Archevêque de Polotsk et martyr (1580–1623)
Fête le 14 novembre.
Ce saint évêque, doux et charitable, fut un émule de son contemporain saint François de Sales, par son zèle apostolique et son souci de l’orthodoxie dans l’Eglise. Il est le seul de ses enfants appartenant à un rite oriental (si nous exceptons deux princesses de Polotsk, les saintes Euphrasyne et Praxède, abbesses du monastère du Saint-Sauveur, mortes, la première à Jérusalem en 1173, la seconde à Rome en 1239, et Michel Ghébré, prêtre abyssin, béatifié en 1926), que l’Eglise catholique ait élevé sur les autels, depuis la séparation de Photius et de Michel Cérulaire (ixe et xie siècles).
Naissance hors du bercail.
L’an 1580, dans la ville de Vladimir, en Volhynie, sous le gouvernement polonais, on apportait à l’église Sainte-Parascève, un petit enfant, fils d’un Slave. Le baptême eut lieu selon le rite gréco-slave, et l’enfant reçut le nom de Jean.
A ce moment l’Eglise ruthène, à laquelle appartenait le nouveau-né, était encore séparée de Rome. C’est seulement quinze ans après, le 23 novembre 1595, que la soumission se fît, entre les mains du Pape Clément VIII ; encore ne fut-elle proclamée que le 10 octobre de l’année suivante à Brest-Litowsk.
Gabriel Koncewicz [1], père du petit Jean, était conseiller municipal de Vladimir. La mère, Marine, était digne de former le cœur du futur archevêque de Polock ; elle y déposa les germes d’une piété et d’une vertu précoces, et veilla avec une intelligente sollicitude sur leur développement.
Le culte des images est très répandu dans les Eglises orientales : Jean apprit à les peindre, et ce travail devint l’une de ses plus chères distractions. Il fit des progrès rapides dans l’étude des langues ruthène, polonaise et slave ; mais l’instruction religieuse avait ses préférences.
Dans le négoce. – L’appel de Dieu.
Le jeune Koncewicz fut placé par ses parents chez un riche négociant de Vilna. Il resta fidèle à la grâce : énergique à fuir la dissipation, il s’appliquait à des lectures pieuses et à l’étude autant que ses occupations le lui permettaient.
Lorsque le retour de l’Eglise ruthène au véritable bercail fut définitivement proclamé, il s’attacha de toute l’énergie de son âme à l’Eglise catholique ; il avait à peine vingt ans, que déjà sa plus grande peine était de voir les ravages qu’avait causés l’éloignement de Rome. En effet, au moment où elle rentra au bercail, l’Eglise gréco-ruthène était agonisante.
Il y avait à Vilna un couvent de Basiliens qui s’était récemment soumis au Saint-Siège, c’était le couvent de la Trinité, monastère à demi abandonné. Le jeune homme aimait à s’y rendre et à servir à l’autel. Il fut aussi l’élève intelligent de deux Jésuites, les PP. Valentin Fabritsi et Grégoire Groujewski, qui enseignaient en langue slave la philosophie et la théologie.
Les relations de Jean, ses études sérieuses et sa vie loyalement chrétienne, avaient élevé son cœur au-dessus des choses de ce monde, et il sentit grandir en son âme le désir de chercher le seul bien véritable. Mais, en même temps, le monde essayait de lui sourire ; son patron, très riche et privé d’enfants, charmé par les vertus du jeune employé, lui offrit de le faire son fils adoptif. Entre Dieu et le monde, Koncewicz préféra Dieu seul, et se fit admettre au couvent de la Trinité, qui ne comptait plus alors qu’un seul moine, l’higoumène ou supérieur. Il prit le nom de Josaphat et reçut l’habit religieux des mains du métropolitain de Kiev, Hypace, l’ancien sénateur Adam Pociej.
Au couvent de la Trinité.
