Saint Nicolas

Saint Nicolas de Myre (ou de Bari) par Lorenzo Lotto

Évêque de Myre (270- † vers 341)

Fête le 6 décembre.

Saint Nicolas brille à l’un des pre­miers rangs des Saints qui se par­tagent la faveur popu­laire. Ce n’est pas à l’éclat de sa vie, géné­ra­le­ment peu connue, qu’il le doit, mais au charme des légendes qui ont fleu­ri autour d’elle et qui en font comme un beau livre d’images aux mer­veilleuses colorations.

Naissance. – Vertus précoces.

Saint Nicolas naquit vers 270, à Patare, opu­lente ville mari­time et capi­tale de la Lycie, à l’extrémité méri­dio­nale de l’Asie Mineure. Nobles et riches, ses parents excel­laient sur­tout par leur pié­té. L’enfant avait à peine ouvert les yeux à la lumière, que son âme s’ouvrait à la connais­sance de Dieu. A peine sut-​il ce que c’était que de man­ger, qu’il sut aus­si ce que c’était que de jeû­ner. On rap­porte même que, le ven­dre­di et le same­di, il ne pre­nait qu’une fois le sein et seule­ment à l’heure fixée par la règle cano­nique du jeûne.

Aussitôt sa cin­quième année accom­plie, Nicolas com­men­ça à s’appliquer aux « saintes Lettres », soit dans sa ville natale, soit dans quelqu’une des villes qui atti­raient au iiie et au ive siècle la jeu­nesse stu­dieuse. Il se défen­dit avec soin des mau­vais exemples de ses cama­rades, ne se liant d’amitié qu’avec ceux qui étaient hon­nêtes et ver­tueux. Il pré­ser­vait son cœur de toute mau­vaise pen­sée, fuyait les spec­tacles et domp­tait sa chair par les veilles, les jeûnes et les cilices. Mais sur­tout il priait, et Dieu récom­pen­sait ses efforts, en lui don­nant une sagesse précoce.

Ses parents étant morts, il devint pos­ses­seur nomi­nal de grandes richesses, mais au vrai les pauvres en furent les héri­tiers réels, car Nicolas réso­lut de leur dis­tri­buer son patrimoine.

Charité ingénieuse de Nicolas.

Il y avait dans le voi­si­nage de sa demeure un homme de bonne nais­sance et riche autre­fois, que des revers de for­tune avaient plon­gé dans une misère extrême. Il était dans l’impossibilité de marier ses trois filles, quoique celles-​ci fussent fort belles, car il n’avait rien à leur don­ner. Au lieu de se confier à Dieu il ne rou­git point de leur conseiller un hon­teux tra­fic. Instruit du fait, Nicolas prit une grosse somme d’or, l’enveloppa dans un linge et, à la faveur des ténèbres, se glis­sa jusqu’à la demeure du mal­heu­reux, y jeta son aumône par une fenêtre, puis se reti­ra en toute hâte et sans bruit.

L’homme, en s’éveillant, fut fort éton­né de sa trou­vaille ; mais, bien vite et bien volon­tiers, il se per­sua­da que ce don lui venait d’une main amie. Il remer­cia Dieu, les larmes aux yeux, et maria sa fille aînée. Nicolas, plus heu­reux encore d’avoir don­né son bien que le père ne l’était de l’avoir reçu, renou­ve­la son geste ano­nyme pour la seconde fille, qui se maria éga­le­ment. Il vou­lut faire de même pour la troi­sième et res­ter encore une fois incon­nu, mais le père mon­ta si soi­gneu­se­ment la garde que le jeune bien­fai­teur fut aper­çu. L’homme se jeta à ses pieds :

– Pourquoi, lui dit-​il, vous cachez-​vous ain­si de moi ? Pourquoi ne voulez-​vous pas que je déclare com­bien je vous suis obli­gé ? Vous êtes mon secours et mon remède, celui qui a déli­vré de l’enfer mon âme et celle de mes filles. Par vous, Dieu a rele­vé le pauvre de la honte et de l’ordure.

