Saint André

Martyre de saint André, par Lorenzo Lippi

Apôtre (vers 69).

Fête le 30 novembre.

Saint André, le pre­mier des apôtres qui se soit atta­ché à Notre-​Seigneur, était de Bethsaïde. Il exer­çait le métier de pêcheur sur la mer de Galilée. Ayant enten­du racon­ter tout ce que la renom­mée disait de Jean-​Baptiste, il alla le trou­ver pour rece­voir le bap­tême de péni­tence dans les eaux du Jourdain. Charmé de la doc­trine et de la sain­te­té de Jean, il réso­lut de demeu­rer avec lui, et de deve­nir un de ses dis­ciples. Cependant, il était appe­lé à un rôle bien plus grand que celui de dis­ciple du Précurseur, il devait deve­nir un des plus grands apôtres de Jésus-Christ.

Premier apôtre de Jésus.

La pre­mière entre­vue qu’il eut avec le divin Maître est fort belle et fort tou­chante. Nous la lisons dans le pre­mier cha­pitre de l’Evan­gile de saint Jean.

Jean-​Baptiste, se trou­vant un jour sur les bords du Jourdain avec deux de ses dis­ciples, regar­dant Jésus qui pas­sait, leur dit : Voici l’Agneau de Dieu. Ce que les deux dis­ciples ayant enten­du, ils suivent Jésus. Alors Jésus se retour­na et, voyant qu’ils le sui­vaient, leur dit : « Que cherchez-​vous ? » Ils lui répon­dirent : « Rabbi (c’est-à-dire Maître), où demeurez-​vous ? » Et Jésus leur dit : « Venez et voyez. » Ils allèrent, et ils virent où il demeu­rait ; et ils res­tèrent chez lui ce jour-​là. Il était envi­ron la dixième heure du jour. Un des deux dis­ciples qui avaient sui­vi Jésus était André, frère de Simon-​Pierre. Il ren­contre son frère Simon et lui dit : « Nous avons trou­vé le Messie, c’est-à-dire le Christ. » Et il l’amena à Jésus. Et Jésus l’ayant regar­dé, lui dit : « Vous êtes Simon, fils de Jean ; désor­mais, vous vous appel­le­rez Céphas (c’est-à-dire Pierre). »

D’après les com­men­ta­teurs il ren­con­tra son frère Simon, non par hasard, mais parce qu’il le cher­chait. Quand on a trou­vé le Messie, on est dési­reux de le faire connaître aux autres. Et c’est non seule­ment parce que, le pre­mier, il avait sui­vi Jésus, mais encore parce que, le pre­mier, il avait ame­né à Jésus son frère Simon, que saint André est appe­lé le pre­mier des Apôtres.

Après ce contact avec Notre-​Seigneur, il retour­na à ses occupa­tions, puisque nous voyons que, plus tard, Jésus, pas­sant sur les bords de la mer de Galilée, aux envi­rons de Bethsaïde, et voyant les deux frères jeter leurs filets dans la mer, leur dit : « Suivez-​moi, je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Et, ajoute l’évangéliste, « ils quit­tèrent aus­si­tôt leurs filets et le suivirent ».

André est nom­mé en plu­sieurs autres pas­sages de l’Evangile ; ain­si c’est à lui qu’on s’adressait pour par­ler à Jésus, ce qui fait dire à saint Bède le Vénérable que saint André était l’introducteur auprès du Christ. Ce pri­vi­lège et la grande fami­lia­ri­té dont il jouis­sait auprès de Notre-​Seigneur viennent peut-​être de ce que saint André était vierge, comme le rap­porte saint Jérôme.

Vocation de saint André

Son apostolat.

Après l’Ascension de Jésus et la Descente du Saint-​Esprit sur les apôtres, André prê­cha dans Jérusalem, dans la Judée et la Galilée, jusqu’au moment où les apôtres se dis­per­sèrent. Alors il eut pour mis­sion de por­ter l’Evangile aux peuples de la Scythie. Il a annon­cé aus­si la parole de Dieu aux Sogdiens, aux Saces et aux Ethiopiens, puis dans la Galatie, la Cappadoce et la Bithynie jusqu’au Pont-​Euxin. Saint Jean Chrysostome raconte que l’apôtre redres­sa les erreurs de la Grèce, et les Grecs lui attri­buèrent, mais à tort, la fon­dation de l’Eglise de Byzance.

