Réfléchissons à cette dévotion : elle permet d’aimer Dieu en retour, mais aussi de réparer l’ingratitude de beaucoup trop d’âmes.
Une nuit, un prêtre de notre Fraternité fut appelé par téléphone dans un « bidons-ville » d’Amérique latine, pour donner les derniers sacrements à un mourant. Après avoir administré cet homme qui n’était point de ses fidèles habituels, notre confrère chercha à savoir qui lui avait téléphoné. Il lui fut répondu que … personne ne l’avait appelé. Mais le mourant ajouta simplement : « Je vous attendais. Je savais qu’un prêtre viendrait, car j’ai fait les neuf premiers vendredis du mois en l’honneur du Sacré Cœur. » Au 17° siècle, Notre Seigneur dit en effet dit à Sainte Marguerite- Marie Alacoque : Je promets, dans l’excessive miséricorde de mon cœur, d’accorder à tous ceux qui communieront neuf premiers vendredis du mois consécutifs, la grâce de la pénitence finale, ne mourant point dans ma disgrâce et sans recevoir les sacrements, mon divin cœur se rendant leur asile assuré au dernier moment[1].
Le Sacré Cœur, que nous prions tout spécialement au mois de juin, est le signe de la charité de Notre Seigneur Jésus- Christ ; charité pour son Père d’abord, charité pour les âmes ensuite. Dans le premier cas, il est donc aussi un signe de douleur et de tristesse pour les péchés contre Dieu. Dans le deuxième, il est un signe de miséricorde et de compassion. Saint Jean résume cette idée : Et nous, nous avons cru à la charité (1 Jn 4, 16). Ce verset, choisi par Mgr Lefebvre comme devise épiscopale, rappelle que nous devons croire à l’amour de Dieu, de Notre Seigneur, pour l’homme. Mais les hommes aiment-ils Dieu en retour ? Malheureusement trop peu. Toujours à Sainte Marguerite-Marie, Notre Seigneur disait voici quatre siècles : Voilà ce cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné, jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes. Notre Seigneur affirme aussi dans l’Évangile : Si vous m’aimez, gardez mes commandements (Jn 14, 15). Combien aiment Dieu de la sorte ? Combien respectent les commandements ? Combien par exemple sanctifient chaque dimanche le jour du Seigneur ? En France, les pratiquants ne représentent aujourd’hui que 1,8% de la population.
On comprend en quoi va consister une dévotion au Sacré Cœur : Dieu nous aime ? La dévotion au Sacré Cœur nous le fait aimer en retour. Les hommes sont-ils ingrats ? La dévotion consistera à l’aimer beaucoup pour réparer, consoler, compenser. Le pape Pie XI, dans son encyclique Miserentissimus Redemptor du 8 mai 1928 sur le Sacré Cœur, écrit : La créature doit offrir, à l’égard de l’amour incréé, une compensation pour l’indifférence, l’oubli, les offenses, les outrages, les injures qu’il subit : c’est ce qu’on appelle couramment le devoir de réparation. Le pape dit que cette consolation est mystérieuse mais bien réelle. Et il cite les paroles de l’Écriture que l’on met sur les lèvres de Notre Seigneur : J’ai espéré celui qui s’affligerait avec moi et il n’est point venu, celui qui me consolerait et je ne l’ai point trouvé (Ps 68, 21).
Pour réparer concrètement l’ingratitude des hommes envers le Sacré Cœur, le pape rappelle la dévotion des premiers vendredis du mois, qui consiste à faire une communion réparatrice. Sainte Marguerite-Marie explique : Mon Divin Sauveur me commanda de communier tous les premiers vendredis de chaque mois, afin de réparer, autant qu’il m’est possible, les outrages qu’il a reçus pendant le mois, dans le Très Saint Sacrement. La sainte expérimenta souvent elle-même la puissance de la communion réparatrice pour fléchir le Sacré Cœur de Jésus. Dans le but de faire une telle communion, il est bon de se confesser, huit jours avant ou huit jours après ce premier vendredi.
Toujours dans ce but de réparer, nous pouvons aussi assister à l’Heure Sainte devant le Saint Sacrement exposé. Notre Seigneur a dit à ses apôtres, au jardin des Oliviers : Ainsi, vous n’avez pas pu veiller une heure avec moi ? (Mt 26, 40) Que notre présence devant l’autel permette de répondre par l’affirmative.
Pour consoler le Sacré Cœur, on pourra encore s’évertuer à pratiquer la charité fraternelle, sur laquelle s’est étendu Notre Seigneur. Un de nos évêques, lors d’un sermon, avait beaucoup insisté sur ce point, disant que la pratique de cette vertu était indispensable pour tenir dans la crise que traverse l’Église.
