Frère Mineur (1676–1751).
Fête le 26 novembre.
Le grand missionnaire franciscain dont les prédications eurent une influence profonde en Italie, dans la première moitié du xviiie siècle, mérita cet éloge de la part de l’évêque de San Severino, Mgr Pieragostini : « Le prédicateur Léonard est un lion (en latin leo), dont la bouche apporte le salut ; un nard précieux réjouissant toute l’Eglise par l’odeur de ses vertus. » Sous cette forme un peu maniérée, le prélat exprimait une double vérité : saint Léonard eut tout le zèle de l’apôtre et toutes les vertus du saint.
L’enfance.
Il naquit le 20 décembre 1676 à Porto-Maurizio ou Port-Maurice, en Italie, diocèse d’Albenga, au rivage de la Méditerranée. La ville, située à une soixantaine de kilomètres de Nice, dépendait de la République de Gênes. Porté le jour même sur les fonts baptismaux, il y reçut les prénoms de Paul-Jérôme. Son père, Dominique Casanova, capitaine au cabotage, alliait une foi solide à une vertu sévère.
Le petit Paul perdit sa mère dès l’âge de deux ans. Mais sa première éducation n’eut pas à en souffrir, grâce d’abord à ses grands-parents, puis à Marie Riolfo, que son père épousa en secondes noces. L’orphelin avait six ans quand cette femme le prit sous sa tutelle comme une mère. Des quatre enfants qui naquirent de ce second mariage, deux s’enrôleront avec leur aîné dans la milice de saint François d’Assise, et une fille entrera chez les Dominicaines : seul, le quatrième restera dans le siècle.
De bonne heure, les qualités de Paul s’imposèrent à ses parents. Et, signe de prédestination, sa piété s’épanouissait surtout dans la dévotion à la Sainte Vierge. Il prenait plaisir à égrener le rosaire et à prier au sanctuaire de Notre-Dame des Plaines pour conjurer le fléau des tremblements de terre.
Envoyé à l’école publique de Porto-Maurizio, il y obtint de brillants et rapides succès. Aussi ses parents furent-ils d’avis de mettre à profit l’affectueuse hospitalité d’Augustin Casanova, son oncle paternel, richement établi à Rome, pour lui permettre de poursuivre ses éludes.
L’étudiant.
C’est à l’âge de quatorze ans que le jeune homme vint à Rome fréquenter les Universités. Son caractère ouvert, aimable et pondéré et sa belle intelligence lui gagnèrent vile l’estime et l’affection de ses maîtres. Dans ce milieu ardent d’étudiants de toutes nations et de toutes langues, où le mal les sollicitait sous plus d’une forme, il demeura toujours humble et modeste, ami de la discipline, empressé au travail, ne discourant jamais que sur les sciences et sur Dieu : nous en avons le témoignage de son ami Pierre Miré : avec lui, aux jours de congé, les promenades débutaient par le rosaire.
Membre de la Congrégation des Douze-Apôtres, entre autres, que dirigeaient les Jésuites, il dut se livrer à certaines formes de l’apostolat laïque qui y était de règle, faire par exemple le catéchisme aux enfants, racoler les ignorants et les désoeuvrés pour les conduire dans les églises entendre la parole de Dieu : c’était un bon moyen de préservation personnelle, il l’a reconnu. Par ailleurs, il faisait ses délices des œuvres de saint François de Sales, et plus spécialement de l’Introduction à la Vie dévote.
La vocation.
Graduellement la pensée de se vouer au service de Dieu et de ne vivre que pour lui avait pris possession de son être. Quel vif émoi lorsqu’il s’en ouvrit à son directeur, le P. Grifonnelli, après une confession générale où il pleura abondamment, sous l’explosion d’un indicible bonheur ! Toutefois il n’avait pas arrêté son choix, et il se demandait sous quel habit et sous quelle règle il réaliserait son rêve, lorsqu’un jour il voit passer dans la rue deux religieux à la tête rasée, les pieds nus, modestes et recueillis. Il marcha à leur suite jusqu’au couvent de Saint-Bonaventure, occupé par les Franciscains de la Stricte Observance, et entra dans la chapelle au moment où les religieux entonnaient le Converte nos, Deus, salutaris noster, des Compiles : « Convertissez-nous, ô Dieu, notre salut. » Ces mots provoquèrent comme un coup de foudre ; là serait pour le pieux étudiant le lieu du repos.
