Le 3 août 1941, Mgr von Galen a dénoncé en chaire la mise à mort des plus faibles par l’État nazi. Les principes qu’il rappelle sont toujours valables (extraits).
« Il y a également des engagements sacrés dont en conscience personne ne peut nous libérer, que nous devons accomplir même s’il nous en coûte notre vie. Jamais, en aucune circonstance, un homme ne peut, sauf en cas de guerre ou de légitime défense, mettre à mort une personne innocente. »
Une ère de soupçon général
J’ai eu l’occasion, le 6 juillet, d’ajouter les commentaires suivants à ce passage de la lettre pastorale commune : « Depuis quelques mois nous entendons des rapports selon lesquels des personnes internées dans des établissements pour le soin des maladies mentales, qui ont été malades pendant une longue période et semblent peut-être incurables, ont été de force enlevées de ces établissements sur des ordres de Berlin. Régulièrement, les parents reçoivent, peu après un avis selon lequel le patient est mort, que son corps a été incinéré et qu’ils peuvent recevoir ses cendres.
Il y a un soupçon général, confinant à la certitude, selon lequel ces nombreux décès inattendus de malades mentaux ne se produisent pas naturellement, mais sont intentionnellement provoqués, en accord avec la doctrine selon laquelle il est légitime de détruire une soi-disant » vie sans valeur » – en d’autres termes de tuer des hommes et des femmes innocents, si on pense que leurs vies sont sans valeur future au peuple et à l’état. Une doctrine terrible qui cherche à justifier le meurtre des personnes innocentes, qui légitimise le massacre violent des personnes handicapées qui ne sont plus capables de travailler, des estropiés, des incurables des personnes âgées et des infirmes ! » (…)

Tués bien qu’innocents parce qu’ils sont faibles
Nous devons nous attendre, donc, à ce que les pauvres patients sans défense soient, tôt ou tard, tué. Pourquoi ? Non pas parce qu’ils ont commis quelque offense que ce soit justifiant leur mort ; non pas parce que, par exemple, ils ont attaqué une infirmière ou un préposé à leur surveillance, qui seraient autorisés pour cause de légitime défense à répondre avec violence à la violence. En ce cas l’utilisation de la violence menant à la mort est permise et peut être invoquée, comme dans le cas où l’on tue un ennemi armé. Non : ces malheureux patients doivent mourir, non pas pour quelque raison semblable mais parce que par le jugement d’un certain organisme officiel, sur la décision d’un certain comité, ils sont devenus « indignes de vivre, » parce qu’ils sont classés en tant que « membres improductifs de la communauté nationale ». Le jugement est qu’ils ne peuvent plus produire aucun bien : Ils sont comme une vielle machine qui ne fonctionne plus, comme un vieux cheval qui est devenu boiteux de manière incurable, comme une vache qui ne donne plus de lait. Qu’arrive-t-il à une vieille machine ? Elle est mise à la ferraille. Qu’arrive à un cheval boiteux, à une vache improductive ?
Non ! Je ne pousserai pas la comparaison jusqu’au bout – si affreuse est sa convenance et son pouvoir d’illumination. (…)
Si l’on pose et met en pratique le principe selon lequel les hommes sont autorisés à tuer leur prochain improductif, alors malheur à nous tous, car nous deviendrons vieux et séniles ! S’il est légitime de tuer les membres improductifs de la communauté, alors malheur aux invalides qui ont sacrifié et perdu dans le processus de production leur santé ou leurs membres !
Si l’on peut se débarrasser des hommes et des femmes improductifs par des moyens violents, alors malheur à nos courageux soldats qui reviennent au pays gravement atteints par des blessures de guerre, estropiés et invalides !
Un processus voué à l’extension : personne n’est en sûreté
Si on l’admet, une fois, que les hommes ont le droit de tuer leurs prochains « improductifs » – quoique cela soit actuellement appliqué seulement à des patients pauvres et sans défenses, atteints de maladies – alors la voie est ouverte au meurtre de tous les hommes et femmes improductifs : le malade incurable, les handicapés qui ne peuvent pas travailler, les invalides de l’industrie et de la guerre. La voie est ouverte, en effet, pour le meurtre de nous tous, quand nous devenons vieux et infirmes et donc improductifs. Alors on aura besoin seulement qu’un ordre secret soit donné pour que le procédé, qui a été expérimenté et éprouvé avec les malades mentaux, soit étendu à d’autres personnes « improductives », qu’il soit également appliqué à ceux qui souffrent de tuberculose incurable, qui sont âgés et infirmes, aux personnes handicapées de l’industrie, aux soldats souffrant de graves blessures de guerre !