Nicolas, confus, sup­plia cet homme de lui en gar­der le secret. Mais ce fut en vain, Notre-​Seigneur vou­lant sans doute que l’humi­lité et la cha­ri­té de son ser­vi­teur nous ser­vissent d’exemple.

Son élection au siège de Myre.

L’évêque de Myre étant venu à mou­rir, le peuple de la ville, les clercs en grand nombre au ser­vice de l’Eglise et les évêques de la pro­vince adres­saient au ciel d’instantes prières pour être éclai­rés sur le choix d’un digne suc­ces­seur du pon­tife dis­pa­ru. Or, il se trou­va que, à ce moment même, Nicolas arri­vait dans la ville. Etait-​ce l’époque où les habi­tants de Patare, chas­sés par les cha­leurs de l’été, cher­chaient un refuge dans la mon­tagne ? Ou bien l’hu­milité du jeune homme désirait-​elle s’isoler au milieu d’une capi­tale où il était inconnu ?

Par une ins­pi­ra­tion divine les élec­teurs apprirent que leur choix devrait se por­ter sur celui qui, le pre­mier, entre­rait dans l’église le jour sui­vant et qui s’appellerait Nicolas. Vers le matin le ser­vi­teur de Dieu se pré­sente le pre­mier dans le sanctuaire.

– Mon fils, lui demande un évêque, com­ment vous nommez-vous ?

– J’ai le nom d’un pécheur : Nicolas, et je suis le ser­vi­teur de Votre Sainteté.

On l’introduit au milieu de l’assemblée des évêques, on le pré­sente à la foule des fidèles. C’est en vain que le pré­des­ti­né à l’épiscopat pro­teste de son indi­gni­té et résiste : il devra prendre place sur le trône vacant.

Sa vie avait été jusqu’alors l’exemple de tous. Nul n’aurait trou­vé un reproche à lui faire ; mais les Saints, si indul­gents pour les autres, sont sévères pour eux-​mêmes. Nicolas jugea que la digni­té dont il était revê­tu l’obligeait à une ver­tu plus haute : « Nicolas, se disait-​il à lui-​même, cette digni­té requiert une autre vie : jusqu’ici tu as vécu pour toi ; main­te­nant, il faut vivre pour les autres ; si tu veux que ta parole per­suade tes sujets, tu as besoin de leur mon­trer l’exemple et de don­ner par tes œuvres l’efficacité à tes paroles. »

Dès lors, il devint plus aus­tère encore. Il ne man­geait plus qu’une fois le jour et s’abstenait de viande ; il fai­sait tou­jours lire à sa table quelque cha­pitre de la Sainte Ecriture ; il pas­sait les nuits en orai­son ; il cou­chait sur la dure et ne dor­mait guère. Il se levait avant le jour et réveillait les clercs pour chan­ter des hymnes et des psaumes à la louange de Jésus-​Christ ; aus­si­tôt le soleil paru, il allait à l’église et employait le reste du jour à l’administration de son dio­cèse et au ser­vice des fidèles.

Il avait soin des pauvres et pra­ti­quait lui-​même la pau­vre­té volon­taire, ne pos­sé­dant rien en propre et ne se ser­vant que de livres d’em­prunt. Il s’informait avec soin des pécheurs publics et remé­diait au scan­dale de leur conduite avec la dou­ceur ou la sévé­ri­té convenables.

Défiant de lui-​même, comme le sont tous les Saints, il pre­nait volon­tiers conseil des gens doctes et pru­dents ; et, crai­gnant sa fai­blesse, il sup­pliait avec larmes Notre-​Seigneur de lui venir en aide. Un jour qu’il priait dans toute l’angoisse de son âme, il enten­dit une voix du ciel, lui disant : « Ne crois pas, Nicolas, que si tu fais fidè­le­ment mes affaires, je sois ingrat et te délaisse. »

