La présence de Notre Seigneur, véritable Maître du festin.
Jésus aussi fut invité à ces noces, ainsi que ses disciples…
(Jn, 2, 2)
Jésus, homme parfait, exerçait un extraordinaire ascendant sur tous ceux qui l’approchaient. Sans pouvoir garantir, à défaut de portrait authentique du divin Maître, l’exactitude de tel ou tel des traits de sa physionomie, nous pouvons être certains que Jésus était beau, de cette beauté supérieure qui naît du rayonnement de l’âme dans le regard, sur le visage et par tout l’extérieur.
Une âme humaine bien vivante transfigure le corps qu’elle habite et fait resplendir d’une grâce spirituelle ce qui sans elle ne semblerait souvent qu’une vulgaire matérialité.
On a dit de la petite Thérèse qu’elle avait le Ciel dans les yeux… or quel génie, quel saint eut jamais une âme comparable à celle de Notre Seigneur ? Il y a toujours chez les plus parfaits d’entre les hommes, des lacunes fâcheuses, qu’ils auront le mérite de surmonter dans l’humilité et par l’action de la Grâce. Simon Pierre, par exemple, était ardent et généreux, c’est lui que le Christ avait choisi, mais quelle présomption et quelle faiblesse !
Jésus est la perfection même. Toutes les qualités morales, dispersées chez nos semblables, se trouvent rassemblées en lui. Il fut à la fois homme d’esprit, homme de cœur et homme d’action. Nul n’a parlé comme Lui, nul n’a su comme Lui manier les hommes, les entraîner au-delà d’eux-mêmes, les soulever au-dessus de leur médiocrité naturelle.
Mais ce qu’il faut surtout noter, c’est qu’Il sait unir et concilier des qualités qui semblent s’exclure. Son esprit est tout ensemble puissant et délicat. Rien n’égale la profondeur de sa doctrine, si ce n’est la limpidité de son exposition. Il est à la fois prudent et courageux, indulgent et sévère, grave et affable, héroïque et tendre, humble et fier.
Jésus est fait de contrastes fondus en un tout harmonieux… en lui, pas de dissonances ; les extrêmes se touchent et se mettent d’accord : le Christ est une harmonie. Et cette harmonie secrète est si bien comprise par la Très Sainte Vierge qu’elle admirait tout ce qu’on disait de Lui, qu’elle conservait tout dans son cœur.
Une connaissance superficielle de la personnalité de Jésus a accrédité la croyance en un Jésus uniquement humble. Si humble, qu’il n’aurait eu que cette attitude : un Jésus sans fierté, un agneau offert à tous les coups, citoyen volontairement effacé, diminué… parce qu’Il n’aurait cru qu’à une seule force ici-bas, la souffrance mystiquement acceptée et offerte au Père.
La réalité est tout autre. À Cana, comme sur la Croix, rien n’échappe au contrôle du Christ. Notre Seigneur n’est soumis à aucune autre volonté que celle de son Père, qui est aussi la sienne. Alors, si Jésus est humble, le grand humble, Il fut aussi et d’abord fier, au sens le plus plénier, le plus honorable du mot car Il est l’Incarnation de la divinité, Il est le Fils de Dieu. Ce Fils est aussi dans sa naissance humaine de souche royale, Il est descendant de David, le roi fastueux et batailleur.
À Cana, Jésus commande en véritable Seigneur. Ce qu’Il est, Il le sait et Il le dit : Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous faites bien ; je le suis en effet. Son autorité n’a pas cette faiblesse, comme une honte, que l’on remarque chez les timides. Et si en cet instant, Il dit « Madame » à sa Très Sainte Mère, c’est avec une âme d’aristocrate… aucun mépris, bien au contraire. La réaction de Notre Dame nous montre qu’elle le sait.
À Cana, comme le dit saint Jean, Notre Seigneur manifesta sa gloire. Il faut lire ce passage en se souvenant de cet autre où Jésus se dépeint jugeant les hommes à la fin du monde, le Fils de l’homme viendra un jour dans sa majesté, tous les anges lui faisant cortège ; il s’assiéra sur le trône de sa majesté, et toutes les nations seront convoquées devant lui. Si l’on arrive à conserver dans notre vision cette grande unité du Christ, nous comprenons tout son sens au témoignage de saint Jean dans le prologue de son évangile, le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, plein de grâce et de vérité ; nous avons vu la gloire du Fils unique du Père. C’est sa Foi à la divinité du Christ que Jean exprime là, mais aussi son admiration pour la splendeur humaine du grand Seigneur son Maître… A Cana, le Seigneur manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui.