Note de la rédaction de La Porte Latine : il est bien entendu que les commentaires repris dans la presse extérieure à la FSSPX ne sont en aucun cas une quelconque adhésion à ce qui y est écrit par ailleurs. |
« Trahison », « révolution », « une attaque contre le mariage et la famille », « tremblement de terre » : vaticanistes et représentants de groupes pour la défense de la famille et de la vie ont employé des mots forts pour qualifier le document de mi-parcours publié lundi par les rapporteurs du synode extraordinaire sur la famille. Ceux qui jusque-là s’étaient efforcés, par prudence et loyauté filiale, de s’exprimer avec modération, ou plutôt discrétion, ont critiqué avec violence les propositions rassemblées dans la relatio post disceptationem (rapport après discussion). Il ne s’agit pas d’une réaction dialectique, mais d’une bienveillance bien comprise : c’est la vérité qui est attaquée, c’est l’enseignement de l’Eglise qui est travesti, c’est l’intelligence qui est insultée. Sans surprise, les associations catholiques les plus libérales exultent. Elles pensent tenir la victoire. Heureusement, on n’en est pas encore là. Mais comment a‑t-on pu en arriver au point où nous sommes déjà ?
Voilà des mois que c’était prévisible : depuis l’accueil enthousiaste par le pape François à l’intervention du cardinal Walter Kasper au dernier consistoire où il a prôné, au nom de la « miséricorde », un assouplissement de la « discipline » qui interdit aux « divorcés remariés » de s’approcher de la communion. Le pape saluait en ce cardinal allemand, fort de l’appui d’un nombre non négligeable de prélats d’outre-Rhin, un « théologien à genoux ». On pouvait certes croire que le pape pratiquait là une sorte de judo doctrinal : laisser venir, provoquer le dévoilement de la technique, pour mieux prendre à revers. Plût à Dieu qu’il en soit ainsi. Mais cela n’en prend pas le chemin.
Clairement marqué par les éléments les plus progressistes d’un synode qu’on donnait pourtant dominé à 80 % par les pères synodaux attachés à l’enseignement traditionnel de l’Eglise en matière de morale familiale, de sexualité et de doctrine du mariage, la relatio post disceptationem a pris tout le monde à revers. C’est d’autant plus marquant que la « liberté d’expression » mais aussi la « liberté d’organisation interne » laissée aux pères étaient, de par la volonté du pape, la règle de ce synode. Or c’est lui qui a désigné d’autorité, samedi, six rédacteurs supplémentaires du rapport. Ils sont tous réputés proches de lui. Disons le mot : c’est un hold-up.
Hold-up
Un hold-up imputable au pape ? On me reprochera sans doute la violence de l’expression. Mais le moment est venu où le silence devient coupable, en raison des répercussions d’un tel document sur les fidèles.
Soulignons d’abord, qu’à supposer que le pape François soit fondamentalement d’accord avec des changements présentés comme purement « pastoraux », il s’exprime sans l’autorité du Magistère. Son opinion vaut ce qu’elle vaut et il a suffisamment donnée l’exemple jusqu’ici d’une propension à parler de manière imprudente aux médias pour que même la Salle de Presse du Vatican se croie obligée de rectifier le tir. S’il est contestable, si des princes de l’Eglise sont contestables au regard de la doctrine certaine, il faut – c’est un devoir – les contester.
Nous savons – deuxième point – que la doctrine de l’Eglise ne peut pas changer, et qu’elle a la promesse de l’assistance du Saint-Esprit. Nous n’en sommes pas à un point de rupture, mais hélas l’année qui nous sépare de la deuxième partie du synode va forcément ouvrir l’Eglise à tous vents et c’est un drame (le cardinal Tagle n’a‑t-il pas dit, en souriant, à la fin de la présentation du rapport à la presse : « Le drame continue » ?). L’heure est donc à la prière et à la supplication, et à la confiance malgré tout – mais celle-ci n’empêchera pas les dégâts collatéraux.
