Mgr Brunin, évêque du Havre, propagateur conscient ou inconscient de l’islam ?


L’islam tout sim­ple­ment [1] , par Mgr Brunin [2]

Nous pro­po­sons aux lec­teurs de La Porte Latine une courte étude sur ce livre écrit par Mgr Brunin. On y voit que par­mi des choses vraies d’in­nom­brables erreurs sont affir­mées avec applomb. Ce suc­ces­seur des apôtres enchaîne avec une faci­li­té dia­bo­lique les approxi­ma­tions et même ce qu’il est conve­nu d’ap­pe­ler sim­ple­ment des héré­sies. Est-​il seule­ment conscient de cette apos­ta­sie, qui n’est même plus silen­cieuse, ou « l’es­prit du Concile » a‑t-​il tel­le­ment bien « fonc­tion­né » que Mgr Brunin écrit comme il pense en croyant sin­cè­re­ment que ce qu’il dit est encore catholique ? 

SOUCI PASTORAL DE L’EVEQUE

« Nous n’abordons pas l’islam comme une étude socio­lo­gique ou géo­po­li­tique, même si ces dimen­sions de la réflexion ne sont pas absentes. Ce livre est réédi­té dans un sou­ci pas­to­ral, il vise à offrir à ceux et à celles qui le sou­haitent un petit guide pour décou­vrir l’islam « tout sim­ple­ment »C’est bien comme pas­teur que je veux offrir cette réflexion sur l’islam dans le contexte actuel. » (p6‑7)

« Ces ques­tions issues de la ren­contre avec l’islam sont des che­mins d’approfondissement de la foi chré­tienne. » (p 165) 

Dans le cha­pitre 17, l’évêque relève les « ques­tions issues de la ren­contre ». Autant de ques­tions inté­res­santes en effet, dont on pour­rait espé­rer une réponse pas­to­rale de l’évêque. Il n’en est rien. Les réponses déçoivent, voire scandalisent. 

Avons-​nous le même Dieu ? (p165-​167) Pas vrai­ment, « puisque cha­cun nomme Dieu à par­tir de sa tra­di­tion… Nier cette rela­ti­vi­té, en affir­mant que nous croyons au même Dieu, lais­se­rait sup­po­ser qu’on ait fait le tour du Mystère de Dieu, que nous le connais­sons par­fai­te­ment et que nous pou­vons ain­si éva­luer, à par­tir de sa propre appré­hen­sion, nos propres dis­cours sur Dieu. Ce serait sur­va­lo­ri­ser nos capa­ci­tés humaines à connaître Dieu. Les chré­tiens qui par­tagent leur foi avec des musul­mans découvrent vite que Allah et le Dieu de Jésus-​Christ, ce n’est pas tout à fait la même chose. »

« Par ailleurs, pour les chré­tiens, il y a une cer­ti­tude que c’est le même Esprit qui tra­vaille leur foi et celle des musul­mans. »

Et pour­tant, le même Esprit peut-​il chez l’un dévoi­ler le mys­tère de la Sainte Trinité, tan­dis que chez l’autre il menace de châ­ti­ments ceux qui y croient ? Mgr Brunin ne men­tionne pas la néga­tion du mys­tère de la Sainte Trinité dans le Coran, par exemple dans cette Sourate (5,72) :

« Ce sont certes des mécréants ceux qui disent : ‘En véri­té, Allah, c’est le Messie, fils de Marie’, alors que le Messie a dit : ‘O enfants d’Israël, ado­rez Allah, mon Seigneur et votre Seigneur.’ Quiconque asso­cie à Allah (d’autres divi­ni­tés), Allah lui inter­dit le Paradis, et son refuge sera le Feu. » 

