Apôtre de la Charité (1581–1660)
Fête le 19 juillet.
Quand Dieu fit le cœur de l’homme, il y mit la bonté, dit Bossuet. En nul autre homme, peut-être, cette grande vérité n’a eu une aussi resplendissante manifestation qu’en Vincent de Paul, dont le nom personnifie le dévouement et la charité. Ce grand homme et ce grand Saint est l’honneur de son pays et l’une des gloires les plus incontestées de l’Eglise catholique.
C’est à Pouy, petit village des Landes, près de Dax, que naquit saint Vincent de Paul, le 24 avril 1581. Comme l’innocent Abel, comme David, il garda pendant son enfance les troupeaux de son père. Il avait vraiment « reçu du ciel une âme bonne, et la miséricorde croissait en lui », ainsi que parlent nos Saints Livres. Tout jeune enfant, lorsqu’il revenait du moulin, rapportant la farine à la maison paternelle, il en donnait des poignées aux pauvres qui lui en demandaient. « De quoi, ajoute l’historien de sa vie, son père, qui était homme de bien, témoigna n’être pas fâché. » Voici un autre trait. A l’âge de douze ou treize ans, ayant amassé peu à peu jusqu’à trente sous de ce qu’il avait pu gagner, ce qu’il estimait beaucoup en cet âge et en ce pays où l’argent était rare, et ayant un jour trouvé un pauvre qui lui paraissait dans une grande indigence, touché de compassion, il lui donna tout son trésor. C’étaient en cet enfant de bénédiction les premiers signes de la grande charité qui devait se répandre sur le monde. De si heureuses dispositions inclinèrent son père à faire, suivant sa modique fortune, quelques sacrifices pour l’appliquer aux études en vue du sacerdoce. Le jeune enfant étudia d’abord au collège de Dax ; plus tard, une paire de bœufs fut vendue pour l’aider à continuer à l’Université de Toulouse, où il prit ses grades en théologie.
Esclave à Tunis.
Vincent de Paul avait été ordonné prêtre à Château‑l’Evêque, près de Périgueux, le 13 septembre 1600. Il n’avait que 19 ans, les décrets du Concile de Trente n’étant pas encore reçus en France. Or, il arriva qu’en 1605, ayant à revenir par mer de Marseille, il tomba en captivité et fut emmené par les pirates à Tunis. Lui-même en a fait le récit.
Trois brigantins turcs, dit-il, qui côtoyaient le golfe du Lion pour s’emparer des barques qui venaient de Beaucaire, où il y avait une foire que l’on estime être des plus belles de la chrétienté, nous attaquèrent si vivement, que deux ou trois des nôtres étant tués, et tout le reste blessé, et même moi ayant eu un coup de flèche qui me servira d’horloge tout le reste de ma vie, nous fûmes contraints de nous rendre à ces félons. Les premiers éclats de leur rage furent de hacher notre pilote en mille pièces ; cela fait, ils nous enchaînèrent, et, après nous avoir grossièrement pansés, ils prirent la route de Barbarie, où, étant arrivés, ils nous exposèrent en vente.
Vincent de Paul fut vendu d’abord à un pêcheur, puis à un médecin, enfin à un renégat qui l’employa au travail des champs. L’une des femmes de ce renégat était Turque.
Curieuse qu’elle était, raconte Vincent de Paul, de savoir notre façon de vivre, elle me venait voir aux champs et me posait des questions. Un jour, elle me commanda de chanter les louanges de mon Dieu. Le ressouvenir du Quomado cantabimus in terra aliena [1] des enfants d’Israël captifs en Babylone me fit commencer, les larmes aux yeux, le psaume Super flumina Babylonis [2], et puis le Salve Regina, et plusieurs autres choses, en quoi elle prenait tant de plaisir que c’était merveille. Elle ne manqua pas de dire à son mari, le soir, qu’il avait eu tort de quitter sa religion, qu’elle estimait extrêmement bonne, pour un récit que je lui avais fait de notre Dieu et quelques louanges que j’avais chantées en sa présence.
Celui-ci, touché à son tour, s’embarqua sur un léger esquif pour fuir cette terre infidèle avec son esclave Vincent. Ils abordèrent à Aigues-Mortes et le renégat fit son abjuration entre les mains du vice-légat du Pape, à Avignon, à la grande joie de Vincent de Paul.
Saint Vincent de Paul curé.