Sa passion.

Un 30 de novembre, pro­ba­ble­ment en l’an 69, un cor­tège pom­peux entrait dans Patras, en Achaïe. C’était un nou­veau magis­trat grec qui pre­nait pos­ses­sion de son siège et allait offrir un sacri­fice aux dieux. Egée, car c’est ain­si que plu­sieurs le nomment, tout en lui don­nant à tort le titre de pro­con­sul, n’a pas été sans remar­quer, lors de sa céré­mo­nie inau­gu­rale la déser­tion des temples. A la ren­contre du magis­trat qui s’avance, pré­cé­dé des lic­teurs, entou­ré de son cor­tège de flat­teurs et de sup­pôts, se dresse sou­dain un vieillard, à l’aspect humble, au regard assu­ré qui vient lui dire : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

C’est là, sur le port, entre les murs qui relient le rivage à la ville, au milieu de jar­dins, d’une luxu­riante végé­ta­tion d’oliviers, de vignes et d’orangers. Distantes d’un demi-​kilomètre, les blanches mai­sons de la ville, domi­nées par l’Acropole aux temples dorés, s’ap­puient au flanc d’une mon­tagne ver­doyante. Les prêtres de Cérès, la crainte de César, ont déjà pous­sé le nou­veau magis­trat à la haine de ces chré­tiens dont il ignore la doc­trine. Mais Egée est un Grec, et tout natu­rel­le­ment la dis­cus­sion va s’engager, alors qu’à Rome la vio­lence agi­rait seule. Les juges romains fuyaient en effet, généra­lement, les dis­cus­sions théo­lo­giques, par crainte de don­ner aux mar­tyrs un nom­breux auditoire.

André mit à pro­fit cette occa­sion de prê­cher la gloire de la croix, l’incarnation du Fils de Dieu fait homme, l’Immaculée Vierge Mère, et le « pro­con­sul », disons plu­tôt le juge, le trou­vant inflexible, le condam­na à la mort. Rien de plus natu­rel que le choix du sup­plice, rien de moins éton­nant que le désir de lui faire iro­ni­que­ment goû­ter par une longue sta­tion en croix le charme de la croix qu’il a exal­tée. La fla­gel­la­tion, selon l’usage, pré­cé­da le crucifiement.

Les actes du mar­tyre nous ont été trans­mis dans un récit détaillé, connu sous le titre de « Passion de saint André ». II com­mence ain­si : « Nous tous, prêtres et diacres des Eglises d’Achaïe, envoyons à toutes les Eglises d’Orient et d’Occident, du Midi et du Septentrion, la rela­tion du mar­tyre de saint André que nous avons vu de nos propres yeux… »

Cette « pas­sion » repro­duit la longue dis­cus­sion entre André et son juge ; elle dépeint la colère popu­laire prête à écla­ter à plu­sieurs reprises contre le pro­con­sul Egée et que l’apôtre par­vient à apai­ser. Elle montre André atta­ché pen­dant deux jours sur la croix et exhor­tant sans cesse la foule qui l’entoure. La litur­gie lui a emprun­té cette émou­vante apos­trophe du mar­tyr : « Salut, Croix pré­cieuse, depuis long­temps sou­hai­tée, rends-​moi à mon Maître ; que Celui qui m’a rache­té par toi me reçoive par toi ! » Ce texte est si beau qu’on hési­te­rait à le croire inven­té. D’ailleurs, la très ancienne contes­ta­tio ou pré­face de Saint-​André dans la litur­gie gal­li­cane s’en est ins­pi­rée. Elle est conforme aux sen­ti­ments des pre­miers chré­tiens, tels que les a éta­blis le savant Martigny, et Mgr Batiffol a été frap­pé de leur ana­lo­gie avec les plus véné­rables textes de la liturgie.