Deux reli­gions du Livre ? (p167-​168) Il n’est pas juste de mettre « sur le même niveau le Coran et le Nouveau Testament ». En effet, les textes « que les chré­tiens appellent Parole de Dieu, ne le sont qu’en réfé­rence à Celui qui est, par toute sa vie, la Parole de Dieu. Si les pre­mières com­mu­nau­tés chré­tiennes se sont mises à écrire, c’est pour sau­ver de l’ou­bli l’ex­pé­rience que les dis­ciples ont vécue avec Jésus de Nazareth. L’expérience des com­mu­nau­tés du 1er siècle est por­tée par les textes du Nouveau Testament, ils média­tisent aujourd’­hui le rap­port au Christ, Parole de Dieu. … Là où les musul­mans parlent du Coran comme Parole révé­lée de Dieu, les chré­tiens parlent de leurs Ecritures comme ins­pi­rées de Dieu. La Parole de Dieu étant le Christ lui-​même. »

Le Coran, une autre Parole de Dieu ? (p168-​169) Christianisme et islam étant incon­ci­liables, il en découle deux atti­tudes « extrêmes » (l’une, exclu­sive, n’accordant aucun cré­dit au Coran ; l’autre, rela­ti­viste qui voit dans l’islam, la reli­gion des arabes). L’évêque estime ces atti­tudes « irre­ce­vables toutes les deux ». Mais, ne pré­ten­dant pas « clore le débat mais sim­ple­ment l’éclairer, peut-​être le relan­cer », il fait trois « remarques » :

- L’alliance que Dieu a faite dès l’origine avec l’humanité s’est « diver­si­fiée et par­ti­cu­la­ri­sée au cours de l’histoire (alliance noa­chique, abra­ha­mique, mosaïque, davi­dique, chré­tienne…). Les musul­mans font par­tie de cette unique his­toire, avec leur par­ti­cu­la­ri­té. »

- « Certains théo­lo­giens chré­tiens voient dans le Coran un rap­pel de leur propre Révélation… Cela ne veut pas dire que le Coran soit la Parole de Dieu. Seul le Christ l’est de façon défi­ni­tive et totale. »

- « Il faut dire aus­si qu’il n’y a pas de Parole de Dieu à l’é­tat pur sinon le Christ. Aucune tra­di­tion – pas même chré­tienne – ne peut pré­tendre épui­ser le Mystère de Dieu et les pos­si­bi­li­tés de com­mu­ni­ca­tion de Sa Parole. Il ne peut y avoir de concor­dance par­faite entre tout ce que nous recon­nais­sons comme expres­sion de la Parole de Dieu. » (cf. les diver­gences au sein même des évangiles).

« Sur la base de ces remarques, nous pou­vons dire qu’il est pos­sible aux chré­tiens de regar­der le Coran comme une expres­sion autre de la Parole de Dieu. Mais il faut ajou­ter aus­si­tôt, que cette Parole doit être sou­mise à l’ab­so­lui­té du Christ qui révèle le Visage de Dieu… C’est là un cri­tère essen­tiel pour les chré­tiens, dans leur approche des textes fon­da­teurs des autres tra­di­tions reli­gieuses, comme d’ailleurs de toute expres­sion chré­tienne sur le mys­tère de Dieu. »

Une concep­tion com­mune de l’existence humaine ? (p 169–170) L’évêque écrit qu’il « nous faut… sou­li­gner que la tra­di­tion musul­mane est étran­gère à toute idée de rachat ou de rédemp­tion de l’homme. Accueillir une telle approche peut contri­buer, chez les chré­tiens, à élar­gir leur concep­tion théo­lo­gique du Salut. En effet, on pense le Salut comme Rédemption, avec toutes les conno­ta­tions de gué­ri­son, libé­ra­tion, sau­ve­tage… et c’est exact au regard du péché ori­gi­nel qui affecte tout homme. Cependant, l’is­lam inter­roge le chris­tia­nisme sur une autre dimen­sion du Salut, per­çu davan­tage comme accom­plis­se­ment d’une huma­ni­té… La pers­pec­tive chré­tienne dans ce domaine, pour­rait donc s’en­ri­chir de la ren­contre de la tra­di­tion isla­mique. Le Salut serait per­çu à la fois comme libé­ra­tion de la liber­té de l’homme afin de le rendre à lui-​même, et appel à adve­nir plei­ne­ment en huma­ni­té. »

Par cette expres­sion, « Advenir plei­ne­ment en huma­ni­té », il veut dire « valo­ri­ser le vivre ensemble de toute la socié­té » (p 180)

