De Cana, nous retenons avec raison le premier miracle que fit Jésus. Mais retenons surtout la Gloire qu’Il manifeste.
Il manifesta sa gloire…
(Jn, 2, 11)
Jésus est un grand Seigneur. Quand Il proclamait son excellence, Il ne se vantait pas. Quand il s’élevait jusqu’au Ciel, Il ne faisait que prendre sa place. À la fois modeste et fier, Il ne se glorifie qu’à juste titre ; et le même qui disait, mon Père et Moi, nous ne sommes qu’un, pouvait ajouter, Venez à mon école, car je suis doux et humble de cœur.
Ce grand fier est aussi un grand humble. Fierté et humilité, c’est ici le grand écart qui bouleverse l’âme de celui qui médite l’Évangile et qui trouve sa nourriture dans cette très riche nature, dans cette âme vaste abritant tellement de contrastes qui ordinairement paraîtraient contraires.
L’humilité n’est pas, comme beaucoup le croient, un mépris systématique et exagéré de la nature humaine. Pourquoi ne pas reconnaître les dons de Dieu et les fruits de ceux-ci ? L’orgueil originel nous a tous blessés, et souvent il teinte de vanité toutes nos actions. Mais, il serait faux de réduire l’humilité à un sentiment erroné et quelque peu ridicule. L’humilité consiste à se connaître soi-même et à s’estimer à son juste prix… si bien que l’on a pu dire que l’humilité c’est la vérité.
En ce sens, l’humilité est une vertu que les incroyants devraient eux-mêmes posséder. L’honnête homme découvre en lui ce qui n’est que vanité et recherche désordonnée de soi. Mais pris dans son acception purement chrétienne, le mot signifie la fuite des honneurs et la recherche des humiliations… car l’Amour de Dieu l’emporte sur tout amour de soi.
Jésus est la Vérité. Regardons cette Vérité à Cana… quand tu es invité, prends la dernière place, avait-il dit à ces pharisiens qui se chamaillaient la première place. Ce qui Lui déplaisait chez ces pharisiens, c’est qu’ils attachaient moins d’importance aux dispositions morales qu’aux pratiques extérieures. Les mains lavées, ils ne s’inquiétaient pas de savoir si l’âme était propre… Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites… parce que vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et qu’au dedans, vous êtes plein de rapine et d’iniquité… les invectives de Cicéron contre Catalina n’égalent pas en véhémence les imprécations contre les pharisiens… Serpents, race de vipères, comment échapperez-vous au jugement de la géhenne ? Ce tribun fougueux qui tonne contre ses adversaires, est l’ami du pécheur repentant, des enfants et des pauvres. Pourquoi ? Parce qu’ils « n’ont pas la Vérité », parce qu’ils n’en ont pas peur et qu’ils la recherchent au péril d’eux-mêmes.
Voyons aussi comment le Fils de Dieu s’est abaissé volontairement et, selon le mot de saint Paul, s’est anéanti. Le Roi des rois a pris l’exact contre-pied de toute logique humaine. Ce n’est pas dans un palais qu’Il a vécu ; le logis de Joseph de Nazareth était une maison aussi étroite et aussi pauvre que les maisons des plus pauvres de son temps. Rien de plus commun que le vêtement et la nourriture. Quel étonnement de le voir si à l’aise au milieu de ces petites gens. Quand il paraît à ces noces, il n’a d’autre cortège que des bateliers, des pêcheurs qui viennent de marcher trois jours ; bientôt, ce seront des enfants, des femmes et des pauvres… une foule immense. On l’aborde sans cérémonie, mais toujours avec respect, comme ce centurion ou comme sa Très Sainte Mère qui lui dit si délicatement ils n’ont plus de vin.
Le vin de Cana n’était pas fameux, mais Jésus s’en contente… plus encore, c’est son délice : me jouant sur le globe de la terre, et mes délices sont d’être avec les enfants des hommes, voilà le secret éternel de Dieu qui se découvre à nos yeux. On s’approche de Lui, comme ami, comme un frère. Il n’a pas d’esclaves à ses ordres ; il se plaît au contraire à laver les pieds de ses apôtres, si Je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi, dira-t-Il à Pierre. Il leur préparera à manger, les servira de ses propres mains et prendra soin d’eux au retour de leurs premières missions, les emmenant avec Lui à l’écart. Cette abnégation ira jusqu’à se faire leur nourriture, appliquant à la lettre, ou, pour mieux dire, outrant la parole que provoque l’intrigue des fils de Zébédée : Je suis venu, non pour être servi, mais pour servir…
De Cana, nous retenons avec raison le miracle, le premier des signes que fit Jésus. Mais, de Cana, retenons surtout la Gloire que Jésus manifeste. Comment le fait-il ? Quand tu es invité, prends la dernière place… le divin Maître fait ce qu’Il dit, et Il dit ce qu’Il est, le Fils de Dieu. Il est la Vérité, la Voie et la Vie. Pouvons-nous oublier qu’une seule action de Notre Seigneur est révélation totale de Dieu ? Cela nous laisse dans la stupeur, mais quelle joie de connaître Dieu ! Tel fut le premier des signes de Jésus, il l’accomplit à Cana de Galilée et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.