Lettre sur les vocations n°31 d’avril 2023.
Le mot du supérieur du District
Jusqu’au bout il faut veiller, il faut tenir. C’est la grande leçon de saint Paul, le légat par excellence du Christ. C’est l’instruction de tous les prêtres depuis la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ qui a inauguré les derniers temps. Ces temps sont marqués mais ne sont pas encore accomplis. Nous vivons cette ère dernière ; elle a été inaugurée mais elle est laissée à notre décision, à notre conversion. Et nous avons besoin des prêtres pour lentement s’acheminer vers la dernière heure, non pas simplement la nôtre, mais celle du monde entier. Les prêtres sont indispensables pour achever la préparation à l’avènement définitif du Christ-Roi. Ils sont des Christs continués. Ils n’ont d’autres soucis que d’acheminer l’ensemble du peuple chrétien, et même tous les hommes, vers ce « Jour du Christ », comme l’appelle saint Paul, qui clôturera l’histoire et sera la réalisation accomplie du plan créateur de Dieu. En commençant sa première lettre aux Thessaloniciens l’apôtre rappelle l’essentiel de toute prédication : « Vous vous êtes convertis à Dieu abandonnant les idoles pour servir le Dieu vivant et véritable, dans l’attente de son Fils qui viendra des cieux, qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la colère à venir » (I Thess. 1, 9–10).
Le prêtre qui, dans son habit, traverse le monde, témoigne de sa confiance en Dieu Sauveur qui a commencé en nous le salut et l’achèvera.
Face à l’inconstance, face à l’ennui, face à la vaine inquiétude du monde, le prêtre continue de témoigner que « Dieu ne nous a pas réservés pour sa colère, mais pour acquérir le salut par Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est mort pour nous afin que, éveillés ou morts (à l’heure de son Avènement) nous vivions unis à lui » (I Thess. 5, 9–10). Le prêtre transmet cette espérance qui est la hâte de rencontrer et surtout de posséder une personne, Jésus : « Nous serons avec le Seigneur toujours » (I, Thess. 4, 17). Saint Paul nous convie tous à cette joie ineffable qu’il a entrevue sur le chemin de Damas : cette intimité avec le Christ.
N’est-ce pas tout simplement la réponse du curé d’Ars au berger Antoine Grive : « Tu m’as montré le chemin d’Ars, je te montrerai le chemin du Ciel ».
Si Jésus-Christ est mort pour nous, c’est afin que nous vivions avec lui. Ce face à face avec Jésus qui a saisi saint Paul est pour nous tous, si nous suivons la voie justement indiquée par les prêtres et que nous prenons les moyens que ceux-ci nous offrent pour s’y tenir droitement : la vie sacramentelle est la seule et unique façon de parvenir au terme.
Le prêtre manifeste que l’espérance chrétienne n’est pas seulement un espoir ou un pari sur l’avenir, mais une espérance glorieuse, une certitude de victoire, une assurance de bonheur éternel. Mais nous ne jouirons de ce triomphe que par une participation totale de nous-mêmes à la gloire du Christ qui nous est réellement communiquée par le sacrement de l’Eucharistie que seul le prêtre donne. Saint Paul insiste même sur le caractère exclusif de la divine présence : se sauver c’est être réuni à Jésus. Nous attendons fermement, appuyés sur la puissance divine, la communion intime et l’étroite société de vie avec la sainte Trinité, par Notre-Seigneur.