En 303 et 304, des édits de Dioclétien ordon­naient que, dans tout l’empire, les églises fussent démo­lies et les Livres Saints jetés au bûcher, inter­di­saient les assem­blées des fidèles, décré­taient que les chré­tiens pour­vus de charges publiques ou de digni­tés en seraient dépouillés, et ceux de rang infé­rieur réduits en escla­vage, enfin pres­cri­vaient d’arrêter les chefs des Eglises et de les for­cer, ain­si que leurs ouailles, à sacri­fier aux dieux. Les anciens textes grecs racontent « que Nicolas, parce qu’il était à Myre le grand Pontife des chré­tiens et qu’il y prê­chait les véri­tés de la foi avec une sainte liber­té, est sai­si par les magis­trats, enchaî­né, tor­tu­ré, puis jeté en pri­son avec beau­coup d’autres chré­tiens. Mais le grand et pieux Constantin ayant, par le choix de Dieu, ceint le dia­dème impé­rial des Romains, les pri­son­niers sont déli­vrés de leurs chaînes, et par­mi eux le grand Nicolas qui fut remis en liber­té et revint à Myre. »

Dieu réser­vait son ser­vi­teur pour d’autres luttes ; le glo­rieux ath­lète allait bien­tôt deve­nir, sur un autre champ de bataille, l’un des plus intré­pides défen­seurs de la véri­té catho­lique. Convoqué au Concile de Nicée pour y condam­ner l’hérésie arienne (325), par sa sain­te­té, l’orthodoxie de sa doc­trine et sa cou­ra­geuse élo­quence il obtint l’admiration universelle.

Une légende, qui ne date guère que du xive siècle, pré­tend qu’un jour, dans le feu de la dis­cus­sion, l’évêque de Myre s’oublia jusqu’à souf­fle­ter Arius et que les Pères du Concile, outrés d’un tel manque­ment à la cha­ri­té, lui enle­vèrent le pal­lium et le livre des Evangiles, insignes de ses fonc­tions épis­co­pales et le firent conduire en pri­son ; mais, ajoute la légende, le Christ et la Vierge, qui connaissent le fond des cœurs, lui appa­rurent et lui ren­dirent les insignes dont on l’avait dépouillé.

Cependant le rôle doc­tri­nal de l’évêque de Myre est aujourd’hui presque entiè­re­ment oublié. Comme il n’a lais­sé aucun écrit, son influence ne s’est exer­cée que sur ses audi­teurs ; et, si élo­quente qu’elle soit, la parole demeure chose rapide et fugi­tive, condam­née à dis­pa­raître, comme s’efface der­rière un navire le sillage qu’il a tracé.

Le cou­ra­geux cham­pion de l’orthodoxie catho­lique mon­tra le même zèle contre l’idolâtrie, tou­jours vivace en Orient même après la conver­sion de Constantin. Il ren­ver­sa le temple de Diane, qui s’élevait dans sa ville épis­co­pale et qui était le centre de la réac­tion païenne.

Le thaumaturge : le miracle du blé.

Sa sol­li­ci­tude s’étendait éga­le­ment aux inté­rêts maté­riels de ses dio­cé­sains. Dans une famine qui déso­lait la Lycie, des vais­seaux d’Alexandrie, char­gés de blé égyp­tien, furent jetés au port d’Andriaki, voi­sin de Myre. A cette nou­velle Nicolas va en toute hâte deman­der aux arma­teurs de lui lais­ser un peu de leur car­gai­son, afin d’empêcher ses ouailles de mou­rir de faim. Mais ils s’y refusent, allé­guant que ce blé appar­tient à l’Etat et est des­ti­né à la capi­tale de l’Empire. Alors l’évêque de leur répli­quer : « De cha­cun de vos vais­seaux débar­quez cent mesures et je vous garan­tis de tout dom­mage devant le rece­veur des deniers publics à Constantinople. » Ils finissent par y consen­tir ; puis, le temps étant rede­ve­nu favo­rable, ils font voile pour le Bosphore. A leur arri­vée on mesure le blé : le compte est trou­vé tel qu’au sor­tir d’Alexandrie. Les mate­lots émer­veillés racontent alors le pro­dige opé­ré en cours de route.

Innocents délivrés.

