Les noces de Cana (4)

Les noces de Cana, église Saint-Jean de Montmartre. Crédit : Fred de Noyelle / Godong

De Cana, nous rete­nons avec rai­son le pre­mier miracle que fit Jésus. Mais rete­nons sur­tout la Gloire qu’Il manifeste.

Il mani­fes­ta sa gloire…

(Jn, 2, 11)

Jésus est un grand Seigneur. Quand Il pro­cla­mait son excel­lence, Il ne se van­tait pas. Quand il s’élevait jusqu’au Ciel, Il ne fai­sait que prendre sa place. À la fois modeste et fier, Il ne se glo­ri­fie qu’à juste titre ; et le même qui disait, mon Père et Moi, nous ne sommes qu’un, pou­vait ajou­ter, Venez à mon école, car je suis doux et humble de cœur.

Ce grand fier est aus­si un grand humble. Fierté et humi­li­té, c’est ici le grand écart qui bou­le­verse l’âme de celui qui médite l’Évangile et qui trouve sa nour­ri­ture dans cette très riche nature, dans cette âme vaste abri­tant tel­le­ment de contrastes qui ordi­nai­re­ment paraî­traient contraires.

L’humilité n’est pas, comme beau­coup le croient, un mépris sys­té­ma­tique et exa­gé­ré de la nature humaine. Pourquoi ne pas recon­naître les dons de Dieu et les fruits de ceux-​ci ? L’orgueil ori­gi­nel nous a tous bles­sés, et sou­vent il teinte de vani­té toutes nos actions. Mais, il serait faux de réduire l’humilité à un sen­ti­ment erro­né et quelque peu ridi­cule. L’humilité consiste à se connaître soi-​même et à s’estimer à son juste prix… si bien que l’on a pu dire que l’humilité c’est la vérité.

En ce sens, l’humilité est une ver­tu que les incroyants devraient eux-​mêmes pos­sé­der. L’honnête homme découvre en lui ce qui n’est que vani­té et recherche désor­don­née de soi. Mais pris dans son accep­tion pure­ment chré­tienne, le mot signi­fie la fuite des hon­neurs et la recherche des humi­lia­tions… car l’Amour de Dieu l’emporte sur tout amour de soi.

Jésus est la Vérité. Regardons cette Vérité à Cana… quand tu es invi­té, prends la der­nière place, avait-​il dit à ces pha­ri­siens qui se cha­maillaient la pre­mière place. Ce qui Lui déplai­sait chez ces pha­ri­siens, c’est qu’ils atta­chaient moins d’importance aux dis­po­si­tions morales qu’aux pra­tiques exté­rieures. Les mains lavées, ils ne s’inquiétaient pas de savoir si l’âme était propre… Malheur à vous, scribes et pha­ri­siens hypo­crites… parce que vous net­toyez le dehors de la coupe et du plat, et qu’au dedans, vous êtes plein de rapine et d’iniquité… les invec­tives de Cicéron contre Catalina n’égalent pas en véhé­mence les impré­ca­tions contre les pha­ri­siens… Serpents, race de vipères, com­ment échapperez-​vous au juge­ment de la géhenne ? Ce tri­bun fou­gueux qui tonne contre ses adver­saires, est l’ami du pécheur repen­tant, des enfants et des pauvres. Pourquoi ? Parce qu’ils « n’ont pas la Vérité », parce qu’ils n’en ont pas peur et qu’ils la recherchent au péril d’eux-mêmes.

Voyons aus­si com­ment le Fils de Dieu s’est abais­sé volon­tai­re­ment et, selon le mot de saint Paul, s’est anéan­ti. Le Roi des rois a pris l’exact contre-​pied de toute logique humaine. Ce n’est pas dans un palais qu’Il a vécu ; le logis de Joseph de Nazareth était une mai­son aus­si étroite et aus­si pauvre que les mai­sons des plus pauvres de son temps. Rien de plus com­mun que le vête­ment et la nour­ri­ture. Quel éton­ne­ment de le voir si à l’aise au milieu de ces petites gens. Quand il paraît à ces noces, il n’a d’autre cor­tège que des bate­liers, des pêcheurs qui viennent de mar­cher trois jours ; bien­tôt, ce seront des enfants, des femmes et des pauvres… une foule immense. On l’aborde sans céré­mo­nie, mais tou­jours avec res­pect, comme ce cen­tu­rion ou comme sa Très Sainte Mère qui lui dit si déli­ca­te­ment ils n’ont plus de vin.

Le vin de Cana n’était pas fameux, mais Jésus s’en contente… plus encore, c’est son délice : me jouant sur le globe de la terre, et mes délices sont d’être avec les enfants des hommes, voi­là le secret éter­nel de Dieu qui se découvre à nos yeux. On s’approche de Lui, comme ami, comme un frère. Il n’a pas d’esclaves à ses ordres ; il se plaît au contraire à laver les pieds de ses apôtres, si Je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi, dira-​t-​Il à Pierre. Il leur pré­pa­re­ra à man­ger, les ser­vi­ra de ses propres mains et pren­dra soin d’eux au retour de leurs pre­mières mis­sions, les emme­nant avec Lui à l’écart. Cette abné­ga­tion ira jusqu’à se faire leur nour­ri­ture, appli­quant à la lettre, ou, pour mieux dire, outrant la parole que pro­voque l’intrigue des fils de Zébédée : Je suis venu, non pour être ser­vi, mais pour servir…

De Cana, nous rete­nons avec rai­son le miracle, le pre­mier des signes que fit Jésus. Mais, de Cana, rete­nons sur­tout la Gloire que Jésus mani­feste. Comment le fait-​il ? Quand tu es invi­té, prends la der­nière place… le divin Maître fait ce qu’Il dit, et Il dit ce qu’Il est, le Fils de Dieu. Il est la Vérité, la Voie et la Vie. Pouvons-​nous oublier qu’une seule action de Notre Seigneur est révé­la­tion totale de Dieu ? Cela nous laisse dans la stu­peur, mais quelle joie de connaître Dieu ! Tel fut le pre­mier des signes de Jésus, il l’ac­com­plit à Cana de Galilée et il mani­fes­ta sa gloire et ses dis­ciples crurent en lui.