Les noces de Cana (3)

Les Noces de Cana par Paul Véronèse, vers 1563. Domaine public via Wikimedia commons

La pré­sence de Notre Seigneur, véri­table Maître du festin.

Jésus aus­si fut invi­té à ces noces, ain­si que ses disciples…

(Jn, 2, 2)

Jésus, homme par­fait, exer­çait un extra­or­di­naire ascen­dant sur tous ceux qui l’approchaient. Sans pou­voir garan­tir, à défaut de por­trait authen­tique du divin Maître, l’exactitude de tel ou tel des traits de sa phy­sio­no­mie, nous pou­vons être cer­tains que Jésus était beau, de cette beau­té supé­rieure qui naît du rayon­ne­ment de l’âme dans le regard, sur le visage et par tout l’extérieur.

Une âme humaine bien vivante trans­fi­gure le corps qu’elle habite et fait res­plen­dir d’une grâce spi­ri­tuelle ce qui sans elle ne sem­ble­rait sou­vent qu’une vul­gaire matérialité.

On a dit de la petite Thérèse qu’elle avait le Ciel dans les yeux… or quel génie, quel saint eut jamais une âme com­pa­rable à celle de Notre Seigneur ? Il y a tou­jours chez les plus par­faits d’entre les hommes, des lacunes fâcheuses, qu’ils auront le mérite de sur­mon­ter dans l’humilité et par l’action de la Grâce. Simon Pierre, par exemple, était ardent et géné­reux, c’est lui que le Christ avait choi­si, mais quelle pré­somp­tion et quelle faiblesse !

Jésus est la per­fec­tion même. Toutes les qua­li­tés morales, dis­per­sées chez nos sem­blables, se trouvent ras­sem­blées en lui. Il fut à la fois homme d’esprit, homme de cœur et homme d’action. Nul n’a par­lé comme Lui, nul n’a su comme Lui manier les hommes, les entraî­ner au-​delà d’eux-mêmes, les sou­le­ver au-​dessus de leur médio­cri­té naturelle.

Mais ce qu’il faut sur­tout noter, c’est qu’Il sait unir et conci­lier des qua­li­tés qui semblent s’exclure. Son esprit est tout ensemble puis­sant et déli­cat. Rien n’égale la pro­fon­deur de sa doc­trine, si ce n’est la lim­pi­di­té de son expo­si­tion. Il est à la fois pru­dent et cou­ra­geux, indul­gent et sévère, grave et affable, héroïque et tendre, humble et fier.

Jésus est fait de contrastes fon­dus en un tout har­mo­nieux… en lui, pas de dis­so­nances ; les extrêmes se touchent et se mettent d’accord : le Christ est une har­mo­nie. Et cette har­mo­nie secrète est si bien com­prise par la Très Sainte Vierge qu’elle admi­rait tout ce qu’on disait de Lui, qu’elle conser­vait tout dans son cœur.

Une connais­sance super­fi­cielle de la per­son­na­li­té de Jésus a accré­di­té la croyance en un Jésus uni­que­ment humble. Si humble, qu’il n’aurait eu que cette atti­tude : un Jésus sans fier­té, un agneau offert à tous les coups, citoyen volon­tai­re­ment effa­cé, dimi­nué… parce qu’Il n’aurait cru qu’à une seule force ici-​bas, la souf­france mys­ti­que­ment accep­tée et offerte au Père.

La réa­li­té est tout autre. À Cana, comme sur la Croix, rien n’échappe au contrôle du Christ. Notre Seigneur n’est sou­mis à aucune autre volon­té que celle de son Père, qui est aus­si la sienne. Alors, si Jésus est humble, le grand humble, Il fut aus­si et d’abord fier, au sens le plus plé­nier, le plus hono­rable du mot car Il est l’Incarnation de la divi­ni­té, Il est le Fils de Dieu. Ce Fils est aus­si dans sa nais­sance humaine de souche royale, Il est des­cen­dant de David, le roi fas­tueux et batailleur.

À Cana, Jésus com­mande en véri­table Seigneur. Ce qu’Il est, Il le sait et Il le dit : Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous faites bien ; je le suis en effet. Son auto­ri­té n’a pas cette fai­blesse, comme une honte, que l’on remarque chez les timides. Et si en cet ins­tant, Il dit « Madame » à sa Très Sainte Mère, c’est avec une âme d’aristocrate… aucun mépris, bien au contraire. La réac­tion de Notre Dame nous montre qu’elle le sait.

À Cana, comme le dit saint Jean, Notre Seigneur mani­fes­ta sa gloire. Il faut lire ce pas­sage en se sou­ve­nant de cet autre où Jésus se dépeint jugeant les hommes à la fin du monde, le Fils de l’homme vien­dra un jour dans sa majes­té, tous les anges lui fai­sant cor­tège ; il s’assiéra sur le trône de sa majes­té, et toutes les nations seront convo­quées devant lui. Si l’on arrive à conser­ver dans notre vision cette grande uni­té du Christ, nous com­pre­nons tout son sens au témoi­gnage de saint Jean dans le pro­logue de son évan­gile, le Verbe s’est fait chair, et il a habi­té par­mi nous, plein de grâce et de véri­té ; nous avons vu la gloire du Fils unique du Père. C’est sa Foi à la divi­ni­té du Christ que Jean exprime là, mais aus­si son admi­ra­tion pour la splen­deur humaine du grand Seigneur son Maître… A Cana, le Seigneur mani­fes­ta sa gloire et ses dis­ciples crurent en lui.