Les musul­mans croient-​ils en Jésus ? (p 171) Après avoir évo­qué ce qu’est Jésus pour les musul­mans, il estime que « cette confron­ta­tion avec la figure isla­mique du Christ peut être salu­taire pour la foi des chré­tiens… Jésus est confes­sé Dieu [par le chré­tien], mais il reste cepen­dant un écart entre Jésus et Dieu qui consti­tue le Mystère même de la per­sonne du Christ. Le chris­tia­nisme affirme que Jésus-​Christ est Dieu, mais sou­vent dans les faits, on ren­verse la pro­po­si­tion, et on dit : Dieu, c’est Jésus-​Christ. On déna­ture alors le conte­nu de la foi chré­tienne, car Jésus-​Christ ne révèle la tota­li­té du Mystère de Dieu que lors­qu’on per­çoit sa rela­tion vitale au Père et à l’Esprit. Il est che­min vers le Père, et le Dieu des chré­tiens est tri­ni­taire : Il est Père, Fils et Esprit. Par leur dis­cours sur Jésus, insa­tis­fai­sant pour les chré­tiens, les musul­mans rap­pellent comme en creux, la Transcendance de Dieu au cœur même de la chris­to­lo­gie. »

Un salut uni­ver­sel (p 172–173) « Chrétiens, nous confes­sons qu’il ne peut y avoir de salut qu’en Jésus-​Christ seul. Tout posi­tion­ne­ment en deçà de cette affir­ma­tion serait non chré­tien. Nous confes­sons aus­si avec autant de force, que Dieu veut que tous les hommes soient sau­vés et par­viennent à la connais­sance de la véri­té… Ce serait trop faire por­ter à la théo­lo­gie que de lui deman­der, de façon glo­bale, com­ment l’Esprit tra­vaille dans cha­cune des tra­di­tions reli­gieuses de l’hu­ma­ni­té… Il serait vain de recher­cher a prio­ri, si et com­ment l’is­lam est une voie de salutNous ne pou­vons assi­gner l’Esprit-​Saint à rési­dence dans des média­tions, autres que l’Eglise, défi­nies a prio­ri… Se dévoile alors la véri­table dimen­sion du dia­logue que l’Eglise, Corps du Christ et Sacrement du Salut, peut nouer avec les musul­mans dans la vie des­quels, nous l’at­tes­tons, l’Esprit du Christ est à l’œuvre pour leur offrir la pos­si­bi­li­té d’être asso­ciés au mys­tère du Salut… Nous ne pou­vons le savoir que si nous nous nous entre­te­nons avec eux pour par­ler de notre vie, de nos dif­fi­cul­tés et de nos efforts pour les sur­mon­ter. L’échange en réci­pro­ci­té trouve ici sa pleine mesure. Eux seuls peuvent expri­mer, du cœur de leur appar­te­nance à l’is­lam, ce que nous per­ce­vons comme média­tion de l’Esprit qui les asso­cie au mys­tère pas­cal et leur offre une vie nou­velle. »

Islam et moder­ni­té (p 176–177) Large apo­lo­gie de la laï­ci­té : « Pour ce qui est de la France, l’is­lam pose peut-​être ques­tion sur la façon dont la laï­ci­té a été pen­sée et vécue. Il conteste aus­si par son expres­sion sociale, la pri­va­ti­sa­tion de la foi à laquelle le chris­tia­nisme s’est peut-​être un peu trop vite rési­gné. En tout cas, ce ne serait pas une catas­trophe si cela nous per­met­tait de quit­ter un laï­cisme étroit qui a pris la place lais­sée vide dans l’es­pace social par le reli­gieux, mais qui a sou­vent fonc­tion­né de la même manière que lui, dans l’in­to­lé­rance et la rigi­di­té. L’islam aurait ren­du un grand ser­vice à la socié­té fran­çaise s’il lui per­met­tait de repen­ser une laï­ci­té ouverte qui garan­ti­rait un espace de tolé­rance pour les diverses expres­sions cultu­relles ou reli­gieuses. »

