II – Le péché rend-​il le mariage invalide ?

Le pape François consi­dère que la briè­ve­té de la vie com­mune des époux ou l’avortement ou l’infidélité d’un des époux immé­dia­te­ment après le mariage seraient aus­si des cir­cons­tances qui mon­tre­raient à l’évidence que le mariage est inva­lide. En d’autres mots, le péché empê­che­rait de se marier. C’est confondre l’obligation que l’on contracte et la fidé­li­té à ce que l’on promet.

De nou­veau, on peut faire la com­pa­rai­son avec le bap­tême. Dans cette céré­mo­nie qui intro­duit dans la vie chré­tienne, on pro­met solen­nel­le­ment de renon­cer au démon, à ces œuvres et au monde. De fait le péché du bap­ti­sé est en soi plus grave que celui du païen. Mais pour que le bap­tême soit valide, il suf­fit de vou­loir être bap­ti­sé. Qu’immédiatement après la céré­mo­nie, le bap­ti­sé retombe dans le péché, qu’il ait même une inten­tion cou­pable lors de son bap­tême, cela n’invalide pas le sacrement.

Certes ce n’est qu’une com­pa­rai­son, car dans le cas du mariage le consen­te­ment des époux est à la fois la matière et la forme du sacre­ment de mariage (ce qu’il n’est pas dans le cas du bap­tême). Ainsi le péché peut être, éven­tuel­le­ment, un indice que la per­sonne n’a pas eu l’intention de se marier, mais c’est quelque chose qui doit être prou­vé. Le doute est tou­jours en faveur du mariage c’est-​à-​dire de cette céré­mo­nie publique où tous les assis­tants ont enten­du le « oui » qui a consti­tué le lien matrimonial.

Ce qui arrive mal­heu­reu­se­ment, c’est qu’une per­sonne peut vou­loir se marier sans pen­ser qu’elle aura la force d’être fidèle ou sans avoir le cou­rage de prendre les moyens pour y arri­ver. La com­pa­rai­son avec le bap­tême est, là, très per­ti­nente. On veut s’obliger, ou au moins on sait très bien que le mariage com­prend des obli­ga­tions, mais on sait que l’on péche­ra. Le devoir de fidé­li­té est en effet bien connu. Quelle per­sonne s’imaginerait qu’elle peut se marier sans que son conjoint se sente trom­pé en cas d’infidélité ?

De même le péché d’avortement n’est pas une preuve évi­dente que les époux qui le com­mettent ne sont pas mariés. Il y a mal­heu­reu­se­ment quan­ti­té de gens qui ne veulent pas des enfants que le bon Dieu veut leur don­ner et qui pour­tant sont bien mariés.

On peut déplo­rer que trop de per­sonnes se marient sans prendre suf­fi­sam­ment de ren­sei­gne­ments sur leur futur conjoint. On doit regret­ter que le mariage et les enfants soient si peu aimés. On doit mettre en garde les futurs mariés qui demandent à être pré­pa­rés. Mais on ne peut pas pré­su­mer que des per­sonnes qui se marient ne veuillent pas se marier !

Les modi­fi­ca­tions appor­tées par le pape François au code de droit cano­nique n’arrêtent pas là l’incitation au péché. Le nou­veau canon 1675 exige main­te­nant que le mariage ait « irré­mé­dia­ble­ment échoué » pour com­men­cer le pro­cès ! Il est vrai que le code de Jean-​Paul II (canon 1675) allait déjà en ce sens de telle sorte que les tri­bu­naux ecclé­sias­tiques avaient fina­le­ment exi­gé le divorce civil avant d’engager une pro­cé­dure en nul­li­té, ce qui est l’inverse de ce que l’Église a tou­jours fait.

Le code de 1917 obli­geait le juge à faire tous ses efforts pour obte­nir des époux qu’ils renou­vellent leurs consen­te­ments après avoir éven­tuel­le­ment obte­nu les dis­penses néces­saires (canon 1965). Le juge­ment ayant mis en lumière la rai­son qui ren­dait inva­lide le mariage, il était pos­sible de mieux voir ce qui pou­vait le sau­ver sur­tout si des enfants étaient nés de cette union putative.

Aujourd’hui on attend que les époux soient irré­con­ci­liables pour cher­cher un motif de nul­li­té à tout prix.

On appelle cela la misé­ri­corde conci­liaire !

Abbé Thierry Gaudray, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X