C’est pourquoi, même quand il n’y aurait que des ambiguïtés, le devoir de contestation s’impose. Or il y en a beaucoup dans le rapport d’étape du synode, puisqu’il s’agit d’un patchwork d’interventions de la première semaine de débats et que de nombreuses expressions plus traditionnelles de la doctrine y figurent. Mais la dominante est claire.
Le synode des médias
Il faut tenir compte aussi de la manière dont les médias ont rendu compte de ce document : c’est leur interprétation qui dominera dans les esprits et c’est elle qui permettra d’aller même plus loin que ce que dit le rapport. Voyez cette dépêche de l’AFP, tombée lundi à 16 h 08 sous le titre « Le synode reconnaît des valeurs positives au mariage civil » et dont les premières lignes disent ce que les médias veulent comprendre et répandre : « Un premier résumé des travaux du synode des évêques sur la famille reconnaît lundi des valeurs positives au mariage civil et donne une appréciation plus bienveillante des unions de fait stables, y compris homosexuelles. »
Une association homosexualiste « catholique », New Ways Ministry, ne s’y est pas trompée et exploite l’événement avec enthousiasme. Son directeur exécutif, Francis DeBernardo, présent à Rome pour le « synode alternatif » des LGBT, a déclaré : « Je cois que nous sommes en train de voir ce que nous attendions depuis très longtemps : la glace se craquelé. C’est le signe d’un premier pas. » « Euphorique » à l’idée que l’Eglise puisse cesser d’utiliser la terminologie classique pour désigner le péché sexuel, comme l’ont proposé plusieurs pères synodaux, il a ajouté : « Je crois que le changement du langage provoque une réaction en chaîne : un changement du langage entraînera un changement de la pratique pastorale, ce qui provoquera un changement dans l’enseignement. »
Lui, au moins, n’a pas de fromage blanc à la place du cerveau…
La satisfaction des lobbies LGBT
D’autres leaders LGBT parlent en ce sens, ainsi que le rapporte Hilary White pour LifeSite. Elle ajoute que les cardinaux qui s’expriment ainsi, confortés par les mots du pape François, « Qui suis-je pour juger », ne vont certes pas jusqu’à justifier le « mariage » homosexuel : ils se contentent de trouver des qualités aux personnes homosexuelles, ou, comme l’affirme la relatio, à admirer les cas où le « soutien réciproque jusqu’au sacrifice » qui « constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires ». Mais cette manière de parler laisse poindre l’approbation du style de vie.
Peu nombreux, ces cardinaux et évêques connus pour avoir ce point de vue bénéficient aujourd’hui, par le jeu du synode, d’une visibilité médiatique et d’un poids au sein de l’Eglise qui ne correspond pas à la réalité. On est bien face à une opération d’agit-prop.
Quels sont ses objectifs ? Outre la question des homosexuels, c’est toute la rigueur de l’exigence chrétienne en matière de sexualité et de doctrine du mariage qui est sous le feu des attaques. Il ne faut pas s’en étonner : ces vérités sur l’homme et la femme sont aujourd’hui la cible principale des adversaires de l’Eglise. L’attaque s’exprime depuis des décennies dans une déconstruction sans précédent des fondements naturels de la société ; elle vise aujourd’hui la seule institution au monde qui, en ne cessant jamais d’affirmer la dimension spirituelle et sacramentelle du mariage, signe de la fidélité de l’amour divin et de son alliance avec l’homme, a toujours rappelé que l’indissolubilité et la fécondité du mariage naturel sont des conditions imprescriptibles pour le bien commun, le bien social, le bien naturel de l’homme.
Antiracisme
L’attaque se mène avec des mots qui ne trompent pas sur l’origine et les objectifs des destructeurs. « Accueil », « conditions existentielles », « perspective inclusive », « dialogue », « discrimination » » : c’est le registre de l’antiracisme qui aboutit au refus de toute distinction entre les hommes. Il s’exprime parfaitement dans les différentes constitutions, chartes des droits et lois pénales interdisant toute discrimination « à raison » de la race, de l’ethnie, de la nationalité, de la religion, du sexe et de l’orientation sexuelle. C’est au fond l’expression légale de ce que Benoît XVI a appelé la dictature du relativisme qui est une tyrannie empêchant l’affirmation claire de la distinction entre le bien et le mal.