Et ailleurs : « Le pro­jet ne peut plus être de chris­tia­ni­ser les struc­tures de la socié­té, pas plus que de les isla­mi­ser d’ailleurs. Nous nous adres­sons à la conscience d’hommes et de femmes pour « pro­po­ser la foi » en vue de sol­li­ci­ter leur liber­té et de sus­ci­ter leur adhé­sion à la foi qui est la nôtre. » (p154) « Je suis mal à l’aise avec cer­tains amis musul­mans lors­qu’il leur arrive de consi­dé­rer que le chris­tia­nisme a per­du l’Europe. Ce que cer­tains ana­lysent comme sécu­la­ri­sa­tion, d’autres le per­çoivent comme simple déchris­tia­ni­sa­tion. Des musul­mans en viennent même par­fois à dis­qua­li­fier le chris­tia­nisme… Comme chré­tiens, nous ne pou­vons évi­dem­ment pas accep­ter l’i­dée que l’is­lam doive prendre le relais d’un chris­tia­nisme ain­si dis­qua­li­fié et décré­di­bi­li­sé. Mais de la même manière, je suis aus­si mal à l’aise face aux pro­pos sus­pi­cieux de cer­tains chré­tiens qui laissent pen­ser que nous sommes enga­gés dans une véri­table croi­sade pour enrayer l’is­la­mi­sa­tion de la socié­té. » (p154)

La pré­sen­ta­tion déve­lop­pée et bien étu­diée de l’Islam donne cer­tai­ne­ment au lec­teur une meilleure connais­sance de l’Islam que de sa propre reli­gion… Si le lec­teur avait une telle connais­sance de sa propre reli­gion, il y aurait alors beau­coup moins d’apostasie… Mgr Brunin sait expli­quer clai­re­ment la reli­gion musul­mane, mais lorsqu’il confronte chris­tia­nisme et islam, il s’exprime le plus sou­vent dans un cha­ra­bia moder­niste indigeste.

On par­vient à décou­vrir, par-​ci, par-​là, un appel au chré­tien, jamais dans le bon sens ou alors, avec le revers de la médaille : voi­ci quelques exemples.

- Après avoir rap­pe­lé les bien­faits du « Ramadhan » (« période de maî­trise de soi et d’exercice de la volon­té… soli­da­ri­té avec les pauvres… sou­mis­sion à Dieu »), Mgr Brunin se prend « à rêver par­fois, que la fer­veur et la joie des chré­tiens chan­tant dans l’Alleluia pas­cal, puisse débor­der le cadre des églises pour embra­ser aus­si tout un quar­tier et invi­ter une popu­la­tion à par­ta­ger la joie de la Résurrection ! » ain­si que le font les musul­mans à la fin du Ramadan. Mais l’évêque ne manque pas aupa­ra­vant d’interpeller nos gou­ver­nants : « On peut se deman­der dans quelle mesure ce jour [fin du Ramadan] ne pour­rait pas deve­nir un jour férié. » (p60)

- Après avoir repro­ché au chré­tien son absence de pra­tique reli­gieuse, l’évêque écrit qu’il a « essayé de mon­trer com­ment, en islam, de telles pra­tiques pou­vaient géné­rer et nour­rir une expé­rience croyante faite de repen­tir, de sou­mis­sion, d’adoration et de par­tage. Il est vrai qu’une telle spi­ri­tua­li­té sai­sit l’homme tout entier, et de façon visible, dans son corps et même dans son être social. » (p62)

Les moder­nistes ont en effet tel­le­ment vidé la reli­gion de sa sub­stance qu’ils se sentent pous­sés à aller cher­cher dans les autres reli­gions ce qu’ils ont eux-​mêmes rejeté.

