Ils n’ont plus de vin.
(Jn, 2, 3)
Cet Évangile n’est qu’édification et nous éprouvons une grande joie de découvrir notre Sauveur. Nous le voyons justement ami de nos joies humaines les plus simples, parce que c’est lui la source de cette joie : Il prend part à une fête de famille, Il est à l’aise au milieu de ces gens, si simples qu’ils resteront anonymes… Il se mélange à la pâte humaine comme le levain, et sa présence la sanctifie, remplit de beauté, de dignité et de grâce chaque instant de la vie des hommes.
Nous voyons aussi la Très Sainte Vierge, la plus noble image de la femme et de la mère. Femme… Madame… lui dit Jésus. En effet, quelle Femme que Notre Dame ! partout secourable, partout prévoyante, en tout serviable, en tout modeste… ; nous la voyons Mère qui, par son intercession, nous laisse son Fils et obtient le premier miracle. Elle a ravi pour toujours le messager du Père ; elle est maintenant messagère de la pauvreté des hommes, et elle ravit son Fils… Femme, elle est la Femme du nouvel Homme.
Voilà le royaume des Cieux… Il est semblable à des noces qu’un Père organisa pour son Fils… Cette image des noces et de l’Épouse est fréquente, aussi bien dans l’ancien que dans le nouveau Testament : parce que le Christ est l’Époux, parce que l’Église est l’Épouse, même si à Cana, l’Épouse, c’est Marie. En elle est toute l’Église.
Certainement, le récit de cet évènement historique qu’est le miracle nous édifie… Une seule action de Notre Seigneur n’est-elle pas une révélation totale de Dieu ? Mais lorsque nous lisons dans l’Évangile le passé, nous devons penser le présent de Dieu, parce que Dieu est vivant, Il est la Vie. La vie sur terre de Jésus était manifestation de sa divinité et de son action dans son Église. Comme le Christ est à jamais vivant ; ce miracle, comme lui, est hors du temps : Jésus ne se contente pas d’avoir changé, un jour, il y a si longtemps, de l’eau en vin. Et ce qu’il fait dans son aujourd’hui éternel est d’une réalité plus élevée qu’un simple banquet terrestre. Ne pourrions-nous pas dire, que ce miracle que Notre Seigneur fit alors, Il le fit moins pour le miracle lui-même qu’en considération de l’avenir, qu’en considération de cette éternité qu’Il veut pour nous ?
Voyez… nous découvrons la Vérité : le Seigneur a vraiment gardé jusqu’à maintenant le meilleur Vin. C’est le Vin de l’Eucharistie… la Communion est l’union incroyable des noces éternelles entre notre âme et l’époux, Jésus, notre Dieu. C’est l’Heure, dont fait allusion Notre Seigneur dans sa réponse à sa Très Sainte Mère. C’est l’instant éternel que nous goûtons à chaque sacrement. C’est pour l’homme l’instant de l’éternité partagée dont parle si admirablement la bienheureuse Elisabeth de la Trinité, Ma vie n’est qu’un instant, une heure passagère… pour T’aimer sur la terre, Je n’ai rien qu’aujourd’hui !…
Avec cette élévation éternelle, nous comprenons que la réponse du Fils à sa Très Sainte Mère, n’est pas le reproche qu’une lecture humaine nous ferait percevoir… qu’y a‑t-il entre Moi et Vous, Madame, mon Heure n’est pas encore venue… c’est-à-dire, de vous à moi, que nous en est-il qu’il n’y ait plus de vin ?
Le Vin qui enivre l’âme de la Sainte Vierge n’est pas ce vin des noces qui fait défaut. C’est l’Esprit qui l’a couverte de son ombre le jour de l’Annonciation, c’est l’Esprit qui est l’époux de son âme depuis son immaculée Conception. C’est l’Esprit qui laissera penser aux spectateurs de passage à Jérusalem le jour de la Pentecôte, que les disciples étaient ivres.
Faites tout ce qu’Il vous dira… comprenons-nous qu’il y a dans cette réponse de Notre Dame toute l’intelligence de la vie religieuse ? Faites tout ce qu’il vous dira, c’est concrètement l’obéissance totale, pilier incontournable de la vie chrétienne, réalisation concrète du Que Votre volonté soit faite, sur la terre comme au Ciel. Celle qui a dit Je suis la servante du Seigneur, mesure-t-elle en cet instant que sa parole anticipe le A chaque fois que vous ferez cela, vous le ferez en mémoire de moi, de la première messe et de la première ordination sacerdotale du Jeudi Saint ?
Tout homme sert d’abord le bon vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent ! Parce que l’époux, c’est le Christ, et que le Vin, c’est son sang, mysterium fidei, novi et aeterni testamenti… À Cana, la Foi nous montre le Royaume des Cieux, semblable à des noces qu’un Père organisa pour son Fils… la table nuptiale est dressée, c’est la Croix, c’est notre Autel, c’est bientôt le Ciel, c’est depuis toujours le Ciel. Ces noces sont pour nous un miracle ; c’est surtout l’acte, le désir de Dieu sur nous ; et ce miracle, nous découvrons avec une immense émotion que c’est une Messe d’ici-bas, et que cette messe c’est la Messe du Ciel.
Faites tout ce qu’Il vous dira… Regardons Notre Dame ; elle saisit dans la Foi tout le mystère de la réponse de son Fils : cette Heure, c’est la Nouvelle Alliance, la Liturgie céleste entre le Fils et le Père éternel. À Cana, comme à chaque Messe, nous faisons partie des invités des noces éternelles, aux côtés du Christ et de sa Très Sainte Mère. C’est à nous de vivre ce miracle, la Messe, « notre » miracle quotidien de l’Autel, et de faire nôtre la joie de Dieu. Quand le vin fit défaut, Jésus fit remplir les cruches d’eau et l’eau fut changée en Vin, Alleluia.