Sainte Hélène

Sainte Hélène, par Cima da Conegliano, ca. 1495, Washington, National Gallery of Art

Veuve, mère de Constantin le Grand (vers 248–328)

Fête le 18 août.

Flavia-​Julia-​Helena est connue dans l’histoire comme la mère de Constantin le Grand, pre­mier empe­reur romain chré­tien et fon­da­teur de la ville de Constantinople. Son sou­ve­nir est insé­pa­rable de cet évé­ne­ment mémo­rable qu’est l’invention de la vraie Croix, l’instrument de notre rédemp­tion. Mais, de plus, cette femme, sor­tie des der­niers rangs du peuple et par­ve­nue à la plus haute digni­té humaine, se montre, après sa conver­sion au christia­nisme, pas­sion­née d’amour pour Dieu, zélée pour la foi et le culte, pleine d’humilité, tou­jours bonne et cha­ri­table pour les pauvres et les petites gens ; elle appa­raît en un mot comme le modèle d’une sou­ve­raine chrétienne.

Modeste origine et mariage de la future impératrice.

Dans les siècles pas­sés, on a beau­coup dis­cu­té sur le lieu d’ori­gine d’Hélène. De nos jours, on admet presque comme une chose cer­taine qu’elle naquit, vers 248, à Drépane (aujourd’hui Yalova), char­mante bour­gade située en Bithynie, sur le ver­sant méri­dio­nal du golfe de Nicomédie et sta­tion ther­male très fré­quen­tée. Ses parents étaient païens et de basse condi­tion. C’est dans cette petite ville, à laquelle plus tard Constantin don­ne­ra, en sou­ve­nir de sa mère, le rang de cité et le nom d’Hélénopolis, que l’enfant gran­dit, exer­çant, pour gagner sa vie, la pro­fes­sion assez mal famée de ser­vante d’auberge.

Un tri­bun mili­taire, ori­gi­naire d’Illyrie et nom­mé Constance Chlore, de pas­sage à Drépane, fut séduit par la jeu­nesse et l’intel­ligence de la jeune fille. Il l’épousa. Ni l’un ni l’autre, lui à cause de sa pro­fes­sion mili­taire, elle à cause de son ori­gine non romaine, ne pou­vaient pré­tendre au mariage qu’on qua­li­fiait de légi­time ou de plein droit. A cause de cela, quand, en 293, Constance Chlore devien­dra César de la Gaule, de la Grande-​Bretagne et de l’Espagne, il pour­ra léga­le­ment (et par poli­tique il sera obli­gé de le faire) répu­dier Hélène, pour épou­ser Théodora, belle-​fille de l’empereur Maximilien-Hercule.

Entre temps, Hélène accom­pagne son mari en Germanie, en Angleterre, en un mot dans les diverses étapes de sa car­rière mili­taire. C’est à Naïssus (Nisch) que naît Constantin, ce fils unique qui devait être sa fier­té et sa joie. La jeune mère est le bon génie de Constance, chef habile, hon­nête, aimé de ses troupes, fort tolé­rant pour les chré­tiens et le clergé.

Victoire du Pont Milvius. — Conversion de la mère de Constantin

Hélène avait envi­ron quarante-​cinq années quand, par suite de sa répu­dia­tion par Constance, elle dut se sépa­rer de son mari. Son enfant même lui fut enle­vé. Quel coup pour cette âme ardente, ambi­tieuse, pas­sion­née ! La sépa­ra­tion se pro­lon­gea pen­dant treize ans. Durant cette période, Hélène dis­pa­raît de l’histoire, mais non de la légende. Il est vrai­sem­blable qu’elle dut se rap­procher le plus pos­sible de son enfant qu’elle aimait d’un amour exclu­sif et vigi­lant, payée d’ailleurs en retour. L’épreuve fut salu­taire à ce tem­pé­ra­ment un peu rude.

A la mort de Constance Chlore (306), Constantin fut pro­cla­mé Auguste. Il y avait à ce moment même jusqu’à six empe­reurs à la fois. Par une série de batailles vic­to­rieuses, par des mesures poli­tiques qui n’étaient pas tou­jours très hon­nêtes, Constantin évince en Occident tous les rivaux qui lui dis­putent l’empire. En 312, après la bataille du Pont Milvius, il entre dans Rome : mais le Labarum impé­rial porte le mono­gramme du Christ. Constantin adhère à la foi chré­tienne offi­ciel­le­ment, bien qu’il dif­fère jusqu’à la fin de sa vie la récep­tion du baptême.

