Sermon de Mgr Lefebvre – Diaconat – Sous-​Diaconat – Ordres mineurs – 4 avril 1981

Mes bien chers amis,

Vous qui dans quelques ins­tants allez rece­voir ces grâces par­ti­cu­lières pour les charges que vous allez avoir à accom­plir dans le sacre­ment de l’ordre. Ne croyez pas que parce que ces ordres sont appe­lés mineurs qu’ils n’aient pas une grande importance.

La digni­té, la noblesse de la grâce que vous allez rece­voir se mesurent à la digni­té de celui qui est l’objet de ce sacre­ment de l’ordre. Or qui est Celui au ser­vice duquel servent ceux qui reçoivent ces grâces du sacre­ment de l’ordre ? C’est bien Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même. Alors, il n’y a rien de petit ; il n’y a rien de mes­quin ; il n’y a rien d’insignifiant dans le ser­vice de Notre Seigneur. Et c’est pour­quoi même si ces ordi­na­tions peuvent appa­raître comme n’ayant pas une très grande impor­tance, ce serait bien mal les juger, que de dire qu’elles n’ont pas une grande noblesse et qu’elles n’exigent pas de vous une grande sainteté.

Vous savez bien que l’on a vou­lu aujourd’hui, mini­mi­ser ces ordres et même les sup­pri­mer, confier ces grâces, ces charges à des laïcs, à des per­sonnes qui ne se consacrent pas défi­ni­ti­ve­ment à Dieu. Mais cela n’est pas dans l’esprit de l’Église.

Comme le dit saint Thomas lorsqu’il parle des ordi­na­tions, lorsqu’il parle du sacre­ment de l’ordre et qu’il dit : En effet dans la pri­mi­tive Église, il n’y avait que les prêtres et les diacres, mais dans le dia­co­nat était déjà impli­ci­te­ment conte­nus les ordres que l’Église va expli­ci­ter dans les années qui vont venir.

Le sous-​diaconat et les ordres mineurs, étaient déjà conte­nus dans l’ordination du dia­co­nat et, parce que en ce temps, les ministres de l’Église n’étaient pas aus­si nom­breux qu’ils le furent dans l’âge pos­té­rieur, alors ce n’est que dans les années qui ont sui­vi ces années pri­mi­tives que l’Église a dési­gné ces ordres. Et nous savons que ces ordi­na­tions remontent presque aux temps apostoliques.

Et en effet, ces grâces que vous allez rece­voir, mes chers amis, ont une grande signi­fi­ca­tion. Comme le dit éga­le­ment saint Thomas d’une manière si sage et si lumi­neuse, trois des pre­miers ordres mineurs s’adressent par­ti­cu­liè­re­ment au Corps mys­tique de Notre Seigneur. Portiers, Lecteurs, Exorcistes, ont à pré­pa­rer les âmes à l’Eucharistie.

Le Portier par sa charge de garde du temple et par la charge qu’il a d’éloigner ceux qui ne veulent pas rece­voir l’Eucharistie et qui n’ont même pas d’aptitudes loin­taines à pou­voir rece­voir le sacre­ment de l’Eucharistie, doit gar­der le temple de Dieu pour ceux qui se des­tinent à rece­voir le sacre­ment de l’Eucharistie. Déjà depuis les caté­chu­mènes, ou toutes les âmes qui seraient dési­reuses de se pré­pa­rer à rece­voir le sacre­ment de l’Eucharistie et à par­ti­ci­per au Saint Sacrifice de la messe.

Le Lecteur, lui, a pour charge d’illuminer la foi, d’approfondir la foi de ceux qui veulent rece­voir le Sang et le Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ.

L’Exorciste, lui, aura pour charge par­ti­cu­lière d’éloigner le démon ; d’éloigner le démon non seule­ment des caté­chu­mènes, mais aus­si des fidèles. Et bien sûr cette charge qui a une signi­fi­ca­tion si grande, si pro­fonde, si réelle – et aujourd’hui nous le voyons – je dirai – avec une acui­té encore plus grande et plus tra­gique que jamais. Le démon est partout.

