Note de la rédaction de La Porte Latine : il est bien entendu que les commentaires repris dans la presse extérieure à la FSSPX ne sont en aucun cas une quelconque adhésion à ce qui y est écrit par ailleurs. |
Les discussions entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X se poursuivent en vue d’une pleine réconciliation. Le point avec le secrétaire de la commission pontificale Ecclesia Dei, en charge du dossier au Vatican, par Jean-Marie Dumont de Famille Chrétienne.fr
Repères 2 juillet 2012 – Le cardinal Gerhard Ludwig Müller est nommé préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. |
Quel est l’état des relations entre Rome et la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie‑X ?
Afin de favoriser le dépassement de toute fracture et division dans l’Église, et de guérir une blessure ressentie de manière douloureuse dans la vie ecclésiale, Benoît XVI, en 2009, a décidé de lever l’excommunication des évêques qui avaient été ordonnés de manière illicite par Mgr Lefebvre en 1988. Par cette décision, le pape entendait retirer une sanction qui rendait difficile l’ouverture d’un dialogue constructif.
La remise de l’excommunication a été une mesure disciplinaire prise pour libérer les personnes de la censure ecclésiastique la plus grave. Mais les questions doctrinales demeurent et doivent être clarifiées. Tant qu’elles ne le sont pas, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) n’a pas de statut canonique dans l’Église et ses ministres n’exercent pas de manière légitime leur ministère ordonné, comme l’indique la Lettre de Benoît XVI aux évêques de l’Église catholique du 10 mars 2009 (1).
C’est précisément pour dépasser les difficultés de nature doctrinale qui subsistent encore que le Saint-Siège entretient des rapports et des discussions avec la FSSPX, par le biais de la commission pontificale Ecclesia Dei. Celle-ci est étroitement liée à la Congrégation pour la doctrine de la foi, puisque le président de la commission est le préfet de la Congrégation lui-même.
Ces relations et ces échanges se poursuivent depuis l’élection du pape François. Ils aident à clarifier les positions respectives sur les sujets controversés, pour éviter les incompréhensions et les malentendus, en maintenant vif l’espoir que les difficultés empêchant encore d’atteindre la pleine réconciliation et la pleine communion avec le Siège apostolique puissent être dépassées.
Quels sont les sujets de désaccord qui persistent ?
Les aspects controversés concernent d’une part l’estimation de la situation ecclésiale dans la période postérieure au concile Vatican II et des causes qui ont produit certains remous théologiques et pastoraux dans la période de l’après-concile et, plus généralement, dans le contexte de la modernité.
D’autre part, ils portent sur quelques points spécifiques relatifs à l’œcuménisme, au dialogue avec les religions du monde et à la question de la liberté religieuse.
Quelles sont les solutions juridiques qui pourraient être adoptées pour la FSSPX en cas d’accord ?
Dans le cas d’une réconciliation complète, le statut canonique proposé par le Saint-Siège est celui d’une prélature personnelle (2). Sur ce point, je crois qu’il n’y a pas de problème de la part de la FSSPX.
Les discussions entre Rome et la Fraternité ont-elles récemment repris, ou bien n’ont-elles jamais cessé ?
En réalité, elles n’ont jamais cessé. L’interruption provisoire des rencontres a simplement été due à la nomination d’un nouveau préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et à l’élection du nouveau souverain pontife en avril 2013. Le chemin du dialogue a donc repris à l’automne 2013 avec une série de rencontres informelles, jusqu’à l’entretien du 23 septembre dernier entre le cardinal Gerhard Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et le supérieur de la FSSPX, Mgr Bernard Fellay, entretien dont le communiqué de presse du Saint-Siège a rendu compte.
Est-il envisageable de dissocier accord juridique et discussion doctrinale ? De mettre en place une prélature personnelle, tout en poursuivant, sur le plus long terme, les discussions sur les points théologiques controversés ?
En cohérence avec le motu proprio Ecclesiae Unitatem de Benoît XVI (NDLR de LPL : 2 juillet 2009), la Congrégation pour la doctrine de la foi a toujours considéré que le dépassement des problèmes de nature doctrinale était la condition indispensable et nécessaire pour pouvoir procéder à la reconnaissance canonique de la Fraternité.
Je me permets cependant de préciser que le dépassement des difficultés d’ordre doctrinal ne signifie pas que les réserves ou les positions de la FSSPX sur certains aspects qui ne relèvent pas du domaine de la foi mais qui concernent des thèmes pastoraux ou d’enseignement prudentiel du Magistère doivent être nécessairement retirées ou annulées par la Fraternité. Le désir de poursuivre la discussion et l’approfondissement de tels sujets qui font difficulté à la FSSPX, en vue de précisions et de clarifications ultérieures, non seulement est toujours possible, mais – au moins à mon avis – souhaitable et à encourager. On ne lui demande par conséquent pas de renoncer à cette exigence qu’elle manifeste à l’égard d’un certain nombre de thèmes.
Quel est alors le point « non négociable » ?
