Le synode des évêques du 5 au 19 octobre 2014

L” actua­li­té du mois d’oc­tobre, ce fut sur­tout le synode convo­qué par le pape François sur « les défis pas­to­raux de la famille dans le contexte de l’évangélisation ».

En plein milieu de ce synode, le 13 octobre, le car­di­nal Peter Erdö, pri­mat de Hongrie, a pré­sen­té un « rap­port d’é­tape [1] » cen­sé résu­mer les inter­ven­tions des par­ti­ci­pants. Il était tel­le­ment scan­da­leux qu’il a pro­vo­qué des troubles même chez cer­tains clercs acquis à l’es­prit de Vatican II. Les élé­ments de ce rap­port n’ont été repris que par­tiel­le­ment dans le docu­ment de clô­ture du synode, publié le 18 octobre. En par­ti­cu­lier, les pro­po­si­tions les plus auda­cieuses et les moins catho­liques du « rap­port d’é­tape » ont été ôtées.

Le but des lignes qui suivent n’est pas de rela­ter l’his­to­rique de cette réunion épis­co­pale – his­to­rique pour­tant ins­truc­tif sur les pro­cé­dés employés –, ni d’a­na­ly­ser l’in­té­gra­li­té du « rap­port d’é­tape ». Cependant, il peut être utile, pour éclai­rer les lec­teurs qui sou­haitent y voir plus clair, de rap­pe­ler les quelques points suivants.

1. L a communion sacramentelle des divorcés remariés (n° 47 du rapport)

Il est pro­po­sé de faire accé­der cer­tains divor­cés rema­riés, vivant donc de façon mari­tale, à la sainte eucha­ris­tie. Si la dis­ci­pline actuelle, qui l’in­ter­dit, était ins­ti­tuée par l’Église, et non par Notre-​Seigneur Jésus- Christ, c’est-​à-​dire si l’im­pos­si­bi­li­té pour ces per­sonnes d’ac­cé­der à la com­mu­nion sacra­men­telle était de droit ecclé­sias­tique et non divin, il serait éven­tuel­le­ment, sous cer­taines condi­tions, envi­sa­geable de la modi­fier avec pru­dence. Mais cette dis­ci­pline est bel et bien de droit divin. En effet :

a. Lorsqu’une per­sonne se marie reli­gieu­se­ment, cette union sacra­men­telle, si elle est ensuite consom­mée, est, de droit divin, abso­lu­ment indis­so­luble (Mt 19, 3 ; concile de Trente, ses­sion 24, canon 7). Si par la suite la per­sonne divorce aux yeux de l’État, puis se rema­rie civi­le­ment, elle se consti­tue donc « pécheur public ». Le rema­riage civil place cette per­sonne dans un état habi­tuel d’adultère.

b. Or la com­mu­nion eucha­ris­tique est un sacre­ment réser­vé aux « vivants », c’est-​à-​dire aux catho­liques en état de grâce : qui­conque se sait avec cer­ti­tude en état de péché mor­tel et com­mu­nie, faute gra­ve­ment. C’est de droit divin et expres­sé­ment ensei­gné par saint Paul (1 Co 11, 27–29, cf. concile de Trente, ses­sion 13, canon 11). Et l’o­bli­ga­tion qu’ont les fidèles de ne s’ap­pro­cher de la sainte eucha­ris­tie que s’ils ont conscience d’être en état de grâce a pour cor­ré­la­tif immé­diat l’o­bli­ga­tion des ministres de ne pas admi­nis­trer ce sacre­ment à ceux qui sont dits « pécheurs publics » (Mt 7, 6), comme le sont les divor­cés rema­riés. Ceci conclut le pre­mier point. 2.

La communion spirituelle et la communion sacramentelle (n° 48)

Le docu­ment d’é­tape rap­porte, en les encou­ra­geant impli­ci­te­ment, les ques­tions que se posent cer­tains membres du synode : les pécheurs publics peuvent légi­ti­me­ment faire une com­mu­nion spi­ri­tuelle ; il fau­drait peut-​être les admettre à la sainte table… Le car­di­nal Walter Kasper avait, bien avant le synode, don­né le mau­vais exemple sur cette route : « La com­mu­nion spi­ri­tuelle c’est être un avec le Christ. Mais si on est un avec le Christ, on ne peut pas être en état de péché grave. Et si on peut rece­voir la com­mu­nion spi­ri­tuelle, pour­quoi pas aus­si la com­mu­nion sacra­men­telle [2] ? » Ces paroles du car­di­nal Kasper sont inouïes. Rappelons quelques principes

