Le cardinal Reinhard Marx assume le changement de la Foi qui induit la destruction de la Morale

La Morale a besoin de la Foi

Dieu a mis dans notre nature la conscience qui nous per­met de savoir ce qui est bien et ce qui est mal. C’est ain­si, sauf à avoir étouf­fé ou tué sa conscience, que tout homme sait natu­rel­le­ment que le vol ou l’adultère sont mauvais.

Mais notre nature bles­sée déforme sa conscience, lui don­nant bien volon­tai­re­ment un autre réfé­ren­tiel que celui que le Créateur lui avait insuf­flé. Pour l’écologiste dont l’alpha et l’oméga sera la Nature, envoyer du CO² dans l’atmosphère sera pour lui comme un péché. Pour l’égocentrique qui a lui-​même pour unique repère, la mal sera de ne pas satis­faire sa personne.

La Foi jette une lumière révé­la­trice sur les notions de bien et de mal, car en rap­por­tant tout à Dieu comme ultime point de réfé­rence, elle per­met de sai­sir la nature exacte du péché : il est une offense faite à Dieu. Dieu créa­teur et maître de toutes choses a mis un ordre pour le bon­heur de sa créa­tion ; contre­ve­nir à cet ordre, c’est por­ter atteinte au bien de cette créa­tion et offen­ser Dieu.

Parler du péché sans avoir Dieu comme seul et unique réfé­ren­tiel, c’est néces­sai­re­ment se leur­rer, et c’est dans cette mesure que la Morale, même natu­relle, a besoin de l’éclairage de la Foi.

Vatican II a « déifié » l’homme

Nous pour­rions citer encore et encore le Concile Vatican II pour mon­trer son anthro­po­cen­trisme. Le pape Paul VI, qui en signa tous les docu­ments, en a résu­mé la doc­trine lors de son dis­cours de clôture :

« La reli­gion du Dieu qui s’est fait homme s’est ren­con­trée avec la reli­gion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arri­vé ? Un choc, une lutte, un ana­thème ? Cela pou­vait arri­ver ; mais cela n’a pas eu lieu. La vieille his­toire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spi­ri­tua­li­té du Concile. Une sym­pa­thie sans bornes pour les hommes l’a enva­hi tout entier. La décou­verte et l’étude des besoins humains (et ils sont d’autant plus grands que le fils de la terre se fait plus grand), a absor­bé l’attention de notre Synode. Reconnaissez-​lui au moins ce mérite, vous, huma­nistes modernes, qui renon­cez à la trans­cen­dance des choses suprêmes, et sachez recon­naître notre nou­vel huma­nisme : nous aus­si, nous plus que qui­conque, nous avons le culte de l’homme. »

Le car­di­nal Karol Wojtyla, futur pape Jean-​Paul II, confirme et assume lui aus­si le carac­tère plei­ne­ment anthro­po­cen­trique de la doc­trine du Concile. Il le fait notam­ment au cours d’une médi­ta­tion qu’il don­na devant le pape Paul VI en 1976. Karol Wojtyla com­mence la médi­ta­tion « Le Christ révèle plei­ne­ment l’homme à l’homme » (chap. XII, pp. 114–122) par Gaudium et Spes n° 22, assurant :

« le texte conci­liaire, appli­quant à son tour la caté­go­rie du mys­tère à l’homme, explique le carac­tère anthro­po­lo­gique ou même anthro­po­cen­trique de la Révélation offerte aux hommes dans le Christ. Cette Révélation est concen­trée sur l’homme. […] Le Fils de Dieu, par son Incarnation, s’est uni à tout homme, est deve­nu – en tant qu’homme – un de nous. […] Voilà les points cen­traux aux­quels peut se réduire l’enseignement conci­liaire sur l’homme et sur son mys­tère » (pp. 115–116). En bref c’est le suc concen­tré des textes de Vatican II : culte de l’homme, pan­théisme et anthro­po­cen­trisme ido­lâtre. » (1)

Le concile Vatican II a mis l’Homme au centre de la reli­gion et de son ensei­gne­ment. Tout s’est donc dépla­cé de Dieu vers l’Homme, d’où une déna­tu­ra­tion de la notion du péché, qui n’étant plus une offense faite à Dieu, est deve­nu un vague concept comme étant une atteinte à l’Homme, à l’humanisme.

