Le cardinal Gerhard Müller a fortement critiqué le pape François pour la façon « inacceptable » dont le souverain pontife l’a récemment congédié en tant que chef de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
Voici ce qu’il a déclaré au quotidien bavarois Passauer Neue Presse dans un entretien publié le 6 juillet dernier :
« Le dernier jour de mon mandat en tant que préfet de la CDF, le pape m’a informé en une minute de sa décision de ne pas prolonger mon mandat. Il ne m’a pas donné de raisons, tout comme il n’a donné aucune raison au rejet de trois membres hautement compétents de la CDF quelques mois plus tôt ».
Et de continuer de façon aussi sèche et indignée :
« Je ne peux pas accepter cette façon de faire les choses. En tant qu’évêque, on ne peut pas traiter les gens de cette façon. Je l’ai déjà dit : l’enseignement social de l’Église doit être également appliqué à la façon dont les employés sont traités ici au Vatican ».
Cest par un bref entretien que François a fait savoir au cardinal Müller, lors d’une réunion privée au Vatican le 30 juin, que son mandat de responsable de la doctrine ne serait pas renouvelé. Le terme de cinq ans a officiellement pris fin le 2 juillet.
De son côté le vaticaniste italien Andrea Tornielli reconnaît que le « non-renouvellement d’un préfet de l’ex-Saint-Office n’a pas de précédent récent. Mais il est vrai, aussi, qu’on n’avait jamais vu un préfet joué son rôle de cette manière. »
Quoiqu’on puisse savoir du cardinal Müller à la doctrine hétérodoxe sur d’autres sujets(1), force est de reconnaitre, ce que ne veut pas faire Tornielli, que sur cette question des sacrements aux divorcés remariés civilement, Mgr Müller n’a fait que rappeler la doctrine immuable de l’Église catholique envers et contre tout… contre le pape lui-même. En cela il a joué son rôle honnêtement.
Sur la question d’un possible accord avec la FSSPX, les deux hommes paraissaient aussi en désaccord : alors que le pape François a de nombreuses fois témoigné que les questions doctrinales ne l’intéressent guère mais qu’il est mu plutôt, dans « sa bienveillance envers votre Fraternité Sacerdotale » dixit Gerhard Ludwig Müller, par un « souci pour les rejetés de tous bords » ainsi que le soulignait Mgr Fellay dans un entretien à TV Libertés en janvier 2017, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi restait lui très attaché à une reconnaissance doctrinale publique du Concile Vatican II par cette même FSSPX. Sa dernière lettre sur le sujet, avant de quitter son poste, le démontre amplement.
Le cardinal Müller a aussi déclaré au Passauer Neue Presse que le cardinal Joachim Meisner, l’un des quatre cardinaux qui se sont récemment manifestés pour contester publiquement le pape sur les questions concernant le mariage et le divorce, était « particulièrement bouleversé » en apprenant la décision de François. L’ancien préfet de la CDF a précisé qu’il avait parlé à Meisner, âgé de 83 ans, de son licenciement dans une longue conversation téléphonique le 4 juillet : « cela l’a perturbé et blessé personnellement. Il a pensé que cela nuirait à l’Église. Cela parle naturellement pour moi – mais c’est un fait – c’est la façon dont il l’a exprimé « .
Les deux cardinaux se sont entretenus à 20 H 30 et Mgr Meisner est mort de façon inattendue pendant son sommeil un peu plus tard dans nuit. Mgr Müller a appris sa mort, le lendemain matin, informé par le curé de la ville de Bad Füssing, la station balnéaire bavaroise où Mgr Meisner était en vacances. Le cardinal Müller a déclaré que, lors de son appel téléphonique, Mgr Meisner avait exprimé sa profonde préoccupation par rapport à la situation actuelle de l’Église, en particulier « au sujet des querelles, des disputes et des discussions qui s’opposaient à l’unité de l’église et à la vérité » .
Revenant sur l’affaire des dubia (les doutes des cardinaux) publiés dans une lettre et d’en faire la publicité, il pense qu’im aurait mieux valu traiter le problème dans une réunion confidentielle. Il a tenu à souligner qu’il n’avait jamais pris parti dans le débat de la dubia. « J’ai toujours été fidèle au pape et je serai toujours catholique, un évêque et un cardinal « , a‑t-il insisté.
Mais il a également souligné qu’il appartenait au pape et aux évêques d’adhérer à la vérité des Evangiles et de préserver l’unité de l’Église :
« C’est ainsi qu’en toute clarté je dois m’inquiéter face aux tentatives des cardinaux Schönborn, Kasper et d’autres pour expliquer comment on peut parvenir à un équilibre entre le dogme, c’est-à-dire l’enseignement de l’Eglise, et la pratique pastorale (concernant la communion pour les divorciés remariés), qui ne me paraissent tout simplement pas convaincantes « .
Lorsque le journaliste lui a demandé s’il pensait que le Pape François devait discuter des dubia avec les trois cardinaux restants qui ont signé la lettre, il a déclaré :
« Je suggère que le pape me confie le dialogue puisque j’en ai la compétence et le sens de responsabilité requis. Je pourrais modérer la discussion entre le pape et les cardinaux. Je ne me laisserais pas annexer à un mouvement qui critique le pape. Des ponts sont nécessaires pour empêcher un schisme ».
Bien que tout à fait licite, l’acte du Pape peut être considéré comme une démonstration de mauvaises manières. Ordinairement, quand un représentant de l’Église arrive à la fin de sa nomination avant l’âge habituel de la retraite (Müller a seulement soixante-dix ans), soit sa nomination est renouvelée ou il lui est donné une brève extension – de six mois à un an – avant d’être remplacé. La formule pour cette dernière option est : vous resterez en charge « donec aliter provideatur » jusqu’à ce que nous en ayons décidé différemment.
Rappelons simplement à nos lecteurs que ce comportement « méprisant » n’est pas surprenant pour quiconque connaît Jorge Maria Bergoglio et comment il agissait du temps qu’il était Supérieur Provincial de la Province Jésuite de l’Argentine – il a été licencié de cette position pour avoir été indûment autoritaire – et comme Archevêque de Buenos Aires. Par ailleurs, il a longtemps montré une animosité contre Rome et contre la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en particulier. Il avait en aversion la Curie parce que, avant de devenir Pape, Rome a souvent refusé de nommer les hommes qu’il désignait comme Évêques possibles.
En étant victime de la rancune tenace du pape François, le cardinal Müller, fin lettré, s’est peut-être rappelé la morale de ce conte d’Alphonse Daudet :
« Les coups de pied de mule ne sont pas aussi foudroyants d’ordinaire ; mais celle-ci était une mule papale ; et puis, pensez donc ! elle le lui gardait depuis sept ans… Il n’y a pas de plus bel exemple de rancune ecclésiastique. » (in La mule du Pape – 1887.)
Sources : international.la-croix.com /belgicatho /magazinelavoixdedieu