L’apôtre est atta­ché à la croix, qua­si in equu­leo, comme sur un che­va­let. Ici la tra­di­tion a été long­temps incer­taine, sur­tout en Occident ; saint Pierre Chrysologue nous montre le Saint atta­ché les deux pieds réunis à un oli­vier, les bras éten­dus sur deux branches ; la croix a la forme d’un Y. Les vieux artistes occi­den­taux ont sou­vent pris la croix de la forme de celle de Notre-​Seigneur. Avec l’influence des Grecs, chas­sés par la prise de Constantinople, la forme de che­va­let en X devient uni­ver­sel­le­ment admise. Déjà elle figu­rait dans la Notitia digni­ta­tum de l’Empire romain sur l’emblème de la légion Pannonienne tirée pré­ci­sé­ment de ces pays évan­gé­li­sés par l’apôtre ; les Burgondes en gardent le sou­ve­nir ; elle reste leur emblème natio­nal. C’est la croix de Bourgogne.

Le Saint après deux jours a expi­ré. Une riche chré­tienne de noble race obtient le corps ; elle le dépose dans son sépulcre « dans son jar­din ». Il est pro­bable que selon l’usage la croix est dépo­sée avec le corps du sup­pli­cié dans le tom­beau offert par Maximilla.

La vie mor­telle est finie ; la gloire commence.

Martyre de saint André, par Lorenzo Lippi

Reliques et culte en Orient et en Italie.

Au vie siècle, saint Grégoire le Grand, à qui on attri­bue le pre­mier office de saint André, rap­porte que son tom­beau était à Patras l’objet d’un pèle­ri­nage célèbre ; c’est là qu’eut lieu le miracle de la gué­ri­son de Mummolus, ambas­sa­deur du roi Théodebert d’Austrasie, près de l’empereur Justinien. Déjà cepen­dant le tom­beau était vide, car en 357, le corps avait été trans­por­té à Constantinople. Des par­celles avaient été alors déta­chées et on en avait trans­por­té à Nole, à Milan et à Brescia.

Par un pro­dige qui se conti­nue encore à Amalfi, où le saint corps fut trans­por­té depuis, il décou­lait déjà de ce sépulcre une sorte de « manne » ou huile d’agréable odeur. L’onction et l’absorption de cette huile gué­ris­saient les malades.

Justinien Ier fît éle­ver le corps de la confes­sion ou crypte où il avait été pla­cé d’abord et le dis­po­sa dans une châsse d’argent, un 28 juillet, vers l’an 550. Dès le 6 avril 399 les grands pèle­ri­nages avaient com­men­cé. Saint Jean Chrysostome y avait conduit une pro­ces­sion géné­rale, fai­sant invo­quer le patron de l’Eglise de Byzance. La prin­cesse Arcadie fon­da le monas­tère de Saint-​André. Une autre église fut fon­dée dans l’île Saint-André.

Le 9 mai 1210, les Latins, qui ont grand soin après la prise de Constantinople de dépouiller la ville de ses reliques, enlèvent le corps de saint André. Le car­di­nal légat Pierre de Capoue s’en empare et le des­tine à Amalfi, sa patrie. Telle est l’origine de la troi­sième fête de la Translation de saint André. Une qua­trième, le 9 avril, rap­pel­le­ra plus tard l’arrivée de sa tête à Rome.

Lors de la trans­la­tion de 357 le chef du Saint était demeu­ré à Patras. Il avait échap­pé à la pieuse avi­di­té des Latins de 1204. Thomas, « des­pote » du Péloponnèse, le sau­va lors de la prise de Constantinople par les Turcs en 1453 et l’apporta à Rome, où Pie II le reçut en triomphe le 12 avril 1462 [1].

Patron des Slaves et des Ecossais.

Les Slaves n’ont point oublié que leur pays reçut de saint André la lumière de l’Evangile. Dans le Caucase, l’antique ville d’Andrewa garde pieu­se­ment son culte. Kiew pos­sède une riche église dédiée à « son » Apôtre ; de même Moscou. Pierre le Grand a recon­nu ce célèbre patro­nage en pla­çant sous le nom du Saint l’Ordre suprême de che­va­le­rie qu’il fon­da le 11 décembre (30 novembre russe) 1698. Les Polonais appellent saint André « Celui qui le pre­mier… ». Son nom est encore aujourd’hui l’un des plus répan­dus, dou­ble­ment depuis l’illustration que lui a don­née en 1657 le bien­heu­reux mar­tyr André Bobola. Cracovie a son église Saint-​André, datant du xiie siècle ; c’était l’église royale. De même à Varsovie. La Hongrie, par la liste de ses rois, nous prouve la popu­la­ri­té constante de l’apôtre de l’antique Pannonie. Les mon­naies du comi­tat de Hondt, en 1568, portent son effi­gie. Les petits ducats d’or car­rés frap­pés en 1579, lors du siège de Vienne, portent l’effigie de sa croix.