La Providence poussa l’apôtre à Paris, centre de toutes les misères et de toutes les ressources, à la fin de l’année 1608. Il avait le titre d’aumônier de la reine Marguerite de France et il visitait les hôpitaux. Désormais sa vie ne sera plus qu’un acte sublime de charité au service des pauvres.
Dieu donna à Vincent de Paul de servir les pauvres dans toutes les conditions où on peut les rencontrer. Ce fut d’abord comme curé d’humbles paroisses : à Clichy, dans la banlieue de Paris, et à Châtillon-les-Dombes, alors au diocèse de Lyon.
En peu d’années, tant la main de Dieu était visiblement avec lui, Vincent avait renouvelé la population de Clichy dans la religion, rebâti l’église, institué des confréries, posé les bases d’une école ecclésiastique : il avait surtout gagné tous les cœurs.
A Châtillon, dont il accepta d’être curé en 1617 par déférence pour les prières de M. de Bérulle, son directeur, il ne mit que cinq mois pour réaliser les merveilles qu’il avait accomplies à Clichy : il amena à une vie exemplaire les prêtres qui vivaient en cette localité ; il convertit les hérétiques ; et c’est là qu’il fonda les premières associations de charité, qui produisent encore de si grands biens.
La Confrérie et les Dames de Charité.
Un dimanche du mois d’août, quelques jours après son arrivée dans la paroisse, Vincent recommanda au prône une famille malade en une ferme voisine de Châtillon.
La parole de l’homme de Dieu eut sa bénédiction ordinaire, et le sermon terminé, presque tous les auditeurs prirent le chemin de la ferme, les mains pleines de toute sorte de secours. Après Vêpres, il prit la même direction et fut agréablement surpris de voir les groupes qui revenaient à Châtillon ou cherchaient sous les arbres de la route un abri contre une excessive chaleur.
— Voilà, s’écria-t-il, une grande charité, mais elle est mal réglée. Ces pauvres malades, pourvus de trop de provisions à la fois, en laisseront une partie se gâter et se perdre, et ils retomberont ensuite dans leur première nécessité.
Dès lors, avec l’esprit d’ordre et de méthode qu’il portait en tout, il fit un règlement pour les femmes pieuses et charitables de Châtillon : les confréries de charité et les associations des Dames de Charité étaient fondées. En d’autres localités de diverses régions, telles que Folleville, Courboin, Joigny, Mâcon, Montreuil-sous-Bois, les hommes se réunirent sous sa direction et il leur donna un règlement analogue et un programme : ainsi feront plus tard les Conférences de Saint-Vincent de Paul.
On a un règlement écrit de sa main pour l’organisation d’une manufacture chrétienne, sur la manière de pourvoir aux nécessités des pauvres et de leur faire gagner leur vie, avec les devoirs du maître ouvrier, de l’apprenti, et l’emploi chrétien de la journée ; c’est l’assistance par le travail et les patronages. Tant il est vrai qu’il n’y a pas une œuvre de charité qui n’ait été devinée par le cœur et organisée par la main prévoyante et bienfaisante de Vincent de Paul !
Chez les Gondi et sur les galères.
Sa charité était universelle. M. de Bérulle fit encore appel à son dévouement pour servir Dieu auprès des grands, et il l’introduisit dans la famille de Gondi qui donnait alors des serviteurs à l’Etat et des chefs à l’Eglise de Paris. Vincent fut bientôt comme l’âme de la maison. Mme de Gondi ne pouvait plus se passer de lui pour la direction de sa conscience et l’accomplissement de ses bonnes œuvres. La vertu du saint prêtre lui donnait aussi un grand empire sur M. de Gondi.
Celui-ci était l’administrateur général des galères de France. Vincent en profita pour obtenir de visiter ses prisonniers. Il se mit à évangéliser les bagnes : il procura l’amélioration de la condition matérielle des forçats dans leurs prisons et sur les galères ; il allait essuyer leurs larmes, leur porter les consolations de la religion et adoucir leur douleur. Louis XIII lui donna le titre qui lui était très cher, parce qu’il lui permettait de faire beaucoup de bien : celui d’aumônier général des galères de France.
Les missions dans les campagnes.