Confirmé dans sa décision par son directeur et les savants théologiens à qui il s’adressa, Paul Casanova avait à mettre au courant de sa décision l’oncle qui l’abritait depuis des années sous le toit familial. Quelle épreuve l’attendait là ! Son parent commença par se récrier, par faire des représentations ; puis, voyant qu’il se heurtait à une résolution irréductible, il chassa bruyamment le jeune homme de sa demeure.
En proie au plus profond chagrin, le malheureux Paul s’en va frapper à la porte de ses cousins, Léonard Pongetti et sa femme, respectivement gendre et fille d’Augustin Casanova : tous deux l’accueillent avec bonté et empressement. Leur hôte en est tellement réconforté qu’au jour prochain où il revêtira la bure franciscaine, il voudra, en signe de gratitude, prendre le nom de son cousin, et c’est sous ce nom de Léonard, accolé au nom de sa ville natale, qu’il entrera dans l’histoire.
Quant à Dominique Casanova, il ne put s’empêcher d’éclater en sanglots en apprenant la détermination de son enfant ; mais bientôt il se rendit à l’église, tenant en main la lettre de celui-ci, et c’est au pied du tabernacle qu’il voulut consommer son sacrifice. « Va, écrivit-il à Paul, et obéis à la voix de Dieu. »
Et peu après, l’étudiant remerciait son cousin Léonard Pongetti, disait adieu au P. Grifonnelli, son directeur, et, s’arrachant aux embrassements de Pierre Miré, il fuyait le siècle et courait s’enfoncer dans la solitude du noviciat de Ponticelli en Sabine, maison de récollection approuvée par un décret pontifical du 30 août 1662.
Le postulant arrivait dans l’heureux asile au cours de septembre 1697 et y revêtait les livrées de saint François le 2 octobre suivant. Pendant un an, il allait s’appliquer avec ardeur à acquérir les vertus de son état et à imprimer à son âme le caractère de sa famille religieuse, la touche séraphique. Il fit profession le 2 octobre 1698.
Avec le religieux, il fallait former l’homme apostolique. C’est l’œuvre propre du scolasticat, où Léonard passa six ans, dans l’étude assidue de ces grands maîtres que sont saint Bonaventure, le bienheureux Jean Duns Scot et saint Thomas d’Aquin, s’imposant à ses Frères comme un modèle dans la poursuite de la sainteté et dans l’étude des sciences sacrées, déjà entouré d’un prestige qui lui permettait d’exercer un véritable apostolat sur ses pairs.
Vers la fin du scolasticat, il faillit, selon son désir, être désigné pour les missions de Chine ; mais la Providence en avait décidé autrement, et il préluda à ses travaux de grand missionnaire de l’Italie lorsqu’il n’était encore que diacre, en prêchant le Carême aux trois cents jeunes filles de l’asile de Saint-Jean de Latran.
Enfin, Léonard est prêtre en 1703, et il monte à l’autel ayant présent à son esprit saint François de Sales, en qui il voit le modèle du prêtre qui célèbre les saints mystères.
Les supérieurs de Léonard pensèrent à faire du brillant étudiant un professeur : la chose était naturelle. Il fut donc chargé du cours de philosophie au couvent de Saint-Bonaventure. Le jeune maître y réussissait à merveille quand un mal redoutable vint mettre ses jours en péril : la phtisie. Il dut abandonner sa chaire et chercher la guérison dans un repos complet et un changement d’air. Mais en vain traîna-t-il son pauvre corps de Rome à Naples, puis de Naples à Port-Maurice : le mal poursuivait sa marche implacable, quand, tout à coup, après une prière fervente et un vœu adressé à Marie, il disparut mystérieusement. Le jeune religieux était guéri ; il va devenir l’un des plus merveilleux missionnaires.
Le missionnaire.
Saint Alphonse de Liguori, son contemporain, l’appelle, en effet, « le grand missionnaire de notre siècle ». Léonard a consacré quarante ans de sa vie aux travaux de l’apostolat, et prêché plus de trois cents missions. Ce fut un travailleur acharné, dépensant ses forces jusqu’au bout.