De même que le prêtre vit d’amitié avec son Sauveur par la prière liturgique et la méditation, il veut pour ses ouailles un rapport au moins identique. Être avec le Christ dans la société du Père est bien le but suprême de tous mais sous l’égide du prêtre, guide des âmes. Encore un mot de saint Paul : « A l’Église de Thessalonique qui est en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus-Christ ». Belle formule qui résume cette marche ascendante d’un troupeau vers la consommation de l’unité et de la réalité divine : en Dieu et dans le Seigneur. Quelle différence entre le païen qui se fabrique nécessairement une idole pour garder un principe de vie terrestre et cette attente passionnante du chrétien auquel son Seigneur tend sans cesse les bras comme le Père de l’Enfant prodigue dans le tableau magnifique de Rembrandt. Sur les tombes des premiers chrétiens, il n’est pas rare d’y voir une ancre et l’inscription : « Vivas in Deo » (Que tu vives en Dieu). Si notre cœur est encore inquiet de cette rencontre ineffable, il suffit de lire encore saint Paul : « Le Seigneur, au signal donné, par la voix de l’archange et la trompette de Dieu descendra du ciel et les morts qui sont dans le Christ ressusciteront en premier lieu après quoi, nous les vivants, nous qui serons encore là, nous serons réunis à eux et emportés sur les nuées pour rencontrer le Seigneur dans les airs, ainsi nous serons avec le Seigneur pour toujours ».
Ici-bas le prêtre guide notre veille, notre vigile, notre préparation active à la communion définitive à Dieu, un peu comme durant la nuit pascale. Il porte le flambeau qui répand la lumière sur ceux qui le suivent. Avec la Résurrection du Christ les derniers temps sont arrivés mais ils ne sont pas encore consommés et le temps nous est donné pour une parfaite conversion, pleine et entière. Il y a dans notre vie personnelle une tension continuelle que le ministre du Christ qui dispense la grâce, germe de gloire, aide à résoudre. Nous appartenons à deux mondes comme deux hommes. L’ancien dont nous portons les traces, le péché originel et ses suites néfastes, et le nouveau plein de charme caché, la grâce. La tentation est constante et le temps nous est attribué pour apaiser la confrontation. Un orage passionnel peut à tout moment compromettre le don de soi fait à Dieu.
On l’a dit le jour du baptême et on le renouvelle la nuit sainte de Pâques : nous renonçons à Satan, à ses pompes et à ses œuvres. Il est vrai, mais le Christ sait notre fragilité et nous invite régulièrement au tribunal de la Pénitence.
Le ministre applique comme un baume les mérites de son Maître qui nous octroie le pardon.
Il reste que nous pouvons bien être inquiets dans l’attente d’une telle béatitude quand on voit le monde aussi pervers et hostile à Dieu en lequel il nous faut vivre.
Mais la rage satanique qui s’acharne contre les chrétiens n’est pas nouvelle. Les nouveaux Thessaloniciens étaient empreints d’angoisse à cette triste vision. Il est vrai que le Christ a vaincu le monde par sa croix et sa résurrection, mais il n’empêche que la victoire du chrétien est dans l’espérance. Elle ne se gagne que dans le combat. Les tribulations sont le lot du chrétien et il nous faut les supporter avec la « constance du Christ » (I Thess. 1, 3). Nos épreuves sont les tribulations du Christ et son ministre est le consolateur dont l’âme a besoin au temps de l’épreuve. Même si le prêtre lui-même n’est pas à l’abri des pièges de Satan et le curé d’Ars est un exemple fameux, sa confiance en Dieu, son espérance théologale sont pour tous une ancre qui retient tout esquif, amarré au ciel : « Il est impossible que Dieu nous mente, nous avons une consolation puissante nous qui sommes réfugiés dans l’acquisition de l’espérance qui nous a été offerte, que nous retenons pour notre âme comme une ancre sûre et ferme, et qui pénètre jusqu’au-dedans du voile où Jésus, comme un précurseur, est entré pour nous ayant été fait pontife pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech » (Heb. 6, 18–20).
Alors quelle n’est pas la grandeur du prêtre, Christ en terre, support des affligés, consolateur des opprimés, mais surtout dispensateur de Dieu lui-même, preuve vivante de la miséricorde de Notre Seigneur venu en ce monde pour sauver les hommes et les incorporer à sa propre vie divine.
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