La nouvelle morale, fille d’une « nouvelle foi », toute centrée sur l’homme

Lors d’une allo­cu­tion (2) de pré­pa­ra­tion du scan­da­leux synode sur la famille qui s’est dérou­lé à l’automne 2014, le car­di­nal Walter Kasper, bras droit du pape dans cette entre­prise révo­lu­tion­naire où encore une fois l’ouragan des­truc­teur nous vient des pays rhé­nans (3), décla­rait très clairement :

« De la même manière, nous pou­vons dire que le vrai mariage est le mariage sacra­men­tel ; le second n’est pas un mariage au même titre, mais il pos­sède des élé­ments de celui-​ci : les par­te­naires prennent soin l’un de l’autre, ils sont liés exclu­si­ve­ment l’un à un autre, il existe l’intention de demeu­rer dans ce lien, ils prennent soins des enfants, mènent une vie de prière, et ain­si de suite. Ce n’est pas la meilleure situa­tion, c’est la moins mau­vaise. »

Le juge­ment moral du car­di­nal Kasper n’est pas basé sur Dieu et ses com­man­de­ments, mais sur des cri­tères faus­sés : « les par­te­naires prennent soin l’un de l’autre », « ils sont liés exclu­si­ve­ment l’un à un autre », « il existe l’intention de demeu­rer dans ce lien », etc. On appré­cie­ra d’ailleurs le terme de « par­te­naire » qui en réa­li­té per­met d’ouvrir la ques­tion de la « mora­li­té » des duos homo­sexuels, puisque rien dans le rai­son­ne­ment du car­di­nal alle­mand ne les exclut.

C’est éga­le­ment dans cette même démarche que se situe le car­di­nal Reinhard Marx, arche­vêque de Munich et Freising, Président de la confé­rence des évêques alle­mands et conseiller du pape François (4), qui vient de décla­rer dans une confé­rence de presse (5) :

« Nous devons trou­ver un moyen pour que les gens reçoivent l’Eucharistie. Il ne s’agit pas de trou­ver des moyens pour les main­te­nir dehors ! Nous devons trou­ver des moyens pour les accueillir. Nous devons uti­li­ser notre ima­gi­na­tion et nous deman­der si nous pou­vons faire quelque chose. L’attention devrait se concen­trer sur la façon d’accueillir les per­sonnes ».

Là encore, nulle réfé­rence à Dieu et à ses com­man­de­ments, nulle réfé­rence au péché. A la limite le péché devient presque celui de l’Eglise qui refu­se­rait l’Eucharistie à ces per­sonnes ! C’est là qu’ap­pa­raît toute la dimen­sion révo­lu­tion­naire de l’entreprise. Il ne s’agit plus de chan­ger notre conduite de vie pour la rendre conforme aux prin­cipes, mais de chan­ger les prin­cipes pour les confor­mer à la praxis dési­rée. Ce n’est plus l’Homme qui se laisse façon­ner par la foi, c’est la doc­trine qui se trans­forme pour s’adapter aux dési­rs de l’Homme « moderne ». Comment s’étonner alors qu’en cette atti­tude révo­lu­tion­naire, le car­di­nal Marx soit prêt à s’affranchir de l’autorité de l’Eglise romaine ?

« Nous ne sommes pas une filiale de Rome et nous ne pou­vons pas attendre jusqu’à ce qu’un Synode nous dise com­ment nous devons nous com­por­ter ici sur le mariage et la pas­to­rale de la famille » (6)

Le péché n’est plus l’homme qui rejette Dieu mais l’Eglise qui refuse de se plier aux exi­gences des hommes, la pas­to­rale n’est plus l’explicitation cha­ri­table de la doc­trine néces­saire au salut mais l’accommodement d’une doc­trine qui réponde à l’aspiration de chacun.

Nous avons bien ici le sen­ti­ment que le car­di­nal Marx ouvre lar­ge­ment les vannes d’un Concile Vatican II bis qui achè­ve­ra d’écrouler la morale.

Et il semble le faire en toute impu­ni­té puisque le pape François lui-​même sou­tient que la conscience de cha­cun devient le réfé­ren­tiel abso­lu, Dieu lui-​même ne jugeant – pour ceux qui croient encore que Dieu est juge – que selon la conscience des hommes :

« Tout être humain pos­sède sa propre vision du Bien, mais aus­si du Mal. Notre tâche est de l’inciter à suivre la voie tra­cée par ce qu’il estime être le Bien. » (7)

Propos confir­més dans une deuxième inter­view qu’il don­na le juillet 2014, tou­jours à Eugenio Scalfari :

« La conscience est libre. Si elle choi­sit le mal parce qu’elle est sûre qu’il fera des­cendre un bien du haut des cieux, ces inten­tions et leurs consé­quences seront prises en compte. Nous, nous ne pou­vons en dire davan­tage parce que nous n’en savons pas plus. La loi du Seigneur, il appar­tient au Seigneur de l’établir et non aux créa­tures. (…) Il fau­drait exa­mi­ner à fond les livres sapien­tiaux de la Bible, et l’Evangile quand il parle de Judas Iscariote. Ce sont des thèmes de fond de notre théo­lo­gie. » (8)

Effectivement, avec une telle idée de la mora­li­té des actes, Judas Iscariote a une chance de se trou­ver justifié !