Il ne redoutait ni ne dédaignait aucun auditoire. Des Papes, des cardinaux, des évêques, des religieux, des professeurs d’Universités et leurs élèves, des officiers et leurs hommes de troupe, des filles perdues, des pauvres sont venus autour de sa chaire, l’écoutant avec une égale avidité. Il est allé aux prisonniers, aux forçats, aux malades. Il a prêché dans les plus grandes villes : Rome, Florence, Gênes, et c’est un modeste village qui a eu les derniers efforts de sa voix. De véritables foules évaluées à quinze mille, vingt mille, et même trente mille personnes sont venues l’entendre, et recevoir la bénédiction papale qu’il donnait aux cérémonies de clôture.
C’est à peine si, çà et là, quelques éléments épars ou en bloc ont résisté aux appels de son zèle. Et il a vaincu dans les circonstances les plus difficiles, et là même où la prudence humaine semblait l’inviter à ne rien tenter.
Le carnaval à Gaëte et à Livourne.
Le missionnaire arrive à Gaëte, dans le royaume de Naples, à l’approche des réjouissances du carnaval. Gaëte est une ville de garnison, et on y compte cent cinquante officiers et cinq mille hommes de troupe. Des musiciens ont été appelés tout exprès de Naples pour assurer l’éclat des fêtes projetées. Et on murmure contre le missionnaire qui vient contrecarrer les plans établis. Plein de mesure et de modération, il s’en défend et se contente de prier qu’on veuille bien venir à la mission. On l’écoute de fait, et l’on est pris comme au piège, et les réjouissances échouent faute d’amateurs. Quand les officiers veulent donner leur première soirée, c’est à peine s’il s’y présente quelques dames, et on observe plaisamment que ce sont des plus âgées. Les officiers n’ont qu’à « battre en retraite » ; ils seront à la mission les assistants les plus assidus.
A Livourne, dans le duché de Toscane, c’est un succès analogue et dans des circonstances peut-être plus difficiles encore. Ville neuve, ramassis de gens de nationalités diverses dominé par l’élément juif, Livourne est une sentine de vices. Léonard y arrive pareillement à la veille des dissipations du carnaval. Et tandis qu’on se demande dans son entourage s’il ne serait pas sage de différer la mission, l’apôtre en fait 1’ouverture sur la place publique. Aussitôt les passions se taisent, les préparatifs du carnaval sont abandonnés, les théâtres fermés, et la mascarade remplacée par une procession de pénitence.
La mission de Corse.
Gênes domine mal cette île qui relève alors de sa puissance, et qui, profitant des guerres du continent, songe à secouer le joug sans savoir toutefois à qui se donner. L’incendie, le vol, l’assassinat, les rivalités mortelles de familles, les batailles rangées de factions adverses y portent au comble la désolation et la ruine, à ce point que des villages ont juré de s’entr’égorger jusqu’au dernier homme. Qui donc pourra faire luire un rayon de paix et de fraternité sur ce malheureux pays ? La République de Gênes fait appel à Léonard, qui est un orateur puissant, qu’on sait un ardent patriote, et chez qui on pressent un homme d’Etat ; le Souverain Pontife approuve et encourage. Le missionnaire partit pour l’île en 1744.
Il prêcha, comme toujours, avec flamme et multiplia les exercices de mission. Spectacle nouveau, les hommes venaient souvent l’entendre tout armés. Mais ce n’était pas, comme cela s’est vu, pour se réconforter au pied des autels avant d’engager le combat contre l’ennemi du dehors qui s’attaque à la patrie : ils étaient prêts à une lutte fratricide entre eux-mêmes. Or, dans ces circonstances, il y eut des pardons héroïques, des réconciliations émouvantes : des mères et des veuves pardonnaient au meurtrier d’un fils ou d’un mari.
Mais le missionnaire ne se contenta pas de prêcher : il pria. De plus, il recourut aux tracts, aux conversations particulières, il montra à ce peuple son amour en se dévouant, employant tous les moyens qu’inspirait la prudence humaine, établissant dans chaque commune quatre magistrats dont le rôle était de régler les différends, et faisant dresser, par-devant notaire, l’engagement de renoncer aux vengeances privées. Entre temps, il suggère au pouvoir central l’attitude et les mesures capables de ramener la paix dans l’île. Il conseille l’amnistie pour ceux qui rallieront le drapeau génois. Certes, cet homme d’Eglise a un sens profond du gouvernement des hommes et des choses de l’Etat.