Le Fr. Josaphat s’était donné à Dieu sans arrière-pensée et sans réserve ; il embrassa la vie religieuse dans toute sa perfection. Son temps fut partagé entre l’étude, la prière et la pénitence. Cent fois dans la journée, on l’entendait redire l’oraison jaculatoire si familière aux Orientaux : « Seigneur Jésus, ayez pitié de moi qui suis un pécheur ! » ou encore laissant échapper ce cri d’amour : « Mon Dieu, détruisez le schisme et accordez l’union ! » Il mêlait à ses larmes de rudes macérations. Son genre de vie et toutes ses manières d’être portaient le cachet d’une austérité peu commune, qui rappelait saint Basile, le fondateur de l’Ordre et son grand modèle. Religieux observateur des jeûnes si fréquents dans l’Eglise orientale, Josaphat se contentait d’aliments grossiers, s’abstenant de poisson, s’interdisant tout usage de la viande et du vin. C’était commencer son apostolat : quelques hommes fervents entrés au couvent se rallièrent autour de lui, le nombre des vocations augmenta rapidement. Sa plus brillante recrue fut un de ses amis, Jean Velamin Rucki (prononcer Routski), qui, le 6 septembre 1607, conduit visiblement par une influence surnaturelle, entra chez les Basiliens ; il y fît profession sous le nom de Fr. Joseph le 1er janvier 1608.
Les merveilles accomplies par Josaphat au couvent de Vilna étaient d’autant plus étonnantes que le supérieur de la communauté, l’archimandrite Samuel Sienczylo, était secrètement vendu au parti « orthodoxe ». Les dissidents brûlaient d’envie d’attirer à eux le jeune et fervent religieux et ils lui firent faire dans ce sens des propositions qui furent repoussées.
Un autre jour, le supérieur indigne fait mander Josaphat, sous un prétexte pieux, dans une maison où l’attendaient secrètement trois « orthodoxes » habiles. Ceux-ci reçoivent le jeune moine Basilien à bras ouverts, lui adressent les discours les plus flatteurs sur sa science et ses vertus, le supplient d’avoir pitié de l’Eglise ruthène et de la détacher du Saint-Siège. Des supplications ils passèrent aux menaces de sévices corporels : « Laissez-moi, dit Josaphat, demain vous aurez ma réponse. »
Rendu à la liberté, il revient au couvent : « Je sors de l’enfer, dit-il aux Frères ; j’ai entendu des discours diaboliques qui me sollicitaient de trahir la foi. » Le lendemain il répondit aux « orthodoxes » : « Je vous ai promis de consulter Dieu, je l’ai fait, et Dieu m’a dévoilé l’impiété de vos projets. »
Hypace, le métropolitain de Kiev, informé de ces manœuvres, fît comparaître à son tribunal l’archimandrite, le convainquit de trahison et le déposa. Il nomma pour lui succéder Joseph Rucki, lequel avait été ordonné prêtre, et il fit en outre de celui-ci son vicaire général. Dès lors, pendant cinq années, de 1609 à 1614, gouverné par le nouveau supérieur, le monastère, où le Fr. Josaphat exerçait aussi une grande influence, connut une prospérité croissante.
La fureur fut grande dans le camp des dissidents ; ils formèrent le complot d’envahir le couvent et l’église. Mais les autorités locales, averties à temps, firent échouer le projet. La rage ne fit qu’augmenter ; dès que le Fr. Josaphat paraissait dans la rue, les insultes et la boue pleuvaient sur lui. Associé au moine Basilien dans cette hostilité populaire, l’archevêque Hypace faillit être assassiné en 1609.
Saint Josaphat est ordonné prêtre.
Cependant, Josaphat n’était encore que diacre ; il s’appliquait avec ardeur à l’étude de la théologie sous la direction du P. Fabritsi ; ordonné prêtre, il devint l’apôtre de la contrée avec un tel succès que ses ennemis les plus acharnés, de même que ses brebis fidèles, chaque parti mettant dans les mots un sens différent, l’appelaient « le ravisseur d’âmes ». Parmi ses conquêtes, on cite Ignace, patriarche « orthodoxe » de Moscou.
Charmés par son zèle et ses vertus, les seigneurs ruthènes et polonais l’attiraient à l’envi dans leurs domaines ; plusieurs lui offrirent des monastères. Josaphat accepta celui de Bythen, puis celui de Notre-Dame de Zyrowice, dont il fit un noviciat.
La nomination du P. Rucki à l’archevêché de Kiev en 1614 fit passer le gouvernement du monastère de la Trinité aux mains de Josaphat Koncewicz. La communauté se composait alors de soixante religieux presque tous jeunes, de sorte que la sollicitude des différentes charges retombait sur le supérieur. Le Père se multiplia ; ferme et doux, il savait plier les volontés sans les brusquer et les briser. Il continuait à travailler à la conversion des dissidents.