Enfin, un grand moyen de consoler Notre Seigneur se trouve dans l’intronisation du Sacré Cœur dans les familles. Le Père Matéo, de la congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, à qui l’on doit cette pratique, déclare : On peut affirmer, en toute vérité, qu’en opposition à la campagne d’apostasie sociale, l’intronisation est un véritable acte de réparation. Il a eu la permission de développer cette dévotion de Saint Pie X, au tout début du XXe siècle, qui lui a dit : Je ne le vous permets pas… je vous le commande ! Je vous ordonne de donner votre vie pour cette œuvre de salut social.
L’intronisation dans les familles est une reconnaissance, officielle et sociale, que le roi de la famille est le Sacré Cœur. Cette reconnaissance est rendue sensible par l’installation solennelle de l’image du Sacré Cœur à la place d’honneur. Elle est aussi rendue durable par un acte de consécration de la famille au Sacré Cœur. Le fait de faire présider le Sacré Cœur dans la salle principale permet de réparer les outrages faits à sa royauté. Notre Seigneur est chassé de partout ? Une famille qui procède à l’intronisation lui dit : « Entrez Seigneur ; nous voulons, nous, que vous régniez ici. »
Une telle famille ne doit-elle pas craindre, néanmoins, les visites des incroyants ? Le Père Matéo répond : Osons, comme les méchants, et mieux qu’eux, crier et manifester nos convictions. Veut-on fuir son regard ? Ça n’est pas un symbole que l’on repousse, mais la personne du Maître. Et le père Matéo de dire que le Sacré Cœur n’est pas un « meuble » de famille mais un « membre » à part entière. Introniser le Sacré Cœur, c’est en effet accueillir un véritable hôte, un roi, un ami, un confident. Non pas, commente encore le père Matéo, qu’on puisse assimiler l’image du Sacré Cœur à une hostie consacrée, mais l’intronisation bien comprise apportera avec elle des grâces spéciales de présence de Dieu et de vie chrétienne avec Jésus, par Jésus, sous le regard de Jésus.
Le père recommande de vivre sous le regard du Sacré Cœur, car ce que l’on ne ferait pas sous son regard n’est pas à faire. Il insiste aussi pour que l’on prie en famille devant son image : Il y a le tabernacle eucharistique, il faut le tabernacle familial. S’il vous faut un Dieu à louer dans un temple, il vous faut aussi un Dieu à prier dans vos demeures. Et quels sont les fruits escomptés de l’intronisation ? Le père Matéo n’hésite pas à dire : J’ai vu les montagnes marcher, les impies les plus révoltés et les plus fanatiques terrassés comme saint Paul sur le chemin de Damas. C’est à ce point que je disais au Saint-Père : Très Saint-Père, j’ai perdu la foi dans les miracles, car pour croire, il ne faut pas voir. Mais des miracles (dus à l’intronisation) j’en vois tous les jours. Comme miracle, on peut citer la guérison soudaine du Père Matéo lui-même, qui souffrait d’une grave lésion au cœur. Le médecin lui déclara que sa lésion était mortelle, qu’il avait encore deux mois à vivre. Il se rendit à Paray-le-Monial pour obtenir la grâce d’une bonne mort ; il en revint complètement guéri !
Pour en savoir plus sur cette dévotion, on lira avec profit la revue Marchons droit n°149, L’intronisation du Sacré Cœur dans les familles, par monsieur l’abbé Delagneau. Notre confrère écrit : Que pouvons-nous faire en ces temps où le divin Roi est chassé de partout, exilé ? Nous devons nous placer spécialement sous son sceptre et le consoler par une vie chrétienne exemplaire, une réparation habituelle de tous ces outrages, et une supplication auprès du Père éternel pour que chaque homme, chaque famille de notre pays et les autorités de ce royaume hier très chrétien, se remettent sous la houlette du Roi des rois. [.] Envisagez donc cette intronisation, non pas comme une dévotion privée, mais bien plus comme un engagement dans le combat surnaturel pour le règne de Notre Seigneur, en commençant par votre foyer. »
Réfléchissons à cette dévotion : elle permet d’aimer Dieu en retour, mais aussi de réparer l’ingratitude de beaucoup trop d’âmes.
Source : Lou Pescadou n° 211
- Rappelons, les 11 autres promesses faites par Notre Seigneur à ceux qui auront une vraie dévotion à son divin Cœur : « 1. Je leur donnerai toutes les grâces nécessaires dans leur état ; 2. Je mettrai la paix dans leur famille ; 3. Je les consolerai dans toutes leurs peines ; 4. Je serai leur refuge assuré, pendant la vie, et surtout à la mort ; 5. Je répandrai d’abondantes bénédictions sur leurs entreprises ; 6. Les pécheurs trouveront dans mon Cœur la source et l’océan infini de la miséricorde ; 7. Les âmes tièdes deviendront ferventes ; 8. Les âmes ferventes s’élèveront à une grande perfection ; 9. Je bénirai même les maisons où l’image de mon Cœur sera exposée et honorée ; 10. Je donnerai aux prêtres le talent de toucher les cœurs les plus endurcis ; 11. Les personnes qui propageront cette dévotion auront leur nom inscrit dans mon Cœur, et il n’en sera jamais effacé. »[↩]