Lors de son magnifique sermon du 23 septembre 1979, Mgr Lefebvre nous invitait explicitement à une croisade. Croisade évidemment surnaturelle, comme le montrent les mots qu’il employait :
« la pureté, la chasteté… le véritable idéal… prière en famille… des élus pour le Ciel… des enfants qui aiment à prier… des prêtres qui recherchent la sainteté sacerdotale… »
Dans cet appel à la croisade, après s’être adressé spécialement aux jeunes puis aux familles, et avant de se tourner vers les prêtres, notre Fondateur s’adressa aux chefs de famille. Et que leur dit-il à propos de leur sanctification, de la « grave responsabilité » qui est la leur ? Il leur lança ces mots qui pourront surprendre :
« Chefs de famille, vous n’avez pas le droit de laisser votre pays envahi par le socialisme et le communisme. Vous n’en avez pas le droit, ou vous n’êtes plus catholiques. »
Paroles étonnantes, inattendues ! Et Mgr Lefebvre renchérissait :
« Vous devez militer au moment des élections pour avoir des maires catholiques… Vous devriez vous organiser, vous réunir, vous entendre pour arriver à ce que la France redevienne chrétienne, redevienne catholique. »
C’est à la politique, au sens strict, qu’il appelait. Il le disait explicitement :
« C’est faire de la bonne politique, la politique comme l’ont faite les saints… Cette politique, nous en voulons, nous voulons que Notre Seigneur Jésus-Christ règne. »
C’est dans cet esprit, qui est celui de l’Église, que nous proposons un dossier sur l’engagement chrétien en politique. Il y a, en effet, une réelle obligation de travailler, non seulement à notre sanctification individuelle et à la sanctification de notre famille, non seulement à un rayonnement apostolique individuel et paroissial, mais aussi à la christianisation des institutions et des lois, afin de favoriser le salut éternel du plus d’hommes possible.
Car la politique, nous le constatons chaque jour, ne cesse de se tourner vers nous, ou plutôt contre nous : nous ne pouvons pas faire « comme si » elle n’existait pas. Au contraire, cette vague antichrétienne qui submerge notre pays manifeste que la politique touche bien à la question du salut éternel du grand nombre.
Cette action politique, dans la cité, est d’abord de la responsabilité des laïcs : nous n’entendons pas faire du cléricalisme, en oubliant la nécessaire distinction de César et de Dieu, élément essentiel de la saine théologie catholique. Il n’appartient pas à une revue religieuse telle que la nôtre de prôner un type précis d’action politique, encore moins d’imposer tel choix temporel en matière de défense nationale ou de diplomatie.
Mais il nous appartient de rappeler que l’action politique, réellement politique, concrètement politique, fait partie du devoir d’état du chef de famille, même si ses modalités pratiques peuvent varier d’un individu à l’autre en fonction des capacités, des situations et des urgences. Les trop courtes réflexions de ce dossier ont pour but d’en manifester la nécessité plus que d’en proposer un panorama complet, évidemment impossible.
En raison de la crise de l’Église, les laïcs et les prêtres attachés à la Tradition ont dû mobiliser toute leur énergie pour préserver la foi et la messe, en construisant séminaires, chapelles, prieurés, écoles, etc. Ce combat primordial est loin d’être terminé, bien sûr, mais il se fait un peu moins pressant aujourd’hui en raison des efforts colossaux consentis depuis quarante ans.
Le moment est donc venu pour les laïcs chrétiens, avec prudence et modestie, mais également avec résolution et un réel enthousiasme apostolique, de se tourner vers la politique, afin de ne pas mériter ce reproche que Notre-Seigneur adressait aux Pharisiens : « Il fallait faire ceci, mais ne pas omettre cela » (Mt 23, 23 ; Lc ll, 42).
Abbé Régis de Cacqueray-Valménier †, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X