Pour défendre la cause de l’union, il ne craignit ni les longues recherches dans les bibliothèques, surtout dans les ouvrages traitant de la liturgie, ni les entretiens contradictoires, ni même la haine, avec laquelle il fut parfois accueilli, comme dans le monastère « orthodoxe » de Peczery ou des Cryptes, où le « ravisseur d’âmes » faillit être jeté dans le Dniéper ; sa science et son humilité n’y convertirent pas les âmes, mais lui attirèrent la sympathie.
L’épiscopat.
Josaphat avait environ trente-huit ans quand il fut donné pour auxiliaire à l’archevêque de Polock, Grégoire Zahorski, vieillard de quatre-vingt-dix ans, qui ne survécut guère à cette nomination. Le 12 novembre 1617, il reçut à Vilna la consécration épiscopale.
Dans ce vaste diocèse qui s’étendait au nord-est de la Pologne et embrassait toute la Ruthénie blanche, Smolensk excepté, l’union avec Rome n’était guère que nominale. Entre autres raisons de ce mal il faut tenir compte d’un fait important : beaucoup n’avaient pas su comprendre que les catholiques des rites orientaux, de quelque nom qu’on les désigne, ne sont ni plus ni moins catholiques que ceux du rite latin. C’est là une vérité élémentaire que les Papes ne cessent de rappeler, réprouvant la latinisation des Orientaux, mais le nationalisme exagéré de certains et d’autres fois l’ignorance ont créé à travers les siècles des malentendus graves dont l’Eglise souffre encore aujourd’hui.
Josaphat montra qu’on peut être un parfait « uniate », c’est-à-dire un catholique fidèle au rite oriental, mais fermement attaché à Rome. Il ignorait le latin ; cela ne l’empêchait pas d’admirer l’efflorescence de la vie spirituelle dans l’Eglise latine, la pratique de la confession et de la communion, beaucoup plus fréquente chez les Latins que chez les Orientaux : « Je vais chercher du feu où il y en a », disait-il en un langage figuré et très expressif.
Cette manière de faire sera exploitée par ses ennemis et deviendra l’une des causes déterminantes de sa mort violente, les plus hostiles confondant, intentionnellement ou non, le problème des nationalités avec la question de confession religieuse. Le pieux pontife remettait l’avenir entre les mains de Dieu et prêchait avec une ardeur sans cesse grandissante. Le clergé qu’il trouva à Polock avait été formé hors du bercail et était, en général, très ignorant. Josaphat composa pour ses prêtres un petit catéchisme et un directoire. Son œuvre doctrinale se compléta par un opuscule traitant de la primauté romaine, sujet qui tenait aux fibres les plus intimes de tout son être.
Dans des synodes annuels, il enseigna aux clercs les devoirs de leurs charges, établit des règlements très pratiques pour l’administration des paroisses. Son attention se porta également sur les églises et le culte divin. Les cérémonies du rite gréco-slave reprirent toute leur splendeur dans la cathédrale de Polock, complètement restaurée. Le prélat fit réparer de même les cathédrales de Vitebsk, d’Orsza, de Mohilev et de Mscislaw, et agrandit et dota le couvent des Basiliennes de Polock. Pour subvenir aux frais du culte et aux besoins des pauvres, il fut énergique à conserver intacts les biens de l’Eglise et veilla à leur sage administration. Il ne passait pas un jour sans admettre quelques pauvres à sa table ; dans un moment où la caisse archiépiscopale était vide, il alla jusqu’à engager son omophorion ou étole pastorale, pour emprunter de l’argent en faveur d’une pauvre veuve qui avait besoin de secours. En un mot, il demeurait le religieux austère et mortifié du couvent de la Trinité.
Les moines Basiliens avaient été les plus grands facteurs de la réunion à Rome. Josaphat convoqua en 1617 une assemblée des supérieurs des monastères basiliens jusque-là indépendants les uns des autres. Cette assemblée décida de s’unir en une seule Congrégation, décision qui devait être approuvée par le Pape Urbain VIII en 1624.
Son œuvre battue en brèche.
Mgr Koncewicz était archevêque depuis trois ans quand il fut convoqué, avec plusieurs autres évêques, à la Diète qui s’ouvrit à Varsovie en 1620. Le diable profita de l’absence des pasteurs pour envoyer les loups dévaster le bercail. Théophane, patriarche « orthodoxe » de Jérusalem, revenant de Moscou, où le sultan de Turquie l’avait envoyé pour une négociation politique, passa par l’Ukraine et arriva à Kiev. Sur les instances des Cosaques, adversaires déclarés de l’Eglise romaine, il consacra autant d’évêques dissidents qu’il y avait de prélats catholiques du rite grec-uni. Le siège de Polock fut donné à Mélèce Smotrycki, esprit cultivé, mais surtout ambitieux.