C’est sans doute de là que le culte s’est répan­du en Allemagne où nous rele­vons d’importantes églises.

Dans l’ancien Empire, Oldenbourg, Juliers, Thorn, Emden et Campen ornaient jadis leurs mon­naies de la figure ou de la croix de saint André. Il en est de même à Metz, à Châteauregnauld jusqu’en 1627, et à Luxembourg, dont les chan­geurs appe­laient ces pièces « flo­rins de saint André ».

Dès 975 au plus tard, la cathé­drale de Trêves pos­sède les « san­dales de saint André », que l’archevêque Egbert place dans un reli­quaire d’argent et qu’on expose encore aujourd’hui à la vénération.

L’origine du culte du Saint en Grande-​Bretagne et de son patro­nage natio­nal sur l’Ecosse est tout autre. Sans nous arrê­ter aux légendes poé­tiques, nous savons qu’il fut appor­té en Angleterre, comme il l’avait été en Corse, par les moines dis­ciples de saint Grégoire le Grand, venus avec saint Augustin, le pre­mier arche­vêque de Cantorbéry.

En 674, saint Wilfrid d’York fon­da une église Saint-​André à Hexham. Son suc­ces­seur, l’é­vêque Acca, dut fuir devant une inva­sion et empor­ta en Ecosse les reliques de l’église d’Hexham. Le roi Hungus l’accueillit avec bien­veillance et l’aida à fon­der l’église de Kilrimont, où, en 760, fut dépo­sé un bras de l’apôtre. Telle fut l’origine du patro­nage de saint André sur l’Ecosse. L’ancien bré­viaire d’Aberdeen men­tionne au 9 mai la Translation de cette relique.

Au xie siècle, le siège épis­co­pal prit le nom de Saint-​André et Edimbourg, et devint métro­po­li­tain de toute l’Ecosse en 1472.

Tout en tom­bant dans l’hérésie, la monar­chie écos­saise a gar­dé, puis trans­mis à la cou­ronne d’Angleterre, son ordre de che­va­le­rie dédié à saint André. Fondé par Jacques V, en l’an 1534, abo­li en fait à la mort de Marie Stuart en 1587, réta­bli par Jacques II, il est encore aujourd’hui une des déco­ra­tions les plus esti­mées du Royaume uni.

L’Angleterre, tout en don­nant le culte de saint André à l’Ecosse, l’avait conser­vé assez spé­cial pour qu’on le trouve mêlé à ses grandes tra­di­tions religieuses.

L’Irlande n’avait pas été sans subir cette influence. En 1171, l’église Saint-​André était une des prin­ci­pales de Dublin.

Les émi­gra­tions bre­tonnes ont appor­té le culte de saint André en Bretagne et en Normandie : la cathé­drale d’Avranches l’avait pour patron ; à Rouen sub­siste l’admirable tour de son église ; le dio­cèse de Rennes pos­sède de nom­breuses paroisses sous son vocable.

Patron des Bourguignons.

Les Burgondes, venus de la Scythie, avaient gar­dé le culte de leur apôtre. La croix de Saint-​André fut leur emblème natio­nal. Elle est res­tée celui du dra­peau de la Franche-​Comté, jaune à la croix de Saint-​André rouge. Un moine scythe, Cassien, fonde au ve siècle, l’abbaye de Saint-​Victor de Marseille, et c’est là que dès une époque très ancienne et avec des légendes aux­quelles il n’y a point à s’arrêter, va paraître en véné­ra­tion la croix de saint André. Au viiie siècle, Charlemagne en pré­lève un frag­ment en faveur d’Heldrad, abbé de Novalaise. Avec diverses aven­tures, la croix atteint la Révolution. Un mince frag­ment échappe, conser­vé dans une grande croix de bois peinte en rouge et or, sur un autel de la crypte de la véné­rable église. A Aix on garde un des pieds du Saint ; Saint-​Claude avait reçu au ve siècle une de ses côtes, qui a dis­pa­ru dans une des catas­trophes qui ont frap­pé cette abbaye. Dôle avait reçu en triomphe en 1604 un os de l’avant-bras de saint André. Il y avait aus­si à Vergy, en Bourgogne, une relique du Saint, très véné­rée au moyen âge.