Que d’âmes viennent à nous, pour deman­der d’être déli­vrées des influences du diable. Plus que jamais, le, diable est tout-​puissant, semble-​t-​il. Alors le rôle de ces Exorcistes, s’il est cer­tai­ne­ment de chas­ser les démons des corps de ceux qui sont pos­sé­dés, est aus­si bien sûr pour éloi­gner le démon de toutes les âmes et de toutes les influences dia­bo­liques des âmes des fidèles, afin qu’elles soient vrai­ment prêtes à rece­voir, dans des dis­po­si­tions vrai­ment favo­rables le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il est évident que si les Exorcistes ont cette charge de chas­ser les démons – comme le disent si bien les textes que vous allez entendre dans quelques ins­tants – ces magni­fiques textes de l’Église. Ils demandent aux Exorcistes de réflé­chir à cette sain­te­té qu’ils doivent avoir. Car s’ils veulent chas­ser les démons, il faut d’abord qu’ils aient éloi­gné les démons d’eux-mêmes et que leur âme soit plei­ne­ment sou­mise à Dieu, plei­ne­ment sou­mise à l’Esprit Saint.

Quant aux Acolytes, ils ont déjà une digni­té plus grande. La grâce par­ti­cu­lière qui leur est don­née est déjà une grâce qui a trait à l’Eucharistie elle-​même. C’est encore saint Thomas qui nous le dit. Les quatre pre­miers ordres s’adressent d’une manière par­ti­cu­lière à Notre Seigneur. Les ordres sacrés, parce que le sacer­doce, le Diaconat, le Sous-​Diaconat touchent les choses sacrées.

Le sacer­doce, évi­dem­ment, la chose sacrée par elle-​même : O nihil amplius divi­nus. Il n’y a rien de plus divin que cette chose qui est l’objet du sacre­ment de l’ordre, du sacre­ment de l’Eucharistie : Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même. Le prêtre pro­nonce les paroles de la consé­cra­tion et touche le Corps de Notre Seigneur et le donne aux âmes.

Le Diacre, lui, peut déjà s’approcher du sacre­ment, de telle manière qu’aussi il touche le Corps de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Il en a le pouvoir.

Le Sous-​Diacre, lui, aura soin par­ti­cu­liè­re­ment des vases sacrés, des vases qui ont été consacrés.

Et par consé­quent, ces trois ordres sont majeurs parce qu’ils s’adressent et reçoivent des pou­voirs sur les choses qui sont consa­crées. Ils doivent avoir un degré de pure­té plus grand encore que pour les autres ordres.

Et l’Acolyte, lui aus­si, a pour fonc­tion de pré­pa­rer ce qui va être la matière du sacre­ment : l’eau et le vin qui vont être trans­for­més dans le Sang de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Par consé­quent lui aus­si a pour fonc­tion quelque chose qui touche déjà indi­rec­te­ment le Saint Sacrifice de la messe et la sainte Eucharistie.

Et c’est pour­quoi cette fonc­tion est aus­si très impor­tante, très digne et très noble. Et ce sont les paroles mêmes qui sont pro­non­cées à l’occasion de la remise des burettes aux Acolytes qui font allu­sion déjà, au Sacrifice du Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Alors, mes chers amis, loin de croire que ces céré­mo­nies sont des ves­tiges du pas­sé, (que l’) on vous don­ne­rait ces ordres mineurs pour rap­pe­ler des sou­ve­nirs anciens, des céré­mo­nies qui ont été faites par l’Église autre­fois, mais qui n’ont plus de signi­fi­ca­tion aujourd’hui, quelle erreur, quelle erreur pro­fonde ! Que ce ne soit pas là vos pen­sées. Mais que vous appro­fon­dis­siez vrai­ment le sens de ces céré­mo­nies que vous allez rece­voir et qui sont si belles, si grandes, en par­ti­cu­lier pour l’acolytat.

Ces orai­sons qui montrent la digni­té de l’Acolyte par­ti­cu­liè­re­ment, fai­sant allu­sion à la lumière aus­si, à la lumière qu’ils portent ; à la lumière dont ils doivent entou­rer le Saint Sacrifice de la messe.

Et pré­ci­sé­ment aujourd’hui. Notre Seigneur dit Lui-​même : Ego sum lux mun­di (Jn 8,12) : « Je suis la lumière du monde ». Et dans les paroles que l’évêque va pro­non­cer dans quelques ins­tants, il vous demande d’être la splen­deur, la splen­deur de la lumière, de la lumière de Dieu.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Et aujourd’hui encore, dans les leçons que nous lisons au bré­viaire, nous voyons que Moïse des­cen­dait du Sinaï : Facies cor­nu­ta, dit l’Écriture. Il avait des rayons qui sor­taient de son front ; il ne s’en aper­ce­vait pas lui-​même, mais ceux qui le voyaient, voyaient la lumière, la splen­deur de la phy­sio­no­mie, du visage de Moïse, parce qu’il s’était appro­ché de Dieu et il por­tait les tables de la Loi.

