Seigneur, donnez-nous un maître pour que nous Vous trouvions… Le problème n’est pas d’avoir un maître mais d’avoir l’âme d’un disciple.
Jean, le Baptiste, était dans le désert, baptisant et prêchant le baptême de pénitence pour la rémission des péchés. Toute la Judée et tous ceux de Jérusalem venaient à lui.
Pourtant, il ne faisait pas de miracles, comme bientôt le Christ.
Vêtu de poils de chameau, avec une ceinture de cuir à ses reins, il se nourrissait de sauterelles et miel sauvage.
Sa mortification héroïque pouvait expliquer en partie la popularité dont il jouissait : tout cela était bien éloigné du mauvais exemple des prêtres en place. Et puis, il y avait dans l’air une grande inquiétude, comme le traduiront les qui es-tu qui lui seront posés. Israël gémissait, humilié sous le joug de Rome. On comptait sur le Messie, sur le retour d’Élie pour un rétablissement politique.
Pourtant, le souvenir appliqué au baptiste et rapporté dans saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, de la prophétie d’Isaïe vieille de 700 ans, était plus que le signe de l’attente d’un rétablissement politique ou d’une réforme religieuse. C’était le rappel de la possibilité de l’intervention divine dans le temps… Voix de celui qui crie dans le désert. Préparez la voie au Seigneur – rendez droits ses sentiers. A Zacharie, n’avait-il été pas dit que son Fils marcherait devant le Messie, selon l’esprit et la vertu d’Élie ? Plus qu’un énième réformateur, au désert, Jean-Baptiste ouvrait la voix à l’intrusion divine par la personne du Fils éternel dans l’histoire humaine et surtout dans la vie de chacun d’entre nous.
Qu’êtes vous allés chercher dans le désert ?
La foule n’y avait trouvé qu’une prédication rude, certes, mais simple sur la charité… que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas et que celui qui a de quoi manger fasse de même. Aux publicains, ces collecteurs d’impôts à la solde de l’envahisseur, plutôt que de les blâmer, il leur disait de ne pas voler : N’exigez rien de plus que ce que ce qui vous a été fixé… être juste, comme il le dira aussi aux soldats… ne dénoncez pas faussement et contentez vous de votre paye. La simplicité de ses conseils tranchait franchement avec la rudesse de son apparence : ils étaient pour lui les seuls capables de préparer les âmes à celui qui vient. Accepter d’être simple, c’est s’ouvrir à Dieu.
Seigneur, donnez-nous un maître pour que nous Vous trouvions… Il ne suffit pas d’avoir une bible sur son bureau pour savoir lire les saintes écritures… car tout le monde sait lire, mais peu savent entendre la voix de Dieu. Il ne suffit pas de savoir ce qu’est l’oraison pour être une âme d’oraison… un habitué de ce dialogue intime avec Dieu connaît les secrets divins pour que l’oraison ne se termine pas en un monologue insipide. Le débutant dans la vie spirituelle souvent se heurte à une série de portes fermées. Pourquoi ? Il manque de simplicité… un malade se cacherait-il à celui qui va le soigner ? Il lui faut trouver cette nudité de l’âme en comprenant que c’est lui-même qui s’est fermé ces portes ; sinon, d’échecs en échecs, il s’épuisera avant de s’abandonner à la routine. Et il ne le comprendra pas sans l’aide d’un autre qui a l’expérience des méandres de l’âme et de la simplicité de Dieu. Le père spirituel est là pour le corriger et l’encourager avant de disparaître. Il ne le remplacera pas dans ce travail qu’il doit faire en lui mais il lui fera découvrir la vie intérieure, cette habitude de la grâce comme une intimité divine.
En fait, le problème n’est pas d’avoir un maître, le problème est d’avoir l’âme d’un disciple. La foule avait trouvé son maître dans ce désert. Pourtant, le jour suivant, le Christ passa. D’une seule intonation, voici l’agneau de Dieu, le Baptiste avait désigné le Christ. Et seuls André et Jean le quittèrent pour suivre Jésus. Pour eux, la mission du Baptiste était accomplie, ils avaient été de vrais disciples : le précurseur les avait détachés d’eux-mêmes et de lui, et ces deux-là avaient trouvé sans le savoir la simplicité qui plait à Dieu.
Savoir être disciple, c’est apprendre à ne plus demander ce que l’on veut ou ce que l’on s’imagine. C’est apprendre à écouter et à reconnaître. C’est apprendre à ne plus vouloir changer le monotone devoir quotidien, et étonnamment, c’est savoir risquer sa vie. Car c’est apprendre à renouveler en soi, d’esprit et de cœur, la ferveur que l’on accorde à ce que Dieu veut de nous à chaque instant. Un tel disciple comprendra ce que son maître entend dans ses silences, et ce jour-là, il saura le remercier pour la docilité qu’il lui a apprise. Sans vraiment le quitter, il saura enfin se défaire de lui… car, nous n’avons qu’un seul Maître.