Sermon de Mgr Lefebvre – Epiphanie – 9 janvier 1977

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

L’Église a cou­tume de fêter les mis­sion­naires au mois d’octobre, sans doute parce que ce mois est celui du départ des mis­sion­naires dans des régions très éloi­gnées ; des régions qui connaissent encore peu l’Évangile. Cependant la fête de l’Épiphanie est vrai­ment la fête de la Mission.

Pourquoi la fête de la mis­sion ? Parce que c’est en ce jour que par un des­sein secret de la Providence, Notre Seigneur s’est mani­fes­té au monde. Il rem­plis­sait ain­si sa mis­sion essen­tielle, de se mani­fes­ter au monde. Jusqu’alors, seul le peuple d’Israël, choi­si par Dieu pour don­ner l’Enfant-Dieu, avait eu seul la grâce de la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Mais désor­mais, les fron­tières d’Israël s’étendront jusqu’aux confins du monde. C’est le nou­vel Israël : l’Église.

Jésus ain­si se mani­feste à ces Rois Mages, mais d’une manière tout à fait par­ti­cu­lière, d’une manière qui pour vous, mes chers amis, est un grand ensei­gne­ment. Sans doute pour toute âme chré­tienne, mais le che­mi­ne­ment que la Providence a choi­si pour que ces per­sonnes éloi­gnées, ces âmes très éloi­gnées de Notre Seigneur Jésus-​Christ viennent à Lui, est tout à fait ins­truc­tif et signi­fi­ca­tif. En effet, dans nos vies, si nous sommes appe­lé par Dieu, si nous avons une voca­tion, par­ti­cu­liè­re­ment une voca­tion de consa­crés à Dieu, alors l’étoile res­semble à cette grâce, cette grâce très dis­crète, mais très sûre, qui nous appelle. C’est un pre­mier appel. Nos âmes sont alors tou­chées par la lumière de Notre Seigneur. Oh, lumière encore bien faible, de cette petite étoile qui gui­de­ra les Mages. Et les Mages eux aus­si, sont per­sua­dés que cette petite lumière qui leur appa­raît, cette petite lumière de l’étoile est un signe, un signe certain.

Ils ne se seraient sûre­ment pas mis en route pour faire un long voyage s’ils n’avaient été cer­tains, que cette lumière qui leur appa­rais­sait était le signe de la nais­sance du Sauveur. Et qu’ont-ils fait ? Sont-​ils allés direc­te­ment à Bethléem ? Eh non, ils se sont diri­gés vers l’Église d’alors. Vers ceux qui étaient man­da­tés offi­ciel­le­ment par Dieu, pour leur indi­quer où se trou­vait le Sauveur.

Et c’est ain­si qu’ils se sont ren­dus à Jérusalem, auprès des Princes des prêtres. Auprès des pre­miers prêtres qui, loin de vou­loir eux aus­si suivre l’étoile, avaient au contraire, dans leur cœur, des des­seins per­fides, des des­seins per­vers, de sup­pri­mer le Sauveur, de Le pour­suivre dès sa naissance.

Oui, avec quelle per­fi­die Hérode dit aux Mages, d’une manière très secrète d’ailleurs – il les appelle en secret – et leur dit : « Prenez bien soin de voir où se trouve cet enfant et lorsque vous l’aurez trou­vé, lorsque vous sau­rez où il se trouve, faites-​moi pré­ve­nir, afin que moi aus­si, je puisse aller l’adorer. »

Est-​il pos­sible de men­tir et de contre­dire ce qu’il a dans sa pen­sée, de cette manière, lui qui n’a d’autre inten­tion que de le faire périr et qui bien­tôt – dans quelques jours – enver­ra tous les sol­dats pour tuer tous les enfants de moins de deux ans, afin d’être bien per­sua­dé que Notre Seigneur est tué Lui aus­si. Et que le Sauveur aura disparu.

Mais cepen­dant, c’est à l’Église que cette étoile les conduit. C’est aux Princes des prêtres, car ce sont eux qui ont les Écritures et ce sont eux qui leur disent : « Cet enfant doit naître à Bethléem ».

Ainsi nous devons tou­jours nous adres­ser à l’Église quels que soient les hommes d’Église. Car ils pos­sèdent les Écritures, ils pos­sèdent l’interprétation des Écritures. Et, par consé­quent, en cela ils nous donnent la Vérité.

Mais leur cœur est par­fois rem­pli d’idées mau­vaises et per­verses. Et ain­si, c’est par l’Église aus­si, mes chers amis, que vous avez été appe­lés, que vous avez été diri­gés dans votre voca­tion et vous allez de nou­veau suivre cette étoile. Et cette étoile vous amè­ne­ra au sémi­naire et un jour, nous l’espérons, au sacerdoce.