Qu’est-ce que cela veut dire ?Précisément, cette splen­deur de Dieu lui venait de ces lois qu’il por­tait et dont lui avait par­lé le Bon Dieu.

Or, si le Temple du Seigneur dans l’Ancien Testament, était si beau, si splen­dide, sim­ple­ment pour le Tabernacle qui por­tait les pierres sur les­quelles étaient ins­crites les lois, quelle dif­fé­rence avec notre taber­nacle. Notre taber­nacle porte la Loi vivante ; enferme la Loi vivante. Ce ne sont plus des tables de pierre, c’est la Loi vivante.

Alors si le visage de Moïse avait une splen­deur extra­or­di­naire, parce qu’il s’était appro­ché de Dieu et qu’il avait sim­ple­ment reçu les tables de la Loi, quel ne doit pas être notre visage à nous qui nous appro­chons de Notre Seigneur Lui-​même, de la Loi vivante, du Verbe de Dieu, qui est la Loi de Dieu ? D’ailleurs, c’est bien ce que nous disons lorsque nous réci­tons les prières de Prime : Que la splen­deur de Dieu soit avec nous : Et sit splen­dor Domini Dei nos­tri super nos, et ope­ra manuum nos­tra­rum dirige super nos.

Qu’est-ce que cela veut dire, sinon que cette splen­deur de Dieu qui nous est don­née, doit se réflé­chir dans nos actes. Et pré­ci­sé­ment c’est la Lumière de notre vie ; c’est l’application des com­man­de­ments de Dieu : appli­quer les com­man­de­ments de Dieu ; vivre la Loi de Dieu. C’est vivre de la cha­ri­té, vivre de la per­fec­tion, vivre de la sain­te­té, de la jus­tice et par consé­quent appli­quer les com­man­de­ments de Dieu. Voilà ce que doit être aus­si la lumière des Acolytes. Et cette belle orai­son nous le dit. Que la splen­deur de Dieu soit sur vous afin que vous accom­plis­siez la jus­tice, la véri­té et la sainteté.

Voilà ce que nous allons deman­der, mes chers amis, en cette céré­mo­nie. Nous allons prier pour vous. Et tous vos amis qui sont ici pré­sents, vos confrères vont prier pour vous, afin que vous rece­viez ces grâces en abon­dance. C’est déjà la grâce du sacre­ment de l’ordre que vous recevez.

Et il me semble qu’il est bien légi­time que dans le sémi­naire, à mesure que les sémi­na­ristes reçoivent les ordres, reçoivent ces grâces extra­or­di­naires du sacre­ment de l’ordre ; les appro­chant de l’autel tou­jours un peu plus ; de cet autel où Notre Seigneur veut bien des­cendre au milieu de nous ; eh bien que ces grâces sanc­ti­fient le sémi­naire. Et que chaque fois que les ordi­na­tions sont confé­rées, il devrait y avoir dans les sémi­naires, tou­jours plus, la pré­sence du Saint-​Esprit. Cette pré­sence de Notre Seigneur, cette pré­sence de l’Esprit de Notre Seigneur dans le sémi­naire et donc une atmo­sphère de sain­te­té, de jus­tice, de véri­té – comme le disent les paroles du Pontifical – règne tou­jours davan­tage dans le sémi­naire. Qu’ainsi cette splen­deur de la Vérité de Dieu, rayonne dans votre mai­son, dans cette mai­son qui vous est si chère et dont vous conser­ve­rez le sou­ve­nir tout au cours de votre vie.

Ceux qui reviennent ici, qui ont la joie de reve­nir dans le sémi­naire où ils ont été for­mé prêtre, ont été consa­cré prêtre, sont heu­reux de reve­nir dans cette mai­son où ils ont reçu tant de grâces.

Alors, remer­cions Dieu, ren­dons grâces à Dieu de toutes ces béné­dic­tions qui vous sont don­nées et qui vont vous être don­nées dans quelques instants.

Demandons à la Mère de Jésus, Mère du Prêtre éter­nel, qu’elle vous apprenne à tou­jours mieux appro­fon­dir, mieux com­prendre, mieux esti­mer les grâces du sacerdoce.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.