: Trois manières de com­mu­nier spi­ri­tuel­le­ment peuvent s’envisager :

1. ou bien la per­sonne est en état de grâce, et pose de vrais actes de foi à l’eu­cha­ris­tie, de désir expli­cite de com­mu­nier sacra­men­tel­le­ment, et de cha­ri­té – sa com­mu­nion spi­ri­tuelle pro­duit alors des effets iden­tiques à ceux que pro­duit la com­mu­nion eucha­ris­tique, quoique de moindre intensité ;

2. ou bien la per­sonne n’est pas en état de grâce, mais fait dans le cadre de sa com­mu­nion spi­ri­tuelle, avec la grâce actuelle de Dieu, un acte de contri­tion par­faite, ce qui signi­fie qu’elle accède à la grâce sanc­ti­fiante et à la cha­ri­té – sa com­mu­nion spi­ri­tuelle pro­duit alors des effets iden­tiques à ceux que pro­duit la com­mu­nion eucha­ris­tique, quoique de moindre inten­si­té ; Dans ces deux pre­miers cas, il y a des com­mu­nions spi­ri­tuelles au sens strict. « Communier spi­ri­tuel­le­ment, c’est s’u­nir à Jésus-​Christ pré­sent dans l’eu­cha­ris­tie, non pas en le rece­vant sacra­men­tel­le­ment, mais par un désir pro­cé­dant d’une foi ani­mée par la cha­ri­té (concile de Trente, ses­sion 13, c. 8) [3]

3. ou bien la per­sonne n’est pas en état de grâce, et dans le cadre de sa com­mu­nion spi­ri­tuelle, par­vient à une contri­tion seule­ment impar­faite, ce qui signi­fie qu’elle n’ac­cède pas à la grâce sanc­ti­fiante – en l’ab­sence de mou­ve­ment de cha­ri­té, la com­mu­nion spi­ri­tuelle, au sens large cette fois, pro­duit alors des effets qui ne sont pas iden­tiques à ceux que pro­duit la com­mu­nion eucha­ris­tique. Les divor­cés rema­riés qui savent être en état de péché et com­mu­nient spi­ri­tuel­le­ment sont dans ce cas. Ils font bien de com­mu­nier spi­ri­tuel­le­ment, mais ils ne sont pas pour autant, comme le fait croire le car­di­nal Kasper, « un avec le Christ », puisque cette union néces­site la grâce sanc­ti­fiante à laquelle s’op­pose leur situa­tion. Puisqu’ils ne sont pas « un avec le Christ », la com­mu­nion sacra­men­telle ne leur est pas accessible.

Avec la sug­ges­tion de la com­mu­nion sacra­men­telle faite aux divor­cés rema­riés, on sort du catho­li­cisme. Le car­di­nal Kasper est-​il encore catho­lique ? Son exemple est scan­da­leux. Ne cédons pas à la confu­sion sur le sens du mot « misé­ri­corde » qui pré­side aux erreurs énon­cées par cer­tains pré­lats aujourd’­hui. La « misé­ri­corde » ne consiste pas à modi­fier des lois divines pour jus­ti­fier des com­por­te­ments pec­ca­mi­neux ; elle consiste à ôter la misère, sur­tout celle du péché, ce qui néces­site la grâce ; or la grâce est insé­pa­rable de l’ac­com­plis­se­ment de la volon­té de Dieu en matière grave. « Va et ne pèche plus » : parole de misé­ri­corde. Certes il est néces­saire, comme Notre-​Seigneur, d’a­bor­der le pécheur avec bon­té. On ne lui montre pas la loi divine de la même façon qu’on l’en­seigne dans les sémi­naires. Mais où est-​il écrit que le main­tien des prin­cipes éma­nés de la bouche même de Dieu est incon­ci­liable avec la cha­ri­té pastorale ?

Abbé Philippe Toulza, prêtre de la Fraternité Saint-​Pie X

Extrait de Fideliter n° 222 de novembre-​décembre 2014

Notes de bas de page

  1. Texte inté­gral : press​.vati​can​.va/​c​o​n​t​e​n​t​/​s​a​l​a​s​t​a​m​p​a​/​f​r​/​b​o​l​l​e​t​t​i​n​o​/​p​u​b​b​l​i​c​o​/​2​0​1​4​/​1​0​/​1​3​/​0​7​5​1​/​0​3​0​3​7​.​h​tml[]
  2. Interview don­née à la revue Commonweal, 7 mai 2014.[]
  3. H. Moureau, « La com­mu­nion spi­ri­tuelle » in Dictionnaire de théo­lo­gie catho­lique, tome 3, col. 572.[]