- Après s’être réjoui que les musul­mans n’hésitent plus à assis­ter aux mariages et enter­re­ments catho­liques, l’auteur estime que « ce phé­no­mène néces­si­te­ra une réflexion et une recherche pour pré­pa­rer et vivre de telles litur­gies. Comment gar­der à nos célé­bra­tions leur carac­tère spé­ci­fi­que­ment chré­tien, tout en tenant compte de façon claire et res­pec­tueuse de la pré­sence d’autres croyants ? » (p 164)

OBJECTIVITE DE L’AUTEUR

Il appa­raît clai­re­ment dans l’ouvrage que l’auteur ne veut pas cri­ti­quer mais sim­ple­ment expo­ser l’islam. « Nous irons d’abord visi­ter la tra­di­tion musul­mane. Nous le ferons avec un par­ti pris : com­prendre cette tra­di­tion à par­tir d’elle-même… C’est un peu comme si nous accep­tions de nous lais­ser gui­der par eux pour décou­vrir la « Maison de l’islam » (Dâr al-​islam). » Cette approche lui paraît un « préa­lable néces­saire pour ceux qui vivent la ren­contre au quo­ti­dien et veulent pou­voir connaître et com­prendre. »

Cette neu­tra­li­té est source fré­quente de malaise pour le lec­teur. « Cette der­nière appel­la­tion [al-​Dhikr] sou­ligne que la Révélation cora­nique est Rappel. On insiste ain­si sur le fait qu’elle n’apporte rien de neuf quant au conte­nu du Message, elle fait ré-​entendre ce que Moïse et Jésus ont pro­cla­mé, sans être com­pris ni sui­vis par leurs dis­ciples. » (p26). Les titres de par­ties sont dif­fi­ci­le­ment neutres : « La valeur inimi­table du Coran » (p27), « La riposte impé­ria­liste » (p 91), « Une situa­tion d’humiliés » (p92)

Cette neu­tra­li­té met néces­sai­re­ment sur le même pied chris­tia­nisme et islam. 

Dans son sou­ci objec­tif, l’évêque ne manque pas de consa­crer le cha­pitre 4 à « ceux qui s’essayent à lire le coran… » (p30) Il pro­pose lui-​même un « guide de lec­ture » sur le modèle de celui du père Caspar (p43)

L’objectivité de l’auteur est prise en défaut lorsqu’il traite des croi­sades (p122) : « Même si saint Bernard écri­vit que « tuer un infi­dèle n’est pas un homi­cide mais un mali­cide », il y eut bien des voix qui s’élèvent pour prô­ner un dia­logue avec les musul­mans. Contentons-​nous d’évoquer Pierre le Vénérable, abbé de Cluny…saint François d’Assise. » Remarquons que la cita­tion de saint Bernard est fal­si­fiée, et que l’intention de Pierre le Vénérable et de saint François d’Assise est détournée.

- La cita­tion de saint Bernard est fal­si­fiée, alors qu’elle est la seule phrase écrite en gras dans tout l’ouvrage ! Voici la vraie cita­tion (De laude novae mili­tiae) : « quand il [le sol­dat du Christ] met à mort un mal­fai­teur, il n’est pas un homi­cide, mais, si j’ose dire, un mali­cide. » Quelques phrases plus tard, le saint pré­ci­sait : « Il ne fau­drait pas tuer les païens si l’on pou­vait trou­ver un autre moyen de les empê­cher de har­ce­ler ou d’opprimer les fidèles. Mais, pour le moment, il vaut mieux que les païens soient tués, plu­tôt que de lais­ser la menace, que repré­sentent les pécheurs, sus­pen­dus au-​dessus de la tête des justes, de peur de voir les justes se lais­ser entraî­ner à com­mettre l’iniquité. (Ps. 124, 3)»

- L’intention de Pierre le Vénérable comme celle de saint François d’Assise est détour­née. Là où eux n’envisageaient que pru­dence mis­sion­naire en vue de conver­tir, Mgr Brunin com­prend dia­logue et ren­contre. Il cite par ailleurs le car­di­nal Arinze qui rap­pelle la notion moder­niste du dia­logue et de l’évangélisation et qu’ « aucune des deux n’est un moyen au ser­vice de l’autre » (p142).