« Les pauvres sont évangélisés », avait dit Notre-Seigneur. Ce fut peut-être la parole de l’Evangile la plus chère au cœur de Vincent de Paul. Pour évangéliser les pauvres, il fonda une communauté de missionnaires. Voici à quelle occasion. Vers le commencement de l’année 1617, il se trouvait avec M. de Gondi au château de Folleville, dans le diocèse d’Amiens, lorsqu’on l’appela à un village voisin, Gannes, pour confesser un paysan qui se mourait. Celui-ci passait pour un homme de bien, mais une fausse honte lui faisait cacher depuis longtemps quelques fautes en confession. Vincent fît faire au mourant une confession générale qui lui rendit une telle paix qu’il ne cessait d’en bénir Dieu publiquement pendant les quelques jours qu’il vécut encore : « Ah ! Madame, dit-il à Mme de Gondi devant tous les gens du village, j’étais damné, si je n’eusse fait une confession générale à cause de plusieurs gros péchés dont je n’avais pas osé me confesser. » La pieuse comtesse, touchée et effrayée par cet exemple, pressa alors Vincent d’évangéliser les campagnes environnantes. L’homme de Dieu n’avait pas de plus ardent désir. Autour de lui se groupèrent d’autres prêtres zélés qui se dévouèrent à cette œuvre et s’engagèrent par vœu, sous la conduite de Vincent, à travailler toute leur vie au salut des pauvres gens des champs : ce fut le début de la Congrégation de la Mission. L’une des œuvres apostoliques les plus importantes de Vincent était ainsi fondée ; elle donne encore aujourd’hui des fruits abondants. Vincent travailla toute sa vie à évangéliser les campagnes ; à soixante-quinze ans il allait encore dans les missions. « Lorsque je rentre à Paris, disait-il, en pensant aux pauvres qui restent à évangéliser, il me semble que les murailles de la ville vont tomber sur moi pour m’écraser. »
Pour maintenir le fruit des missions, il fallait évidemment établir dans les villages de bons curés. La réforme ecclésiastique s’imposait donc. Les retraites des ordinands, les Séminaires, les réunions hebdomadaires, dont nous reparlerons, furent les moyens qu’il employa pour régénérer le clergé.
Saint-Lazare et les œuvres de charité dans Paris.
Les œuvres de charité se multipliaient sous la main de Vincent et sa réputation s’étendait. Le roi Louis XIII mourant, en 1643, fit appeler l’homme de Dieu pour se préparer à paraître devant son souverain Juge. Vincent habita tout d’abord avec sa communauté au collège des Bons-Enfants. Près de l’église Saint-Laurent était une vaste maison où résidaient des chanoines dont la communauté s’éteignait ; leur prieur, ayant été témoin du bien entrepris par Vincent, de la modestie et du zèle de ses disciples, leur offrit sa maison ; de là, la nouvelle Congrégation reçut la dénomination populaire de Lazaristes, et Saint-Lazare, par la présence de Vincent de Paul, devint le foyer de la charité matérielle et spirituelle dans Paris.
C’est de Saint-Lazare que l’homme de Dieu organisa l’œuvre des Enfants-Trouvés. Les nouveau-nés, dont les mères ne voulaient pas, étaient abandonnés dans les rues, déposés dans les églises ou placés sur des « tours ». On les portait de là, par ordre de la police, dans une maison qui s’appelait la Couche, où, faute de nourriture et de soins, presque tous mouraient. Avec l’aide des Dames de la Charité, Vincent prit ces petites créatures à sa charge et réussit à les arracher presque toutes à la mort ; il s’en occupait jusqu’au jour où elles étaient en âge de gagner leur vie par le travail. Cette œuvre rendit son nom légendaire dans les annales de la charité. C’est de Saint-Lazare encore qu’il créa au faubourg Saint-Martin l’hôpital du Nom de Jésus, qu’on a regardé comme l’idéal de l’hospice chrétien ; c’est de là qu’il organisa l’Hôpital général de Paris, destiné à recueillir l’innombrable armée de mendiants qui était une des plaies de la grande capitale. Et à la porte de Saint-Lazare, pendant ce temps, Vincent multipliait aussi les aumônes. L’homme de Dieu prodiguait en même temps autour de lui les secours spirituels. Des foules véritables de laïques, de prêtres, de soldats, venaient à Saint- Lazare faire les exercices de la retraite spirituelle. Le clergé de Paris s’y réunissait pour les conférences dites du mardi présidées par Vincent et dans lesquelles on s’entretenait sur des sujets de science et de vertu. Bossuet, qui en avait fait partie, écrivait à ce sujet au Souverain Pontife : « En y entendant les paroles de ce saint prêtre, il nous semblait entendre comme des paroles de Dieu » ; c’est de là aussi que Vincent, toujours intimement uni à la chaire de Pierre, organisait la lutte contre le jansénisme.