Cet intrus se hâta d’envoyer des émissaires dans toutes les villes du diocèse, avec des lettres pleines d’invectives contre l’apostat et papiste Josaphat et contre le Saint-Siège. L’archevêque catholique revint à Polock, porteur d’un décret de Sigismond, roi de Pologne, enjoignant à ses sujets de respecter l’autorité du pasteur légitime.
Mais déjà les masses, poussées par des meneurs habiles, étaient en fermentation. Quand le palatin Sokolinsli eut notifié le décret royal à l’hôtel de ville, l’archevêque essaya de prendre la parole et de rappeler les rebelles à l’obéissance, mais sa voix fut couverte par les vociférations des dissidents ; la foule se rua sur lui, et il aurait été infailliblement massacré, sans l’intervention de la force armée.
A de telles violences, il répondit par un redoublement de bonté. Polock recouvra un peu de calme ; mas ce n’était qu’une trêve.
Le martyre.
Dans le courant d’octobre 1623, Josaphat voulut aller faire sa visite pastorale à Vitebsk. Craignant pour sa vie, ses amis le supplièrent de remettre sa visite à plus tard, ou tout au moins d’accepter une escorte. L’archevêque ne voulut pas différer ni voyager sous une autre sauvegarde que celle de la mansuétude épiscopale. Il ordonna qu’on lui préparât un tombeau dans sa cathédrale, puis il partit, après avoir fait cette prière au pied de l’autel : « Seigneur, je sais que les ennemis de l’union en veulent à ma vie ; je vous l’offre de tout mon cœur, et puisse mon sang éteindre l’incendie causé par le schisme ! »
On le reçut à Vitebsk avec des démonstrations hypocrites de respect. Mais on tramait des complots contre sa vie. Le 26 octobre, il s’écriait, au cours d’un sermon prêché à l’occasion de la fête de saint Dimitri : « Plaise à Dieu de me faire la grâce de donner ma vie pour la sainte union, pour la suprématie de Pierre et du Saint-Père, son successeur ! » Ce vœu ne tarda pas à se réaliser.
Le lendemain matin, pendant que Josaphat priait à la chapelle de la Sainte Vierge, un prêtre apostat, qui traversait, malgré la défense qui lui en avait été faite, la cour du palais épiscopal, fut arrêté par les serviteurs et enfermé à la cuisine. Aussitôt, la foule s’ameute autour de l’évêché, envoie sur les serviteurs une grêle de pierres et de bâtons.
Informé du tumulte, l’archevêque fait mettre le détenu en liberté et rentre au palais. La foule, un moment satisfaite, paraît se calmer ; mais c’est pour revenir plus nombreuse ; elle force l’entrée du palais : l’archidiacre et le majordome sont blessés grièvement.
Aux cris des victimes, Josaphat accourt : « Mes enfants, dit-il aux assassins, pourquoi maltraitez-vous mes serviteurs, qui ne vous ont fait aucun mal ? Si vous en voulez à ma personne, me voici ! » Les émeutiers demeurèrent immobiles et stupéfaits. Tout à coup, deux misérables s’élancent à travers la foule en criant : « A bas le suppôt des latins ! à bas le papiste ! » L’un d’eux, armé d’une perche, frappe le front de l’archevêque, l’autre lui assène un coup de hallebarde qui lui fend la tête. L’archevêque tombe, trouve la force de faire le signe de la croix et dit : « O mon Dieu ! » Ce furent ses dernières paroles. Les bourreaux s’acharnèrent sur leur victime, lui déchirant le visage. Enfin, deux coups de fusil lui percèrent le crâne. Ainsi mourut Josaphat, le 12 novembre 1623 ; il avait quarante-quatre ans.
Les « orthodoxes » envahissent ensuite le palais, le pillent et vident les celliers. Echauffés par la boisson, ils reviennent au cadavre, le souillent de diverses manières et le jettent dans la Dzwina.
Le triomphe. – Le culte.
