Abbé Loïc Duverger, Supérieur du District d’Afrique
Lorsqu’il fut ordonné jeune prêtre à Ecône (Suisse), le 29 juin 1986, en la fête des Saints Pierre et Paul, M. l’Abbé Schmidberger, alors Supérieur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, l’affecta au Gabon pour renforcer l’équipe qui s’était constituée autour des Pères Patrick Groche et Karl Stehlin. Rendu sur les terres gabonaises, il s’enhardit auprès de ses confrères et contribua à jeter les bases de la Mission Saint Pie X et à lui trouver une place dans l’espace spirituel gabonais, fortement occupé par les missions protestantes en effervescence !
Trois ans plus tard, il reçut une nouvelle affectation : le District de France.
Jusqu’en août dernier, il y exerçait des activités de Premier Assistant, gérant aussi avec autorité et savoir-faire l’ADEC, l’Association de la Défense de l’Ecole Catholique. Puis ce fut Johannesburg, en qualité de Supérieur du district d’Afrique, ce qui lui permet d’avoir la haute main sur les missions existantes, dont celle du Gabon, mais aussi d’en ouvrir d’autres sur le continent. Une gageure vue l’étendue de l’œuvre ! Mais une œuvre réalisable car aux âmes hardies il n’y a rien d’impossible ! Lui, c’est le Père Loïc Duverger. A l’occasion de son passage à Libreville, il a accepté de se livrer au Saint Pie, le bulletin paroissial. Voici la substance de cet entretien.
Bonjour Mon Père et merci de nous recevoir. Nous allons commencer cet entretien par cette question. Au moment où vous foulez le sol du Gabon, quels sentiments vous animent ?
Le retour sur le lieu de son premier apostolat est toujours émouvant et une foule de souvenirs remonte à la mémoire. Que de développements depuis le salon où j’ai chanté ma première messe au Gabon le 15 août 1986, 6 mois après l’arrivée du Père Groche. Vraiment le Bon Dieu bénit cette œuvre.
On sait que vous étiez parmi les fondateurs de la Mission Saint Pie X du Gabon, à la suite de vos confrères qui ont laissé des souvenirs indélébiles au Gabon, les Pères Patrick Groche et Karl Stehlin : quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?
Les plus beaux souvenirs furent les 4 heures de catéchisme données chaque mercredi et chaque samedi avec au milieu vers 16 H 00 la messe pour les enfants qui chantaient avec tant d’ardeur. Le Père Stehlin s’occupait des garçons et moi des filles. J’ai commencé dans la salle à manger avec 6 ou 7 filles. Trois ans après il y avait entre 350 et 400 enfants répartis à égalité entre garçons et filles. Le couronnement de ces longues heures était les belles cérémonies de baptêmes et de premières communions.
Le deuxième grand souvenir est l’aide apportée au Père Groche dans la construction de la chapelle. Il concevait et dirigeait les travaux, mais il montrait l’exemple en faisant lui-même, grimpant sur les échafaudages, soudant les poutres et les grilles, mettant en place toute l’électricité. C’étaient de longues journées de travaux manuels où j’ai beaucoup appris.
Racontez-nous comment se passait le sacerdoce à ce moment. Y avait-il les catéchismes ? La communion à distribuer aux malades et aux personnes âgées dans les quartiers de Libreville ?
Petit à petit, s’est développée à la Mission toute la vie d’une paroisse. J’ai parlé du catéchisme, mais très vite nous avons été appelés sur toute la ville (moins étendue à l’époque) pour apporter la communion et les sacrements, dans les quartiers et les hôpitaux.
Le premier malade que j’ai visité était un vieux qui avait fréquenté l’Islam sans vraiment y adhérer, il a fallu le préparer au baptême, le baptiser sur son lit de souffrance dans la pauvre chambre qu’il occupait au fond d’un quartier. Il est mort en bon chrétien tout jeune baptisé.
Il fallait s’occuper de la jeunesse, nous avons établi la Compagnie de l’Immaculée pour les filles alors que la Croisade eucharistique battait son plein pour les garçons. Le Père Karl s’occupait des enfants de choeur et de la chorale, que de sueur a‑t-il dépensé pour entraîner cette chorale autour de l’orgue. Sur la fin nous avons même essayé de monter une équipe de foot-ball, mais sans grand succès.
Et vos relations avec les Autorités officielles, autrement dit l’évêché ?
Les relations avec l’évêché étaient distantes, une fois j’ai accompagné le Père Groche chez Mgr Anguilet, qui ne nous aimait pas beaucoup, pour voir le nonce après les sacres de 1988. Les relations avec le clergé local étaient pour ainsi dire inexistantes. Il faut dire que tout notre temps était pris par la mission.
Après Libreville, ce fut la France. Comment avez-vous accueilli cette affectation ?
J’ai regretté de quitter la mission en pleine expansion. Mais la volonté du Bon Dieu se manifestait, je suis donc rentré en France en 1989, pour aller pendant quelques mois à l’école Saint-Joseph-des-Carmes dans le sud de la France d’où j’ai rejoint le prieuré Saint-François-Régis près de Saint-Etienne.
Tout au long de votre séjour en France, quelles furent vos activités ?
Du prieuré Saint-François-Régis j’ai desservi la chapelle d’Annecy et de Grenoble jusqu’en 1992, date à laquelle le prieuré de Grenoble a été ouvert. J’en suis devenu le prieur jusqu’en 1996, date à laquelle j’ai été nommé au prieuré Saint-François-Régis jusqu’en 1999.
