Cher M. l’abbé Carron,
Mes bien chers frères,
Avant de prononcer quelques paroles à l’occasion de la première messe de notre cher M. l’abbé Carron, permettez-moi d’évoquer le nom de M. l’abbé Rey. Nous avons appris, il y a quelques instants, que M. l’abbé Rey, qui nous était si cher et qui nous est si cher toujours, est dans l’agonie. Alors nous aurons à cet instant une pensée pour lui au cours de cette Sainte Messe. Et n’est-ce pas un signe de la Providence – toujours bonne pour nous et pour tous – que au moment où un bon, un saint Prêtre traditionaliste s’en va dans la maison du Père, eh bien d’autres viennent le remplacer. M. l’abbé Carron, M. l’abbé Maret, ont été ordonnés prêtres hier et par conséquent ils assurent cette relève de ce cher M. l’abbé Rey qui a tant souffert de cette situation de l’Église, mais qui aussi montrait l’exemple de la fermeté dans le sacrifice, dans la foi, qui n’a jamais défailli.
Cher M. l’abbé Carron, vous voici au pied de l’autel, vous allez pour la première fois offrir le Saint Sacrifice. Quelle joie pour vous, quelle joie pour vos parents, quelle joie pour nous tous. Comment ne pas rendre grâces au Bon Dieu de cette insigne faveur, de pouvoir dans quelques instants … que vous puissiez prononcer les paroles de la Consécration qui vont réaliser à la fois le Sacrifice de Notre Seigneur et le sacrement de l’Eucharistie.
Quelle chose merveilleuse, quelle chose admirable. Combien nous sommes indignes d’une pareille faveur, nous qui sommes prêtres. Alors, aujourd’hui, nous remercions avec vous le Seigneur qui a bien voulu vous mener par des chemins que vous connaissez mieux que nous et que vos parents aussi, connaissent mieux que nous, enfant, adolescent, le Bon Dieu vous a inspiré d’être à son service complètement, de vous consacrer à Lui, dans le sacerdoce et par une grâce particulière aussi, le Bon Dieu a voulu que vous veniez ici, non loin de chez vous, où, disons, le Bon Dieu a voulu qu’Écône, que ce séminaire se place non loin de chez vous.
Et alors, guidé par vos parents, guidé par le cher M. le Curé de Riddes, vous êtes venu dans ce séminaire et vous y avez passé six années, six années de préparation laborieuse et vous voici maintenant prêtre.
Remerciez donc le Bon Dieu de toutes ces années qui ont précédé votre sacerdoce, de toutes les grâces que vous avez reçues, de toutes les épreuves qui vous ont été données sur le chemin, de tous les obstacles qui se sont levés et qui désormais sont résolus.
Et maintenant, regardez l’avenir avec confiance en Dieu. Ce que le Bon Dieu a réalisé, avant que vous fussiez prêtre, Il continuera à le réaliser dans votre sacerdoce. Car, si le sacerdoce est un but, c’est aussi un commencement. Cette ordination maintenant, va faire poser sur vos épaules une charge, une charge apostolique, car vous n’êtes pas prêtre seulement pour vous-même, comme personne n’est prêtre pour soi.
Vous allez donc avoir un apostolat à réaliser à Genève. Apostolat sans doute fécond, mais qui ne sera pas non plus sans être traversé de difficultés, comme tous les apostolats. Notre Seigneur Lui-même a été contredit au cours de sa vie apostolique. Pourquoi les disciples ne seraient pas eux aussi contredits à l’occasion, dans leur prédication, ou dans les réalisations de leur ministère ? C’est bien normal que nous portions la Croix à la suite de notre Maître.
Mais vous aurez aussi des consolations et même dans ces croix, vous trouverez la joie, la paix d’être le vrai disciple du Divin Maître, de Notre Seigneur.
