­battre le mal, lui écri­vit une lettre pleine de sen­tences tirées des Saints Livres, pour l’en­gager à une conduite meilleure. Cette parole apos­to­lique ne fit qu’irriter davan­tage les sus­cep­ti­bi­li­tés et la haine de Judith, qui jura de se ven­ger. Elle exci­ta la convoi­tise de deux hommes sans scru­pules, leur pro­met­tant une forte récom­pense au cas où ils par­viendraient à la déli­vrer secrè­te­ment de ce pon­tife dont la har­diesse lui avait tant déplu.

Le martyre.

Les deux assas­sins se munirent de cou­te­las, et par­tirent pour Utrecht. Là, ils deman­dèrent à s’entretenir en par­ti­cu­lier avec l’évêque, de la part de l’impératrice. On alla pré­ve­nir Frédéric.

Celui-​ci s’apprêtait alors à célé­brer la messe en l’église Saint-​Sauveur. Dieu lui fit com­prendre que son der­nier jour était arri­vé. Il sou­pi­ra, leva les mains et les yeux au ciel et ren­dit grâces à Dieu. Puis il dit à ceux qui l’entouraient : « Je sais ce qu’ils veulent, mais qu’ils attendent que la messe soit ter­mi­née. » Sans trouble appa­rent, il célé­bra cette der­nière messe avec sa pié­té habi­tuelle, et adres­sa la parole à son peuple. II annon­ça même sa mort, mais dans une méta­phore : « Aujourd’hui même, dit-​il, je rece­vrai de Dieu le pain éter­nel avec les Saints, dans le royaume des cieux. » Ce dis­cours fit cou­ler bien des larmes, sans que cepen­dant les assis­tants com­prissent bien tout le sens des paroles qu’ils entendaient.

L’office ter­mi­né, le pré­lat entra, encore revê­tu des orne­ments sacrés, dans une cha­pelle dédiée à saint Jean l’Evangéliste, où il avait fait pré­pa­rer son tom­beau, et don­na l’ordre qu’on le lais­sât seul, ne gar­dant avec lui qu’un seul cha­pe­lain. Après une fer­vente prière, il dit à celui-​ci d’introduire les envoyés de Judith, puis d’aller se pla­cer der­rière l’autel du Saint-​Sauveur et de ne reve­nir que sur un ordre formel.

Les assas­sins eurent un moment d’hésitation. « Accomplissez votre mis­sion, leur dit le mar­tyr, confor­mé­ment aux ordres reçus ; ne crai­gnez pas. Avant même que vous fus­siez ici, je savais le but de votre démarche. » Les deux cri­mi­nels, qui auraient dû être sai­sis par une telle révé­la­tion, tirèrent alors leurs cou­te­las, jusque-​là cachés dans leurs manches et en frap­pèrent Frédéric en disant : « Maintenant, notre maî­tresse est vengée. »

Cependant, le mar­tyr, com­pri­mant avec ses mains une atroce bles­sure, par laquelle ses entrailles mena­çaient de s’échapper, recom­man­da à ses bour­reaux de s’en aller rapi­de­ment afin de n’être pas pris. Un peu après, ras­sem­blant ses forces, il rap­pe­la son clerc et lui dit : « Montez sur les murailles de la ville, regar­dez si mes envoyés ont tra­ver­sé le Rhin, et vous me direz si réel­le­ment ils se battent. » Le clerc obéit et revint, disant : « Les deux mes­sa­gers ont tra­ver­sé le Rhin avec une hâte qui res­semble à une fuite. » Alors, seu­lement il consta­ta com­bien son maître avait pâli, et vit le sang qui cou­lait. Il s’informa de ce qui s’était pas­sé. « Je suis frap­pé, mon fils, lui dit Frédéric. Appelle mes frères ; convoque le peuple. »

Saint Frédéric, qui vient d’être frap­pé à mort, envoie un clerc s’as­su­rer que les assas­sins sont en sûreté

La tris­tesse fut immense par­mi le cler­gé et les fidèles d’Utrecht qui s’empressèrent d’ac­cou­rir. « Père, lui disait-​on, pour­quoi nous laissez-​vous orphe­lins ? — Si j’ai, répondit-​il, une part à la récom­pense des Saints, je ne vous lais­se­rai pas orphe­lins, j’intercéderai pour vous. »

Ensuite, il don­na sa béné­dic­tion aux assis­tants, puis se fit étendre vivant dans son tom­beau. Il com­men­ça alors lui-​même la psal­modie de l’office des morts : « Placebo Domino : je serai agréable au Seigneur dans la terre des vivants. » On l’entendit aus­si répé­ter plu­sieurs fois le ver­set : « Entre vos mains, Seigneur, je remets mon âme. » Il était cou­ché le visage tour­né vers le ciel. « C’est là, dit-​il, mon repos pour l’éternité ; j’y habi­te­rai parce que là j’ai choi­si ma demeure. » Puis dans un calme admi­rable il ren­dit à Dieu sa sainte âme, le 18 juillet de l’an 838.

Les évêques et le cler­gé de France et d’Allemagne pro­tes­tèrent contre la mort de Frédéric, dont ils ren­daient cou­pable l’impéra­trice. L’empereur, fort trou­blé de ces accu­sa­tions, crai­gnit d’être lui-​même dépo­sé comme com­plice. L’un et l’autre jurèrent devant tous qu’ils étaient inno­cents de cette mort, qu’ils ne l’avaient ni vou­lue ni conseillée, mais qu’ils n’avaient pas pu décou­vrir les assassins.

Le tombeau profané.