Et là, vous trou­ve­rez Notre Seigneur Jésus-​Christ. Vous avez déjà trou­vé Notre Seigneur Jésus-​Christ. Mais vous le trou­ve­rez encore plus. Pourquoi cher­cher Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Pour mani­fes­ter votre foi en sa divinité.

C’est ce qu’ont fait les Rois Mages. Ils ont mani­fes­té leur foi en la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ par les pré­sents qu’ils ont appor­tés. Les pré­sents qui signi­fient la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et ils L’ont ado­ré : Et ado­ra­ve­runt eum. Ils ont ado­ré Celui qui est notre Sauveur.

Tout est là, dans l’histoire du salut de nos âmes : ado­rer, croire à la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ainsi, de même que Notre Seigneur ren­dait témoi­gnage de la très Sainte Trinité et de ce plan divin abso­lu­ment extra­or­di­naire, de ces inten­tions divines, de rache­ter les hommes par l’Incarnation.

De même que Jésus se révé­lait aux Rois Mages, les Rois Mages, eux aus­si, par leur foi, par cette mani­fes­ta­tion, allaient com­men­cer, eux aus­si, à révé­ler Notre Seigneur Jésus-​Christ au monde.

Et il ne fait pas de doute, que ces Rois Mages, ren­trés chez eux, ont prê­ché Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et voyez avec quelle sagesse, l’Église aujourd’hui, réunit les trois miracles, comme dit l’Antienne des secondes vêpres :

Tribus mira­cu­lis orna­tum sanc­tum diem hodie colimus.

Nous avons la joie aujourd’hui de fêter ensemble trois miracles. Le pre­mier miracle, c’est celui de l’Étoile qui conduit les Mages vers Notre Seigneur Jésus-Christ.

Le second miracle, c’est le bap­tême de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Le troi­sième miracle, c’est l’eau chan­gée en vin aux noces de Cana.

Pourquoi cette jonc­tion par l’Église de ces trois miracles ? Mais pré­ci­sé­ment ; parce que le rôle de celui qui doit mani­fes­ter sa foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ, s’accomplira par ces miracles à l’exemple de celui des Mages : par le bap­tême. Après avoir mani­fes­té d’une manière publique, offi­cielle, la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ et c’est ce que vous faites actuel­le­ment, mes chers amis, mes bien chers frères, ici, dans cette cha­pelle, par cette litur­gie, par votre assis­tance au Saint Sacrifice de la messe, vous mani­fes­tez votre foi en la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, en sa royau­té. Vous la mani­fes­tez. Et vous êtes mis­sion­naire, par le fait même, parce que vous êtes témoin. Les gens qui vous voient venir prier ; les gens qui vous voient venir ado­rer Notre Seigneur Jésus-​Christ, ceux-​là reçoivent de vous, un témoignage.

Et vous devez tou­jours témoi­gner de la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. N’oublions pas que le pre­mier témoi­gnage c’est l’adoration, pré­ci­sé­ment. C’est être mis­sion­naire que de mani­fes­ter par l’adoration, dans la sainte Liturgie, notre foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est notre pre­mier et essen­tiel témoi­gnage, avant celui de par­cou­rir le monde pour aller prê­cher Notre Seigneur Jésus-Christ.

Cependant, il fau­dra bap­ti­ser : Allez, ensei­gnez toutes les nations, baptisez-​les au nom du Père, du Fils et du Saint-​Esprit. Baptisez-​les. Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même a vou­lu être bap­ti­sé et Il a mani­fes­té la pré­sence de la très Sainte Trinité, car l’Esprit Saint s’est mani­fes­té sous l’aspect d’une colombe. Et Dieu le Père a par­lé pour dire : « Voici mon Fils. Voici Celui en qui j’ai mis toutes mes complaisances ».

Manifestation de la Sainte Trinité par le bap­tême. Manifestation de l’Esprit Saint par le bap­tême. Ainsi donc, soyez per­sua­dés que lorsque vous bap­ti­se­rez, lorsque vous ferez cou­ler l’eau sur le front de ces enfants que vous bap­ti­se­rez, ce sera vrai­ment le Saint-​Esprit et toute la Trinité Sainte que vous don­ne­rez à ces enfants pour la rédemp­tion de leurs péchés.

Baptême et aus­si béné­dic­tion et sanc­ti­fi­ca­tion du mariage. Pourquoi rap­pro­cher de ce miracle – celui de l’Épiphanie et du bap­tême de Notre Seigneur – celui des noces de Cana ?

Il est très impor­tant de pen­ser que Notre Seigneur Jésus-​Christ a vou­lu – et cer­tai­ne­ment ce n’est pas sans une volon­té très expli­cite de sa part – a vou­lu que le pre­mier miracle fut accom­pli au moment d’un mariage. Et l’Église a tou­jours consi­dé­ré cette pré­sence de Notre Seigneur aux noces de Cana, comme la sanc­ti­fi­ca­tion du mariage et la mani­fes­ta­tion de l’institution du sacre­ment de mariage.

