Bulletin du Tiers-Ordre séculier pour les pays de langue française
Editorial de Monsieur l’abbé Louis-Paul Dubroeucq,
aumônier des tertiaires de langue française
Cher frère, Chère sœur,
De nombreux sujets ont déjà été abordés dans ce bulletin dans le but de vous aider à vivre plus profondément votre vie de tertiaire. C’était soit un thème en relation étroite avec la spiritualité carmélitaine, soit l’approfondissement d’un point spécial de la règle. Ainsi, au chapitre XI, celle-ci nous entretient de l’oraison, de la lecture spirituelle, de l’examen de conscience et de l’exercice de la présence de Dieu, exercices importants pour le progrès de l’âme dans la vie intérieure. Ayant déjà parlé de l’oraison mentale dans ASDC n° 11, nous traiterons ici de ce qui la nourrit : la lecture spirituelle. « La lecture spirituelle leur sera également très utile, surtout les jours de fête, s’ils ne peuvent la faire les jours ordinaires. »(Règle n°49)
La lecture spirituelle constitue le premier des échelons par lesquels l’âme s’élève à Dieu car elle dispose à l’oraison mentale, fournissant à l’âme la matière des saintes méditations qui éclairent l’esprit et embrasent le cœur. Elle n’est pas une lecture d’étude, mais une lecture-prière, en vue de l’oraison. Dès les premiers siècles du christianisme, elle était ainsi pratiquée. : « Que la lecture spirituelle soit notre exercice quotidien, et ce que nous lisons, méditons-le pour l’imiter.(1) »Les fidèles y étaient fortement encouragés : « Lisez aussi souvent que possible, et apprenez autant que vous pourrez. Que le sommeil vous saisisse la plume à la main, et que la page sainte reçoive votre tête qui tombe(2). »Ainsi s’effectue une communication continuelle entre Dieu et l’âme : « Quand nous prions, dit saint Jérôme, nous parlons à Dieu, mais quand nous lisons, c’est Dieu qui nous parle.(3) » Le livre de lecture spirituelle est encore un guide sur le chemin de la vertu et de la perfection ; c’est un miroir dans lequel chacun apprend à se connaitre tout en approfondissant les mystères divins. « Comme la nourriture est nécessaire à la vie du corps, la lecture spirituelle est aussi indispensable à la vie de l’âme (…). Elle apprend la manière de combattre les ennemis du salut ; elle est une pluie bienfaisante qui rend l’âme féconde, une éducatrice vigoureuse et une nourrice bénévole de bonnes œuvres.(4) » Elle ranime le courage lorsqu’on est abattu. Saint Augustin en témoigne dans ses Confessions : « L’exemple de vos bons serviteurs, Seigneur, occupait sans cesse notre pensée, échauffait nos froideurs et consumait notre paresse ; il empêchait que le poids de nos instincts ne nous fît retomber dans le précipice…Sans doute leurs généreuses actions servirent beaucoup à nous raidir devant ces faux prophètes, de sorte que leur langage allumait nos ardeurs au lieu de les éteindre.(5) »
Comment faire cette lecture ? En esprit de prière : la lecture doit constituer une base solide pour guider la méditation, et favoriser la contemplation. Notre application à une lecture bien faite engendre une fervente oraison. Lisons lentement, sans précipitation : « Lorsque vous lisez, dit Saint Ephrem, ne vous contentez pas de tourner les pages de votre livre, mais relisez parfois deux ou trois fois la même phrase, afin d’en bien saisir toute la signification.(6) » En réfléchissant pieusement : soyons attentifs au Saint-Esprit qui nous parle ; lorsqu’une chose nous touche, « que la prière interrompe votre lecture », dit saint Bernard ; il ne s’agit pas de lire beaucoup mais surtout de se pénétrer de sa lecture : « cherchez en lisant, et vous trouverez en méditant. »écrit saint Jean de la Croix.
Parmi les livres recommandés par la règle, figurent tout d’abord les saints Évangiles, puis l’Imitation de Jésus-Christ, les œuvres spirituelles de notre Mère sainte Thérèse, de notre Père saint Jean de la Croix, de saint François de Sales, de saint Alphonse de Liguori…, auxquels nous pouvons ajouter : celles de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Bienheureuse Élisabeth de la Trinité… Prenons le livre qui pourra nous faire le plus de bien et nous unir à davantage à Dieu. Ne nous contentons pas de lire un livre une seule fois. Saint Alphonse de Liguori relut jusqu’à trente fois la vie de sainte Thérèse de Jésus. « On ne doit pas faire comme les guêpes, dit saint François de Sales, qui voltigent continuellement d’un endroit à l’autre, et ne ramassent rien ; mais bien comme les abeilles, qui recueillent tout le suc des fleurs. » Le but de la lecture spirituelle n’est pas tant d’acquérir de nouvelles connaissances au sujet de Dieu et de tout ce qui nous conduit à lui, que de le goûter et de vivre en lui et pour lui.
Au dessus de tous les ouvrages, plaçons l’Évangile. Sainte Thérèse de Jésus disait que les maximes et les récits évangéliques l’unissaient plus à Dieu que les plus éloquentes paroles humaines. Sainte Thérèse de Lisieux nourrissait ses oraisons essentiellement des paroles sacrées ; elle y découvrait le « caractère » de Jésus. Ne suivait-elle pas ainsi ce conseil d’un Père de l’Église qui nous invite à « Connaître le cœur de Dieu à travers les paroles de Dieu(7) » ? Dans cette lecture Élisabeth Leseur puisait lumière et force pour son progrès spirituel : « Je lis l’Évangile et, à cette suave lumière, je découvre encore en moi bien des « recoins » d’égoïsme et de vanité. Livre unique, sans cesse lu et sans cesse nouveau, beau d’une beauté souveraine, resplendissant de vérité ; d’une grâce et d’un charme exquis, où l’on puise sans cesse et que rien n’épuise ! Don béni de Dieu, pourquoi les hommes t’oublient-ils, puisque par toi seulement ils apprendront de nouveau la charité ?(8) »
Apprenons, bien chers tertiaires, de notre Reine et Mère la fidélité, la constance, l’application pieuse à bien nourrir notre âme de saintes lectures et, comme elle, à les « méditer et les garder dans notre cœur ».
† Je vous bénis.
Abbé L.-P. Dubrœucq †
Notes
(1) St Ambroise, in Ps. 118, Rouet de Journel, Textes ascétiques des Pères de l’Eglise, p.198, nº 466, 1947.
(2) St Jérôme, Lettre sur les devoirs de la vierge, idem, p. 220, n° 536.
(3) St Jérôme, Ep. Ad Eustochium.
(4) R.P. Berthold de Jésus o.c.d., A l’école de la perfection religieuse, t.2, p. 323–324, éd. Ch. Beyaert, Bruges, 1955.
(5) St Augustin, Confessions, IX, 2.
(6) St Ephrem, Lib. de pat. et cons.
(7) St Grégoire le Grand, Lettre à Théodore, 4,31, R.J., op. cit., p.531, n. 1346.
(8) E. Leseur, Journal, p.60–61, éd. de Gigord, 1917.
Retraite carmélitaine : du 22 au 27 août 2011, à l’Etoile du Matin. 57230 Eguelshardt Réunion du Tiers-Ordre du Carmel le samedi 18 juin 2011, à 9h30, Comme l’indique l’ordo de 2011,des messes sont célébrées au Mans |