La relatio post disceptationem n’en est pas là, mais son expression indique clairement la tendance et repose sur le même appel au sentiment, le même refus du raisonnement, la même globalité et le même globalisme qui voudrait empêcher tout discernement analytique à quelque niveau que ce soit. A moins que cette « analyse » n’aboutisse à la mise à l’écart de toute vérité tranchante présentée comme cause de « rejet » ou d’exclusion…
Quelques affirmations de la relatio post disceptationem méritent d’être relevées davantage dans le détail.
L’homme n’est-il plus lui-même ?
Au numéro 5, on nous parle d’emblée d’un « changement anthropologique » qu’on se garde bien de définir. Là est pourtant la clef de lecture du document. En bon français (et italien, langue d’origine du document), cela désigne un changement de l’homme lui-même, et non seulement un changement sociologique – celui-ci est d’ailleurs désigné comme un « changement culturel ». Si l’homme est modifié, c’est qu’il est autre : il ne pense plus, il n’agit plus de la même manière, il ne respecte plus les mêmes règles que jadis parce que sa nature est modifiée. Raison pour laquelle on ne pourrait plus exiger un même respect d’un « idéal » qui le dépasse désormais. Et ils osent suggérer qu’ils ne demandent que la prise en compte de la réalité concrète !
Reprenons : « Le changement anthropologique et culturel influence aujourd’hui tous les aspects de la vie et requiert une approche analytique et diversifiée, capable de percevoir les formes positives de la liberté individuelle. » Sans nier les aspects négatifs de cet individualisme, l’idée majeure que les rapporteurs veulent faire passer est bien qu’il faut partir d’une recherche du bien dans les situations intrinsèquement désordonnées. Est-ce pour attirer les personnes, qui s’y trouvent, à terme, et selon la « loi de la gradualité », vers le vrai bien du mariage et de la chasteté propre à chaque état de vie ? On voit mal de quelle manière, sans claire affirmation du vrai bien ni de la réalité et de la gravité du péché qui coupe de la grâce.
Si l’Eglise n’était qu’un club de bienfaisance où il importe de se sentir bien et d’ouvrir ses portes à chacun, ce langage aurait toute sa place. Mais l’Eglise est le Corps du Christ ; sur cette terre elle a pour objectif maternel d’amener chacun à la Rédemption en l’arrachant à l’éternelle damnation qui serait notre lot sans le sacrifice du Christ – et Il n’a pas prêché une morale de situation. Accueil des pécheurs ? L’Eglise est là pour ça et nous en sommes tous : mais elle ne nous présente pas un « idéal », mais le chemin, le seul, de la Vérité et de la Vie.
Où sont passés le ciel et l’enfer ?
On cherche en vain dans le rapport d’étape du synode, qui est censé exprimer l’enseignement catholique et déterminer comment amener les catholiques à y adhérer, une phrase sur les fins dernières de l’homme et la raison surnaturelle pour laquelle il importe, en définitive, chaque homme est appelé à suivre Jésus, Pasteur exemplaire qui a demandé à chacun de porter sa croix. Ses mots les plus durs ont été pour ceux qui « scandalisent » les petits en leur laissant croire que le mal peut être un bien, les entraînant ainsi au péché.
Alors, quand la relatio parle d’accueillir les personnes dans les situations « les plus disparates » (n° 11) pour encourager « le désir de Dieu et la volonté de se sentir pleinement partie intégrante de l’Eglise », on ne contestera certes pas l’importance pour chacun de trouver Dieu et le devoir de l’Eglise de l’y aider, mais cela ne peut pas être au prix d’une redéfinition de la miséricorde, comme si celle-ci pouvait contredire la vérité. C’est Dieu qui juge en toute justice, en tenant compte des faiblesses et du pardon demandé : mais on ne demande pas pardon pour un mal avec la ferme intention d’y demeurer.
Le n° 14 de la relatio est un monument de mauvaise foi.