Saint Vincent de Paul nourrit des provinces entières.
Dès 1639, pendant la dernière période de la guerre de Trente Ans, Vincent avait fait des prodiges pour secourir la Lorraine ravagée par la guerre. Il n’y avait plus ni récoltes ni semailles dans ces campagnes toujours foulées par les soldats ; on vit les horreurs de la famine et jusqu’à des repas abominables de chair humaine. Epuisée par cinq armées qu’elle entretenait alors, la France n’avait plus rien à consacrer aux malheureux. Un homme se leva, et son cœur miséricordieux osa rêver de soulager des provinces tout entières : c’était encore Vincent de Paul.
Il quêta à la Cour, il organisa la charité et envoya les prêtres et les frères de sa communauté porter à ces malheureuses provinces le pain matériel et les secours religieux. La peste se mêlant à la famine, il faisait ensevelir les morts, puis distribuer aux paysans du pain et des semences. Il soulageait les seigneurs et les nobles aussi bien que les paysans ; il procurait aux prêtres des ornements pour leurs églises ruinées ; il recueillait les religieuses chassées de leurs couvents par la guerre et la misère.
En Lorraine, en Champagne, en Picardie et dans d’autres provinces, pendant vingt-cinq années, on s’habitua à regarder Vincent de Paul comme la Providence incarnée. Il renouvela les mêmes prodiges dans la capitale, pendant les troubles de la Fronde. Après avoir épuisé la bourse de Saint-Lazare, il quêtait et faisait quêter. Ce fils d’un pauvre laboureur a pu distribuer, dans le cours de sa vie, des aumônes dont le total a dû dépasser 1 200 000 louis d’or, plus de 12 millions de livres ! Voilà comment il mérita le nom que lui donnèrent plusieurs villes reconnaissantes, de « sauveur de la patrie » !
Les missions lointaines.
« Dieu, disait Salomon, m’a donné un cœur dont l’amour est vaste comme les plages de la mer. » Vincent de Paul, dont le zèle ne connut aucune barrière, pourrait en dire autant, et il envoya ses missionnaires aux Hébrides, en Pologne et même en Barbarie, soigner les chrétiens que les Turcs tenaient captifs dans les bagnes d’Alger et de Tunis.
Il rêvait déjà la conquête de l’Algérie par la France chrétienne, et il pressait Richelieu, puis Louis XIV, de l’entreprendre. En attendant, il accepta pour ses missionnaires les titres de consuls et de préfets apostoliques à Tunis et à Alger, qui lui donnaient le moyen de secourir les pauvres esclaves. Les bagnes furent d’abord évangélisés en secret, puis on y dit la messe et on y célébra les solennités. A la Fête-Dieu, l’Hostie sainte y était portée en procession, escortée par ces captifs qui, à leur manière, faisaient à Jésus-Christ, de leurs liens et de leurs haillons, un splendide triomphe. Les missionnaires envoyés par Vincent étaient parfois jetés eux-mêmes dans les fers ou mouraient de la peste, en évangélisant les bagnes : il ne se lassait pas de remplacer par de nouveaux prêtres ceux qui succombaient.
Vincent ne fut pas moins empressé à pourvoir d’ouvriers évangéliques la grande île de Madagascar, où la France venait de planter son drapeau. Autant il envoyait d’apôtres, autant il en mourait, emportés par le travail et l’intempérie du climat. Il pleurait ses enfants, mais « bienheureux, disait-il, sont ceux qui consomment leur vie pour le service de Jésus-Christ ; la mort qui nous surprend les armes à la main est la plus enviable et la plus désirable ». Il remplaçait ceux qui mouraient en disant : « Les marchands laissent-ils d’aller sur mer et les soldats à la guerre, à cause des plaies et de la mort à laquelle ils s’exposent ? » Au terme de son existence, il rêvait d’envoyer des missionnaires en Chine, à Babylone, au Maroc.
Les Filles de la Charité.