Une fois on vint dire à Nicolas que le pré­fet Eustache, trom­pé par de faux rap­ports, avait condam­né trois inno­cents au sup­plice. Les vic­times étaient déjà arri­vées au lieu de l’exécution. Nicolas accou­rut, déli­vra les pri­son­niers et, sui­vi de la foule, se ren­dit chez le magis­trat. Une enquête nou­velle fut ordon­née. Trois com­mis­saires impé­riaux, Népotien, Ursus et Herpylien, furent char­gés de la mener. Après mûr exa­men, l’innocence des accu­sés fut recon­nue et les offi­ciers retour­nèrent à Constantinople, où ils ren­dirent compte de leur mis­sion à l’empereur. Mais la mal­veillance et l’intrigue les poursui­vant, on les accu­sa de s’être lais­sé gagner à prix d’argent. On dit que les mal­heu­reux, qu’ils avaient décla­rés inno­cents, étaient, au con­traire, des cri­mi­nels ayant conspi­ré contre la vie de l’empereur, si bien que les enquê­teurs furent à leur tour condam­nés à mort. La nuit qui devait pré­cé­der leur sup­plice, tous trois s’entretenaient tris­te­ment dans leur cachot, quand Népotien se jetant à genoux :

– Dieu du saint évêque Nicolas, s’écria-t-il, jadis vous avez arra­ché les trois Hébreux à la mort ; nous sommes inno­cents comme eux ! Tout secours humain nous est enle­vé. Au nom de Nicolas, votre ser­vi­teur, pre­nez vous-​même notre défense !

A ce moment, l’empereur était endor­mi, Un vieillard véné­rable lui appa­rut en songe et lui dit :

– Lève-​toi et donne sur-​le-​champ l’ordre de déli­vrer les trois offi­ciers qui viennent d’être injus­te­ment condam­nés à mort !

Constantin, éton­né, demande au vieillard :

– Qui es-​tu pour me tenir un pareil langage ?

Le vieillard répondit :

– Je suis Nicolas, l’évêque de Myre.

Après avoir pro­non­cé ces paroles, la vision dis­pa­rut. Constantin se leva et fit man­der Ablavios, son pré­fet du pré­toire. Avant que le mes­sa­ger du prince fût arri­vé, Ablavios avait vu le même vieillard lui trans­met­tant les mêmes ordres.

– Qui es-​tu ? avait deman­dé Ablavios.

– Je suis un ser­vi­teur du Christ.

On man­da les trois captifs.

– Par quelle opé­ra­tion magique avez-​vous pro­duit ces fan­tômes ? leur dit-on.

Les mal­heu­reux ne com­pre­naient rien à cette ques­tion, et quand on la leur eut expliquée :

– Dieu tout-​puissant ! s’écria Népotien, avez-​vous donc dai­gné exau­cer ma prière et envoyé Nicolas, votre ser­vi­teur, attes­ter en per­sonne notre innocence ?

Il racon­ta alors la scène de la pri­son et se défen­dit des accu­sa­tions por­tées contre lui et ses com­pa­gnons avec un tel accent de sincé­rité qu’il émut et convain­quit l’empereur.

Constantin fît grâce aux condam­nés et leur dit :

– Ce n’est pas à moi que vous devez la vie, mais à ce saint vieil­lard qui est venu à votre secours. Allez lui rendre vos actions de grâces ; dites-​lui que j’ai fidè­le­ment accom­pli ses ordres et que je lui demande de prier pour moi.

Il fit appor­ter un exem­plaire de l’Evangile, écrit en lettres d’or, un calice enri­chi de pier­re­ries et deux burettes d’or, et les remit aux trois offi­ciers avec ordre de les offrir en son nom à l’Eglise de Myre, pour l’usage du saint évêque.

La tempête apaisée.

Il arri­va que des mate­lots sur­pris en mer par la tem­pête sup­plièrent Notre-​Seigneur de les déli­vrer par les mérites de son servi­teur Nicolas. Aussitôt, l’évêque de Myre parut devant eux, et leur dit :

– Me voi­ci pour vous secou­rir, ayez confiance en Dieu dont je suis le serviteur !

