Sermon de Mgr Lefebvre – Jeudi-​Saint – Messe chrismale ‑12 avril 1979

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Cette jour­née du Jeudi Saint est par­ti­cu­liè­re­ment chère à nos cœurs de prêtres. Et c’est l’Église elle-​même qui nous invite à médi­ter aujourd’hui par­ti­cu­liè­re­ment sur l’unité du prêtre avec Notre Seigneur Jésus-​Christ : l’union du prêtre et de Notre Seigneur.

Notre Seigneur aurait pu se pas­ser de prêtres. Il aurait pu éven­tuel­le­ment se ser­vir des anges pour nous don­ner ses grâces. Mais telle ne fut pas sa volon­té. Il a vou­lu se ser­vir des hommes. Et l’oraison de la messe d’aujourd’hui nous l’indique d’une manière très pré­cise : « Ô Dieu qui avez vou­lu vous ser­vir du minis­tère des prêtres » : minis­te­rio ute­ris sacer­do­tum.

Dieu a vou­lu se ser­vir du minis­tère des prêtres pour que le peuple fidèle croisse en mérite et en nombre : et meri­tis et numé­ro (…) augea­tur. Voilà pour­quoi Dieu a vou­lu se ser­vir du minis­tère des prêtres.

Et pour­quoi Notre Seigneur a‑t-​il vou­lu ins­ti­tuer le sacer­doce ; don­ner la grâce du sacer­doce en ce jour qui pré­cé­da sa Passion et sa mort ? Parce que Notre Seigneur a vou­lu que ce soit dans son Sacrifice, dans sa Passion, dans son immo­la­tion, que le prêtre trouve sa rai­son d’être. Car c’est là que s’est réa­li­sé, d’une manière toute par­ti­cu­lière, d’une manière essen­tielle, le sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Notre Seigneur a réa­li­sé son acte sacer­do­tal le plus impor­tant, dans son obla­tion, et son immo­la­tion sur la Croix.

Et c’est pour­quoi, avant d’être immo­lé, Notre Seigneur a vou­lu que les prêtres par­ti­cipent à cette grâce toute par­ti­cu­lière de son sacerdoce.

Quelle est cette grâce par laquelle Notre Seigneur a été oint ? a été consa­cré prêtre ? Cette grâce de l’union hypo­sta­tique, de l’union de sa nature divine et de sa nature humaine. Sa nature humaine a été en quelque sorte comme toute imbi­bée par l’huile que repré­sente la divi­ni­té, la nature divine.

Et c’est de cette grâce d’union, de cette grâce toute par­ti­cu­lière, toute spé­ciale à Notre Seigneur Jésus-​Christ, c’est à cette grâce que le prêtre par­ti­cipe. Parce que Notre Seigneur a été fait prêtre par cette grâce d’union et, nous aus­si, par­ti­ci­pant au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ, nous par­ti­ci­pons éga­le­ment à cette grâce d’union.

Quelle gran­deur, quelle digni­té que celle du prêtre ! Comme nous devrions médi­ter sou­vent, mes bien chers amis, sur la grâce que le Bon Dieu nous a faite. Et si Notre Seigneur a vou­lu se ser­vir de nous comme ins­tru­ment. Il a vou­lu que nous soyons des ins­tru­ments intel­li­gents, des ins­tru­ments conscients de cette grâce qui passe à tra­vers nous.

Ô certes nous ne sommes que des ins­tru­ments, de pauvres ins­tru­ments et, pré­ci­sé­ment, dans la mesure où nous sommes vrai­ment de bons ins­tru­ments pour Notre Seigneur, alors la grâce fruc­ti­fie­ra dans les âmes. Dans la mesure, au contraire, où nous ne sommes pas de bons ministres, nous ne sommes pas de bons moyens par les­quels Notre Seigneur veut faire pas­ser la grâce dans le cœur des fidèles ; alors nous serons un obs­tacle à la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et c’est ce qui explique à la fois, toute la digni­té du prêtre et la néces­si­té pour le prêtre d’avoir une sain­te­té plus grande, plus pro­fonde que celle des fidèles.