Je voudrais en quelques mots exprimer d’une manière toute particulière, ce que doit être le prêtre. Ce qu’a été Notre Seigneur Jésus-Christ. Ne peut-on pas dire de Notre Seigneur qu’il est le religieux de Dieu : Le religieux de Dieu. Car si quelqu’un a pratiqué la vertu de religion, si quelqu’un a relié à Dieu, comme le signifie le mot lui-même de religion qui veut dire religare – relier à Dieu – c’est bien Notre Seigneur Jésus-Christ, qui a été pour nous le lien avec la très Sainte Trinité, avec Dieu Lui-même, car Il était Dieu.
Eh bien, vous aussi vous serez le religieux de Dieu, vous relierez les âmes à Dieu. Mais pour les relier, il faut d’abord que vous-même soyez vraiment ce religieux de Dieu. Et par conséquent vous aurez à la fois à apprendre aux âmes à être religieuses, à avoir une religion, la vraie religion, la religion de Notre Seigneur Jésus-Christ. Toutes les âmes croyantes en Notre Seigneur Jésus-Christ, toutes les âmes qui ont le foi catholique, doivent être des âmes religieuses. Et, vous, en particulier, prêtre de Notre Seigneur Jésus-Christ, vous devez avoir une âme religieuse.
Et qu’est-ce donc que la religion ? Quels sont les actes de la vertu de religion ? Eh bien ces actes sont énumérés dans le livre si précieux de la Somme théologique de saint Thomas. Et en les énumérant ; rien que l’énumération, nous montre ce que doit être une âme religieuse, une âme qui veut ressembler à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le premier acte de la vertu de religion est la dévotion. Dévotion qui s’exprime évidemment par notre attitude intérieure, notre attitude extérieure qui nous lie à Dieu, qui nous fait monter vers Dieu, qui nous livre à Dieu. C’est cela la dévotion qui doit être d’ailleurs plus intérieure qu’extérieure, car nous sommes des esprits et nous devons aimer Dieu en esprit et en vérité. Alors vous aurez cette âme dévote, vraiment dévote à Dieu, dévouée à Dieu. Que toute votre vie se passe dans cette atmosphère de dévotion à Dieu, vous éloignant de toutes les pensées du monde ; vous éloignant de toutes les préoccupations de ce monde, pour être tout entier à votre Divin Maître. Dévotion.
Adoration. L’adoration est aussi un acte de la vertu de religion. Et cet acte nécessite une autre disposition fondamentale pour toute créature, pour toute âme religieuse, c’est la vertu d’humilité et c’est ce qu’a compris magnifiquement le patriarche des ordres religieux – saint Benoît – qui fait de sa spiritualité, qui base sa spiritualité sur la vertu d’humilité. Adorer Dieu, c’est s’humilier devant Dieu, c’est révérer Dieu.
Avoir cette révérence intérieure devant Dieu qui est notre Tout, qui est notre Créateur, qui est notre Rédempteur, qui a versé son Sang pour nous. Comment ne pourrions-nous pas L’adorer ? nous prosterner même extérieurement devant lui, mais surtout intérieurement. Avoir cette attitude de révérence vis-à-vis de Dieu qui nous place toujours dans une atmosphère d’humilité et qui réprime ce vice qui est à l’origine de tous les autres vices : l’orgueil.
Alors si nous voulons vraiment être des religieux de Dieu, adorons Dieu. Soyez un adorateur de Notre Seigneur Jésus-Christ ; apprenez aux fidèles à adorer Notre Seigneur Jésus-Christ. Ils y trouveront la paix de leur âme, la foi de leur âme, dans l’union à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Combien sont consolantes ces nuits de prière que l’on fait dans la plupart de nos prieurés, des nuits de prière et d’adoration de Notre Seigneur Jésus-Christ. Combien d’âmes trouvent dans ces nuits de prière, leur consolation. Combien retournent chez elles réconfortées, encouragées à développer leur vie chrétienne et à vivre vraiment leur vie chrétienne.