Le chef‑d’œuvre de Vincent de Paul fut peut-être la création de la Compagnie des Filles de la Charité. De concert avec une femme d’une rare intelligence et d’une foi éminente, Louise de Marillac, veuve Le Gras, que l’Eglise devait béatifier le 9 mai 1920, il créa cette œuvre avec une audace que le génie de la charité lui inspira. Jusqu’alors, en effet, les personnes consacrées à Dieu vivaient protégeant leur vertu dans les cloîtres. Vincent osa lancer ses filles au milieu du monde, comptant sur leur dévouement pour assurer la sauvegarde de leur angélique chasteté. Il écrivit dans leurs Règles ces paroles admirables : « Elles n’auront point d’autres monastères que les maisons des pauvres ; point d’autres cloîtres que les rues des villes et les salles des hôpitaux ; point d’autre clôture que l’obéissance, ni d’autre voile que la sainte modestie. » Aussitôt à l’œuvre, les Filles de saint Vincent, penchées sur le berceau des enfants trouvés ou sur le lit des mourants, envoyées par leur bienheureux Père lui-même sur les champs de bataille, au siège de Calais et parmi les pestiférés, provoquèrent un cri d’admiration, qui n’a cessé de retentir dans l’Eglise catholique. Ces humbles filles proclamaient de leur côté leur bonheur de servir les pauvres que Vincent leur avait appris à regarder comme leurs seigneurs et leurs maîtres. Une d’elles mourait et Vincent l’assistait. « N’y a‑t-il rien qui vous fasse de la peine ? dit-il. — Rien, mon Père, répondit-elle, sinon, peut-être, que j’ai eu trop de plaisir au service des pauvres quand on m’appelait près d’eux ; je ne marchais pas, je volais, tant j’étais heureuse de les servir ! — Mourez en paix, ma fille », répliqua l’homme de Dieu, ému et consolé de tant de simplicité et de tant de charité. Les Filles de saint Vincent de Paul sont aujourd’hui sous tous les climats du monde, au milieu des nations catholiques et chez les peuplades infidèles.
La journée de saint Vincent de Paul. — Sa mort.
Le secret de tant de merveilles que nous n’avons pas même énumérées était dans l’amour de Dieu, amour pratique qui brûlait au cœur de saint Vincent de Paul. « Aimons Dieu, Messieurs et mes Frères, disait-il aux membres de sa communauté, et aimons-le aux dépens de nos bras et à la sueur de notre front. » De fait, l’homme de Dieu, jusqu’à sa mort — et il mourut âgé de quatre-vingts ans — se levait chaque matin à 4 heures. Souvent, au lever, une discipline sanglante meurtrissait ses épaules. Les premières heures du jour étaient pour la prière et la méditation, qu’il faisait à genoux, avec les siens, dans la chapelle de la maison de Saint-Lazare. Il célébrait alors la messe avec une foi qui ravissait les assistants : « Oh ! que ce prêtre dit bien la messe ! » s’écriait un jour un des témoins de tant de ferveur. Il eut là des visions du ciel : un jour qu’il célébrait, il vit l’âme de sainte Chantal mourante (1641) ; cette âme montait au ciel et celle de saint François de Sales venait l’accueillir (1622) ; et ces deux âmes allaient se perdre en Dieu. Après la messe, commençait le travail de journées qui étaient sans repos ni trêve. Traitant avec les rois et les princes comme avec les mendiants, Vincent resta l’homme de sa vertu favorite, l’humilité ! Il disait aussi dans son zèle « qu’un prêtre doit toujours avoir plus de travail qu’il n’en peut faire ». Il joignait au travail une pénitence incessante ; et on entendit cet infatigable ouvrier de l’Evangile se dire, dans son humilité, en entrant au réfectoire : « Malheureux, as-tu gagné le pain que tu vas manger ? » Sa journée se prolongeait bien avant dans la nuit, et, chaque soir, il se mettait devant Dieu et se préparait à mourir.
Dieu l’appela enfin le 27 septembre 1660 à recevoir la récompense.
Benoît XIII le béatifia le 13 août 1729 et la cérémonie eut lieu le 21 ; Clément XII le canonisa le 16 juin 1737. Ses reliques reposent en l’église des Lazaristes, 95, rue de Sèvres, à Paris ; Léon XIII l’a proclamé en 1885 le Patron des œuvres de charité.
A. P. C.
Sources consultées. — Pierre Coste, Saint Vincent de Paul, Correspondance, Entretiens, Documents, 1919–1925. — Emmanuel de Broglie, Saint Vincent de Paul, 1903 (Collection Les Saints). — (V. S. B. P., nos 24, 27, 792, 906, 1220, 1272, 1324.)