Les affaires avaient pris bonne tournure quand, hélas ! s’étant blessé dans une chute, le missionnaire fut obligé de reprendre le chemin de Gênes pour y recevoir des soins indispensables.
L’une de ses plus belles conquêtes en Corse avait été la conversion d’un brigand redoutable qu’on appelait « le loup » ; il en fît une pacifique brebis du bon Dieu.
Le saint.
Le secret des succès missionnaires de Léonard ne fut pas dans le mérite littéraire de ses discours. Certes, il avait les dons de l’orateur populaire : la clarté dans l’exposition, l’image dans l’expression, la chaleur du débit, la force et la sonorité de l’organe. Mais sa composition n’est pas exempte de traits apocryphes, d’interprétations forcées ni de mauvais goût. C’est à la sainteté de l’homme qu’il faut recourir pour avoir le secret de sa puissance.
Après avoir longuement prié et pleuré, il montait en chaire dans le feu de la contemplation des divins mystères ; et alors tout prêchait en lui, tout parlait au cœur, ses yeux encore baignés de larmes, son visage amaigri par le jeûne, la chaleur communicative de ses convictions… Sentait-il dans son auditoire un certain mouvement de résistance à la grâce ? Il avait recours aux grands moyens. « Du sang ! Du sang ! » s’exclamait-il ; et il se ceignait le front d’une couronne d’épines, se frappait les épaules avec des lames de fer et allait baiser les pieds des prêtres ; puis, les yeux voilés par les larmes et par le sang, demandait pardon à Dieu en face d’une assistance qui éclatait en sanglots… (Léopold de Chérancé.)
L’amour de Dieu et des âmes était le foyer ardent d’où procédaient ces signes extérieurs du zèle. La louange divine débordait de ses lèvres lorsqu’il allait à travers les champs : « Seigneur, laissez-moi vous louer et vous bénir. Laissez-moi vous offrir autant d’actes d’amour qu’il y a de feuilles dans les forêts, de fleurs dans les prairies, d’étoiles au firmament, de gouttes dans les fleuves, de grains de sable aux bords de la mer. » Et pour Dieu il aima les âmes, déployant pour les lui conquérir l’exténuante activité de sa vie missionnaire.
Le divin Maître voulut manifester sa sainteté et le désigner aux regards et à la vénération des foules en mettant autour de son front l’auréole des miracles. En Léonard le thaumaturge fut vraiment aussi remarquable que le missionnaire. Il découvrait les secrets des consciences, prédisait l’avenir, guérissait en grand nombre les infirmes et les malades. A Matelica, il rend la vue à Françoise Benigni, une pauvre mère de famille atteinte depuis plusieurs années de cécité. A San Germano la cloche se met à sonner d’elle-même le glas des pécheurs ; la grêle ravage les récoltes de la seule paroisse qui ait opposé à ses exhortations une indifférence glaciale.
Les infirmités. – Le jubilé de 1750.
Aux environs de 1740, Léonard, alors âgé d’environ soixante-quatre ans, se demanda s’il ne devrait pas abandonner le ministère des missions pour se préparer à la mort. Benoît XIV lui répondit en personne : « Mon fils, vous êtes le soldat du Christ ! Un soldat doit mourir les armes à la main. Nous voulons qu’il en soit ainsi pour vous. » La joie du missionnaire en fut à son comble. Il redoublera d’ardeur, il prêchera pendant plus de dix ans encore. Vers la fin, épuisé, il s’évanouira maintes fois en chaire ; ses Frères le tireront par une corde pour l’aider à gravir quelque pente abrupte ou ils iront quérir une bête de somme pour le porter, trempé de pluie, enlisé dans des fondrières, au bout de sa course. Et il mourra, en effet, presque au soir de sa dernière mission.