Le 16 novembre, des pêcheurs catholiques furent assez heureux pour retrouver les restes de leur Père, et ils les transportèrent dans l’église du château de Vitebsk. Une foule considérable, clergé, noblesse, bourgeois, vint de Polock pour escorter cette précieuse dépouille qui fut ramenée en grande pompe dans la ville archiépiscopale. A l’arrivée du cortège, tout le peuple se pressait autour du cercueil ; les uns sanglotaient, les coupables se frappaient la poitrine. Durant plusieurs mois, le corps resta exposé dans la cathédrale de Sainte-Sophie, sans aucune décomposition : le visage, beau et souriant, répandit une odeur suave, comme au château de Vitebsk.
Beaucoup de miracles devaient s’opérer par l’intercession du glorieux martyr : l’un des plus consolants fut la conversion de l’intrus Mélèce. A partir du 12 novembre 1623, l’âme de ce prélat n’eut plus de repos jusqu’au jour où il fit le pas décisif ; il consacra le reste de sa vie à la pénitence, à la prière et à la défense de l’union.
Béatifié par Urbain VIII le 14 mai 1643, le saint archevêque de Polock a été canonisé par Pie IX, le 29 juin 1867. Son nom, inscrit en 1882 au calendrier de l’Eglise universelle, figure le 12 novembre au Martyrologe, mais sa fête est fixée au 14.
Quand Josaphat mourut, la vie était revenue dans l’Eglise ruthène ; une sève de renouveau se manifestait dans les monastères et parmi les fidèles ; le sang du martyr acheva de cimenter cette union. Après trois siècles les catholiques du rite ruthène forment de beaucoup le groupe le plus nombreux parmi les orientaux revenus à l’unité.
Le corps de saint Josaphat reposa tout d’abord à Polock, mais, au début du xviie siècle, les armées du tsar de Russie Pierre Ier ayant franchi la frontière de la Pologne pour lui prêter secours contre la Suède, les catholiques de Polock, qui connaissaient l’hostilité des Russes orthodoxes vis-à-vis des uniates, crurent prudent d’enlever la châsse d’argent du bienheureux Josaphat et de la mettre en lieu sûr. Précaution trop justifiée, hélas ! Le 11 juillet 1705, le tsar, arrivé la veille à Polock, voulut visiter le couvent des Basiliens ; il était pris de vin, dira-t-il lui-même plus tard. Or, la statue du Bienheureux, représenté la tête auréolée, le crâne fendu, la hache à la main, attira l’attention du monarque qui s’informa près d’un moine. Celui-ci, sans mesurer la portée de ses paroles, dénonça les « schismatiques » comme coupables du meurtre de l’archevêque. Un pareil mot mit l’empereur dans une telle colère que sur-le-champ il tua de sa main le Basilien ; quatre autres religieux furent de même assassinés. Le couvent fut ensuite pillé, et le reste des moines mis en prison.
Quant aux reliques, elles furent transportées à Biala, dans le diocèse de Chelm, du rite gréco-ruthène. Mais dans la seconde moitié du xixe siècle, un prêtre apostat, aidé par les fonctionnaires du gouvernement russe, enleva les reliques de l’autel où elles reposaient et les enferma dans les caveaux de l’église. Ce sacrilège fut commis le 26 mai 1873. En 1915, pendant la Grande Guerre, les Russes ayant dû évacuer Biala, les catholiques recherchèrent le corps du martyr et le transportèrent à Vienne, où il fut déposé en l’église Sainte-Barbe.
Le troisième centenaire du martyre de saint Josaphat (1923) donna lieu à de pieuses manifestations, notamment à Rome, en Pologne et à Vienne. A cette occasion le Pape Pie XI publia une Encyclique. Il y affirmait de nouveau la primauté romaine, centre et lien de l’unité catholique, et engageait les Orientaux dissidents à abandonner leurs préjugés, et les Latins à mieux connaître l’Orient et à aimer leurs frères slaves et autres Orientaux.
Fr. Br. Sources consultées. – Pie XI, « Encyclique Ecclesiam Dei… à l’occasion du troisième centenaire… de saint Josaphat » (12 novembre 1923). – P. Jean Urban, Vie de saint Josaphat, évêque et martyr (en polonais, Cracovie, 1921). – P. Germain Reydon, « Saint Josaphat Kuntsévitch » (Union des Eglises, 1923). – P. Vitalien Laurent, « Un apôtre de la primauté romaine, saint Josaphat » (Rome, 1924). – (V. S. B. P., n° 196.)
Source de l’article : Un saint pour chaque jour du mois, 1re série, La Bonne Presse
- on prononce Kontsevitch[↩]