La croix de Saint-​André est l’emblème par lequel les artistes jus­qu’au xviie siècle repré­sentent la natio­na­li­té bour­gui­gnonne ; on la voit sur les mon­naies, sur les taques de fonte des che­mi­nées, sur les murailles des villes, aux palais des tri­bu­naux. Les sol­dats qui solen­nisent saint André comme fête patro­nale, jusqu’au xviie siècle, placent sur les portes des mai­sons de petites croix de Saint-​André en plomb, por­tant gra­vés les mots « A tout hasard », pour mon­trer la pro­tec­tion dans les périls de la guerre. On sait que le duc Jehan sans Peur oppo­sa la croix de Bourgogne à la croix droite blanche des Armagnacs et le rôle qu’elle joua dans les guerres civiles de ce temps cala­mi­teux. Populaire en Franche-​Comté comme la fleur de lys en France ou l’aigle noire en Allemagne, elle ser­vait d’enseigne aux auberges et on enten­dait même sou­vent, hélas ! jurer par elle ! Le cri de guerre des Bourguignons était d’ailleurs « Montjoie saint Andrieu », et les Lorrains appellent les Bourguignons « gens de la croix de Saint-André ».

Saint André est le patron de l’Ordre che­va­le­resque de la Maison de Bourgogne. C’est en effet sous son invo­ca­tion que le 10 jan­vier 1429 le duc Philippe le Bon fon­da l’Ordre de la Toison d’or.

Les églises du nom de Saint-​André sont légion dans tout l’ancien royaume de Bourgogne.

Unis à la Franche-​Comté sous le nom de Cercle de Bourgogne, les Etats belges et fla­mands acce­ptèrent aisé­ment le culte du Saint dont les mon­naies de leurs com­muns princes por­taient la croix ou l’effigie.

L’Espagne, par les rela­tions de saint Isidore et de saint Léandre avec saint Grégoire le Grand, devait avoir été péné­trée de dévo­tion envers saint André ; la litur­gie moza­rabe en témoigne. Elle accueil­lait aisé­ment aus­si le culte qui était celui du Patron de ses rois, à par­tir de Philippe le Beau : l’écharpe rouge en l’honneur de saint André, la croix de Saint-​André sur les ban­nières, dont sont fières les vaillantes troupes espa­gnoles, que décrit Bossuet en nar­rant la bataille de Rocroy, dans l’oraison funèbre du prince de Condé.

A l’étranger, les Francs-​Comtois exi­lés lors de la conquête par Louis XIV gardent fidè­le­ment le patro­nage et dédient à saint André et à saint Claude l’église qu’ils élèvent à Rome, avec une confré­rie qu’Innocent XI déclare « archi­con­fré­rie nationale ».

Saint André dans l’art, les traditions, la liturgie.

Si, par l’influence anglaise ou bour­gui­gnonne, une grande par­tie de la France est sous un spé­cial patro­nage de saint André, le reste du ter­ri­toire n’a point échap­pé entiè­re­ment à la pro­pa­ga­tion du culte du Saint. La cathé­drale de Bordeaux est, d’après une bulle du 25 février 1488, décla­rée par Innocent VIII « le pre­mier édi­fice construit en l’honneur du Saint ». La cathé­drale d’Agde, comme celle d’Avranches, est aus­si dédiée à saint André. A La Chaise-​Dieu était une insigne relique du Saint ; il est le patron de la prin­ci­pale église de Châteauroux, de la cha­pelle de paroisse, à la cathé­drale de Poitiers, d’églises en diverses villes.

Le dio­cèse de Paris, qui a eu jadis sa célèbre église Saint-​André-​des-​Arcs, a vu se rele­ver Saint-André‑d’Antin et Saint-​André de Montreuil ; enfin c’est la France qui a vu sur­gir au xixe siècle une Congrégation sous le titre : les Sœurs de la Croix de Saint-​André, fon­dées par le bien­heu­reux André-​Hubert Fournet.

