Bien des difficultés quotidiennes proviennent d’un manque de jugement. Qu’est-ce à dire ?
On n’apprécie pas la réalité des faits telle qu’elle est objectivement. On ne juge pas correctement de telle situation particulière. Il ne s’agit pas ici des erreurs, qui affectent notre connaissance de Dieu, de l’humanité ou du monde matériel : des erreurs qu’on pourrait appeler « théoriques ». Mais il s’agit de se tromper sur le comportement d’un proche ; de mal interpréter un message écrit ou oral, en lui donnant un sens qu’il n’a pas ; de ne pas comprendre les réactions émotionnelles des autres ; de faire des rapprochements – qui n’ont pas lieu d’être – entre deux faits indépendants ; d’attribuer telle cause extraordinaire à un phénomène qui s’explique plus simplement par les lois de la nature… Notre regard, fasciné par des détails ou des aspects de la réalité, oublie de la considérer dans sa totalité : vision superficielle qui aboutit à se méprendre partiellement, voire totalement.
Ces erreurs de jugement pratique peuvent avoir des conséquences plus ou moins graves, parfois dramatiques. Dans la mesure où on agit en fonction de la manière dont on apprécie la réalité, il va sans dire qu’une erreur de jugement peut conduire à des décisions insensées, qui vont à l’encontre de notre bien et de notre bonheur. Ce n’est malheureusement pas rare… et cet article n’a d’autre but que de mettre le doigt sur un problème souvent rencontré.
Comment en arrivons-nous là ? Plusieurs causes sont à signaler, à commencer par des affections non maîtrisées : la colère brouille les yeux et empêche l’homme d’être raisonnable. C’est pourquoi il ne faudrait jamais déclencher la colère avant que la situation ne soit sereinement appréciée et jugée ! L’amour et la haine, le désir ou la répugnance, la tristesse ou la joie peuvent modifier profondément notre regard sur l’autre au point de le déformer. Mais il y a aussi les fausses pensées : les préjugés ou a priori, les ignorances qui s’ignorent, les idées erronées que nous traînons sans toujours le savoir ; elles contribuent aussi, en conditionnant notre intelligence, à mal juger de situations particulières. Il y a encore les erreurs de raisonnement : untel a dit cela ; or untel a fait cela ; donc son dire est vrai ou faux ; ou bien les erreurs de méthode : pour savoir ce qu’il faut penser de telle personne, groupe ou société, je regarde ce qu’en disent les médias ou les réseaux sociaux. Inutile d’ajouter que la fréquentation des écrans n’aide pas à bien juger des situations : en favorisant l’immédiateté de l’information et en recherchant le sensationnel ou l’émotionnel, les écrans empêchent souvent le recul, le temps et la réflexion nécessaires pour juger avec justesse des diverses situations auxquelles nous sommes confrontés.
Apprendre à juger avec objectivité des situations devient un impératif. Sans doute nous ne sommes pas égaux sur ce point : certains ont une aptitude naturelle pour cela, quand d’autres en manquent tout à fait. Mais il est possible pour chacun de progresser : mettre à distance ses émotions et ses écrans ; contrôler la vérité de nos idées toutes faites et la logique de nos raisonnements ; se référer à des personnes connues pour leur jugement sûr et juste ou faire vérifier ses jugements par des personnes sages : voilà autant de pistes pour nous aider à remédier à nos manques de jugement et à leurs malheureuses conséquences. Bonne rentrée !
Source : Apostol n° 188