La crypte où se trou­vait le tom­beau de saint Frédéric ser­vit quelque temps de loge­ment à un ser­vi­teur laïque de l’église. Celui-​ci, ivrogne et voleur, y dépo­sa des objets déro­bés, ne crai­gnit pas de prendre des orne­ments d’église pour rendre sa couche plus moel­leuse, et souilla même les tombeaux.

Par deux fois, saint Frédéric lui appa­rut avec deux autres évêques, Alfric et Ludger, éga­le­ment inhu­més en ce lieu, et lui repro­cha sa conduite. Ce fut en vain.

Un matin, on le retrou­va mort dans son lit embra­sé ; en même temps, on consta­tait la pro­fa­na­tion des tom­beaux et des orne­ments sacrés. Le fait fut consi­dé­ré comme un châ­ti­ment céleste, et le mal­heureux fut enter­ré sans aucune cérémonie.

Le culte et les reliques de saint Frédéric.

Les détails que nous pos­sé­dons sur les reliques de saint Frédéric sont mal­heu­reu­se­ment incom­plets. En l’année 1362, on jugea néces­saire de res­tau­rer la tombe où n’avaient pas ces­sé de repo­ser ses restes. On en pro­fi­ta pour mettre à part le crâne, qui fut enfer­mé dans un beau reli­quaire d’argent cise­lé, repré­sen­tant le buste du Saint, revê­tu d’ornements pon­ti­fi­caux et coif­fé de la mitre. Il fut conser­vé pré­cieu­se­ment au couvent d’Oud-Munster.

Le jour de la fête du mar­tyr, le 18 juillet, l’office ne se célé­brait pas au chœur du monas­tère, mais dans la crypte. Les cha­noines s’y ren­daient en pro­ces­sion, et, ce jour-​là, le reli­quaire demeu­rait expo­sé à la véné­ra­tion des fidèles. Pendant les Vêpres de la vigile et de la fête, il était pla­cé sur le maître-​autel ; avant la messe, le prêtre semai­nier le por­tait en pro­ces­sion à la crypte, et, à l’Offertoire, les cha­noines venaient le vénérer.

La chro­nique nous dit qu’en 1563, la fête tom­bant le dimanche, la pro­ces­sion fut plus longue et plus solen­nelle ; elle par­cou­rut les jar­dins de l’évêque.

En dehors de la fête du Saint, il y avait dans Tannée vingt fêtes où le reli­quaire était expo­sé sur l’autel. Enfin, il était por­té en pro­cession le jour de la dédi­cace de l’église et le jour de Sainte-​Marie- Madeleine. Cette der­nière date était celle de la dédi­cace de la cathé­drale d’Utrecht.

Les troubles de la Réforme mirent fin à ces usages. La cathé­drale ayant été assaillie deux fois par les pro­tes­tants en 1580, les cha­noines de Saint-​Sauveur crai­gnirent que leur église ne fût aus­si sac­ca­gée. Le chef de saint Frédéric fut alors trans­por­té, avec beau­coup d’autres objets de valeur, à Emmerick.

A la même époque, le reste du corps du Saint, qui se trou­vait encore dans la tombe, fut exhu­mé et pla­cé, le 25 juillet 1580, dans un coffre de bois. Le pré­cieux dépôt fut trans­por­té, croit-​on, dans une mai­son par­ti­cu­lière, pour être sous­trait à la fureur des héré­tiques. Par pru­dence, il fut inter­dit d’indiquer par écrit la cachette ; peu de per­sonnes en étaient ins­truites ; encore devaient-​elles jurer de ne pas la révé­ler. Aujourd’hui, on ne Ta pas encore découverte.

Le chef de saint Frédéric revint à Oud-​Munster le 14 sep­tembre 1609, ain­si que la châsse qui conte­nait les reliques de son ami saint Odulphe.

En 1673, l’église du Saint-​Sauveur étant détruite, les cha­noines occu­pèrent l’abbaye de Saint-​Paul. Mais ils avaient empor­té avec eux leurs reliques. Au début du xviiie siècle, nous retrou­vons le buste-​reliquaire à Leyde, dans la cha­pelle pri­vée d’un homme illustre par son éru­di­tion et pieux, mais mal­heu­reu­se­ment jan­sé­niste, Hugues-​François Van Heussen, vicaire géné­ral de l’Eglise schis­ma­tique d’Utrecht. En 1776, les reliques de saint Odulphe furent reti­rées de leur reli­quaire, et celui-​ci fut ven­du pour l’entretien de l’église.

En 1887, le reli­quaire de saint Frédéric fut ven­du à son tour, pour 7000 francs, à un anti­quaire qui le reven­dit bien­tôt à un col­lec­tion­neur pari­sien, nom­mé Charles Stein, puis rache­té par le gou­ver­neur des Pays Ras pour le musée artis­tique d’Amsterdam. Mais les reliques n’y étaient plus, et nous ne savons ce qu’elles sont devenues.

On repré­sente saint Frédéric tenant deux épées et la palme du mar­tyre, ou bien encore, frap­pé par deux sicaires.

Fr. Follin.

Sources consul­tées. — Acta Sanctorum (18 juillet). — Archives pour l’his­toire de l’ar­chi­dio­cèse d’Utrecht, 1892–1897 (en néer­lan­dais) ; De Katholik (Le Catholique). — Héfélé-​Leclercq, Histoire des Conciles, t. IV. — Ch. Cahier, S. J., Carac­téristiques des Saints. — G. Cantineau, Les nomi­na­tions épis­co­pales en France, des pre­miers siècles à nos jours (Rouen, 1905).