L’ancienne litur­gie gal­li­cane don­nait d’ailleurs une grande place à saint André ; nous avons vu qu’elle lui attri­buait une pré­face propre. Adam de Saint-​Victor lui dédie deux de ses plus belles proses ; et dès 813 Charlemagne avait fait ordon­ner par le Concile de Mayence que la fête de saint André fût célé­brée solen­nel­le­ment dans tout l’empire.

Saint André est le patron des pêcheurs et des mar­chands de pois­sons et on le repré­sente sou­vent un pois­son en main ; il est aus­si le patron des por­teurs d’eau et quel­que­fois des bou­chers. A Rome, il est le patron des cor­diers, sans doute parce qu’il fut atta­ché à la croix non par des clous, comme Notre-​Seigneur, mais par des cordes. Il est natu­rel­le­ment le patron des sol­dats en Pologne, comme il l’était en Franche-​Comté. Est-​ce pour cela que dans ces deux pays, il est le patron des jeunes filles à marier ? Les dévo­tions popu­laires à ce sujet y sont curieuses et iden­tiques, et, chose remar­quable, il en est de même des pra­tiques super­sti­tieuses qui trop sou­vent se sont gref­fées sur ces dévo­tions. Dans cer­taines loca­li­tés d’Alsace, le jour de Saint-​André, les par­rains offrent à leurs filleuls des pains d’épices aux amandes, usage dont l’origine n’a pu être éclaircie.

On invoque saint André contre les maux de gorge, contre la calom­nie, et sur­tout pour être déli­vré des obses­sions impures du démon.

La litur­gie a tou­jours don­né une place impor­tante à sa fête. C’est, avec celle des saints Pierre et Paul, la plus ancienne des fêtes d’Apôtres célé­brées sépa­ré­ment. En 865, saint André est si impor­tant dans le calen­drier, que le Pape saint Nicolas Ier indique aux Orien­taux sa fête comme une des huit solen­ni­tés qui dis­pensent du maigre du ven­dre­di. Comme le rite gal­li­can, la litur­gie ambro­sienne nous four­nit une superbe pré­face propre dans laquelle est enca­dré un récit de la pas­sion du Saint.

Les artistes qui ont reçu dans la tra­di­tion, pour saint André, le type d’un vieillard à longue barbe blanche, se sont com­plu à repré­senter son effi­gie ou sa vie. Sa carac­té­ris­tique est la croix, sou­vent en Occident repré­sen­tée droite jusqu’au xvie siècle, depuis déter­minée de la forme de l’X. A Mimizan, dans les Landes, au xiie siècle, ce sont les jambes du Saint qui sont croi­sées de manière à repré­senter ce signe sacré. Les plus grands peintres d’Italie, d’Espagne, de Flandre ont pris part à cette ico­no­gra­phie vrai­ment royale dans laquelle on peut ras­sem­bler plu­sieurs cen­taines de chefs‑d’œuvre.

Les Pères et les Docteurs four­ni­raient un superbe recueil sur saint André. Citons seule­ment le mot de saint Jean Chrysostome : « André est le simu­lacre par­fait du Christ. »

Saint André, dit saint Grégoire, nous enseigne « que le Seigneur ne regarde pas ce que vaut notre offrande, mais com­bien grande est l’affection avec laquelle nous fai­sons notre offrande ». Il nous enseigne dans ses actes l’amour de la croix, l’offrande quo­ti­dienne de la sainte Eucharistie. Est-​il leçon plus utile à notre époque ?

A. C. P.

Sources consul­tées. – André Pidoux de La Maduére, Saint André, sa vie, sa pas­sion, son culte (ouvrage sous presse en 1927). – (V. S. B. P., n° 92.)

Notes de bas de page

  1. Note de LPL : Sous l’im­pul­sion de Paul VI, le chef de saint André à été remis à Patras le 26 sep­tembre 1964 par les car­di­naux Bea et Willebrands, au patriarche de Constantinople Athénagoras Ier, dans l’op­tique d’un œcu­mé­nisme qui nais­sait alors au milieu de la révo­lu­tion conci­liaire.[]