Un insidieux processus qui se passe dans le silence assourdissant des plus hautes autorités romaines

Mgr Lefebvre avait dénon­cé dans sa magni­fique décla­ra­tion de 1974 les ravages cau­sés par le chan­ge­ment de doc­trine opé­ré par le Concile :

« On ne peut modi­fier pro­fon­dé­ment la « lex oran­di » sans modi­fier la « lex cre­den­di ». A messe nou­velle cor­res­pond caté­chisme nou­veau, sacer­doce nou­veau, sémi­naires nou­veaux, uni­ver­si­tés nou­velles, Église cha­ris­ma­tique, pen­te­cô­tiste, toutes choses oppo­sées à l’orthodoxie et au magis­tère de tou­jours. »

Aujourd’hui le pro­ces­sus arrive à son ultime conclu­sion en vou­lant modi­fier éga­le­ment la morale. Au risque de voir se réa­li­ser le ter­rible cri d’alarme lan­cé du Bangladesh par le père Carlo Buzzi, mis­sion­naire de l’Institut Pontifical pour les Missions Étrangères de Milan :

« Si, au contraire, l’on avance dans la voie tra­cée par le car­di­nal Walter Kasper, les dégâts vont être importants :

1. Cela ren­dra l’Église super­fi­cielle et accommodante ;

2. Il fau­dra nier l’infaillibilité de la chaire de Pierre, parce que ce sera comme si tous les papes pré­cé­dents s’étaient trompés ;

3. Il fau­dra consi­dé­rer comme des imbé­ciles tous ceux qui ont don­né leur vie, dans le mar­tyre, pour défendre ce sacre­ment. » (9)

Dans l’optique du Concile la foi n’est plus à trans­mettre, elle est à adap­ter. C’est ain­si qu’on va la modu­ler, la redé­fi­nir, la trans­for­mer afin qu’elle devienne admis­sible pour ceux qui ne la par­tagent pas. Ce fut la confu­sion « œcu­mé­niste » du Concile. Ce n’est plus l’Homme qui se laisse façon­ner par la foi, c’est la doc­trine qui se trans­forme pour s’adapter aux dési­rs de l’Homme « moderne ».

Le synode sur la famille va sim­ple­ment appli­quer le concile Vatican II à la morale et aux mœurs. Ni plus ni moins. La morale va donc être adap­tée aux dési­rs du temps, elle va être trans­for­mée pour répondre aux aspi­ra­tions hédo­nistes des hommes.

Et il n’y a pas de limite dans cette voie.

Le District de France de la FSSPX

Notes

(1) « Si si no no » – via le Bulletin des Amis de saint Francois de Sales – 31 jan­vier 2013
(2) Lire : La nou­velle pas­to­rale du mariage selon le car­di­nal Kasper, abbé Franz Schmidberger – 25 mars 2014
(3) Le Rhin se jette dans le Tibre, de R‑M. WiltGen, DMM, à com­man­der chez Clovis-​Fideliter : chro­nique com­plète du IIe concile du Vatican, ce livre doit son titre à Juvénal. Il y a deux mille ans le grand sati­riste déplo­rait que la culture syrienne imprègne celle de Rome – que l’Oronte se jette dans le Tibre. Au Concile, les car­di­naux, les évêques et les théo­lo­giens des pays que tra­verse le Rhin ont eu une influence domi­nante : les eaux du Rhin ont cou­lé dans le Tibre.
(4) Le 13 avril 2013, le nou­veau pape consti­tue un groupe de neuf pré­lats issus de tous les conti­nents, char­gés de l’é­pau­ler dans la réforme de la Curie romaine et la révi­sion de la consti­tu­tion apos­to­lique Pastor Bonus. Pour l’Europe, c’est le car­di­nal Marx qui est choi­si, ain­si que Marcello Semeraro, évêque d’Albano. Le 8 mars 2014, il est nom­mé membre et coor­di­na­teur du conseil pour l’économie.
(5) Lire : Marx défie Rome : « Nous ne sommes pas une filiale de Rome et ce ne sera pas un Synode qui nous dira quoi faire ici », cité par Il Foglio, tra­duc­tionBenoit-​et-​moi
(6) Lire : L’Eglise d’Allemagne est en état de schisme consommé
(7) Lire : La liber­té d’ex­pres­sion du pape secoue l’Église
(8) Lire : Perplexité accrue après le nou­vel entre­tien du pape avec Scalfari
(9) Lire : Accès des rema­riés à la com­mu­nion : une lettre du Bangladesh