Dans l’inÂtroÂducÂtion de son encyÂclique Divini illius magisÂtri (1929), le pape Pie XI donne à deux reprises une défiÂniÂtion de l’éÂduÂcaÂtion. Dans les deux cas, il insiste sur l’imÂporÂtance de consiÂdéÂrer la finaÂliÂté insÂcrite dans la nature de l’homme. Parce que Dieu a créé l’homme pour l’inÂviÂter à parÂtaÂger par pure bonÂté sa vie divine surÂnaÂtuÂrelle, unique perÂfecÂtion morale qui renÂdra l’homme heuÂreux éterÂnelÂleÂment, la fin de l’homme doit être enviÂsaÂgée pour entreÂprendre toute Å“uvre d’éÂduÂcaÂtion. Si l’on comÂprend que l’homme est fait pour Dieu, l’éÂduÂcaÂtion metÂtra en place un mouÂveÂment de perÂfecÂtion vers Dieu et par Dieu.
Si l’on nie la créaÂtion de l’homme par Dieu, si l’on refuse le plan de grâce qui offre à l’homme son éléÂvaÂtion à la vie divine renÂdue posÂsible par l’Incarnation du Fils de Dieu, on fera de l’éÂduÂcaÂtion un mouÂveÂment de l’homme pour l’homme et par l’homme seul. « Au lieu de diriÂger leurs visées vers Dieu, preÂmier prinÂcipe et fin derÂnière de tout l’uÂniÂvers, ils se replient et se reposent sur eux-​mêmes, s’atÂtaÂchant excluÂsiÂveÂment aux choses terÂrestres et éphéÂmères. » Telle est, malÂheuÂreuÂseÂment, la concepÂtion comÂmune de nos contemÂpoÂrains sur l’éducation.
L’homme moderne est celui qui, s’éÂtant épris de sa liberÂté qu’il a diviÂniÂsée, méprise la fin pourÂtant déterÂmiÂnée par sa nature. Il s’eÂnorÂgueillit de son pouÂvoir de choiÂsir, au point de préÂtendre invenÂter le but de sa vie, cherÂchant vaiÂneÂment à s’éÂmanÂciÂper de toute dépenÂdance intelÂlecÂtuelle et morale. Partant, il devient esclave de sa misère et se ferme à l’éÂléÂvaÂtion en Dieu.
Car il est bien miséÂrable celui qui se révolte contre Dieu, par lequel et pour lequel il a été créé. Comme l’aÂvare qui idoÂlâtre ses richesses accuÂmuÂlées, au point de ne plus voir les biens qu’elles lui perÂmetÂtraient d’acÂquéÂrir, l’homme révolÂté adore sa liberÂté et ne voit plus le bien divin qu’elle avait pour but de lui faire atteindre, avec la grâce de Dieu.
Une fois admis ce prinÂcipe de finaÂliÂté, l’éÂduÂcaÂteur ne peut qu’acÂcepÂter ce qui en découle : pas d’éÂduÂcaÂtion comÂplète sans éduÂcaÂtion chrétienne.
« Il est donc de suprême imporÂtance, écrit Pie XI, de ne pas errer en matière d’éÂduÂcaÂtion, non plus qu’au sujet de la tenÂdance à la fin derÂnière, à laquelle est intiÂmeÂment et nécesÂsaiÂreÂment liée toute l’œuvre éduÂcaÂtrice. En fait, puisque l’éÂduÂcaÂtion consiste essenÂtielÂleÂment dans la forÂmaÂtion de l’homme, lui enseiÂgnant ce qu’il doit être et comÂment il doit se comÂporÂter dans cette vie terÂrestre pour atteindre la fin sublime en vue de laquelle il a été créé, il est clair qu’il ne peut y avoir de vériÂtable éduÂcaÂtion qui ne soit tout entière diriÂgée vers cette fin derÂnière. Mais ausÂsi, dans l’ordre préÂsent de la Providence, c’est-​à -​dire depuis que Dieu s’est révéÂlé dans son Fils unique, qui seul est la voie, la vériÂté et la vie, il ne peut y avoir d’éÂduÂcaÂtion comÂplète et parÂfaite en dehors de l’éÂduÂcaÂtion chrétienne. »
La famille et l’éÂcole, les parents et les éduÂcaÂteurs, sont donc tenus d’aÂgir pour que le déveÂlopÂpeÂment de l’enÂfant qui leur est confié se fasse dans cette persÂpecÂtive enthouÂsiasÂmante du don de la vie du Christ aux enfants de Dieu. Car c’est bien la Vie que disÂpense le Christ par son Eglise, ce sont ses verÂtus, déployées durant sa vie terÂrestre, qui doivent être reçues, et praÂtiÂquées par l’enÂfant, lui-​même guiÂdé dans cette imiÂtaÂtion active par les adultes qui le conduisent et l’insÂtruisent dans cette Å“uvre de colÂlaÂboÂraÂtion à la grâce.