« 14. Jésus Lui-même, en se référant au dessein premier sur le couple humain, réaffirme l’union indissoluble entre l’homme et la femme, tout en comprenant que « en raison de votre dureté de cœur (que) Moise vous a permis de répudier vos femmes ; mais dès l’origine, il n’en fut pas ainsi » (Mt 19,8). De cette manière, Il montre combien la condescendance divine accompagne toujours le chemin de l’homme, l’orientant vers son principe, non sans passer par la croix. »
Le Christ censuré
Comme si Jésus Lui-même, en disant cela, n’avait pas ajouté ces paroles de feu : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » De quel droit ont-ils escamoté ces mots essentiels ? Jésus ne parlait pas à un public plus réceptif que celui du XXIe siècle, pourtant… Pour l’analyse de ce passage du rapport, voyez le blog d’Yves Daoudal, c’est par .
C’est encore lui qui démonte la tromperie des n° 17 à 20 , qui prétend trouver des éléments positifs dans les cohabitations et les « remariages », non point des non chrétiens mais ceux des catholiques des « semini Verbi répandus hors des frontières sacramentelles ». Autant il est vrai que tout bien vient de Dieu, ce qui permet de discerner les éléments de vérité qu’il peut y avoir dans la religiosité naturelle ou dans le mariage de non chrétiens respectueux de ses fins naturelles, autant on est là dans l’affirmation qu’une situation objective de péché pourrait être un début de bien en soi, à faire évoluer vers une plénitude de bien. C’est la confusion entre les actes objectivement bons que chacun peut poser, et le cadre objectivement mauvais où il a choisi de se placer.
Demander à l’Eglise de « se tourner avec respect vers ceux qui participent à sa vie de manière incomplète et imparfaite, appréciant plus les valeurs positives qu’ils conservent que leurs limites et leurs manquements » (n°20) relève de la même confusion volontaire : confusion entre le respect pour les personnes et le jugement à apporter sur leur état de vie – jugement miséricordieux en ce qu’il entend dire que cet état est synonyme de mort spirituelle dont il est possible de sortir.
La valeur du concubinage
Le n° 22 propose de considérer la cohabitation stable, sanctionnée ou non par un mariage civil, « marquée par une affection profonde, par la responsabilité vis-à-vis des enfants, par une capacité à résister dans les épreuves », « comme un bourgeon à accompagner dans son développement vers le sacrement du mariage ». Confusion encore : bien sûr qu’il faut essayer les couples catholiques (et même les autres, appelés au même salut !) qui choisissent l’union de fait ou le mariage civil, à s’engager dans le mariage sacramentel. Bien des pasteurs soulignent d’ailleurs combien ces engagements gagnent à se faire après une période de continence pour marquer, précisément, la différence entre les deux états et la reconnaissance de ce que le mariage sacramentel représente. Mais en cherchant le « bien » dans les unions libres ou civiles on les désigne comme bonnes. Pour les parents chrétiens, quelle claque ! Doivent-ils désormais accompagner leurs enfants vers l’union libre parce que celle-ci est un « bourgeon » de mariage sacramentel ? Seront-ils « discriminants » s’ils osent souligner d’abord le mal et le danger de ces unions ? S’agit-il de démissionner collectivement au nom du « changement anthropologique » ?
Il faut le croire, puisque la relatio propose non que la mission obtienne la conversion des brebis égarées, mais que s’père une « conversion missionnaire », « requise ». En d’autres termes, que celui qui dit le bien renonce au mal qu’on n’hésite pas à pointer chez lui : « Il ne faut pas se limiter à une annonce purement théorique et détachée des problèmes réels des personnes. » C’est au n°28, qui poursuit : « Il ne faut jamais oublier que la crise de la foi a comporté une crise du mariage et de la famille et, par conséquent, la transmission de la foi des parents aux enfants a été souvent interrompue. »
La crise de la foi
Et pourquoi cela ? Parce que la foi n’a plus été enseignée. C’est bien parce que des hommes d’Eglise ont abandonné l’annonce systématique et argumentée de la vérité sur le mariage – que rien n’empêche d’être libératrice et enthousiasmante, justement parce que la vérité rend libre et que l’enthousiasme est étymologiquement une manifestation de la présence divine – que le mariage est en crise. Je me souviens, petite fille passant mes vacances aux Pays-Bas à la fin des années 1960, de la jubilation des grandes cousines : « On peut faire ce qu’on veut ! C’est le curé qui vient de nous le dire. » Cela concernait, je l’ai mieux compris plus tard, l’activité sexuelle hors mariage et la contraception.