Sa mère ne tar­da pas à le rejoindre. Elle le voyait maître incon­testé de l’Occident, déli­vré de ses enne­mis. Elle en res­sen­tit une joie pro­fonde et se sou­mit enfin elle-​même à ce Dieu des chré­tiens qui lui avait pro­cu­ré un pareil bon­heur. L’empereur, dit l’historien Eusèbe, ren­dit sa mère, qui aupa­ra­vant vivait dans l’ignorance du vrai Dieu, si pieuse et si fer­vente, qu’elle sem­blait avoir été ins­truite à l’école même du Sauveur. De fait Hélène arri­vait au chris­tianisme au soir de sa vie : elle avait plus de soixante ans. Mais doré­na­vant elle sera chré­tienne, comme elle avait été épouse et mère, c’est-à-dire avec toute son âme ardente et généreuse.

Vertus et zèle d’une impératrice néophyte.

Vers 317, Constantin accor­da à sa mère le titre d’ Augusta. Il la com­bla de biens, d’honneurs et d’égards, lui ouvrit le tré­sor impé­rial ; elle eut sa cour et son palais, le Sessorium, près du La­tran : on frap­pa des mon­naies d’or à son effi­gie. Elle pro­fi­ta de son influence sur son fils pour qu’il se mon­trât aus­si géné­reux que pos­sible envers l’Eglise et ses ministres. Avec lui elle construi­sit et orna plu­sieurs basi­liques romaines ; elle fît rendre les biens con­fisqués et les emplois aux chré­tiens dépouillés ; elle s’intéressa au sort des pri­son­niers, des condam­nés aux mines, deman­dant à Cons­tantin d’adoucir une légis­la­tion trop bar­bare. Maîtresse des tré­sors de l’empire, tou­jours elle en fît béné­fi­cier les pauvres, les malheu­reux, dis­tri­buant du blé, des habits, de l’argent, des secours de tout genre.

Oubliant sa digni­té, elle aimait à être confon­due par­mi les autres fidèles dans les églises. Elle par­ta­geait avec son fils le sou­ci et le désir ardent d’établir par­tout le règne du chris­tia­nisme. Saint Am­broise vante l’éclatante sain­te­té de ses mœurs, Rufin sa foi et son zèle, Socrate sa pro­fonde humi­li­té et son mépris du faste.

Constantin fait disparaître du Calvaire toute trace de paganisme.

Dans un des­sein poli­tique, l’empereur Hadrien avait ins­tal­lé à Jérusalem une colo­nie romaine, inter­dit aux Juifs l’accès de la cité qu’il avait orga­ni­sée comme les autres, avec des thermes, des temples païens, etc. Pour éloi­gner les chré­tiens du tom­beau du Christ ain­si que du Calvaire, il avait fait dis­pa­raître en ces endroits le sol pri­mi­tif sous une vaste ter­rasse d’une cen­taine de mètres de long où par­mi de jolis bos­quets on avait dres­sé, au Calvaire, la sta­tue de Jupiter, et au Saint Sépulcre celle de Vénus. Sur la grotte de la Nativité, à Bethléem, on fit encore pis. Quelle dou­leur éprou­vèrent les fidèles devant ces pro­fa­na­tions si dia­bo­liques ! Dieu cepen­dant per­mit cela pour la conser­va­tion des Lieux Saints en ces siècles de per­sé­cu­tion violente.

A l’occasion du concile œcu­mé­nique de Nicée, en 325, plu­sieurs évêques et plus par­ti­cu­liè­re­ment, semble-​t-​il, celui de Jérusalem, signa­lèrent à l’empereur Constantin la triste situa­tion des lieux sanc­ti­fiés par la mort et la résur­rec­tion du Christ. Aussitôt le prince don­na l’ordre d’abattre sta­tues, idoles, temples, d’entre­prendre des fouilles minu­tieuses pour retrou­ver l’emplacement et les monu­ments pri­mi­tifs. Les tra­vaux furent exé­cu­tés avec prompti­tude en 326 ; bien­tôt le Calvaire et le tom­beau du Sauveur appa­rurent. Dans une lettre envoyée à saint Macaire, évêque de Jéru­salem, Constantin veut qu’on élève au lieu où le Sauveur a reçu la sépul­ture une basi­lique qui soit, par la richesse des maté­riaux et sa déco­ra­tion, digne de lui. L’empereur prend cette construc­tion à sa charge.