Alors, pre­nant le gou­ver­nail, il gui­da le vais­seau d’une main sûre et apai­sa la mer.

Les mate­lots vinrent aus­si­tôt à Myre remer­cier leur libé­ra­teur. Ils le trou­vèrent à l’église, pen­dant le ser­vice divin, et, se proster­nant à ses pieds, ils racon­tèrent devant l’assistance ce qui leur était arri­vé. Le Saint, cou­vert de confu­sion, leur dit :

– Mes enfants, ren­dez gloire à Dieu, car je suis un pauvre pécheur et un ser­vi­teur inutile.

Puis, les pre­nant cha­ri­ta­ble­ment à part, il leur décla­ra qu’ils étaient tom­bés en ce péril à cause de leurs péchés, et leur en décou­vrit quelques par­ti­cu­la­ri­tés secrètes, afin qu’ils en fissent pénitence.

Saint Nicolas de Myre res­sus­cite un mate­lot tom­bé d’un mât.

Mort de saint Nicolas.

Il semble que la mort de saint Nicolas ne soit qu’un entr’acte dans une longue suc­ces­sion de bien­faits. Le moine archi­man­drite Michel, son bio­graphe, la raconte en quelques lignes, entre deux récits de miracles. « Ayant ain­si admi­nis­tré, dit-​il, l’Eglise métro­po­li­taine de Myre et embau­mé des par­fums d’une vie sacer­do­tale très sainte, il quit­ta cette vie péris­sable pour l’éternel repos où, mêlé aux chœurs des anges et à la foule des patriarches, il jouit du bon­heur céleste, inter­cé­dant sans cesse pour ceux qui l’invoquent avec foi et dévo­tion, et sur­tout pour ceux qui sont éprou­vés par le mal­heur ou par des cala­mi­tés publiques. »

Quant à la date de sa mort, une très ancienne tra­di­tion la fixe au sixième jour de décembre. Elle serait sur­ve­nue soit vers 352, soit plu­tôt en 341, s’il est exact que la trans­la­tion de son corps à Bari (Italie méri­dio­nale), le 9 mai 1087, ait eu lieu 746 ans plus tard.

Miracles posthumes.

Notre-​Seigneur, qui avait hono­ré son ser­vi­teur par de si grands miracles pen­dant sa vie, le glo­ri­fia encore après sa mort. Il cou­la de son corps une liqueur mer­veilleuse qui ren­dait la san­té à de nom­breux malades. Ce pro­dige a per­sis­té jusqu’à nos jours, et les cha­noines qui gardent la basi­lique du Saint, à Bari, délivrent encore des fla­cons scel­lés, conte­nant de cette liqueur appe­lée « myron » (par­fum) ou « manne de Saint-Nicolas ».

Plusieurs pèle­rins étaient sur le point de s’embarquer pour aller véné­rer les reliques de saint Nicolas. Le diable, chas­sé jadis du temple de Diane, vou­lut se ven­ger du Saint sur ceux qui lui por­taient de la dévo­tion. Il prit la figure d’une femme qui tenait un grand vase d’huile ; cette femme, par­lant aux pèle­rins et aux pas­sa­gers, leur dit qu’elle connais­sait bien le but de leur voyage et qu’elle les y accom­pagnerait, si sa fai­blesse ne l’en empê­chait pas, mais, ajouta-​t-​elle, puisqu’elle n’y pou­vait aller, elle les priait de prendre cette huile et de l’offrir de sa part pour ser­vir à l’usage des lampes allu­mées devant le sépulcre du Saint. Les pèle­rins acce­ptèrent, pen­sant qu’ils avaient affaire à une femme pieuse.

Le second jour, ils subirent une grande tem­pête, et comme ils vou­laient relâ­cher, saint Nicolas leur appa­rut sous la forme d’un vieillard véné­rable venant dans une barque. Il leur com­man­da de jeter à la mer le vase d’huile, que le diable, dégui­sé en femme, leur avait don­né, assu­rant qu’ils feraient ensuite un bon voyage. Ils obéirent aus­si­tôt et, à l’endroit où cette huile tom­ba, il s’éleva un feu si épou­van­table et si infect au milieu de la mer, qu’ils n’eurent pas de peine à croire à son ori­gine infernale.