DIALOGUE ET RENCONTRE

Sur le plan historique

« Au cours des siècles, musul­mans et chré­tiens ont fait l’expérience de la ren­contre et du dia­logue. » (p 7)

Invasion de l’Espagne par les musul­mans : l’auteur explique que les musul­mans réor­ga­ni­sèrent le pays socia­le­ment, cultu­rel­le­ment et reli­gieu­se­ment. Il oppose ensuite ceux qui « refu­se­ront sys­té­ma­ti­que­ment toute ouver­ture à la culture arabe »,prô­nant « le mar­tyre pour pro­cla­mer la foi chré­tienne dans un contexte glo­bal de refus de l’islam » aux chré­tiens, plus nom­breux, qui « défen­dront une ouver­ture réelle à cette culture nou­velle… Certains de ces chré­tiens vont se conver­tir à l’islam. D’autres enfin, qu’on a appe­lés moza­rabes, for­te­ment ara­bi­sés, ont choi­si la fidé­li­té à leur chris­tia­nisme, mais sans cris­pa­tion. » (p121)

XXe siècle : « La fier­té du monde musul­man est à la mesure du mépris auquel il a été sou­mis éco­no­mi­que­ment, poli­ti­que­ment, mili­tai­re­ment et cultu­rel­le­ment… Un nou­vel ordre mon­dial s’avère néces­saire… L’Occident, par son com­por­te­ment géné­rant l’injustice, contri­bue encore, pour une large part, à faire sur­gir l’islamisme [= mou­ve­ment prô­nant un islam poli­tique] dont les musul­mans sont les pre­mières vic­times… Il s’agit d’en tenir compte dans la ges­tion de nos rap­ports actuels et d’en tirer toutes les consé­quences pour nous mobi­li­ser en vue de l’édification d’un ordre mon­dial plus har­mo­nieux et plus juste. » (p93)

« Les reli­gions ont un rôle actif à jouer pour ser­vir l’unité de la famille humaine et lui assu­rer une vie har­mo­nieuse dans une ren­contre et un dia­logue des peuples et des civi­li­sa­tions. »(p150)

Sur le plan religieux

>Grâce à Vatican II, (cha­pitre 13, syn­thèse p 134), « l’Eglise s’est décris­pée et ouverte aux autres croyants ». Ainsi que le mani­feste l’esprit d’Assise, la mis­sion de l’Eglise est d’être « au ser­vice de l’unité des hommes entre eux et de l’union intime avec Dieu » (p138).

« Le Mystère de Dieu com­mu­ni­quant Sa vie aux hommes est plus large que ce que le chris­tia­nisme en dit et en donne à voir. De ce fait, nous devons tenir que l’accueil du Royaume peut prendre des formes autres que celles por­tées et pro­po­sées par la tra­di­tion chré­tienne… L’Eglise ne peut pré­tendre être la seule réponse his­to­rique que les hommes apportent à l’invitation de Dieu à vivre en alliance avec lui… L’Eglise ne peut pré­tendre inva­li­der, par sa pré­sence, les autres ten­ta­tivesde réponse que repré­sentent les tra­di­tions reli­gieuses… Cela ne signi­fie par pour autant que toutes les reli­gions se valent… Cependant il existe tou­jours un écart irré­duc­tible entre le Mystère du Christ et la tra­di­tion chré­tienne qui le porte, entre le Royaume de Dieu et l’Eglise qui est char­gée de le signi­fier au monde. C’est pré­ci­sé­ment cet écart qui laisse place pour les autres tra­di­tions reli­gieuses, dont l’islam, dans l’histoire uni­ver­selle des rela­tions entre Dieu et l’humanité. » (p 143–144)
« Vouloir témoi­gner demande aus­si une réelle décris­pa­tion pour accueillir les autres dans leur dif­fé­rence et vivre avec eux la ren­contre en sym­pa­thie et en véri­té… Le témoin est habi­té de la liber­té évan­gé­lique et connaît le prix de la gra­tui­té. » (p 142)

« Serons-​nous capables de por­ter un regard juste sur la com­mu­nau­té musul­mane de France ? Ferons-​nous effort pour trai­ter l’islam pour ce qu’il est, à savoir une reli­gion capable d’initier et de sou­te­nir une démarche spi­ri­tuelle authen­tique et res­pec­table ? » (p 109)

Le cha­pitre 15, ajou­té dans la pré­sente édi­tion, nous explique com­ment « vivre ensemble ».