Constantin avait com­men­cé en Bithynie la célé­bra­tion de ses vicen­nales. De grandes solen­ni­tés devaient les clore, à Rome. La famille impé­riale, sauf Hélène, se ren­dit dans la grande ville. L’accueil y fut plu­tôt froid. Les Romains gar­daient ran­cune à Constantin d’avoir aban­don­né et leur capi­tale et leur culte : le prince reçut même, un peu par sa faute, de vio­lentes injures. Sa femme Fausta et ses beaux-​frères pro­fi­tèrent de cet état de choses pour calom­nier indi­gne­ment son fils Crispus, né d’une pre­mière union. Hélas ! pri­vé des conseils de sa mère, Constantin ajou­ta foi aux rap­ports de sa femme. Crispus, inno­cent, fut arrê­té et traî­né à Pola, en Istrie, où il fut mis à mort.

L’impératrice était arri­vée trop tard à Rome pour sau­ver la vie à son petit-​fils. Du moins, elle détrom­pa le mal­heu­reux père et lui fit com­prendre sa faute. Constantin, au lieu de se repen­tir et de par­don­ner, s’abandonna à la colère et il se ven­gea de ceux qui l’avaient indi­gne­ment trom­pé en les fai­sant mourir.

Hélène, épou­van­tée par cette série de meurtres, ne per­dit pas cou­rage. De plus près encore qu’auparavant, elle veilla sur son fils éga­ré par la pas­sion, le rame­na à des sen­ti­ments plus chré­tiens, et cher­cha à satis­faire en son nom à la jus­tice divine.

Pèlerinage de sainte Hélène aux Lieux Saints. — Deux basiliques.

Vers la fin de l’année 326, elle quitte Rome pour retour­ner en Orient par la voie des Balkans. On apprit bien­tôt que la mère de l’empereur allait se rendre en pèle­ri­nage à Jérusalem. Elle y vou­lait sans doute déve­lop­per sa pié­té per­son­nelle, mais aus­si remer­cier Dieu et le sup­plier pour son fils et son petit-​fils, implo­rer aus­si misé­ri­corde pour le meur­trier de Crispus et de Fausta.

Avec une ardeur juvé­nile — l’expression est de l’historien Eusèbe — l’Augusta prit pro­ba­ble­ment la route de terre, car elle visi­ta les pro­vinces orien­tales de l’empire, mon­trant à l’égard des villes et des popu­la­tions une sol­li­ci­tude et une géné­ro­si­té vrai­ment royales. Elle reçut les hom­mages res­pec­tueux, mais enthou­siastes des habi­tants accou­rus pour voir cette femme étonnante.

On ima­gine avec quelle fer­veur et quelle pié­té l’ardente chré­tienne véné­ra les Saints Lieux. Sa dévo­tion satis­faite, elle vou­lut en lais­ser des preuves écla­tantes et durables. Son fils lui avait ouvert son propre tré­sor pour qu’elle pût réa­li­ser ses pieux des­seins. Hélène fit construire deux basi­liques, dési­rant elle aus­si enchâs­ser dans des monu­ments splen­dides les ves­tiges du Seigneur. L’une d’elles fut éle­vée à Bethléem, sur la grotte où Jésus était né ; l’autre, la fameuse basi­lique de l’Eléona (ou des Oliviers), vers le som­met du mont des Oliviers, en mémoire de l’Ascension, au-​dessus de la grotte où le Seigneur avait l’habitude d’instruire ses apôtres : cette Grotte des ensei­gne­ments de Jésus existe tou­jours. Les deux monu­ments étaient, nous dit-​on, d’une beau­té mer­veilleuse et dignes d’une éter­nelle mémoire. Avec la basi­lique de la Résurrection, ils furent les sanc­tuaires les plus véné­rés de l’antiquité chrétienne.