Ce qui est essentiel, ce à quoi on ne peut pas renoncer, c’est l’adhésion à la Professio fidei (3) et au principe selon lequel c’est au seul magistère de l’Église qu’a été confiée par le Seigneur la faculté d’interpréter authentiquement, c’est-à-dire avec l’autorité du Christ, la parole de Dieu écrite et transmise. C’est la doctrine catholique, rappelée par le concile Vatican II (Dei Verbum, 10), mais déjà expressément enseignée par Pie XII dans l’encyclique Humani generis. Cela signifie que le Magistère, s’il n’est certes pas au-dessus de l’Écriture et de la Tradition, est néanmoins l’instance authentique qui juge des interprétations sur l’Écriture et la Tradition, de quelque part qu’elles émanent.
Par conséquent, s’il existe différents degrés d’autorité et d’adhésion des fidèles à ses enseignements – comme le déclare la constitution dogmatique Lumen gentium (25) du concile Vatican II –, nul ne peut se mettre au-dessus du Magistère. Je pense et j’espère vivement que dans ce cadre doctrinal que je viens d’évoquer, nous pourrons trouver le point de convergence et d’entente commune, car ce sujet précis est un point de doctrine appartenant à la foi catholique, et non à une légitime discussion théologique ou à des critères pastoraux.
Un point capital, mais en même temps clairement délimité…
Il n’est pas vrai de dire que le Saint-Siège entend imposer une capitulation à la FSSPX. Bien au contraire, il l’invite à se retrouver à ses côtés dans un même cadre de principes doctrinaux nécessaires pour garantir la même adhésion à la foi et à la doctrine catholique sur le Magistère et la Tradition, en laissant dans le même temps au champ de l’étude et de l’approfondissement les réserves qu’elle a soulevées sur certains aspects et formulations des documents du concile Vatican II, et sur certaines réformes dont il a été suivi, mais qui ne concernent pas des matières dogmatiques ou doctrinalement indiscutables.
Il n’y a aucun doute sur le fait que les enseignements de Vatican II ont un degré d’autorité et un caractère contraignant extrêmement variable en fonction des textes. Ainsi, par exemple, les constitutions Lumen gentium sur l’Église et Dei Verbum sur la Révélation divine ont le caractère d’une déclaration doctrinale, même s’il n’y a pas eu de définitions dogmatiques. Tandis que, pour leur part, les déclarations sur la liberté religieuse, sur les religions non chrétiennes, et le décret sur l’œcuménisme, ont un degré d’autorité et un caractère contraignant différents et inférieurs.
Pensez-vous que les discussions puissent désormais aboutir rapidement ?
Je ne pense pas qu’on puisse indiquer dès à présent une échéance précise pour la conclusion du chemin entrepris. L’engagement de notre part et, je suppose, de la part du supérieur de la FSSPX, consiste à procéder par étapes, sans raccourcis improvisés, mais aussi avec l’objectif clairement affiché de promouvoir l’unité dans la charité de l’Église universelle guidée par le successeur de Pierre. « Caritas urget nos ! » [« La charité nous presse ! »], comme le déclare saint Paul.
Entretien avec Mgr Guido Pozzo réalisé par Jean-Marie Dumont
Sources : Famille Chrétienne du 20 octobre 2014/
Notes
(1) Dans cette Lettre, Benoît XVI y expliquait le sens de son geste et s’étonnait de la levée de boucliers qu’il avait suscitée : « Parfois on a l’impression que notre société a besoin d’un groupe au moins, auquel ne réserver aucune tolérance ; contre lequel pouvoir tranquillement se lancer avec haine. Et si quelqu’un ose s’en rapprocher – dans le cas présent le pape –, il perd lui aussi le droit à la tolérance et peut lui aussi être traité avec haine sans crainte ni réserve ».
(2) Quel statut pour la Fraternité ? En cas d’accord avec Rome, la FSSPX pourrait obtenir le statut de prélature personnelle. Dans le droit de l’Église, il s’agit d’une création assez récente. La seule qui existe actuellement, très connue, est l’Opus Dei. Prévue par le Code de droit canon (§ 294 à 297), elle permet le regroupement de prêtres et de diacres sous la direction d’un prélat. Sa principale caractéristique est l’absence de lien à un territoire, contrairement à la plupart des diocèses : les prêtres de la prélature peuvent être répartis dans le monde entier. Les objectifs fixés par le droit canon pour la création de ces structures sont suffisamment vastes pour pouvoir être appliqués à des initiatives de nature variée : « promouvoir une répartition adaptée des prêtres », « accomplir des tâches pastorales ou missionnaires particulières en faveur de diverses régions ou divers groupes sociaux»… Le prélat a le droit d’ériger un séminaire, d’incardiner des séminaristes et de les appeler aux ordres. Les relations avec les évêques (mise à disposition de prêtres au service des diocèses, prises en charge de certaines activités au sein d’un diocèse) doivent être précisées dans les statuts ou dans le cadre d’accords bilatéraux. C’est ainsi qu’un prêtre relevant d’une prélature peut exercer son ministère dans un lieu de culte affecté spécifiquement à la prélature, ou se voir confier, en fonction des décisions du prélat et des accords avec les évêques, une église paroissiale.
(3) Il s’agit d’un texte d’une trentaine de lignes que doivent prononcer, à titre d’exemple, les nouveaux cardinaux ou évêques, les curés ou les professeurs de séminaires à leur entrée en fonction.