Attardons-nous encore un instant sur le n° 28. Il se termine avec ces mots : « Lorsqu’elle est confrontée par une foi solide, l’imposition de certaines perspectives culturelles qui affaiblissent la famille et le mariage n’a pas d’importance. » Autrement dit une foi forte préserve des errances du temps, du « monde » dont nous ne sommes pas. Le plus urgent n’est-il donc pas d’enseigner la « foi forte », sans édulcorer son contenu, sans affadir son sel ?
Au n° 30, les rapporteurs s’offrent un petit détour par le dialogue interreligieux en expliquant que « beaucoup ont insisté sur une approche plus positive des richesses contenues dans les différentes expériences religieuses, sans passer sous silence les difficultés. Dans les différents contextes culturels, il faut d’abord saisir les possibilités, puis, à la lumière de celles-ci, repousser les limites et les radicalisations ».Et cela de la part de l’Eglise, qui a les paroles de la vie éternelle !
Le n° 36 revient sur « la réalité positive des mariages civils et, compte tenu de leurs différences, des concubinages » : voici le mariage sacramentel relégué au rang d’« idéal » auquel on peut aspirer ou duquel on se détache. Le n° 37 invite l’Eglise à « aller en aide » à ceux qui sont dans un concubinage « ad experimentum » (mariage à l’essai) ou dans un « mariage par étapes » à la mode africaine, en étant pour tous « la maison ouverte du Père ». On songe à la parabole de l’enfant prodigue : c’est en rompant avec sa vie dissolue et en reconnaissant sa faute, poussé par la misère qui s’avère pour lui miséricorde, qu’il revient au Père et y trouve la porte toujours ouverte.
Le n° 38 parle des difficultés matérielles pour se marier et de la peur des engagements définitifs, et des retards pris « non par rejet des valeurs chrétiennes relatives à la famille et au mariage, mais surtout du fait que se marier est un luxe ». Du prix de la fête au prix de la dot… Mais la réponse de l’Eglise doit-elle vraiment se centrer sur le fait que « dans ces unions aussi, on peut voir des valeurs familiales authentiques, ou du moins le désir de celles-ci » ? A force de « positiver », pourquoi s’inquiéter ? Pourquoi suggérer ensuite ce qui est considéré comme impossible d’emblée ?
Passons sur la simplification des procès de reconnaissance de nullité, cela mérite des développements à part.
Divorcés « remariés »
Le n° 46 parle des divorcés remariés (sans guillemets puisque le mariage civil a des aspects positifs…) : « Les situations des personnes divorcées remariées exigent aussi un discernement attentif et un accompagnement empreint de respect, évitant tout langage ou attitude qui les feraient sentir discriminées. Prendre soin de ces personnes ne représente pas pour la communauté chrétienne un affaiblissement de sa foi et de son témoignage de l’indissolubilité du mariage, au contraire, c’est par ces soins qu’elle exprime sa charité. » On goûtera le « au contraire » qui confond foi et charité. Bien sûr, l’Eglise doit apporter son secours – la communication de la grâce – à tous les hommes qui en ont besoin. Mais de cela il n’est pas question.