Alors aucun homme ne sera en sûreté : n’importe quelle commission pourra le mettre sur la liste des personnes « improductives », qui dans leur jugement sont devenues « indignes de vivre ». Et il n’y aura aucune police pour le protéger lui, aucun tribunal pour venger son meurtre et pour amener ses meurtriers à la justice. Qui pourra alors avoir une quelconque confiance dans un médecin ? Il pourrait signaler un patient comme improductif et pourraient être alors données des instructions pour le tuer !
On ne peut s’imaginer, la dépravation morale, la méfiance universelle qui s’étendra au cœur même de la famille, si cette doctrine terrible est tolérée, admise et mise en pratique. Malheur aux hommes, malheur au peuple allemand quand le saint commandement de Dieu : « Tu ne tueras pas ! « , que le seigneur a donné au Sinaï dans le tonnerre et les éclairs, que Dieu notre créateur a écrit dans la conscience de l’homme au commencement, si ce commandement n’est pas simplement violé mais sa violation est tolérée et exercée impunément ! (…)
« Tu ne tueras pas ! » Ce commandement de Dieu, qui seul a le pouvoir de décider de la vie ou de la mort, a été écrit dans le cœur des hommes au commencement, longtemps avant que Dieu ait donné aux enfants de l’Israël sur la montagne du Sinaï sa loi fondamentale dans ces phrases lapidaires inscrites sur la pierre, qui sont écrites pour nous dans l’Écriture Sainte et que comme enfants nous avons apprises par cœur au catéchisme.
Quelle respect pour une autorité qui renie celle de Dieu ?
« Je suis le Seigneur ton Dieu ! » Ainsi commence cette loi immuable. » Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi ! » Dieu – le seul Dieu, transcendant, tout-puissant, omniscient, infiniment saint et juste, notre créateur et juge à venir – nous a donné ces commandements. En raison de son amour pour nous il a écrit ces commandements dans notre coeur et les a proclamés. Car ils correspondent au besoin de notre nature créée par le Dieu ; ce sont les normes indispensables de tout vie raisonnable, pieuse, salutaire et sainte individuelle et communautaire. (…) . Qui donc peut croire que le respect sincère et l’obéissance consciencieuse aux autorités de l’État peut être maintenu quand les hommes continuent à violer les commandements de l’autorité suprême, les commandements de Dieu, quand ils combattent même et cherchent à rejeter la foi au seul véritable Dieu transcendant, Seigneur de ciel et de terre ? (…)
Regardant avec ses yeux de chair, Jésus a vu seulement les murs et les tours de la ville de Jérusalem, mais l’omniscience divine a vu plus profondément et connaît ce qui se passe dans la ville et ce qu’il en est de ses habitants : « O Jérusalem, Jérusalem… combien de fois, combien de foi j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu n’as pas voulu ! » C’est la grande douleur qui oppresse le cœur de Jésus, qui fait monter des larmes à ses yeux. J’ai voulu ton bien mais tu ne veux pas ! (…) Est-ce que le fils de Dieu dans son omniscience, en ce jour, a vu seulement Jérusalem et ses habitants ? A‑t-il pleuré seulement sur Jérusalem ? (…) Le fils omniscient de Dieu a‑t-il vu en ce jour, qu’en notre temps, il doit également prononcer ce jugement sur nous : « Tu n’as pas voulu ! Voici que votre maison va vous être laissée ! » Comme ce serait terrible !
Le Christ a‑t-il seulement pleuré sur Jérusalem ?
Chers fidèles du Christ ! J’espère qu’il est toujours temps… Mais alors il est grand temps ! Reconnaissons encore aujourd’hui ce temps qui nous apporte la paix, qui seul peut nous sauver du tribunal de Dieu : Acceptons sans retour en arrière et sans réserve, nous, la vérité évidente de Dieu et reconnaissons-le par notre vie. Faisons des commandements divins une ligne directrice de notre vie et prenons au sérieux l’expression : plutôt la mort que le péché !
O Dieu faites nous reconnaître à tous aujourd’hui avant qu’il soit trop tard ce qui nous apporte la paix ! O très sacré cœur de Jésus, affligé de larmes à cause de l’aveuglement et des iniquités des hommes, aidez-nous par votre grâce que nous aspirions toujours à ce qui vous plaît et renoncions à ce qui vous déplaît, pour que nous demeurions dans votre amour et que nous trouvions la paix de nos âmes ! Amen. »
Mgr Clemens August von Galen, évêque de Münster, dimanche 3 août 1941 (les sous-titres sont de La Porte Latine).
Image : Godong ; CC BY 2.5.