Le pape l’afÂfirme à la fin de son encyÂclique :
« La fin propre et imméÂdiate de l’éÂduÂcaÂtion chréÂtienne est de concouÂrir à l’acÂtion de la grâce divine dans la forÂmaÂtion du vériÂtable et parÂfait chréÂtien, c’est-​à -​dire à la forÂmaÂtion du Christ lui-​même dans les hommes régéÂnéÂrés par le baptême. »
Et c’est à cette condiÂtion que l’éÂduÂcaÂtion porÂteÂra ses fruits, y comÂpris au proÂfit de la sociéÂté à laquelle l’enÂfant apparÂtient par naisÂsance. L’enfant vivant en chréÂtien se boniÂfie et parÂtiÂcipe, au bien comÂmun des sociéÂtés dont il est membre – famille, sociéÂté temÂpoÂrelle, Eglise – tout en receÂvant d’elles ce qui lui perÂmet de vivre et de se perfectionner.
Or, c’est l’Eglise, « Corps mysÂtique du Christ, son Epouse immaÂcuÂlée, et, par là , Mère très féconde, Educatrice souÂveÂraine et parÂfaite », qui perÂmet la réaÂliÂsaÂtion concrète et comÂplète de cette Å“uvre d’éÂduÂcaÂtion car elle seule posÂsède les moyens surÂnaÂtuÂrels qui sont proÂporÂtionÂnés à la fin surÂnaÂtuÂrelle de l’éÂduÂcaÂtion parfaite.
Les écoles cathoÂliques qu’elle a fonÂdées sont strucÂtuÂrées de telle sorte que les enseiÂgneÂments qui y sont déliÂvrés, les verÂtus qui y sont enseiÂgnées et praÂtiÂquées, les sacreÂments qui y sont admiÂnisÂtrés, rendent posÂsible le perÂfecÂtionÂneÂment de l’enÂfant dans toutes ses dimenÂsions (intelÂlecÂtuelle, phyÂsique, morale, civique). Certes les imperÂfecÂtions demeurent, tant chez les éduÂcaÂteurs que chez les enfants éduÂqués, parce que les défauts des uns et des autres sont le lot de la nature humaine blesÂsée. Mais chaÂcun sait qu’il doit tendre à la fin qui lui revient en la consiÂdéÂrant avec touÂjours plus d’attention.
Aux parents de ne pas choiÂsir une école qui sépaÂreÂrait l’insÂtrucÂtion de la finaÂliÂté ultime de leurs enfants, sous préÂtexte de consiÂdéÂraÂtions monÂdaines. Aux éduÂcaÂteurs et enseiÂgnants de se rapÂpeÂler la nature et la granÂdeur de la fin que leur actiÂviÂté perÂmet aux enfants d’atÂteindre. Aux enfants de découÂvrir avec le temps que la forÂmaÂtion qui leur est donÂnée est la condiÂtion du déveÂlopÂpeÂment de leur être et de la praÂtique de leur liberÂté qui n’est autre que l’acÂcomÂplisÂseÂment du bien objecÂtif qui les conduit à la fin ultime qui est Dieu.
Abbé Philippe Bourrat, Directeur de l’enÂseiÂgneÂment du District de France de la FSSPX