Découverte ou invention de la vraie Croix.

Dans un dis­cours pro­non­cé en 395 aux funé­railles de Théodose le Grand, saint Ambroise vante le bon­heur de Constantin d’avoir eu une mère qui a assu­ré la pro­tec­tion divine à toutes ses entre­prises. Il dit ensuite que, rem­plie de l’Esprit-Saint, Hélène est venue véné­rer les Lieux Saints. Arrivée au Golgotha, le lieu du saint com­bat, elle a cher­ché le tro­phée de la vic­toire, l’étendard du salut que le démon avait caché.

Près du Calvaire, au milieu d’anciennes car­rières, une pro­fonde exca­va­tion s’ouvrait sous une roche. Ce fut dans cette espèce de grotte que, le soir du Vendredi-​Saint, on avait jeté les gibets des trois cru­ci­fiés : ils y furent comme ense­ve­lis quand plus tard fut exé­cu­té le nivel­le­ment du Calvaire sous l’empereur Hadrien. Afin de re­trouver les reliques de la Passion, Hélène fit creu­ser le sol. On dé­couvrit les trois croix. Comment dis­tin­guer celle du Sauveur ? L’inscription en trois langues que Pilate y avait fait affi­cher fut le signe pro­vi­den­tiel, dit saint Ambroise. Au début du ve siècle, Rufin racon­te­ra — et ce récit se trouve repro­duit au Bréviaire ro main dans la légende de la fête de l’Invention de la Croix (3 mai) — qu’une gué­ri­son mira­cu­leuse, obte­nue au contact du gibet du Sauveur, ser­vit à l’identifier d’une manière cer­taine. Avec la croix et l’écriteau, on eut aus­si les clous qui avaient per­cé les mains et les pieds de Jésus. Selon la tra­di­tion, sur l’ordre d’Hélène, l’un d’eux fut fixé dans le casque (ou peut-​être le dia­dème) de Constantin, afin que le culte ren­du à la per­sonne de l’empereur attei­gnît aus­si le Christ dont il était le man­da­taire. La plus grande par­tie du bois sacré demeu­ra à Jérusalem dans l’édifice appe­lé l’oratoire de la Croix. Une autre por­tion, avec l’écriteau et un clou, fut, selon le Liber pon­ti­fi­ca­lis, envoyée à Rome, du vivant de l’empereur, et pla­cée dans l’église éta­blie par Hélène dans son palais Sessorien ; cette relique insigne fit dési­gner la basi­lique hélé­nienne sous le vo­cable de Sainte-​Croix de Jérusalem qu’elle a conser­vé. L’envoi à Constantinople d’une autre par­tie de la vraie Croix est aus­si attes­té par la tra­di­tion byzantine.

L’existence de la Croix du Sauveur à Jérusalem est affir­mée nette­ment par saint Cyrille de Jérusalem, au milieu du ive siècle. A la même date, les reliques de la Croix sont déjà répan­dues en Orient et en Occident. A Constantinople on les porte au cou enchâs­sées dans de l’or. Dans les siècles sui­vants, sur­tout au moyen âge et à la Renaissance, l’art chré­tien repré­sen­te­ra, sous des formes variées, la scène de l’invention de la Croix par l’impératrice Hélène. Dans les minia­tures, les icônes, les pein­tures, les fresques, les reli­quaires, Constantin et sa mère sont sou­vent pla­cés à droite et à gauche de la Croix ; cette double pré­sence rap­pelle leur rôle en ce qui concerne la décou­verte de l’arbre de salut.

Hélène ne vit pas l’achèvement des tra­vaux entre­pris à Jérusalem. Après quelques mois, elle repar­tit pour Constantinople, heu­reuse d’avoir ravi­vé sa pié­té et retrem­pé sa foi au lieu même où le Sau­veur était mort. Avant de quit­ter la Palestine, elle fît réunir les vierges consa­crées au Seigneur, et leur don­na un repas où elle ser­vit de ses propres mains celles qui étaient, par voca­tion et par état, les ser­vantes ou mieux les épouses du Christ.

Sainte Hélène découvre les trois croix sur le Calvaire

Mort de sainte Hélène dans la ville impériale.