Gênes était devenue, après la guerre, le théâtre de bouleversements intérieurs peu propices au travail des missions. Aussi l’infatigable apôtre redescend-il vers le Midi. De 1746 à 1749, il évangélise tour à tour Ferrare, Bologne et plus de vingt autres villes ou bourgades. Nous le retrouvons à Rome au printemps de 1749. Benoît XIV, qui lui témoigna en maintes circonstances une touchante amitié, voulut qu’il préludât, dans Rome même, aux prédications du Jubilé qui approchait. Le grand prédicateur était avancé en âge et affaibli par tant de travaux ! N’importe, il n’était pas homme à refuser le travail, et en juillet il commença les prédications antéjubilaires sur la place Navone. Dès le premier jour de ces exercices, les Romains couvraient la place ; les cardinaux et les nobles affluaient aux balcons. Plusieurs fois le Pape lui-même vint entendre le sermon de l’humble et saint religieux, et il voulut donner en personne la bénédiction papale solennelle à la cérémonie de clôture,
Puis, après deux autres missions et plusieurs retraites prêchées avec un pareil succès, Léonard abandonna à d’autres prédicateurs les grandes tâches extérieures pour s’en aller dans la solitude se prêcher à lui-même et se préparer à l’indulgence du Jubilé. Il reparut à la fin de l’Année Sainte, à l’appel de Benoît XIV, pour en prêcher le triduum de clôture dans la grande église de Saint-André della Valle. Au lendemain du Jubilé il prêchait à l’érection du chemin de Croix dans l’enceinte du Colisée : il en avait fait son œuvre et c’est par là sans doute que son nom est resté célèbre près des Romains.
Léonard était entré dans sa soixante-quinzième année, et Lucques, où il avait déjà prêché quatre missions, le réclamait encore avec instance pour gagner le Jubilé. Ce fut pour lui l’occasion d’une suprême tournée de missions. En vrai disciple de saint François d’Assise, il se sentit fort attristé de devoir la faire en voiture : mais la volonté expresse du Pape Benoît XIV, si paternelle et si humaine, l’exigeait ainsi. Et ce fut le village de Barbarolo qui reçut les derniers efforts du zèle de l’illustre missionnaire, à la fin de ce voyage rempli de pénibles et fructueux travaux. Il ne souhaitait plus que de mourir à Rome, à son couvent de Saint-Bonaventure.
Mort de saint Léonard. – Son culte.
Au cours des étapes qui l’y ramenaient, en traversant les Apennins il prit froid ; c’était le 22 novembre 1751. Le 23, à Foligno, en ramassant tout ce qu’il avait de force, il put encore célébrer la messe. Trois jours après, par Spolète et Civita-Castellana, il arrivait à Rome au soleil couchant ; et il y entrait irradié de joie, au chant du Te Deum alterné avec Fr. Diégo, son fidèle compagnon.
On le descendit de voiture près du couvent et entouré de ses Frères, il exprima sa joie de mourir au milieu d’eux. Puis, tout entier tourné vers la céleste patrie, on l’entendit qui bénissait Dieu de sa vocation et conversait avec la Sainte Vierge, comme s’il l’eût vue des yeux de la chair. Et il s’éteignit doucement le même jour, un peu avant minuit, muni du Viatique et de l’Onction des mourants. C’était le 26 novembre 1751.
Pie VI proclama, le 16 février 1792, l’héroïcité de ses vertus ; ce même Pape voulut se rendre, le 2 août 1795, au couvent de Saint-Bonaventure pour y faire publier, dans la chambre même où Léonard était mort, le décret approuvant deux des miracles proposés pour la béatification ; le décret de tuto, qui ordonnait de publier les lettres de béatification, fut signé le 19 mars 1796. Saint Léonard fut canonisé par Pie IX le 29 juin 1867, en même temps que vingt-deux autres Saints, dont son compatriote et contemporain saint Paul de la Croix, fondateur des Passionnistes. Sa fête se célèbre le 26 novembre ; le Propre du diocèse de Rome l’indique au lendemain.
On a gardé de saint Léonard de Port-Maurice, et publié après sa mort, beaucoup de sermons, de lettres, un recueil de méditations appelé La voie du Paradis, etc.
G. Hironde.
Sources consultées. – P. Léopold de Chérancé, Saint Léonard de Port-Maurice (1676–1751) (Paris). – Œuvres complètes du bienheureux Léonard de Port-Maurice…, précédées de sa vie, par le P. Salvator d’Orméa, traduites par F.-I.-S. Labis (Paris, 1858). – (V. S. B. P., n° 562.)