Le n° 47 est un autre monument :
« 47. Quant à la possibilité d’accéder aux sacrements de la Pénitence et de l’Eucharistie, certains ont argumenté en faveur de la discipline actuelle en vertu de son fondement théologique, d’autres se sont exprimés en faveur d’une plus grande ouverture à des conditions bien précises, quand il s’agit de situations qui ne peuvent pas être dissoutes sans entraîner de nouvelles injustices et souffrances. Pour certains, il faudrait que l’éventuel accès aux sacrements soit précédé d’un chemin pénitentiel – sous la responsabilité de l’évêque diocésain –, et avec un engagement évident en faveur des enfants. Il s’agirait d’une situation non généralisée, fruit d’un discernement réalisé au cas pas cas, suivant une règle de gradualité, qui tienne compte de la distinction entre état de péché, état de grâce et circonstances atténuantes. »
Du sac de Rome à celui du mariage
Voilà, c’est le point névralgique, le point de basculement recherché, tant il est vrai que le divorce est à la racine de toutes les autres destructions de la famille, de la filiation, de la société. On se demande en passant quel peut être cet « engagement évident en faveur des enfants ». Jamais on n’entend les partisans de cette communion accordée sans intention de sortir d’une situation objectivement et gravement désordonnée préciser de quels enfants il s’agit : ceux du « premier » mariage ? Ceux de la nouvelle union ? Et puis : y a‑t-il désormais des étapes entre l’état de péché et l’état de grâce où l’on pourrait se trouver un peu, en raison des « circonstances atténuantes » ?
Les derniers paragraphes concernent l’accueil des personnes homosexuelles ; il semblerait que le cardinal Peter Erdö, qui a présenté le rapport à la presse, en ait été marri, n’ayant semble-t-il pas pris la peine d’en prendre connaissance avant la présentation : il s’agirait de l’opinion du rédacteur très libéral, Mgr Bruno Forte. Après avoir plaidé pour l’accueil des personnes, ce qui n’a rien de scandaleux en soi, l’article 50 parle de ces homosexuels qui « souhaitent rencontrer une Eglise qui soit une maison accueillante ». « Nos communautés peuvent-elles l’être en acceptant et en évaluant leur orientation sexuelle, sans compromettre la doctrine catholique sur la famille et le mariage ? » Dans le contexte, on comprend mal le choix d’« évaluant » pour traduire le mot italien originel « valutando » : commet « évaluer » une orientation sexuelle ? « Apprécier » se comprendrait mieux, au sens de « valoriser ». Et là, cela se passe de commentaires…
Valoriser l’homosexualité
Mais le paragraphes qui a fait le plus plaisir aux médias est celui-ci, nonobstant le précédent qui évoque pour les dénoncer les « organismes internationaux » qui « soumettent les aides financières à la condition d’introduire des lois s’inspirant de la l’idéologie du gender » :
52. Sans nier les problématiques morales liées aux unions homosexuelles, on prend acte qu’il existe des cas où le soutien réciproque jusqu’au sacrifice constitue une aide précieuse pour la vie des partenaires. De plus, l’Église prête une attention spéciale aux enfants qui vivent avec des couples du même sexe, en insistant que les exigences et les droits des petits doivent toujours être au premier rang. »
On retombe dans les erreurs à propos des unions de fait en faisant abusivement la confusion entre des actes objectivement bons et le cadre où ils se réalisent. La presse y a vu une reconnaissance des unions homosexuelles, et eu égard à la lettre de ce n° 52, cela ne se justifie pas. Mais c’est bien d’impression qui domine. Alors qu’ailleurs, le document suggère que nos contemporains raisonnent de plus en plus avec leurs tripes, c’est elle qui reste ; on pouvait même le dire d’avance.
Debout !
Ce « tremblement de terre » à tous les étages aura du moins le mérite de réveiller les assoupis. Colère et interrogations ont semble-t-il accueilli le texte de la relatio – « Qu’est devenue la notion de péché ? », a demandé un évêque.
La doctrine de l’Eglise ne changera pas. Mais en attendant la voici exposée, attaquée, ridiculisée, au point que ceux qui la défendent passeront pour des Pharisiens. Où l’on comprend à quel point l’Eglise est la seule forteresse qui tienne debout face aux assauts de la culture de mort. Une forteresse d’un type un peu particulier, puisqu’elle est prête à offrir sa protection à tous les hommes de bonne volonté.
Source : Blog de Jeanne Smits du 14 octobre 2014