Mais un si long voyage était plus que suf­fi­sant pour épui­ser les forces d’une femme bien­tôt octo­gé­naire. Presque aus­si­tôt après son retour à Nicomédie et ensuite à Constantinople, Hélène sen­tit sa der­nière heure appro­cher. Elle fit son tes­ta­ment, par­ta­gea ses biens entre son fils et ses petits-​fils, les enfants de la mal­heu­reuse Fausta, recom­man­da à Constantin de se conduire et de gou­ver­ner ses sujets en toute jus­tice. C’est dans les bras de son fils qu’elle mou­rut en 328 ou 329, au mois d’août, peut-​être le 18 de ce mois (date à laquelle sa fête est fixée), ou aux envi­rons du même jour.

La mort de la grande impé­ra­trice eut le carac­tère d’un deuil public, vive­ment res­sen­ti dans tout l’empire, sur­tout par l’Eglise, les humbles et les pauvres, à qui la défunte était si secou­rable. Acause de la digni­té dont elle était revê­tue et des ser­vices émi­nents ren­dus pen­dant sa vie, Constantin fit faire à sa mère des funé­railles vrai­ment impé­riales à Constantinople. Le corps, accom­pa­gné d’un cor­tège nom­breux, fut ensuite trans­por­té à Rome et dépo­sé dans le sar­co­phage et le mau­so­lée que l’empereur avait pré­pa­rés pour lui- même à l’époque où il ne pen­sait pas se fixer sur les rives du Bos­phore. Ce mau­so­lée était situé en dehors de Rome, sur la via Labicana, à un endroit appe­lé Tor Pignattara, non loin de la vil­la de Constantin. A sa gauche s’ouvrait la Catacombe des saints mar­tyrs Pierre et Marcellin : à cause du voi­si­nage du tom­beau de sainte Hélène, la petite Catacombe et son église furent par­fois dési­gnées par l’indication : ad sanc­tam Helenam. On montre aujourd’hui, dans la salle de la Croix grecque du musée du Vatican un sar­co­phage de por­phyre rouge, dit de sainte Hélène.

De Rome à l’abbaye d’Hautvillers et à l’église Saint-​Leu de Paris.

Du mau­so­lée impé­rial, les restes de la mère de Constantin furent bien­tôt trans­por­tés, peut-​être par mesure de sécu­ri­té ou pour un autre motif, dans la crypte voi­sine des saints mar­tyrs. Vers le milieu du ive siècle, époque de tra­fic et de pillage des reliques romaines, un prêtre de Reims, nom­mé Teutgis, fort dévot à sainte Hélène qui l’avait gué­ri, réus­sit, lors d’un pèle­ri­nage à son tom­beau, à em­porter la plus grande par­tie de son corps. Le diacre romain char­gé de l’administration de la Catacombe des Saints-​Pierre et Marcellin dut sans nul doute faci­li­ter une pareille opé­ra­tion. On lais­sa dans le sar­co­phage, la tête, les bras et les membres infé­rieurs. Lors de l’arrivée des reliques dans le dio­cèse de Reims, le Chapitre de cette ville crut néces­saire d’envoyer à Rome deux délé­gués pour faire une enquête dis­crète, mais sérieuse, sur l’authenticité du récit et des osse­ments appor­tés par le prêtre pèlerin.

Cette enquête ras­su­ra plei­ne­ment le Chapitre. Les reliques de sainte Hélène furent dépo­sées dans l’abbaye béné­dic­tine d’Hautvillers au même dio­cèse. Pour les véné­rer on accou­rut de toute la Cham­pagne et bien­tôt de toute la France. Les pèle­ri­nages prin­ci­paux se fai­saient le 18 août et le 14 sep­tembre, jour où l’Eglise d’Orient célèbre l’anniversaire de la décou­verte ou inven­tion de la vraie Croix (en Occident cette fête est célé­brée le 3 mai, la date du 14 sep­tembre étant réser­vée à hono­rer l’exaltation de la sainte Croix). Une neu­vaine avait lieu à l’époque de la Pentecôte ; dans ces trois cir­cons­tances la châsse était expo­sée. Le 7 février, on com­mé­mo­rait la trans­la­tion des reliques.