Et s’il y a dans la Sainte Église, un sacre­ment qui est impor­tant et qui a son impor­tance capi­tale, c’est bien le sacre­ment de mariage.

Nous devrons, mes chers amis, prê­cher sur la sanc­ti­fi­ca­tion du mariage, mani­fes­ter cette inten­tion de Notre Seigneur, d’avoir vou­lu sanc­ti­fier le mariage. Et sanc­ti­fier comment ?

Voyez avec quelle déli­ca­tesse Notre Seigneur indique toutes ses pen­sées, en chan­geant l’eau en vin. Notre Seigneur a vou­lu cer­tai­ne­ment mani­fes­ter aus­si l’annonce de la Sainte Eucharistie. L’annonce du Saint Sacrifice de la messe, l’annonce de la trans­sub­stan­tia­tion. Mais quelle trans­sub­stan­tia­tion ! Bien plus par­faite, bien plus divine, bien plus extra­or­di­naire du pain qui se change en le Corps de Notre Seigneur et du vin qui se change en le Sang de Notre Seigneur, que de celui de l’eau en vin.

Mais cepen­dant c’est là un signe aus­si par lequel Notre Seigneur a vou­lu mon­trer que la sanc­ti­fi­ca­tion du mariage se fera par la Sainte Eucharistie, par la dévo­tion qu’auront les gens qui sont mariés, unis par le sacre­ment de mariage, au Saint Sacrifice de la messe et à la Sainte Eucharistie. C’est là qu’ils pui­se­ront les grâces pour accom­plir le mariage tel que le Bon Dieu l’a vou­lu, par­ti­cu­liè­re­ment pour l’éducation de leurs enfants. Et s’il y a quelque chose aujourd’hui qui est pénible pour les parents catho­liques, c’est de res­sen­tir que bien sou­vent, l’éducation chré­tienne de leurs enfants, leur échappe à cause des scan­dales de ce monde. Parce que ceux qui devraient pro­té­ger la famille, ceux qui devraient aider les parents à édu­quer leurs enfants chré­tien­ne­ment, ceux-​là, au contraire, sont ceux qui les scan­da­lisent, ceux qui les amènent au péché, ceux qui les détournent de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Que de dou­leurs, que de drames dans les familles aujourd’hui. Que de lettres nous rece­vons de parents éplo­rés, sup­pliant que le sémi­naire prie pour leurs enfants, pour un fils, pour une fille, com­plè­te­ment détour­nés de Dieu, ayant aban­don­né toute pra­tique reli­gieuse, vivant d’une façon immo­rale. Et des familles chré­tiennes, pro­fon­dé­ment chré­tiennes, pro­fon­dé­ment catholiques.

Ces grâces de l’éducation chré­tienne des enfants, vien­dront avant tout de cette dévo­tion que les parents chré­tiens doivent avoir pour la Sainte Eucharistie. C’est là que leurs enfants pui­se­ront les grâces dont ils ont besoin pour résis­ter à tous les scan­dales du monde.

Voyez comme cette fête de l’Épiphanie, c’est toute la mis­sion du prêtre qui est décrite : mis­sion de témoi­gnage, mis­sion d’union à l’Église, de témoi­gnage de la Vérité, de la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ : mis­sion pour bap­ti­ser, comme Notre Seigneur l’a deman­dé ; mis­sion pour sanc­ti­fier par le Saint Sacrifice de la messe et l’Eucharistie ; le sacre­ment de mariage. C’est tout un programme.

Eh bien, deman­dons aujourd’hui, mes chers amis, d’avoir un grand esprit mis­sion­naire et de faire en sorte que cette pré­pa­ra­tion qui vous est don­née ici, vous pré­pare vrai­ment, à faire de vous des apôtres, des apôtres qui mani­fes­te­ront tou­jours leur foi dans la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ et sau­ront que c’est dans cette mani­fes­ta­tion qu’ils trou­ve­ront les grâces néces­saires pour sanc­ti­fier les âmes vers les­quelles ils seront envoyés.

Et nous n’oublierons pas, que de même que la Sainte Vierge était pré­sente lorsque les Mages ont ado­ré Notre Seigneur, elle était pré­sente aus­si aux noces de Cana. Et c’est même sur sa demande que la trans­sub­stan­tia­tion de l’eau a été faite pour le vin. Et donc, d’une cer­taine manière, on peut dire aus­si que c’est sur la demande de la très Sainte Vierge qu’a été sanc­ti­fié le mariage et que le mariage a été en quelque sorte uni au Saint Sacrifice de la messe et à la Sainte Eucharistie.

Nous deman­de­rons à la très Sainte Vierge Marie, de nous éclai­rer sur ces admi­rables des­seins, cette admi­rable sagesse de Dieu, afin d’être tou­jours davan­tage missionnaires.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.