Dévotion, adoration, saint Thomas énumère après l’oraison. L’oraison c’est la prière. Et qu’est-ce que la prière ? Nos petits catéchismes nous enseignent que la prière est l’élévation de nos âmes vers Dieu. L’élévation de nos âmes vers Dieu. Ce n’est donc pas nécessairement la prière vocale. Sans doute la prière vocale nous aide à nous élever vers Dieu et particulièrement le chant, les beaux chants, comme le chant grégorien, élèvent nos âmes vers Dieu. Mais avant tout, il s’agit de la prière intérieure, de cette prière qui sera la nôtre au Ciel. Cette élévation de nos âmes vers le Bon Dieu fait que nos âmes se détachent de nous-mêmes, se détachent de nos préoccupations temporelles, pour être tout entier à Dieu, pour être relié à Dieu.
Vous apprendrez aux adultes, aux enfants, à prier. Car c’est dans la prière que la créature trouve vraiment son aboutissement, sa vie. Notre vie doit être une vie de prière. Une âme qui ne prie pas, ce n’est plus une âme, ce n’est plus un esprit. Dès notre naissance, comme la Vierge Marie, nous aurions dû élever nos âmes vers Dieu, dans la mesure où la conscience commence à s’éveiller dans ces petits corps. La Sainte Vierge élevait son âme vers le Bon Dieu, tout naturellement. Mais nous, hélas, appesantis par les suites du péché originel, nous tournons toujours nos regards vers la terre, vers les choses temporelles, au lieu de les élever vers le Ciel, comme le faisait la Vierge Marie, comme le faisaient les âmes saintes bénies du Bon Dieu. Alors, vous apprendrez aussi, même aux petits enfants, à élever leur âme vers le Bon Dieu.
Et puis le plus grand acte de la vertu de religion, dit saint Thomas lui-même, acte qui est exclusif pour le Bon Dieu – que l’on ne peut pas adresser à d’autres – on peut prier d’autres personnes, on peut prier les saints, on peut adorer dans une certaine mesure, par le culte d’hyperdulie, la très Sainte Vierge Marie ; on peut se dévouer à des personnes qui le méritent, mais on ne peut pas se sacrifier. Le sacrifice est réservé à Dieu. Le sacrifice de nous-mêmes : notre âme, notre corps, tout ce que nous sommes, nous ne pouvons le sacrifier qu’à Dieu, à personne d’autre. Seul Dieu est notre Maître. Seul Dieu peut réaliser notre sacrifice. Et ce sacrifice – eh bien – c’est le Sacrifice que vous allez offrir dans quelques instants, en union avec Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme le disent les si belles prières du Sacrifice de la messe. Prières traditionnelles : Nous offrons nous-mêmes avec le Sacrifice de Notre Seigneur. Nous nous sacrifions avec Lui et vous serez prêt à vous dévouer aussi pour les fidèles. À répandre aussi, s’il le fallait un jour, à répandre votre sang pour le salut des âmes, comme l’a fait Notre Seigneur Jésus-Christ, imitant Notre Seigneur Jésus-Christ.
Voilà ce qu’est vraiment la vertu de religion. Voilà ce que tous – dans une certaine mesure – nous devons faire. Dans la mesure où nous sommes vraiment chrétiens ; dans la mesure où nous sommes des âmes religieuses, nous devons réaliser ces actes de la vertu de religion et nous particulièrement, prêtres, nous devons être des religieux. Nous devons relier les âmes à Dieu.
Nous prierons, cher ami, cher M. l’abbé Carron, tous ici présents, au cours de cette Sainte Messe, nous prierons pour que vous soyez vraiment imitateur de Notre Seigneur Jésus-Christ, le religieux de Dieu, celui qui mène les âmes à Dieu, pour l’éternité.
Demandons ensemble à la très Sainte Vierge Marie, notre bonne Mère du Ciel, elle qui a eu son âme toute remplie de cet amour de Dieu, naturellement, sans aucun obstacle, sans aucune difficulté, elle était comme une fleur qui s’épanouit devant le grand Ciel du Bon Dieu. Demandons-lui de nous aider à nous détacher des choses d’ici-bas pour être tout entier au Bon Dieu.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.