Ces der­nières étaient enve­lop­pées d’un suaire qui est for­mé d’une étoffe de soie por­tant des des­sins ins­pi­rés par l’art byzan­tin ; il existe tou­jours. On peut suivre à tra­vers les siècles le sort des reliques de sainte Hélène au monas­tère d’Hautvillers, grâce à plu­sieurs pro­cès-​verbaux d’authenticité, aux récits de nom­breux miracles accom­plis à leur contact. Au début de la Révolution fran­çaise, en 1791, les restes de sainte Hélène furent d’a­bord confiés au monas­tère de Montier-​en-​Der, puis au curé de Ceffons : un brave parois­sien les gar­da chez lui et les res­ti­tua ensuite. En 1820, sur la demande de la duchesse d’Angoulême, ils furent cédés par acte nota­rié aux che­va­liers de l’Ordre du Saint-​Sépulcre éta­blis à Paris. On les dé­posa dans l’église Saint-​Leu de la même ville. C’est là qu’on les vénère encore aujourd’hui. Mais les villes d’Orléans, de Reims et quelques autres loca­li­tés ont obte­nu des par­ties plus ou moins im­portantes des reliques appor­tées au ixe siècle à Hautvillers.

Les osse­ments que Teutgis avait lais­sés dans le tom­beau de sainte Hélène à Rome étaient peu en sûre­té. Ils furent rame­nés, peut-​être au xiie siècle ou même aupa­ra­vant à l’intérieur des murs. Dans le tran­sept gauche de l’église Saint-​Marie in Ara Caeli, à Rome, une cha­pelle dédiée à sainte Hélène contient, dans une urne de por­phyre, quelques restes du corps de la Sainte avec ceux des mar­tyrs Abundius et Abundantius. L’archibasilique de Saint-​Jean de Latran, l’église Sainte-​Sabine sur le mont Aventin, l’abbaye de Saint- Mathias de Trêves font véné­rer aus­si quelques os des bras et des jambes et sur­tout le chef même de la pre­mière impé­ra­trice chrétienne.

Patronage et culte liturgique.

L’histoire de sainte Hélène est liée dans la tra­di­tion catho­lique à celle de la décou­verte de la vraie Croix. Tout natu­rel­le­ment on invo­que­ra le secours de cette Sainte pour retrou­ver les objets per­dus. Mais la Croix ayant la puis­sance de chas­ser les démons et ses agents, les magi­ciens et les sor­ciers, c’est celle qui a retrou­vé le bois sacré qu’on prie­ra pour se pro­té­ger contre les sor­ti­lèges, les malé­fices dia­bo­liques et les mala­dies qu’ils engendrent, au moins selon les croyances du moyen âge, telles que le can­cer et l’épilepsie. Sainte Hélène est la patronne des Chevaliers du Saint-​Sépulcre et de la Con­frérie de la Sainte-​Croix éri­gée dans l’église de Saint-​Leu à Paris. Quelques villes, en par­ti­cu­lier Colchester, Bonn, Trêves, Pesaro, lui ont voué, pour des rai­sons locales, un culte tout spécial.

Nombreuses sont, dans les diverses nations catho­liques, les églises et cha­pelles dédiées à sainte Hélène ; par­mi les plus connues, il y a à Rome la crypte de la basi­lique de Sainte-​Croix de Jérusalem, éle­vée, nous l’avons vu, sur l’emplacement de son palais, et, à Jéru­salem, la cha­pelle de la Croix, ren­fer­mant la grotte où, selon la tra­dition, les trois gibets ont été retrouvés.

L’art chré­tien à tra­vers les siècles repré­sente sainte Hélène avec les attri­buts de la digni­té impé­riale, dia­dème et man­teau royal ; mais sa carac­té­ris­tique propre est la Croix, qu’elle a découverte.

F. C.

Sources consul­tées. — Acta Sanctorum, t. III d’août (Paris, 1867). — Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes, t. X (Paris, 1897). — Maurice Jules, Sainte Hélène, (« l’Art et les Saints », Paris, 1930). — P. Pouillon, O. P., Sainte Hélène (Collection « Les Saints », Paris, 1908). — Lucot, Sainte Hélène (Paris, 1876). — Toupin, Histoire de sainte Hélène (Paris, 1882). — Maurice Jules, Sainte Hélène (Lille, 1927). — (V. S. B. P., n° 339.)