Et c’est pour­quoi, Notre Seigneur demande aus­si aux prêtres et Il le demande, peut-​être non pas par une exi­gence abso­lue, mais par une conve­nance telle, que dans l’Église latine, tou­jours, le prêtre a été céli­ba­taire ; le prêtre a gar­dé sa vir­gi­ni­té. À cause pré­ci­sé­ment de cette union intime du prêtre avec Notre Seigneur, cette confi­gu­ra­tion, que le prêtre reçoit par son carac­tère sacer­do­tal, à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Cette union du prêtre qui fait que le prêtre agit dans la Personne du Christ : in Persona Christi, que le prêtre devient l’instrument du Christ pour les Choses saintes, pour les choses divines, pour les choses de Dieu, demande que le prêtre aus­si soit tout entier aux choses de Dieu.

Pro homi­ni­bus consti­tui­tur in iis, quæ sunt ad Deum, ut offe­rat dona, et sacri­fic­ca pro pec­ca­tis (He 5,1). C’est saint Paul qui nous le dit dans l’Épître aux Hébreux : « Le prêtre a été choi­si d’entre les hommes pour être consti­tué pour les choses qui sont à Dieu » : In iis quæ sunt ad Deum. Voilà la rai­son d’être à la fois de nos pri­vi­lèges et à la fois des exi­gences de notre sainteté.

Et l’Église, non seule­ment aujourd’hui nous rap­pelle que nous sommes choi­sis et que Dieu veut se ser­vir des prêtres comme ins­tru­ment, mais dans sa misé­ri­corde, Notre Seigneur a vou­lu éga­le­ment se choi­sir des élé­ments de la nature ; des élé­ments maté­riels qui ont été créés sans doute dans ce but, pour être un jour employés à être aus­si les ins­tru­ments de la grâce de Notre Seigneur. Chose extra­or­di­naire, ces pauvres élé­ments maté­riels, incons­cients, pour­ront ser­vir pour trans­mettre la vie divine aux âmes. Et c’est le cas de l’eau du bap­tême ; c’est le cas en par­ti­cu­lier du pain et du vin qui vont être trans­for­més com­plè­te­ment, pour deve­nir le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et c’est le cas de ces saintes Huiles, qu’aujourd’hui nous allons consa­crer pour qu’elles deviennent elles aus­si, des ins­tru­ments de la grâce de Notre Seigneur.

Vous médi­te­rez, vous lirez avec dévo­tion, avec atten­tion, ces prières magni­fiques de l’Église pour la consé­cra­tion des saintes Huiles.

Oui, Notre Seigneur a vou­lu que les prêtres se servent de ces ins­tru­ments maté­riels. Et c’est pour­quoi nous devons avoir une grande véné­ra­tion, une grande dévo­tion pour ces saintes Huiles, qui donnent aux âmes une grâce par­ti­cu­lière, dans le bap­tême, dans la confir­ma­tion, dans l’ordre, dans l’extrême-onction. Que de grâces sont don­nées par ces saintes Huiles qui servent aus­si à consa­crer les temples de Dieu ; à consa­crer les vases sacrés ; à consa­crer les pierres d’autel.

Comme le Bon Dieu a bien fait toutes choses ! Et comme nous devons remer­cier le Bon Dieu de ces choses sen­sibles, de ces choses maté­rielles pour signi­fier sa grâce. Nous avons besoin de cela. Nous ne sommes pas seule­ment des âmes, nous sommes aus­si des corps et nous avons besoin de voir ; nous avons besoin de véné­rer les choses que le Bon Dieu a faites. Et par l’intermédiaire de ces choses maté­rielles, nous éle­ver aux choses spi­ri­tuelles et com­prendre que le Bon Dieu a vou­lu se ser­vir de ses créa­tures, eh bien, pour nous éle­ver, éle­ver ces créa­tures et nous éle­ver nous-​mêmes, jusque dans l’intimité de la divi­ni­té de la très Sainte Trinité.

Voilà ce que nous médi­te­rons dans quelques ins­tants au cours de ces béné­dic­tions des saintes Huiles qui vont avoir lieu et qui ont lieu pré­ci­sé­ment aujourd’hui le Jeudi Saint, c’est l’Église elle-​même qui a choi­si ce jour, pour bien mon­trer que toutes les grâces qui nous sont don­nées, nous viennent de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; nous viennent de son Sacrifice ; nous viennent de sa Passion ; nous viennent de son Sang. Quelle grande leçon !

Demandons à la très Sainte Vierge Marie qui a si bien com­pris tous ces grands mys­tères de Notre Seigneur, demandons-​lui de nous don­ner une grande dévo­tion envers notre sacer­doce, une grande dévo­tion envers tous les actes que Notre Seigneur nous demande de faire pour sanc­ti­fier les fidèles et les des­ti­ner à la vie éternelle.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.