Voici un autre trait. Les Vandales, lors de leur pas­sage en Calabre, rava­gèrent tout le pays. L’un d’eux, ayant trou­vé chez un chré­tien une image de saint Nicolas, l’emporta sans savoir ce qu’il pre­nait, mais les chré­tiens lui dirent que c’était le por­trait d’un Saint, par qui Dieu opé­rait des pro­diges. Un jour qu’il s’absentait à la hâte pour quelque affaire, il lais­sa l’image au milieu de toutes ses richesses, sans prendre soin de les enfer­mer, mais en deman­dant à saint Nicolas de gar­der sa mai­son et ses biens.

A peine le Vandale était-​il sor­ti que des voleurs accou­rus mirent la demeure au pillage. De retour chez lui, le maître du lieu se mit à frap­per l’image, mena­çant de la brû­ler si tout ce qui lui avait été pris ne lui était pas ren­du. Au même ins­tant, saint Nicolas appa­rut aux lar­rons, leur com­man­dant de tout rap­por­ter. Ils le firent, et le Vandale se conver­tit avec sa femme et tous les siens.

Les hagio­graphes grecs ou latins se com­plaisent aux récits de miracles accom­plis par saint Nicolas pour déli­vrer de la ser­vi­tude et de ses périls des enfants pri­son­niers. Telle, entre autres, l’his­toire du jeune Basile, enle­vé près de Myre par les Sarrasins et ren­du sain et sauf à ses parents, un an après l’événement.

Le culte et les patronages de saint Nicolas.

Le culte de saint Nicolas, com­men­cé dès les années qui sui­virent sa mort, se déve­lop­pa et se main­tint par­mi toutes les vicis­si­tudes reli­gieuses de l’Eglise d’Orient. Il ne tar­da pas à être implan­té par les Grecs à Rome et dans toute l’Italie. Depuis la trans­la­tion des reliques à Bari en 1087, les pèle­rins n’ont ces­sé d’affluer en cette ville, sur­tout le g mai, en « la Saint-​Nicolas d’été ». Sa fête a été éle­vée au rite double par Clément X le 6 décembre 1670.

A la fin du xie siècle, un che­va­lier lor­rain, Albert de Varangéville, ayant pas­sé par Bari, en reve­nant de la Croisade, en avait rap­por­té un frag­ment d’un doigt du Saint, qu’il dépo­sa, en 1098, dans une cha­pelle consa­crée à Notre-​Dame, au vil­lage du Port. Cette relique don­na ain­si nais­sance au pèle­ri­nage de Saint-​Nicolas du Port, près Nancy, et au patro­nage de l’évêque de Myre sur toute la Lorraine.

De saint Nicolas les futures mères sol­li­citent pour leurs enfants une nais­sance heu­reuse et la grâce du bap­tême. Il a été choi­si aus­si comme pro­tec­teur par un grand nombre de cor­po­ra­tions. Marins, bate­liers, débar­deurs, pêcheurs, voya­geurs et pèle­rins, vic­times de vols ou d’erreurs judi­ciaires se réclament de sa tutelle. Pour les ton­ne­liers, il est le Saint qui fît sor­tir vivants d’un ton­neau ou d’un cuvier « trois petits enfants qui s’en allaient gla­ner aux champs », comme il est dit dans une célèbre com­plainte et qu’un bou­cher avait égor­gés, « cou­pés en menus mor­ceaux et mis au saloir comme pour­ceaux ». Ce der­nier miracle, le plus popu­laire de tous, encore que l’hagiographie et l’iconographie grecques l’ignorent, a valu à saint Nicolas le gra­cieux patro­nage de la jeunesse.

A. L.

Sources à consul­ter. – Abbé E. Marin, Saint Nicolas (Collection Les Saints, 1917). – Auguste Marguillier, Saint Nicolas (42 illus­tra­tions, Paris). – (V. S. B. P., nos 44 et 169.)