Si quelqu’un m’aime…

« Si quel­qu’un m’aime, il gar­de­ra ma parole, et mon Père l’ai­me­ra, et nous vien­drons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure. » (Jn 16, 23)

C’est cette pen­sée qui a déter­mi­né l’orientation de la vie spi­ri­tuelle de la Sœur Elisabeth de la Trinité. L’amitié se nour­rit du contact fré­quent avec un ami, et voi­ci que le Sauveur lui-​même vient nous dire qu’il est pré­sent d’une manière bien plus intime et assu­rée que toute pré­sence humaine.

Les théo­lo­giens se sont deman­dés en quoi consis­tait cette pré­sence. Il y a en effet une pré­sence de Dieu qui est com­mune à toutes les créa­tures : Dieu est par­tout parce qu’il est par­tout à l’œuvre pour main­te­nir dans l’être cha­cune de ses créa­tures, il agit par­tout parce qu’il est cause pre­mière de tout mou­ve­ment phy­sique, et il est par­tout comme celui qui sait tout, et sonde les reins et les cœurs.

Mais cette pré­sence divine concerne toutes les créa­tures, même inani­mées, et Jésus parle d’une pré­sence spé­ciale auprès de ceux qui l’aiment. Des théo­lo­giens ont pen­sé que la grâce sanc­ti­fiante suf­fi­sait à en rendre compte. Mais la grâce est un don de Dieu, elle n’est pas Dieu lui-même.

La meilleure expli­ca­tion pos­sible est de décrire cette pré­sence comme celle d’un objet de connais­sance et d’amour : connais­sance de foi, obs­cure, et amour de cha­ri­té, qui peut se déployer dans cette obs­cu­ri­té parce qu’elle est sûre de la pré­sence et de la fidé­li­té de l’ami.

Loin des yeux, loin du cœur, selon l’adage. Certes, mais pré­ci­sé­ment celui-​ci se loge dans notre cœur : inti­mior inti­mo meo, plus intime à moi que moi-​même. Seule notre négli­gence pour­ra refroi­dir cette amitié.

Sans pou­voir per­cer plus avant le mys­tère de l’inhabitation divine dans l’âme en état de grâce, il reste seule­ment à suivre le conseil d’Elisabeth de la Trinité : prendre sou­vent quelques ins­tants pour s’entretenir avec Dieu qui nous fait l’honneur de sa pré­sence. C’est ce qui a occu­pé toute la vie des saints contem­pla­tifs, avec que la mort vienne, comme dit saint Jean de la Croix, « rompre la toile de cette douce rencontre ».

Abbé Nicolas Cadiet