L’abbé Laurençon, le supérieur de district, m’a alors appelé pour prendre la place d’économe du district de France, et à partir de 2003 je suis devenu l’assistant du supérieur du district.
A tout prendre, le sacerdoce fait en France, était-il préférable à celui du Gabon ?
Il n’y a pas de lieu préférable à un autre pour le prêtre qui doit être là où le Bon Dieu l’appelle. Partout il ya des âmes à sauver qui toutes ont été rachetées par le sang de Notre Seigneur sur la croix ; elles ont toutes une valeur infinie aux yeux de Dieu.
Depuis le mois d’août dernier, c’est le district d’Afrique dont vous êtes supérieur. Comment avez-vous appris cette nouvelle et comment avez-vous réagi ?
Mgr Fellay m’a appelé au téléphone dans ma voiture alors que j’allais visiter un terrain pour y implanter une future chapelle. A la joie de retrouver l’Afrique, une crainte certaine s’est rapidement mêlée devant l’ampleur et la difficulté de la tâche.
L’immensité de l’œuvre à entreprendre en Afrique, n’était-ce pas une source d’inquiétude ?
L’œuvre à accomplir, comme vous le dites, est immense et il y a si peu d’ouvriers. Le district regroupe 20 prêtres, 5 frères, et 5 religieuses. Comment faire face à toutes les demandes, comment faire le maximum sans épuiser les forces des confrères ? Partout des fidèles nous appellent, comment y répondre le mieux possible pour faire un apostolat fructueux et durable ? Il faut susciter des vocations en Afrique, les préparer, les former, les mener jusqu’au sacerdoce, ou aux vœux pour les frères et les religieuses. C’est le rôle principal de la Fraternité et c’est l’avenir du catholicisme en Afrique. La seule inquiétude que nous ayons est de voir tant d’âmes être la proie des sectes et des fausses religions et si peu de vocations pour s’opposer par la prédication du Christ Roi et la célébration de la vraie messe à ce flot d’erreurs qui perd les âmes.
Lors du mot de bienvenue qui vous a été dit le dimanche 25 à la sortie de la grand-messe, un certain nombre de projets, qui sont autant d’attentes de fidèles et de l’épiscopat, ont été portés à votre connaissance. Qu’en dites-vous ?
La construction du clocher est une excellente idée. Les fidèles devraient tous apporter leur contribution à ce beau projet pour le réaliser rapidement. Il faut que les cloches de « Saint Pie » sonnent haut et fort à travers toute la ville l’appel à la Messe et à la récitation de l’Angélus. Nous devons chercher à faire connaître toujours davantage la Mission.
Le projet du domaine Saint-Joseph d’Andem, qui a valu, comme vous l’avez dit, tant de peine, est cher à nos yeux. Il est destiné à la formation de la jeunesse d’où sortiront de nombreuses vocations. C’est un projet difficile mais indispensable et pour le faire aboutir il faut la prière et les sacrifices de tous les fidèles.
Pour terminer, nous allons oser une série de questions, mais d’ordre personnel. La première série de questions est constituée de celles-ci. Vous êtes prêtre depuis plus de vingt ans. Comment est née cette vocation ? Vos parents y ont-ils contribué ? L’école, a‑telle joué un rôle important ? Et la personne de Mgr Lefebvre ?
Il n’y a pas de doute, les familles chrétiennes sont les foyers privilégiés qui permettent l’éclosion des vocations. Par la grâce de Dieu mes parents profondément chrétiens ont toujours fait les sacrifices nécessaires pour éduquer leurs nombreux en-fants – onze – dans des écoles catholiques. Alors tout était réuni pour permettre au Bon Dieu de faire entendre un appel (nous sommes trois frères prêtres) : prière en famille, messe dominicale, enfant de choeur, pension catholique, etc. Une bonne formation doctrinale a permis à mes parents de résister dans la crise de l’Eglise et de garder la Tradition, alors tout naturel-lement ils ont suivi Mgr Lefebvre qu’ils avaient connu Sénégal (où je suis né) alors qu’il était archevêque de Dakar.
Lorsqu’il a fallu entrer au séminaire, le choix était vite fait, il n’y avait que le séminaire d’Ecône pour former de vrais prêtres et comment ne pas suivre Mgr Lefebvre le grand défenseur de la Foi, le sauveur du sacerdoce au XXe siècle !
La deuxième série se résume en une seule et je me fais, là, le porte-parole des fidèles : ils se sont étonnés de constater que vous, l’aîné, aviez tous vos cheveux, pendant que votre cadet, le Père Patrick Duverger, Directeur du Juvénat du Sacré Cœur, les a perdus depuis belle lurette.
Sans doute, mon cher frère a‑t-il eu plus de souci que moi, puisque l’on dit qu’ils font perdre les cheveux. Mais je préfère penser qu’il est une belle illustration de la parole de Notre Seigneur dans l’Evangile : « pas un cheveu de votre tête ne tombera sans la permission du Père céleste ».
Un mot pour conclure, Mon Père.
Merci de l’accueil que vous m’avez réservé. Je salue tous ceux que je n’ai pas encore pu saluer et espère revoir à la mission tous ceux et celles qui l’ont un jour fréquentée mais l’ont maintenant abandonnée. Surtout qu’il ne se laisse pas prendre par les sectes, le modernisme, ou même l’indifférentisme qui mène à la perte de la Foi. Or « sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu ».
Entretien extrait du Saint Pie n° 193 de février 2011