L’auteur cite le car­di­nal Arinze qui explique que le « dia­logue sup­pose de chaque par­te­naire qu’il ait une iden­ti­té claire et sereine. » (p142) Comment peut-​il donc faire de la publi­ci­té pour des ren­contres entre enfants musul­mans et chré­tiens (p163), puisque ceux-​ci découvrent leur propre reli­gion, et qu’ils ne peuvent donc avoir déjà une « iden­ti­té claire » ?

De même, l’auteur, ayant expli­qué que, par­mi les 100 000 conver­tis fran­çais à l’islam (p99), la conver­sion à l’islam était dû pour cer­tains à un mariage mixte, il fait la publi­ci­té des week-​end qui regroupent les mariages mixtes (p 162).

DIVERS

Dans un pas­sage alam­bi­qué, l’évêque semble remettre en cause le fait que la Révélation se soit ache­vée à la mort du der­nier des apôtres. (p152)

L’Evêque pré­sente l’islamisme comme mar­gi­nal (p81-​86) (« radi­caux » (p81) prô­nant un islam poli­tique) tout en étant rela­ti­ve­ment puis­sant. Mais pour lui, c’est de la faute de l’Occident si cette ten­dance se développe.

Il met en garde contre les mou­ve­ments d’extrême-droite et les pro­grammes natio­na­listes qui entraînent vite une socié­té vers des dérives tota­li­taires. (p 180), appe­lant quant à lui à une « socié­té humaine qui prend le visage du plu­ra­lisme consen­ti et de la fra­ter­ni­té. » (p 181)

L’auteur ne pré­tend pas que chré­tiens et musul­mans entrent en croi­sade contre l’athéisme et le néo-​paganisme. (p 184)

« Je suis per­sua­dé que nous aurons en France l’islam que nous méri­tons. » (p 185)

NOUVELLE DEFINITION DE LA RELIGION

« Sans ici déve­lop­per la ques­tion, il nous suf­fi­ra de sug­gé­rer, à titre d’hypothèse, une défi­ni­tion de la reli­gion sous la forme d’une double pro­po­si­tion : la reli­gion est l’expression d’un vou­loir vivre ensemble fon­da­men­tal ; la reli­gion est un phé­no­mène tra­di­tion­nel. » (p 183)

DERNIERE PHRASE DU LIVRE

« Accepter de nous mettre en route sur la Parole de Dieu, c’était déjà l’aventure d’Abraham qu’avec les musul­mans, nous recon­nais­sons comme notre père com­mun dans la foi. »

C’est par cette phrase que Mgr Brunin finit le livre. On pour­rait lui objec­ter que Dieu met­tait Abraham en route pour lui faire quit­ter ceux qui avaient per­du la vraie foi. Il n’allait pas à la ren­contre de l’autre mais le fuyait… par ordre de Dieu… 

15 ans d’apostolat dans les quar­tiers popu­laires de Roubaix
Supérieur du Séminaire inter­dio­cé­sain de Lille, Arras, Cambrai en 1995
Evêque auxi­liaire de Lille en 2000
Nommé évêque d’Ajaccio en mai 2004
Nommé évêque du Havre en 2011
Il a été de tout temps très enga­gé dans le dia­logue islamo-​chrétien. Cet extrait d’une inter­view à ‘France 3’ en 2003 campe bien l’évêque : il disait, trai­tant des nou­velles croyances :

« Si ces croyances ne portent pas atteintes à la digni­té humaine, je les res­pecte. Il ne s’agit pas de par­tir en croi­sade pour faire vivre sa reli­gion. Le but est que cha­cun puisse vivre sa foi en paix, qu’il s’agisse d’une per­sonne de confes­sion juive, musul­mane ou chré­tienne. S’il s’agit de sectes, en tant que repré­sen­tant de l’Eglise catho­lique, je n’ai pas de rela­tion offi­cielle. Toutefois, par le dia­logue, nous essayons de faire pas­ser le mes­sage d’une foi qui libère, contrai­re­ment aux inter­dits prô­nés par cer­taines sectes. »

Notes de bas de page
  1. L’islam, tout sim­ple­ment – Editions de l’Atelier – 2003 – Collection « Tout sim­ple­ment » – 192 pages []
  2. Jean-​Luc Brunin[]