Le Siège apostolique a publié récemment une constitution apostolique intitulée Anglicanorum Coetibus. Il s’agit d’une sorte de « loi-cadre » qui définit comment un certain nombre de groupes anglicans vont être accueillis spécifiquement dans l’Église catholique. Le document, par ce qu’il révèle comme par ce qu’il sous-entend, est intéressant et mérite qu’on s’y arrête.
Tout d’abord, cette constitution répond à une demande d’entrée dans l’Église qui n’est pas spécifiquement le fait de personnes individuelles, mais de groupes ecclésiastiques constitués, des « paroisses » anglicanes, des « diocèses », etc. Nous nous trouvons dans le cadre de ce que l’on nomme traditionnellement l’œcuménisme ou l’union des Églises ou le retour vers l’unité.
Ensuite, à l’occasion de cette constitution, il a été déclaré au plus haut niveau de la hiérarchie ecclésiastique que cette démarche d’accueil des demandes de ces communautés d’origine anglicane réalisait le but réel et ultime de l’œcuménisme véritable, c’est-à-dire l’entrée de non-catholiques dans l’Église catholique.
Même si elle est contestée en sourdine par certains (notamment par le calamiteux cardinal Kasper), une telle affirmation tend à rectifier le flou voire l’erreur qui règne sur le faux œcuménisme issu de Vatican II, à savoir une sorte d’œcuménisme de convergence « postconfessionnelle » ou, pour reprendre la formule très douteuse de l’abbé Couturier, la recherche de « l’unité de l’Église quand Dieu le voudra et comme Dieu le voudra », qui évacue subrepticement l’article tout à fait actuel du Credo : « Je crois à l’Église catholique. »
Par ailleurs, le Siège apostolique se situe dans la ligne de la tradition de l’Église lorsque, à l’occasion de ce retour après plusieurs siècles de séparation douloureuse et tragique, il cherche à faciliter au maximum cette réintégration, ouvrant autant qu’il est possible les portes de la charité pour que nulle âme de bonne foi ne soit rebutée ou découragée.
Dans le cas de ces anciens anglicans, leur culture ecclésiastique, si l’on peut s’exprimer ainsi, comporte en même temps des éléments respectables issus de l’ancienne tradition catholique britannique, des éléments nettement marqués par le schisme et l’hérésie, des éléments originellement contestables mais dont le temps passé a détruit le danger, enfin des éléments de la culture britannique commune. Il n’est certainement pas facile de démêler en tout cela ce qui est acceptable voire bon, et ce qui est contestable voire mauvais.
Et, sans doute, en principe, c’est au Siège apostolique à opérer ce sage discernement, comme il l’a fait tout au cours de l’histoire dans les conciles d’union ou par les accords réalisés avec telle ou telle Église dissidente.
La difficulté est de fait. Ces anciens anglicans demandent leur retour dans l’Église catholique (et comment ne pas s’en réjouir ?), mais cette Église est elle-même traversée par une terrible crise doctrinale, liturgique et morale et le pape Benoît XVI lui-même continue à se situer résolument, comme le montre encore sa dernière visite dans un temple protestant, dans une volonté œcuménique fondée sur de faux principes.
Les aménagements proposés à ces anciens anglicans (et dont le principe est incontestable puisqu’on le trouve tout au long de l’histoire de l’Église) sont-ils donc le fruit exclusif de la charité de l’Église (et dans ce cas ils sont bons) ou sont-ils partiellement entachés par certaines erreurs, notamment celle du faux oecuménisme que nous évoquions plus haut ?
En soi, nous ne devrions pas avoir à juger les dispositions complexes de cette constitution, intimement liées à l’histoire de l’anglicanisme et de ces anciens anglicans en particulier. Mais, par ailleurs, nous ne voulons cautionner en rien les dérives du faux œcuménisme conciliaire.
Voilà pourquoi cette constitution Anglicanorum coetibus nous laisse dans une certaine perplexité, tout en nous réjouissant pour ce retour à l’Église. Ce dossier versera bien des lumières pour comprendre cet événement qui laissent nos esprits dans l’espérance et dans la perplexité.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Editorial de Fideliter n° 195